Maxime Lombardini, Free : « On discute avec Google »

En fait. Le 7 janvier, nous avons croisé à Bercy le DG d’Iliad-Free, Maxime Lombardini, qui sortait de son entretien avec la ministre Fleur Pellerin. Il confirme que le blocage de la e-pub sera supprimé « dans les jours qui viennent », mais le différend avec Google sur le trafic arrivant sur son réseau demeure.

En clair. Le patron d’Iliad-Free, Maxime Lombardini, ne cache pas qu’il y a bien un
lien entre l’affaire qui l’oppose à Google sur l’acheminement sur son réseau du trafic provenant de YouTube et celle du blocage par défaut de la publicité en ligne à partir
de la nouvelle version de la Freebox Révolution. A la question « Qu’est-ce que cela change pour Google ? », il nous a répondu – au sortir de son entretien avec la ministre
de l’Economie numérique – que « cela leur montre [à Google] qu’il y a un problème ».
Et de nous confier : « Nous continuons de discuter avec les services d’interconnexion
de Google. Je n’ai pas encore eu de contact [avec eux] depuis le début de l’année, car
je viens tout juste ce matin-même de revenir de vacances ».
C’est la première fois que Free fait le lien entre les deux affaires. Il apparaît en effet évident que le blocage des publicités en ligne est un moyen de pression de Free pour amener Google – numéro un de la e-pub en France – à payer l’acheminement du trafic YouTube auprès de ses 5,2 millions d’abonnés haut débit. Pourtant, Fleur Pellerin n’a
pas voulu faire le lien entre cet « incident » du blocage de l’e-pub par Free et le différend opposant ce dernier avec Google/YouTube sur la gestion du trafic. « Les deux affaires sont distinctes », a-t-elle expliqué. Résultat : Google était le grand absent des deux rendez-vous séparés de la ministre ce matin-là à Bercy : à la réunion de 9 heures avec les représentants des éditeurs, régies et annonceurs Internet « qui le souhaitaient » (1) ; au tête-à-tête à 10 heures avec Maxime Lombardini, seul à être convoqué. Mais personne n’est dupe : il s’agit du même bras de fer Iliad-Google. Fleur Pellerin doit cependant rencontrer la direction de Google France avant la table-ronde du 15 janvier sur la neutralité du Net.
L’Association des services Internet communautaires (Asic), dont fait partie Google, fait le lien : « Bloquer un service Internet dans le cadre d’une négociation commerciale constitue pour l’ASIC une rupture du principe de neutralité de l’Internet ». De son côté, l’Arcep ne
lie pas non plus son « enquête administrative » – lancée le 22 novembre 2012 sur les problèmes d’accès des abonnés de Free à YouTube (2) – et le courrier qu’elle a envoyé
le 4 janvier 2013 à Maxime Lombardini pour avoir des explications sur le blocage de
e-pub. @

L’UIT veut devenir le super-régulateur du Net

En fait. Le 9 novembre, s’est achevée la consultation publique de la Direction générale de la compétitivité, de l’industrie et des services (DGCIS) sur la révision du Règlement des télécommunications internationales (RTI) prévue par l’UIT lors
de la conférence mondiale de Dubaï du 3 au 14 décembre.

En clair. Opérateurs télécoms et Etats veulent dompter Internet, dont l’avenir est désormais entre les mains de l’Union internationale des télécommunications (UIT). Cet organe des Nations-Unies réunit des Etats du monde entier et des opérateurs télécoms pour régler le sort du « réseau des réseaux ». Comment ? En tentant de faire entrer Internet dans le Règlement des télécommunications internationales (RTI), lequel régit depuis 1990 les interconnexions des télécoms entre pays. L’UIT aurait alors un droit
de regard sur le cyberespace, en termes de rémunération des opérateurs de réseaux, d’instauration d’un peering payant international, de lutte contre la cybercriminalité, d’adressage et de routage IP, de collecte de données techniques, voire de blocage,
de filtrage ou de restriction d’accès.
L’UIT deviendrait ainsi le super-régulateur d’Internet, au risque de mettre à mal la neutralité du Net que bon nombre d’opérateurs télécoms veulent voir disparaître au profit de « services gérés ». C’est sur ce terrain-là qu’est attendu le gouvernement français, dont la position tarde à venir : en témoigne la question (1) sans réponse à
ce jour de la députée UMP Laure de La Raudière (2) au Premier ministre Jean-Marc Ayrault. La France est- elle pour ou contre l’élargissement du RTI à l’Internet et à l’extension des compétences de l’UIT ? Jusqu’au bout, elle sera restée dans le non-dit, tandis que l’Association des services Internet communautaires (Asic) ou l’organisation citoyenne La Quadrature du Net (3) se sont déjà farouchement opposées à la mainmise de l’UIT sur le Net (lui préférant une ICANN à réformer).
Pendant ce temps, les opérateurs télécoms historiques européens font depuis plusieurs mois du lobbying auprès de l’UIT – via leur association ETNO – en vue d’inclure dans le traité le principe de « rémunération raisonnable » en leur faveur. Ainsi, la terminaison data ou le peering payant pourraient changer la face du Net et mettre un terme au peering gratuit. Ironie du sort : Dailymotion, qui est membre de l’Asic (au côté de Google, Yahoo, Facebook, Microsoft, …), est détenu à 49 % par France Télécom, lequel est membre de l’ETNO. Cette schizophrénie du couple Dailymotion-Orange
fera-t-elle long feu (lire p.3) ?
« Nous avons réussi à ne pas étouffer (…) Dailymotion », a assuré le 15 novembre Stéphane Richard, PDG de France Télécoms, au DigiWorld Summit… @

