Le CSA a reçu le 4 janvier le projet de rachat de RTL en France par M6, qui veut devenir « multimédia »

La chaîne M6 fête ses 30 ans cette année, alors que sa maison mère Métropole Télévision ne veut plus – contrairement à ce qu’indique son nom – se cantonner à de la télévision. Son président Nicolas de Tavernost veut constituer un « groupe multimédia » en intégrant RTL et en se renforçant sur le Net.

Selon nos informations, le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) a reçu le 4 janvier dernier la notification du projet d’acquisition par le groupe M6 de la filiale française RTL Radio détenue actuellement à 100 % par
le groupe luxembourgeois RTL Group (filiale de l’allemand Bertelsmann). Ce dernier est en outre l’actionnaire de référence de Métropole Télévision (M6, W9, 6Ter, Paris Première) à hauteur de 48,26 % de son capital.

Pub, Net, synergies et cross-média
Si le CSA donnait son feu vert à cette intégration verticale, cette opération marquerait un tournant historique pour la maison mère de l’ex-« petite chaîne qui monte, qui
monte ! ». L’année 2017 sera alors une année de métamorphose sans précédent
pour Métropole Télévision (alias le groupe M6) que l’on serait tenté de rebaptiser
« Métropole Multimédia », tant la volonté de son président Nicolas de Tavernost (photo) d’en faire un groupe multimédia n’a jamais été aussi forte. « Nous devrions devenir pleinement un groupe multimédia », a-t-il encore déclaré début janvier (1), après que son groupe ait annoncé mi-décembre vouloir acquérir les radios de RTL en France (RTL, RTL2, Fun Radio) et leurs déclinaisons numériques (RTLnet), ainsi que leurs régies publicitaires (IP France et IP Régions). RTL Radio a réalisé 168 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2015 pour 14,3 millions de marge brute d’exploitation.
Cette acquisition serait une aubaine pour le groupe de télévision, dont la chaîne historique M6 marque le pas. A 30 ans, la « petite chaîne qui monte »… ne monte
plus vraiment (lire page 4), bien qu’elle soit la seule chaîne historique à afficher une audience en croissance l’an dernier. Nicolas de Tavernost espère néanmoins la maintenir cette année à 10% de part d’audience, contre 10,2 % en 2016 et 9,9 % en 2015. Plurimédia et multimédia, le nouveau groupe M6 ne sera plus cantonné à la télévision et à la production audiovisuelle mais diversifié dans la radio et sur Internet. L’ensemble M6- RTL pèse à ce stade un chiffre d’affaire total de près de 1,5 milliard d’euros de chiffre d’affaires. Le rachat de RTL en France, qui devrait aboutir d’ici l’été prochain, permettrait au nouvel ensemble « Métropole Multimédia » d’instaurer des synergies publicitaires et numériques entre les activités télévision et radio – tout en développant le cross-média en France entre le premier groupe de radio privé et le deuxième groupe privé de télévision. Il s’agira notamment d’opérer, explique le groupe de Nicolas de Tavernost, un « renforcement des activités et services digitaux, car la croissance rapide de la consommation des deux médias en format numérique non linéaire exige une forte capacité d’innovation et d’investissement, qui sera plus performante avec l’action coordonnée des différentes équipes ». Le digital est au
cœur de cette intégration verticale, comme le justifie Guillaume de Posch et Anke Schäferkordt, les deux dirigeants de RTL Group : « Notre souhait de réorganiser nos activités de télévision et de radio françaises en une seule entité est avant tout suscité par notre objectif de devenir plus concurrentiels dans un univers médiatique de plus en plus numérique ». Dans le cadre de la transaction portant sur 216 millions d’euros, un accord de licence de marque sera signé entre les groupes luxembourgeois et français, afin que ce dernier puisse utiliser la marque RTL.

