L’industrie du disque veut un Cosip pour la musique

En fait. Le 17 mai, le Snep a présenté l’état du marché français de la musique enregistrée pour le premier trimestre 2011 (ventes en gros) : – 5,2 % sur un an,
à 121,8 millions d’euros, dont 26,3 millions de revenus numériques. Parmi les priorités : obtenir une aide à la production musicale.

En clair. Alors que la mission Chamfort-Colling-Thonon-Selles- Riester – chargée
depuis le 8 avril par Frédéric Mitterrand de réfléchir au « financement de la diversité musicale à l’ère numérique » – doit rendre ses conclusions mi-juin, le Snep (1) prône
une « intervention d’une politique d’aide à la création », afin de favoriser les productions
de nouveautés francophones. La musique souhaite que les pouvoirs publics s’inspirent des systèmes d’aides au cinéma. « Le Cosip est un modèle intéressant », a répondu David El Sayegh, le directeur général du Snep, à une question de Edition Multimédi@.
Le Compte de soutien à l’industrie des programmes cinématographiques et audiovisuels (Cosip), créé en 2007 par la loi « Télévision du futur », permet aux producteurs de films d’être aidés via le CNC (2). Les chaînes de télévision (Canal+ en tête), les opérateurs télécoms et les FAI y contribuent pour plus de 550 millions d’euros par an, au travers d’un prélèvement de 0,5 % à 4,5 % sur leur chiffre d’affaires. C’est la taxe sur les opérateurs télécoms qui, dans le dispositif du Cosip, intéresse le Snep et ses 48 membres – parmi lesquels les majors du disque (Universal Music, Sony Music, EMI ou encore Warner Music). La Sacem, elle, parle de « rémunération compensa-
toire ». Autre dispositif suggéré par le Snep : le principe du« droit de tirage » automatique comme dans l’industrie du cinéma, qui permettrait aux producteurs de musique de financer – sans attendre les éventuelles aides – des nouveautés musicales et/ou de nouveaux talents. « S’il n’y avait pas d’aide à la création, le nombre de nouveautés [musicales francophones] produites ne sera que de 383 en 2016, contre 632 en 2010 [et 1593 en 2002]. Avec une politique d’aide, ce nombre atteindrait 1050 nouveautés, la filière retrouvant un cercle vertueux », explique David El Sayegh.
Cette baisse se retrouve dans les coût fixes de la production de nouveautés en France : 183 millions d’euros en 2010, contre le double l’année précédente. L’aide à la filière musicale passe aussi, selon le Snep, par une meilleure monétisation des plateformes de musique en ligne – enregistrant pourtant des millions de visites – et un partage de
la valeur. « Les services exclusivement financés par la publicité ne relèvent pas d’un modèle pérenne pour la filière. L’avenir, c’est le payant. Pour le freemium [gratuit et payant, ndlr], il faut voir où l’on met le curseur », affirme le DG du Snep, qui se réjouit d’ailleurs de la baisse de la pratique du peer-to-peer (3) depuis les envois des e-mails de l’Hadopi. @

Eutelsat : nouveau FAI « concurrent » venu du ciel

En fait. Le 31 mai, Eutelsat et sa filiale Skylogic lancent – sur leur satellite européen multifaisceaux Ka-Sat – Tooway, un service d’accès haut débit proposé à des tarifs comparables à ceux des accès ADSL ou fibre optique. Débits offerts : jusqu’à
10 Mbits/s en réception et 4 Mbits/s en émission.