Le CSA propose une « exception culturelle » à la neutralité du Net

Pour le CSA et l’Arcep, leur rapprochement – si ce n’est leur fusion – faciliterait
la régulation de tous les acteurs, dont les OTT (Over-The-Top). Le principe de « fréquences contre obligations » ne s’appliquant pas à tous les opérateurs, le CSA prône une régulation « culturelle » des réseaux.

Par Winston Maxwell, avocat associé Hogan Lovells LLP

Le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) et l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (Arcep) ont remis au gouvernement leurs recommandations quant à l’avenir de la régulation de l’audiovisuel et des communications électroniques. En filigrane, est posée la question de leur éventuelle fusion. L’avis du CSA est une occasion de rappeler l’incroyable complexité du dispositif réglementaire pour l’audiovisuel en France.

Fil de cuivre : chronique d’une mise à mort… en 2025 ?

En fait. Le 23 octobre, le président de l’opérateur télécoms Nerim, Cyril de Metz, nous a indiqué que France Télécom lui a confirmé par écrit – le 10 octobre – que le VDSL2 ne sera lancé qu’au « troisième trimestre 2013 ». L’opérateur historique est-il juge et partie, ou est-ce le régulateur qui décide in fine ?

En clair. L’ADSL a beau être une success story à la française et le VDSL promis en théorie à un bel avenir, la paire de cuivre téléphonique – 95,2 % des accès haut débit –
est pourtant condamnée à mort. Son crime ? Le fil de cuivre ne ferait pas le poids face
à la fibre optique. Ses bourreaux ? Les pouvoirs publics et l’opérateur historique. « En décidant de tester la fermeture du réseau cuivre dans cette ville [Palaiseau] à partir de 2013, Orange porte pleinement cette nouvelle ambition (…) de passer à une phase et
à un nouveau rythme de déploiement de la fibre », a déclaré Fleur Pellerin, ministre déléguée chargée des PME, de l’Innovation et de l’Economie numérique, le 11 octobre dans cette ville de l’Essonne. Si le gouvernement – assumant « un certain dirigisme » (sic) en faveur de la fibre – n’a pas fixé de date butoir de basculement de l’ADSL (21,5 millions d’abonnés à ce jour) au FTTH (245.000 abonnés…), cela ne saurait tarder, comme ce fut le cas pour l’extinction au 30 novembre 2011 de la diffusion analogique des chaînes de télévision. C’est ce que préconise le sénateur Hervé Maurey. Débranchera-t-on le fil de cuivre en 2025 comme le prévoit implicitement la circulaire Fillon publiée au JORF du 17 août 2011 ? « Sans que cette révolution ne prenne
15 (…) ans », a déjà prévenu Fleur Pellerin. Du coup, le VDSL (1) attendra : le 13 septembre lorsque le président de l’Arcep, Jean-Ludovic Silicani déclare lors du colloque RuraliTIC : « L ‘Arcep a confié, depuis 2002, à un comité d’experts indépendants, présidé par une personne à la compétence et à l’impartialité reconnue [Catherine Mancini, directrice chez Alcatel-Lucent, premier équipementier de France Télécom, ndlr], le soin d’émettre des avis ».
Le 9 juillet, lors des 6e Assises du Très haut débit, le président de l’Arcep assurait à
EM@ que « ce comité d’experts pour les boucles locales cuivre et fibre optique rendra son avis favorable à l’automne ». Ce que nous confirmait Catherine Mancini (2). Or, coup de théâtre à la rentrée : « Ces travaux seront conclus début 2013. Cette étape franchie, et sous réserve que l’avis du comité soit positif, France Télécom disposera alors d’un délai de 6 mois pour autoriser l’utilisation de cette nouvelle technologie par les opérateurs dégroupeurs. Le rendez-vous est donc au début de l’automne 2013 »,
a annoncé Jean- Ludovic Silicani à RuraliTIC. La messe est dite. @

Christine Albanel, Orange : « Les géants du Net doivent contribuer au financement de la culture et des réseaux »

Nommée il y a plus de deux ans directrice exécutive de France Télécom, aujourd’hui en charge des événements, des partenariats et de la solidarité d’Orange, l’ancienne ministre de la Culture et de la Communication, Christine Albanel, répond à nos questions.

Propos recueillis par Charles de Laubier