Pour la première radio de France (en alternance avec NRJ), l’année sera également marquée non seulement pas l’anniversaire de ses 50 ans mais aussi par son déménagement prévu fin 2017, de ses locaux historiques des Champs-Elysées vers Neuilly-sur-Seine. Cette croissance externe, bien que menée avec la même maison mère RTL Group, est aussi une façon de se démarquer de son premier concurrent et numéro un de la télévision, TF1, qui n’est pas diversifié dans la radio contrairement aux groupes SFR (avec NextRadioTV) et NRJ. Le groupe M6-RTL prévoit en outre des
« innovations dans les contenus, dont l’information (…), mais aussi les divertissements et la musique ». C’est dans cet esprit que Nicolas de Tavernost a annoncé début janvier que le groupe M6 allait créer un studio baptisé Golden Network et dédié à la création de chaînes pour Internet, notamment sur YouTube à l’image de Golden Moustache, ainsi qu’à la production de séries pour les opérateurs du Net et de la SVOD.

Des chaînes YouTube et des MCN
Une autre entité, M6 Digital Studio, existe depuis 2014 pour fédérer les chaînes Golden Moustache, MinuteFacile, Rosecarpet, CoverGarden et No Pain No Game, tout en développant des MCN (Multi Channel Network). Rappelons que Antoine de Tavernost, fils de son père Nicolas, s’est impliqué dans des événements consacrés aux Youtubers (2). De son côté, Christopher Baldelli, le patron de RTL Radio, n’exclut pas de lancer des webradios (3). @

Charles de Laubier

Information et publicité : comment la presse se retrouve court-circuitée par les réseaux sociaux

La presse n’en finit pas d’être submergée par le tsunami numérique. Non seulement les réseaux sociaux prennent le relais dans l’accès à l’information, mais en plus ils rattrapent les journaux en termes de dépenses publicitaires. Facebook, Twitter ou Snapchat se font de plus en plus « médias sociaux ».

La presse imprimée se fait toujours plus cannibaliser par les sites web. Les habitudes de consommation de l’information ne cessent de donner la part belle à Internet.
Selon une étude de Médiamétrie, 38 % de la population en France déclarent accéder
à l’information en passant par les pages d’actualité sur Internet (à partir de portails web), les pure players de l’information en ligne (Slate, Mediapart, Huffington Post, Rue89, …) et/ou les réseaux sociaux (Facebook, Twitter, YouTube, Google, Instagram, LinkedIn, … ).