En clair. Selon nos informations, les distributeurs de Tooway en France sont SFR, Numeo, Sat2Way, Connexion Verte et Alsatis. L’abonnement haut débit par satellite débutera autour de 30 euros par mois pour 6 Mbits/s en réception et 1 Mbit/s en envoi, pour atteindre 100 euros par mois, selon les débits pouvant aller jusqu’à 10 Mbits/s en réception et 4 Mbits/s en émission (avec des niveaux de volumes de téléchargement autorisés). Une antenne parabolique et un modem suffisent pour qu’un ordinateur ait un accès haut débit, avec bouquets de télévision et téléphonie sur IP. Le marché français
de l’Internet haut débit s’enrichit ainsi d’un nouveau fournisseur d’accès à Internet (FAI) national – en fait d’envergure européenne – venu du ciel. Doté d’une capacité totale de
70 Gbits/s, le nouveau satellite Ka-Sat d’Eutelsat – mis sur orbite en décembre 2010 – entre en service le 31 mai. Présenté comme « le plus puissant au monde » (1) des satellites de télécommunications, Ka-Sat vise les particuliers, les PME et les collectivités locales sur l’ensemble du territoire. Grâce à ce satellite nouvelle génération, le service Tooway – déjà existant sur le satellite Hot Bird 6 d’Eutelsat seulement 3,6 Mbits/s en téléchargement – passe à 10 Mbits/s et peut connecter jusqu’à 750.000 foyers dans l’Hexagone. Les Orange, SFR, Bouygues Telecom,
Free ou encore Numericable doivent-ils pour autant craindre que ce triple play venu du ciel ne leur tombe sur la tête ? Autrement dit : Eutelsat devient-il un FAI concurrent ? Bien que le groupe satellitaire français s’en défende, en mettant en avant sa
« complémentarité » avec les FAI et les autres opérateurs télécoms sur les zones
« grises et blanches », la question se pose. D’autant qu’Eutelsat prépare d’ores et déjà le très haut débit avec son futur satellite baptisé Megasat. S’il voit le jour d’ici 2016 grâce au grand emprunt, Tooway passerait ainsi à 50 Mbits/s en téléchargement !
« Nous ne sommes pas concurrents mais complémentaires des FAI, et nous souhaitons même être distribué par les opérateurs télécoms eux-mêmes », a expliqué Yves Blanc, directeur des Affaires institutionnelles et internationales d’Eutelsat, à Edition Multimédi@. Comme en Allemagne (avec le distributeur Sat Internet), en Grande-Bretagne (avec Avonline) ou en Finlande (avec TeliaSonera), Tooway permet de desservir les zones rurales ou montagneuses, mais aussi périurbaines. Si les 400.000 foyers français non éligibles à l’ADSL (2) sont prioritaires, rien n’empêche les autres consommateurs de faire jouer la concurrence… @

e-G8 et e-Europe : Internet devient une affaire d’Etats

En fait. Les 24 et 25 mai, la France a organisé à Paris – la veille du G8 à Deauville
– le forum « e-G8 » consacré à Internet – pour lequel Nicolas Sarkozy veut
« des règles du droit » et « de la morale ». La Commission européenne, elle,
a lancé le 24 mai sa stratégie sur les droits d’auteur à l’heure du Net.

En clair. Quarante ans après l’invention d’Internet, selon une gouvernance sans but lucratif ni emprise des Etats, les huit pays les plus riches de la planète (1) réunis au sein du G8 et les vingt-sept Etats membres de l’Union européenne – « associée » à ce G8 – lancent une OPA (hostile ?) sur le Net. Deux Français se sont fait les porte-parole de cette volonté politique de reprise en main du réseau des réseaux. L’un, Nicolas Sarkozy, président de la République française, est l’initiateur du e-G8 au cours duquel
il a mis en garde les Eric Schmidt (Google), Mark Zuckerberg (Facebook) et autres Jeffrey Bezos (Amazon) : « Il s’agissait aussi pour les États (…) de signifier que l’univers que vous représentez n’est pas un univers parallèle, affranchi des règles du droit, affranchi de la morale. (…) Ne laissez pas la révolution que vous avez lancée véhiculer le mal, sans entrave ni retenue (…) Personne ne doit pouvoir être impunément exproprié (…) de sa propriété intellectuelle ». L’autre, Michel Barnier, commissaire européen chargé du Marché intérieur, est l’initiateur de la proposition communautaire en matière de droits de propriété intellectuelle DPI) sur Internet : aux 320 millions d’internautes des Vingt-sept, il explique qu’« il est essentiel d’assurer le niveau approprié de protection des DPI dans le marché unique ». Si le premier, Nicolas Sarkozy, est à l’origine de la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet (Hadopi) créée en 2009, le second, Michel Barnier, est le maître d’oeuvre de l’Observatoire européen de la contrefaçon et du piratage – créé en 2009 également (EM@ 35, p. 3) – qui est « renforcé » et rattaché à l’OHMI (2).
Le chef de l’Etat français est de son côté l’artisan de la « réponse graduée », qui conjugue « radars » sur le Net et développement de l’offre légale en ligne. Le membre de la Commission européenne va pour sa part proposer au printemps 2012 une révision de la directive sur le respect des DPI – avec notamment la « coopération » anti-piratage des FAI (lire p. 8 et 9) – après une consultation publique au second semestre 2011 sur la distribution en lignes des œuvres audiovisuelles. Pour l’un, il s’agit de « civiliser Internet » (EM@ 34, p. 5). Pour l’autre, il est question d’« établir un juste équilibre ». @

