Après Québecor, Qobuz veut signer d’autres accords

En fait. Le 21 septembre, la plateforme française de musique en ligne de haute-qualité Qobuz (éditée par Xandrie), a annoncé avoir levé 10 millions d’euros auprès de ses actionnaires historiques, Nabuboto et Québecor. Après l’alliance avec ce dernier, d’autres accords à l’international sont prévus.

En clair. Au-delà de la douzaine de pays où elle est disponible en tant que telle, à savoir France, Royaume-Uni, Irlande, Allemagne, Autriche, Belgique, Suisse, Luxembourg, Pays-Bas, Espagne, Italie et Etats-Unis, la plateforme française Qobuz se déploie aussi ailleurs dans le monde selon une stratégie de licences (en marque blanche). C’est le cas avec le groupe de médias et de télécoms Québecor, dont le « partenariat à la fois stratégique et financier initié de longue date » avec Qobuz – via sa maison mère Xandrie – s’est concrétisé en mai par le lancement de la plateforme « Qub musique ».
Le groupe québécois s’est appuyé sur l’expertise technique et le catalogue de titres de Qobuz pour développer sa propre offre de streaming musical. « La licence que nous avons négociée avec Qub est une licence pour le Canada », précise à Edition Multimédi@ Denis Thébaut, PDG de Xandrie, maison mère de Qobuz. La plateforme française de musique en ligne de hautequalité cherche à se développer aussi en Scandinavie, au Japon, en Australie ou encore en Amérique latine. « Nous avons la volonté de rechercher de nouveaux partenariats avec des médias et opérateurs étrangers. La réussite du projet Qub musique nous place ainsi sur un nouvel axe de développement très prometteur », avait déclaré début juin Denis Thébaud, lors de l’annonce du partenariat avec Québecor. Qobuz a été racheté en décembre 2015 par la société Xandrie, contrôlée par Nabuboto, la holding personnelle de Denis Thébaud. C’est auprès de cette dernière et de Québecor, également actionnaire de Qobuz, qu’une seconde levée de fonds a pu être faite. Elle a été annoncée le 21 septembre (1). La précédente levée de fonds par augmentation de capital de 12 millions d’euros remonte à août 2019. Qobuz a en outre officialisé la nomination de Georges Fornay comme directeur général délégué (2), fort de son expérience d’une quinzaine d’années chez Sony (1995-2011) où il a déployé la console de jeux PlayStation en France et en Suisse. Il était en outre un administrateur de l’éditeur français de jeux vidéo Focus Home Interactive, jusqu’à ce que Denis Thébaud en cède le contrôle en juillet (3). Ce dernier a en effet vendu ses 35,5 % du capital de Focus Home Interactive à Neology Holding, la holding de l’homme de médias Fabrice Larue. Qobuz ne dévoile pas le nombre de ses abonnés, qui dépassait les 100.000 début 2019. @

Internet des oreilles : le marché des podcasts se structure en France et les droits d’auteur aussi

Cet été 2020 – au-delà de « L’Eté du podcast » qui s’est achevé le 2 septembre au Ground Control à Paris – marque une étape décisive pour le marché français de l’Internet des oreilles : structuration, mesure d’audience et droit d’auteur viennent professionnaliser un segment de l’audio digital en plein boom.

Quand le New York Times, qui édite en podcast depuis 2017 un programme quotidien baptisé « The Daily », annonce le 22 juillet qu’il va acquérir la société Serial Productions, à l’origine du premier blockbuster audio « Serial » (1), c’est que la vague des podcasts s’amplifie. Selon des sources proches du dossier, « The Times » aurait déboursé 25 millions de dollars pour se renforcer dans l’audio journalism (2).