La « délinéarisation » de l’info
Mais cette proportion de la population informée en ligne en dehors des médias traditionnels et de la presse online atteint 77 % dans la catégorie des 18-24 ans.
La jeune génération est suivie par les catégories socioprofessionnelles à hauteur de
49 %. Les réseaux sociaux sont plébiscités dans l’accès à l’information par 17 % des personnes interrogées, et même par 63 % des 18-24 ans qui les utilisent pour s’informer presque autant que les chaînes d’information en continu. Facebook est le premier à être utilisé comme média, cité par 83 % des utilisateurs de réseaux sociaux, suivi de Twitter pour 35 % d’entre eux et de YouTube pour 32 %.
Les journaux imprimés souffrent de cette « délinéarisation » de l’information, par analogie avec la délinéarisation des chaînes de télévision. Les réseaux sociaux offrent un accès à un « fil d’information » ou timline mis à jour en temps réel qui permet une
« personnalisation » de l’actualité en fonction des centres d’intérêt et préférences de l’internaute, voire les recommandations des membres de sa communauté connectée ou des algorithmes de suggestion du réseau social lui-même. L’information à la demande est à la presse traditionnelle avec sa pagination ce que le programme à la demande (replay) est à la chaîne de télévision avec sa grille. Si l’on revient à l’étude plurimédias « Actu24/7 » de Médiamétrie, plus de la moitié de ceux qui consultent les réseaux sociaux apprécient la capacité de ces dernier à proposer des contenus « personna-
lisés », centralisés et laissés au libre choix de l’utilisateur en fonction de ce qui l’intéresse. Les adeptes des réseaux sociaux s’informent d’abord, pour 84 % d’entre eux, en lisant les articles partagés par ses amis, mais sans que l’on sache quelle proportion de sujets proviennent réellement de la presse traditionnelle. Et ils sont plus de la moitié (51 %) à s’informer sur les réseaux sociaux en allant sur la page d’un média traditionnel.
La multiplication des partenariats presse-réseaux sociaux – Facebook Instant Articles, Facebook Live, Snapchat Discover, etc (1) (*) (**) – participe de cet échange. A contrario,
ils sont près de la moitié (49 %) à ne pas aller sur les sites de la presse classique.
Mais il y a un bémol à cet engouement pour les réseaux sociaux informationnels : leur note de satisfaction reste encore faible par rapport à celle de la radio, de la presse quotidienne nationale ou encore des chaînes d’information en continu. Les Facebook, Twitter et autres Google pêchent encore par manque d’analyses, de mise en perspective et de recul. Il n’empêche. Les réseaux sociaux, au déploiement fulgurant depuis quelques années seulement, prennent de l’ampleur et capitalisent sur leur immédiateté et instantanéité dans l’accès à l’actualité que l’on peut partager aussitôt avec son entourage. La société française Visibrain l’a bien compris, plateforme de
veille des médias en ligne créée en 2011, qui vient de lancer « Expresso News » pour recevoir par e-mail « le Top 10 des articles de presse les plus partagés sur les réseaux sociaux » (Twitter et Facebook).
Si la crédibilité de la presse traditionnelle, voire « institutionnelle », a été quelque peu mise à mal pour n’avoir pas vu venir tant aux Etats-Unis l’élection de Donald Trump comme président du pays qu’en France l’élection de François Fillon comme candidat de la droite, Internet en général et les réseaux sociaux en particulier ne sont pas exempts de critiques. En effet, rumeurs non fondées et fausses informations – même si les médias traditionnels peuvent aussi en être victimes – circulent sur Internet.

Zuckerberg : ombudsman du Net ?
Aux Etats-Unis, les réseaux sociaux ont été montrés du doigt (Twitter, Facebook, Google, …) et soupçonnés d’avoir « contribué à la victoire du républicain Donald
Trump ». Au point que le PDG fondateur de Facebook, Mark Zuckerberg, a dû promettre mi-novembre de faire la chasse aux fausses informations ou hoaxes (canulars) – quitte à donner l’impression de s’autoproclamer grand régulateur du Net, ombudsman et conseil de presse en ligne. « Nous sommes persuadés qu’il faut donner la parole aux gens. [Mais] nous ne voulons pas être des arbitres de la vérité nous-mêmes », a-t-il admis sur son blog le 13 novembre dernier (2) face aux craintes de censures dans un pays où la liberté d’expression est consacrée par le premier amendement de la Constitution américaine. Et le patron du numéro un des réseaux sociaux (suivi par 78,5 millions d’« amis » sur son propre compte) de se faire encore plus prudent : « Je pense que Facebook pourrait faire beaucoup de choses pour lutter contre les fausses informations, et je pense que c’est quelque chose sur lequel tout le monde pourrait s’entendre. Mais s’il essaie de s’attaquer aux sites ayant des motivations idéologiques, il va inévitablement se trouver pris dans les guerres de culture ».