Jean-Marc Tassetto, Google : « La taxe sur la publicité en ligne va freiner la croissance des PME »

DG de Google France, Jean-Marc Tassetto fustige la « taxe Google », explique sa surprise d’être encore accusé de contrefaçon par des éditeurs, assure que Google TV et Google Music respecteront les ayants droits, et précise la portée de l’Institut européen de la Culture. Il évoque aussi Panda et Google Wallet…

Propos recueillis par Charles de Laubier

Edition Multimédi@ : Google France a profité du Festival de Cannes pour lancer Media Ads. Quand Media Ads sera proposé à d’autres annonceurs que les producteurs de films ?
Jean-Marc Tassetto :
Le Festival de Cannes constituait
en effet une bonne opportunité pour présenter ce nouveau format publicitaire auprès des producteurs et des distributeurs de films en France. Cinq nouveaux films ont ainsi utilisé Media Ads pour leur promotion (1). Ce format permet de mettre en avant leur contenu au moyen de bandes-annonces ou d’extraits de films diffusés en haute définition lorsqu’un internaute clique sur l’annonce. Il s’agit actuellement d’un test bêta pour les annonceurs du cinéma. Lorsqu’un internaute effectuera une recherche liée à un film promu avec Media Ads, il trouvera une vidéo qu’il pourra lire sans quitter pour autant sa page de résultats. Nous attendons de voir les performances du format en France pour envisager de le proposer à d’autres annonceurs pour lesquels le format serait également pertinent. L’idée est clairement d’élargir la palette des outils publicitaires en ligne que Google propose aux différents annonceurs, mais aussi d’enrichir les réponses aux requêtes des utilisateurs. Notre souci constant est d’améliorer et d’innover sur nos formats publicitaires.

Ephéméride

27 mai
• Le G8 à Deauville énonce des « principes » concernant Internet, dont « le respect de la vie privée et de la propriété intellectuelle ».

26 mai
• Google teste aux Etats-Unis son portefeuille mobile sans contact Google Wallet, avant son lancement cet été.
• France Télécom et Canal+ renoncent à fusionner Orange Ciné Max et TPS Star pour créer Orange Ciné Star, selon « La Tribune ».
• LeMonde.fr et YouTube remettent les prix « Planète Reporter ».
• Le Spiil (presse indépendante en ligne) s’associe à la déclaration de Berlin sur l’avenir de la presse numérique (Berlindeclaration.eu).
La SACD « rappelle à la Commission européenne son devoir de (…) lutter contre (…) certains champions de la délocalisation fiscales ».
• Sony publie ses résultats annuels clos le 31 mars : perte nette de 2,3 milliards d’euros pour 62,5 milliards de chiffre d’affaires.
• Lagardère cède les 49 % qu’il détenait dans Presstalis.
• L’Assemblée nationale publie un rapport sur les jeux d’argent en ligne et les sites illégaux, et font 15 propositions législatives.