Consolidation en cours
Mais la plus grosse acquisition de cet été dans le podcast a eu lieu là encore aux Etats-Unis : le 13 juillet, le groupe de radio en ligne SiriusXM a annoncé qu’il rachetait la plateforme de podcast Stitcher pour 325 millions de dollars. Du jamais vu sur ce marché en pleine croissance de l’audio digital. L’opération doit être finalisée ce trimestre : le groupe de médias E.W. Scripps revend ainsi Stitcher le double du montant qu’il avait déboursé pour s’en emparer en 2016. SiriusXM s’impose dans le podcast face à iHeartMedia, Apple Podcast ou encore Spotify. Ce dernier, numéro un mondial du streaming musical se diversifiant dans le podcast pour être moins dépendant des majors du disque, avait racheté Gimlet début 2019 pour 230 millions de dollars, puis The Ringer début février 2020 pour plus de 140 millions de dollars, ainsi que l’exclusivité du podcast « The Joe Rogan Experience » fin mai 2020 pour plus de 100 millions de dollars. Fin 2017, Spotify avait fait l’acquisition de Soundtrap. De son côté, Apple a annoncé le 15 juillet le lancement de ses propres podcasts originaux dont un quotidien d’actualité baptisé « Apple News Today » (dans le prolongement de son application Apple News). La marque à la pomme n’est plus seulement diffuseur avec Apple Podcast, mais aussi désormais producteur audio.
En France, le marché du podcast a entamé à pas comptés sa consolidation. Fin 2018, le groupe Les Echos-Le Parisien (groupe LVMH) avait acquis 33,3 % de la société éditrice et diffuseuse de podcasts Binge Audio (3), cofondée en 2016 par Joël Ronez (photo), ancien directeur des nouveaux médias de Radio France et ex-responsable web d’Arte. Selon le premier classement de podcasts publié le 21 juillet (4) par l’ACPM (ex-OJD), Binge Audio est en tête des audiences en France avec plus de 1,5 million de téléchargement de fichiers audios sur le mois de juin mesuré. Suit de très loin le groupe de presse Prisma Media (groupe Bertelsmann) avec les podcasts de ses marques Gentside, Capital, Ça m’intéresse, Management, Télé Loisirs et Géo. Tandis que la major Warner Music termine ce « Top 8 des marques de podcasts » (5) avec Novio. Mais les acteurs du podcast en France adhérents à la mesure d’audience de l’ACPM (6) sont peu nombreux par rapport au foisonnement de ce marché naissant. Majelan (fondé par l’ancien président de Radio France, Mathieu Gallet), Sybel, Tootak, Bababam, Paradiso Podcast (partenaire depuis mai d’Universal Music France), MadmoiZelle, Louie Media, Nouvelles Ecoutes, ou encore Taleming sont autant de plateformes et de titres qui donnent de la voix. La plateforme vidéo TV5MondePlus, lancée le 9 septembre, qui propose aussi des podcasts. Et Prisma Media vient de lancer le 10 septembre, avec sa filiale soeur M6, Audio Now.
Créé en 2016, Binge Audio se présente comme un « réseau de podcasts nouvelle génération », propose gratuitement (7) des programmes audio originaux (podcasts natifs), distribués sur Binge.audio et sur toutes les plateformes – à savoir « toutes les apps de podcasts sur iOS et Android (Apple Podcasts, Podcast Addict, Castbox, Google Podcasts, PocketCasts, …), Spotify, Deezer, YouTube, SoundCloud, Sybel, Amazon Alexa, Google Home, … ». La société présidée par Joël Ronez, dont les deux tiers du chiffre d’affaires sont générés par des podcasts de marques, vient en outre de signer un accord avec la Société civile des auteurs multimédias (Scam), afin de rémunérer « les auteurs et autrices des œuvres sonores à la demande » au titre des droits de diffusion de leurs créations sur Internet. Les négociations pour parvenir à un partage de la valeur se sont déroulées sous les auspices du Groupement des éditeurs de contenus et de services en ligne (Geste). Il y a dix ans, la Scam avait conclu un accord comparable avec Arte Radio et compte bien signer avec d’autres plateformes de podcasts.

Droit d’auteur et publicité
Des négociations devraient aussi aboutir avec la Sacem (8), la SACD (9) et d’autres sociétés de gestion collective des droits d’auteur. La vitalité de l’audio digital en France suppose que les producteurs de podcasts, les éditeurs, les plateformes, les régies publicitaires et les agences se retrouvent ensemble autour d’un écosystème rentable. L’ACPM y contribue en certifiant les audiences monétisables auprès des annonceurs et en organisant Innov’Audio Paris, dont la 3e édition se tiendra le 9 décembre. @

Charles de Laubier

Musique : Facebook entre dans la danse, marchant sur les platebandes de YouTube et de TikTok

Coup sur coup, le 31 juillet et le 5 août, le groupe de Mark Zuckerberg a lancé, respectivement, un service de vidéo musical sur son réseau social Facebook et un service de vidéos courtes à musique synchronisée sur son réseau de partage Instagram. En ligne de mire : YouTube et TikTok.

Les filiales de l’américain Google et du chinois ByteDance n’ont qu’à bien se tenir : Facebook débarque sur le marché mondial de la musique en ligne. C’est une première pour la firme de Mark Zuckerberg, même si elle avait fait à partir de novembre 2015 une incursion timide dans le partage musical avec un outil baptisé « Music Stories », en lien à l’époque avec Spotify et Apple Music pour peu que l’utilisateur ait détenu un compte associé.