Facebook et Google : publivores
Cela n’empêche pas le réseau social de commencer à demander à ses utilisateurs
de dénoncer les titres d’articles trompeurs. Aux Etats-Unis, certains souhaitent que Facebook soit considéré comme une entreprise de médias – responsable pénalement comme un éditeur de presse l’est en cas d’infraction – et non pas comme une plateforme numérique neutre, faisant référence à son statut d’hébergeur à responsabilité limitée. Facebook a été accusé avant l’été dernier de faire des choix éditoriaux au détriment des Républicains conservateurs américains. Le groupe de
Mark Zuckerberg avait démenti.
Quoi qu’il en soit, selon lui, plus de 99 % de ce que les internautes voient sur Facebook est vrai ; seulement une toute petite partie relève de fausses informations et de hoaxes. Au lendemain de l’élection présidentielle américaine, il avait qualifié d’« assez dingue » l’idée que la publication massive de fausses informations sur Facebook ait pu favoriser la victoire de Donald Trump. Certaines d’entre elles affirmaient par exemple que
« Hillary Clinton appellerait à la guerre civile si Trump était élu », ou que « le Pape François soutient Donald Trump » !
Quoi qu’il en soit, le 15 novembre, Facebook et Google ont décidé de couper les revenus publicitaires des faux sites web d’information. Les régies publicitaires du moteur de recherche et du réseau social, en position dominante sur leur marché respectif, détiennent les plus grandes parts de marché de la publicité sur Internet.
« Nous allons commencer à interdire les publicités de Google sur les contenus trompeurs, de la même manière que nous interdisons les publicités mensongères.
(…) A l’avenir nous allons restreindre les publicités sur les pages qui dénaturent ou masquent les informations sur l’éditeur, ses contenus ou le but premier du propriétaire du site », a indiqué le géant du Net dirigé par Sundar Pichai. De son côté, Facebook va aller aussi dans ce sens : « Nous n’intégrons pas ou ne montrons pas de publicités dans des applications ou des sites dont le contenu est illégal, trompeur ou mensonger, ce qui inclut les fausses informations. (…) C’était jusqu’à présent sous-entendu, mais nous avons mis à jour notre politique pour clairement exprimer que cela concerne les fausses nouvelles ».
Au delà de la bataille de l’information entre presse traditionnelle et réseaux sociaux,
sur fond de crédibilité de l’information, la publicité en ligne est elle aussi un autre terrain d’affrontement et de cannibalisation entre les deux mondes médiatiques. Les dépenses publicitaires sur les réseaux sociaux devraient dépasser pour la première fois celles de la presse en 2020. Pour l’heure, au niveau mondial, la publicité sur les réseaux sociaux publivores devrait peser en 2016 quelque 29 milliards de dollars – soit 16 % des investissements publicitaires globaux. Mais selon l’agence média Zenith Optimedia du groupe Publicis, les réseaux sociaux devraient s’arroger 20 % de ce marché en 2019 en dépassant la barre des 50 milliards de dollars – à 50,2 milliards précisément.
La publicité dans les journaux, qui affichera cette annéelà les 50,7 milliards de dollars, est ainsi rattrapée par le tsunami numérique, avant d’être coiffée au poteau l’année suivante. Parallèlement, la publicité vidéo en ligne dépassera à cette même échéance la publicité à la radio. Facebook, Twitter et consorts profitent de la généralisation des smarphones qui consacrent le social mobile et le m-video. « Les publicités des médias sociaux s’intègrent instantanément dans les fils d’actualité et sont bien plus efficaces que les publicités interruptives sous forme de bannière, en particulier sur les appareils mobiles », explique Zenith Optimedia.

La presse perd de la pub
La presse écrite est le média qui accuse la plus sévère baisse des recettes publicitaires, comme l’illustrent les chiffres de l’Institut de recherches et d’études publicitaires (Irep) sur les trois premiers trimestres de l’année 2016 en France :
– 6,6 % sur un an à 1,4 milliard d’euros (quotidiens nationaux et régionaux, ainsi que hebdomadaires régionaux, magazines et presse gratuite). La croissance des revenus publicitaires numériques des journaux, menacés par ailleurs par les ad-blockers et le refus préalable des cookies (3), ne compense pas la chute de la publicité commerciale imprimées et des petites annonces. @

Charles de Laubier

En voulant devenir « le premier GAFA européen », SFR veut lui aussi tirer partie de la data et de la pub

Michel Combes veut faire croire que l’opérateur télécoms SFR, dont il est le PDG, va devenir « le premier GAFA européen » ! « Un peu ambitieux », concède-t-il. Mais en investissant dans les contenus, il se donne les moyens d’accéder aux données de ses millions de clients monétisables par la publicité.

