Jean-Paul Bazin, gérant de la Spedidam : « Il est temps qu’Internet rémunère les artistes interprètes »

La Société de perception et de distribution des droits des artistes interprètes (Spedidam) explique à Edition Multimédi@ pourquoi elle compte sur la loi « création » pour que la gestion collective – qui profite aux artistes interprètes
depuis près de 30 ans en France – devienne obligatoire sur Internet.

Propos recueillis par Charles de Laubier

Jean-Paul BazinEdition Multimédi@ : L’an dernier, le 11 septembre, la Spedidam a perdu contre des plates-formes de musique
en ligne (dont iTunes) devant la Cour de cassation jugeant
que l’autorisation donnée par les artistes interprètes pour l’exploitation de leurs enregistrements inclut leur mise en ligne. La future loi « création » vous donnera-t-elle raison en instaurant une « rémunération proportionnelle » ?

Jean-Paul Bazin : Mis à part quelques vedettes qui perçoivent
le plus souvent des sommes dérisoires (264 euros environ pour 1 million de streams),
les artistes qui sont à l’origine de l’existence des contenus d’Internet ne perçoivent actuellement aucune rémunération lorsque leurs enregistrements sont exploités en
ligne. Sur les 49,5 millions d’euros des perceptions de la Spedidam sur 2013, Internet représente zéro !
C’est le rôle du législateur de maintenir les grands équilibres et de protéger les plus faibles contre l’appétit et le manque de scrupules de certains. Nous espérons donc vivement que les artistes soient enfin entendus et que la future loi « création » mettra un terme à cette situation inéquitable. Et ce, en instaurant une gestion collective obligatoire des droits des artistes interprètes pour les services à la demande afin de nous permettre de percevoir
au bénéfice de ces derniers des rémunérations, notamment auprès des plateformes numériques de musique en ligne.

Guillaume Monteux, miLibris : « Face à Amazon, Apple ou Google, nous redonnons le pouvoir aux éditeurs »

Le président fondateur de la société miLibris, qui met sa plateforme numérique ouverte au service des éditeurs de presse, des maisons d’édition et des opérateurs télécoms (Orange, SFR), explique à EM@ comment ses clients apprécient de garder la maîtrise et le contrôle sur leurs contenus.

Propos recueillis par Charles de Laubier

Edition Multimédi@ : Un consortium d’éditeurs (Editis, Gallimard, Seuil-La Martinière, Flammarion), d’opérateurs télécoms (Orange et SFR), et ePagine, ont élaboré
un prototype de plateforme ouverte de gestion de bibliothèques personnelles en ligne (cloud) et ont
déposé un dossier auprès du Grand emprunt :
qu’en pensez-vous ?
Guillaume Monteux :
Le modèle ouvert d’une bibliothèque personnelle en ligne est indispensable et nécessaire à l’adoption de la lecture en numérique. Acheter son livre ou sa publication auprès de tel
ou tel distributeur ne doit pas être synonyme d’embrigadement dans l’application de ce dernier. Les livres, la presse, et plus généralement les contenus de l’écrit, doivent être accessibles et lisibles sur tous les écrans et indépendamment des technologies du libraire. C’est précisément ce que nous préparons au sein de la plateforme miLibris
depuis maintenant trois ans. Le consortium auquel vous faites référence a aussi déposé un dossier de recherche et développement dans ce sens [auprès du Fonds national pour la société numérique (FSN) du Grand emprunt, ndlr]. Nous n’y participons pas pour faute de temps. Mais dans la mesure où nous sommes les partenaires exclusifs d’Orange et
de SFR, nous suivrons ces travaux pour éventuellement les intégrer. Et ce, même si aujourd’hui miLibris a développé ses propres modèles ouverts de lecture numérique.
Sous réserve d’un accord commercial entre les opérateurs, un lecteur qui aura par exemple acheté un abonnement « presse » chez SFR pourra continuer ses lectures
s’il désire passer chez Orange. Et nous pourrions, pourquoi pas, tout à fait être aussi interopérables de la même manière avec des programmes libraires comme 1001libraires.com, Librairie.actualitte.com ou encore REA de Guillaume Decitre.

Le CFC s’apprête à lancer sa plateforme numérique

En fait. Le 7 juin, le Centre français d’exploitation du droit de copie (CFC) a présenté aux éditeurs de presse son bilan 2010 : la barre des 10 millions d’euros
de perception de droits numérique d’articles est dépassée, soit une hausse de
33 % sur un an. Sa plateforme numérique « NLA » sera lancée fin juin.

En clair. Selon nos informations, la plateforme numérique du CFC – unique société
de gestion collective agréée par le ministère de la Culture et de la Communication pour leur reproduction de la presse, du livre et des sites web – devrait être lancée fin juin
(1) pour être véritablement opérationnelle à partir de septembre 2011. Elle vise à standardiser et distribuer les contenus numérisés des journaux ou des sites d’information auprès des entreprises, des administrations et des sociétés spécialisées dans la veille de presse ou de press clippings (Kantar Media, Argus de la presse, Press Index, Up2News, …).
Leur exploitation dans les panoramas de presse représente 91,7 % des reproductions
et des rediffusions. Le CFC assure ainsi la gestion des droits numériques de plus de 1.800 publications et sites Internet français, soit environ 300 éditeurs. S’appuyant sur
la solution développée par l’agence britannique NLA (Newspaper Licensing Agency) qui l’utilise déjà pour sa plateforme numérique eClips (2), le CFC espère accélérer ses ventes numériques. D’autant que les clients – plus friands de revues de presse moins coûteuses que de multiples abonnements – abandonnent progressivement la reproduction papier d’articles de presse au profit de copies numériques. Résultat :
le papier, en recul de 15% sur un an, génère désormais moins d’un quart des redevances perçues par le CFC en 2010, soit seulement 3,22 millions d’euros sur le total de 13,29 millions d’euros. Depuis 2007, le numérique a dépassé le papier pour dépasser l’an dernier la barre des 10 millions d’euros de chiffre d’affaires (10,07 millions précisément). Au titre de l’année 2010, le CFC a reversé aux éditeurs sous mandat 8,9 millions d’euros – somme en hausse de 36 % sur un an – après avoir prélevé 11,01 % de frais de gestion. La plateforme du CFC, qui donnera aussi la possibilité pour les éditeurs de gérer en ligne leurs archives et de les partager au format standard de description de document XML (3) ou en PDF, est testée depuis quelques mois par plusieurs éditeurs (Le Monde, Le Figaro, L’Express, Les Echos, Groupe Moniteur, Aujourd’hui en France, …) et des prestataires comme Kantar Media et Explore. Le
CFC devrait présenter la plateforme au Groupement des éditeurs de services en ligne (Geste), dont bon nombre de membres sont éditeurs de presse. L’agrément du CFC par le ministère de la Culture et Communication, qui arrive à échéance le 13 juillet prochain, devrait être renouvelé. @