Accords avec majors et indépendants
Cette fois, le groupe Facebook a passé lui-même des accords avec les majors de la musique et des labels indépendants. « Nous travaillons avec des partenaires en Inde et en Thaïlande pour jeter les bases d’une expérience vidéo musicale sur Facebook. Nous sommes maintenant ravis de nous lancer aux Etats-Unis en partenariat avec Sony Music, Universal Music, Warner Music, Merlin, BMG, Kobalt et bien d’autres de la communauté musicale indépendante, éditeurs et sociétés », s’est félicitée Tamara Hrivnak (photo), vice-présidente du développement de l’activité musicale chez Facebook, lors de l’annonce du nouveau service disponible depuis le 1er août dernier. Elle promet aux 256 millions d’Américains actifs sur le réseau social « des premières mondiales de vidéoclips » et même « du contenu vidéo exclusif », avec des artistes qui pourront présenter leurs nouveautés en direct à leurs fans – via Facebook Live notamment. Le service « Facebook Music » (1) est aussi accessible dans Facebook Watch, le service de VOD lancé il y a trois ans maintenant et où apparaît désormais outre- Atlantique le lien «Music » (2).
Les contenus vidéo originaux y sont fournis par des partenaires, dont des labels musicaux, qui perçoivent 55 % des revenus publicitaires. Et la recherche de musiques se fait par genre, par artiste ou par humeur, si ce n’est pas des playlists thématiques ou populaires. « Au fil du temps, l’expérience deviendra plus personnalisée selon vos goûts en fonction des artistes que vous suivez et des vidéos avec lesquelles vous interagissez », a précisé Tamara Hrivnak. Facebook, qui revendique 3,1 milliards d’utilisateurs tous les mois, entend rivaliser avec YouTube qui compte plus de 2 milliards d’utilisateurs mensuels. « Nous savons que la musique est personnelle ; nous avons donc facilité le partage et la découverte de vidéoclips qui comptent pour vous et vos amis. Comme toute vidéo sur Facebook, vous pouvez réagir, commenter et partager des vidéos de musique qui sont importantes pour vous ou qui reflètent votre humeur du moment à travers le “fil d’actualités” (News Feed), les communautés (Groups) et la messagerie instantanée (Messenger) », a expliqué la dirigeante « Musique » de Facebook. Les utilisateurs du réseau social peuvent découvrir de nouveaux artistes à partir de clips partagés par leurs amis, se connecter avec des fans qui partagent leur passion dans un groupe dédié à leur artiste préféré, et réagir à une vidéo en temps réel lors de sa mise en ligne. Tamara Hrivnak, Canadienne, est à ce poste depuis plus de trois ans et demi, après avoir passé six ans chez Google/YouTube/Google Play dans le partenariat musical. Autant dire qu’elle connaît la musique. Auparavant, durant cinq ans, elle fut en charge de la stratégie digitale chez Warner Music, l’une des majors. C’est une juriste spécialiste de la propriété intellectuelle.
Sur une toute autre partition, cette fois sur Instagram que Facebook avait acheté en 2012 pour environ 1 milliard de dollars, la firme de « Zuck » a lancé Reels, une fonction permettant de créer, de découvrir et de partager de courtes vidéos de 15 secondes, le plus souvent sur fond musical. « Vous pouvez utiliser l’outil Audio pour ajouter de la musique à partir de la bibliothèque de musique Instagram », a indiqué Facebook le 5 août. Il s’agit là de concurrencer TikTok, l’application très prisée des adolescents éditée par le chinois ByteDance (3) et totalisant à ce jour 1 milliard d’utilisateurs dans le monde – presque autant qu’Instagram. Cette fois, Reels est d’emblée disponible partout. Le « F » de GAFA n’a pas choisi par hasard de lancer une alternative à TikTok. Nombre de jeunes tiktokers – et leurs parents – s’inquiètent à propos de accusations d’espionnage proférées par Donald Trump à l’encontre du chinois, le président des Etats-Unis considérant l’application populaire comme une menace pour la « sécurité nationale ».

Mais n’est pas TikTok qui veut
Ce climat de chasse aux sorcières contre de l’ex-Musical.ly est une occasion pour lancer une solution concurrente. Mais le New York Times du 12 août pointe du doigt une limite de Reels : « Instagram a déclaré qu’il y avait des restrictions et qu’ils travaillaient avec des titulaires de droits tiers pour élargir ses fonctionnalités. Ainsi, lorsque vous enregistrez une vidéo sur votre appareil après l’avoir publiée, la musique est automatiquement supprimée » (4). Ne donne pas le la qui veut. @

Charles de Laubier