« L’alternative pour les opérateurs télécoms est simple : se cantonner au rôle de fournisseur de tuyaux dans lequel on essaie de nous inciter à rester, ou bien dépasser ce rôle originel pour être pourvoyeurs de services nous mêmes et en quelque sorte devenir “les nouveaux GAFA” du monde qui s’ouvre afin de renouer avec
la croissance. C’est le dilemme stratégique », a exposé Michel Combes (photo), président du groupe SFR, lors du colloque organisé le 31 mai par NPA Conseil sur le thème de « Vers le meilleur des deux mondes ».

SFR va importer en France les pratiques de publicités ciblées de Cablevision, câbloopérateur américain que
vient de racheter sa maison mère Altice.

Triptyque télécoms-médias-publicité
« Nous avons donc décidé de donner le coup d’envoi en France à une convergence entre les télécoms et les médias ou les services numériques, en positionnant clairement le nouveau groupe SFR comme le premier GAFA européen. C’est peut-être un peu ambitieux… », a-t-il poursuivi. La filiale télécoms d’Altice, holding du milliardaire Patrick Drahi, tente ainsi de mettre en place un triangle vertueux, en se positionnant sur trois ingrédients qu’elle estime essentiels : l’accès (le métier de base de SFR, fixe ou mobile totalement convergents), les contenus et services numériques (pour se différencier), la publicité, dont celle ciblée, en regroupant les régies (télévision, presse et digitale). « Il s’agit de construire dans les mois à venir un distributeur de contenus, mais surtout un acteur télécoms-médias-publicité », a-t-il résumé. En se positionnant résolument comme un GAFA, l’opérateur télécoms SFR est décidé à essayer de se battre à armes égales avec Google, Apple, Facebook, Amazon et les autres acteurs du numérique. Le nerf de la guerre réside dans le Big Data que la publicité en ligne permet de monétiser. « Quand Verizon achète AOL [en mai 2015 pour 4,4 milliards de dollars, ndlr] ou s’intéresse à Yahoo comme AT&T, c’est pour aller chercher de nouvelles compétences – notamment dans le domaine de la publicité ciblée, avec ce vieux rêve qu’un jour les opérateurs télécoms devraient rerentrer sur le marché de la publicité digitale », a justifié Michel Combes. Selon cet ingénieur X-Télécom (Polytechnique et Ecole nationale supérieure des télécommunications), « il n’y a pas de fatalité à ce que ce marché reste exclusivement aux mains des acteurs du numériques, alors même que les opérateurs télécoms concentrent entre leurs mains les portefeuilles de clients très importants, des audiences immenses qu’ils n’ont pas su jusqu’à présent monétiser ». Le groupe SFR compte 17 millions d’abonnés mobile et 6,3 millions dans le fixe. Mais de l’aveu même de Michel Combes, les données qu’ils représentent restent sous-exploitées. « Pour un opérateur télécoms, c’est difficile d’avoir accès à ces données car ses clients n’en voient pas la finalité ni l’intérêt. Alors que lorsque vous êtes un acteur de contenus, ils vont vous les donner. Donc, le fait d’être dans le contenu nous donne accès aussi aux data. (…) Nous avons besoin de la data individuelle du client », a-t-il indiqué. A ce propos, il se dit convaincu que « seuls des modèles d’opt-in fonctionneront à terme, c’est-à-dire que nous ne pourrons pas – et c’est peut-être un bien – utiliser les données des clients sans sa décision de nous donner accès à ses données ».

Une autre raison d’entrer dans le contenu est que cela donne à l’opérateur télécoms l’accès à un inventaire de publicités, c’est-à-dire aux espaces publicitaires disponibles sur les différents médias en ligne (sites web, applications mobile ou réseaux sociaux). SFR, dont la maison mère Altice finalise d’ici fin juin le rachat du câblo-opérateur américain Cablevision pour 17,8 milliards de dollars, compte importer en France les pratiques de publicités ciblées d’outre- Atlantique. « Les câblo-opérateurs aux Etats-Unis ont historiquement eu accès à une partie de l’inventaire publicitaire des programmes audiovisuels qu’ils distribuent. Une partie de leurs recettes n’est pas liée
à l’accès mais à la publicité. Ces opérateurs de télédistribution ont ainsi réfléchi à des modèles économiques un peu nouveaux pour mieux monétiser leurs audiences. Cablevision a lancé des activités de publicités ciblées, individualisées, sur l’écran
de télévision », a constaté le patron de SFR. Ainsi, aux Etats-Unis, le broadcast
se retrouve avec des schémas assez similaires à ceux de l’Internet : meilleure monétisation des publicités, avec la complétude des réseaux, la géolocalisation et
la capacité de comprendre les usages des téléspectateurs.

Accéder à l’inventaire publicitaire « Nous souhaitons amener ces briques technologiques en France, où nous n’avons pas accès à cet inventaire de publicité. C’est une des raisons de rentrer dans le contenu, car cela nous donne en fait un inventaire publicitaire ». En regroupant les régies publicitaires de la télévision (BFM TV, BFM Business, News24, …), de la presse (Libération, L’Express, …) et du digital (sites web, applis mobile, …), SFR veut tenir tête au GAFA en étant « GAFA » lui-même. @

Charles de Laubier

Pour Twitter France, ça va déménager en 2016…

En fait. Le 30 novembre, Damien Viel passait son grand oral devant l’Association des journalistes médias (AJM). Ayant pris début octobre ses fonctions de directeur général de Twitter France, ce commercial de formation est chargé d’élargir l’audience de l’oiseau bleu sur l’Hexagone et d’accroître sa monétisation.

En clair. Avant sa nomination il y a deux mois maintenant comme directeur général
de Twitter France, Damien Viel – ancien de YouTube, de M6, d’Afflelou, de Carat et
de l’Oréal, était presque inactif depuis son inscription en avril 2009 sur le site de microblogging : il n’avait émis que 31 tweets et était alors suivi par seulement 54 followers… A l’heure où nous bouclons ces pages de EM@, le compteur @damienviel s’est depuis affolé : le « twitto » devenu patron de la filiale française du réseau social
à l’oiseau bleu est sur le point de franchir la barre des 4.000 abonnés (1) pour un total de… 210 tweets postés, seulement. Damien Viel a pris son envol et gageons qu’il gardera le cap plus longtemps que son prédécesseur, Olivier Gonzalez, lequel a quitté l’entreprise fin janvier 2015 après 18 mois passés à ce poste. Damien Viel se retrouve à la tête d’une équipe parisienne de 35 personnes, qui va quitter la rue de la Paix à Paris pour emménager au début de l’année prochaine dans de nouveaux locaux dans le quartier de l’Opéra.

Quant au compte « officiel » de la filiale française (2), il fut ouvert en novembre 2009 – soit sept mois après celui de Damien Viel, un bon point pour ce dernier ! – et affiche près de 3 millions d’abonnés (3) pour… 1.169 tweets, seulement. C’est peu comparé aux 48,4 millions d’abonnés atteint par @Twitter (avec 2.262 tweets émis), le compte du groupe de San Francisco inscrit depuis février 2007 (soit quelques mois après la création de la start-up par Jack Dorsey, Evan Williams, Biz Stone et Noah Glass). L’audience de @TwitterFrance par rapport à celle de @Twitter reflète-elle le poids de l’Hexagone dans la fréquentation mondiale du réseau social de microblogging ? Pas vraiment. Alors que Twitter revendique globalement 320 millions d’utilisateurs actifs par mois au 30 septembre 2015 – ce qui déçoit les analystes (4) –, Damien Viel a indiqué devant l’Association des journalistes médias (AJM) que « selon les instituts de mesure d’audience, la France était créditée de 6 à 7 millions d’utilisateurs ». Cela représente plus ou moins 2 % du total, ce qui est insuffisant mais leur nombre est « en forte croissance ». C’est le premier défi que devra relever le nouveau DG de Twitter France en 2016 : accroître l’audience française – vidéo en tête – et faire preuve de transparence sur sa réalité, tout en augmentant sa monétisation auprès des annonceurs publicitaires. @

TF1 prévoit des acquisitions dans le numérique

En fait. Le 12 novembre, Nonce Paolini – qui ne sera plus PDG de TF1 le 19 février 2016 au soir – était l’invité de l’Association des journalistes médias (AJM). Il se félicite des performances digitales, avec notamment MyTF1. Son successeur Gilles Pélisson devra aller plus loin, y compris par acquisitions.

En clair. « Dans les contenus digitaux, s’il y a des choses à regarder (en vue de les acquérir), on continuera à le faire. Dans les systèmes de commercialisation automatisée, la publicité programmatique, on regardera aussi. Si l’on va dans ce sens, ce serait pour aller chercher des clients dans le monde entier, Internet n’ayant pas de frontières. Sur le digital, il y aura donc sans doute des mouvements à faire. C’est Gilles Pélisson qui les décidera plus tard. Mais nous sommes très prudents : mon patron [Martin Bouygues, ndlr] est Auvergnat, ce qui lui donne toute la sagesse de ne pas faire des folies ! », a indiqué Nonce Paolini, le PDG sortant du groupe TF1, le 12 novembre devant l’AJM. En marge de cette rencontre, Edition Multimédi@ lui a demandé ce qu’il envisageait dans le domaine des réseaux multi-chaînes – MCN (1) – sur YouTube ou Dailymotion : un développement en interne, comme c’est le cas avec MyTF1xtra et avec le MCN Finder Studios, ou bien par acquisition ? « Les deux mon Général ! », nous a-t-il répondu. Et d’indiquer : « Aujourd’hui, nous avons un partenaire, Finder Studios [un MCN français présent sur les thématiques « beauté », « cooking »,
« humour », « hommes » et « enfants », disponible sur YouTube, Facebook, Twitter, Snapchat ou encore MyTF1, ndlr]. Sur MyTF1xtra, des acteurs du digital peuvent aussi venir présenter ce qu’il font. Cela nous permet d’ouvrir MyTF1 à un cercle un peu plus large, notamment à des jeunes ». En revanche, il a réaffirmé que ces chaînes diffusées en ligne sur notamment YouTube, ne sont pas sous la marque de TF1 pour ne pas mélanger les genres (2) (*) (**).

Nonce Paolini a tenu devant l’AJM à démentir le « contresens » de L’Opinion affirmant le 29 octobre que TF1 avait un projet de « chaîne d’information en continu numérique » baptisé « One Info », en précisant qu’il s’agira d’un « site d’information qui va être constitué des deux forces réunies de Metronews [dont l’édition papier a été arrêtée en juillet, ndlr] et de MyTF1News, LCI continuant – on l’espère en tout cas [le CSA devant se prononcer sur le passage ou pas en gratuit, ndlr] – d’être le portedrapeau de l’information en continue du groupe ». Il s’est en outre félicité des contenus payants de MyTF1VOD qu’il dit être ex æquo avec Orange dans le e-cinéma. Pour mieux rivaliser avec Netflix, il a annoncé que « MyTF1VOD va s’enrichir de nouvelles fonctionnalités telles que la recommandation ». @