Rakuten se renforce dans les contenus numériques

En fait. Le 2 septembre, Rakuten a annoncé le rachat de Viki, plate-forme de VOD
en streaming (séries, films, clips, …) basée à Singapour. En juin 2012, Rakuten faisait l’acquisition de Wuaki, un service de VOD espagnol. Et en novembre 2011,
il rachetait le fabricant canadien de liseuses numériques Kobo.

En clair. Le groupe japonais de e-commerce Rakuten, maison mère du français PriceMinister (1), poursuit sa diversification dans les contenus numériques en ligne. Ses ambitions pourraient se résumer à un objectif : concurrencer le géant américain Amazon, lui aussi dans le e-commerce et dans le « digital content » mais en position de numéro 1 mondial. La diversification de Rakuten a commencé fin 2011 avec l’acquisition pour 315 millions de dollars de Kobo, qui propose à son catalogue 4 millions de livres numériques, magazines et quotidiens, ainsi qu’une gamme de liseuses électroniques. Egalement lancé au Japon en juillet dernier, l’offre de ebooks de Kobo semble donner toute satisfaction au PDG de Rakuten, Hirochi Mikitani.
Fort du succès de cette première diversification, Rakuten se lance depuis un an maintenant à la conquête du marché mondial de la vidéo à la demande (VOD). En rachetant en juin 2012 la plate-forme espagnole de vidéo en ligne Wuaki.tv, qui a lancé
en Grande-Bretagne cet été une version bêta de son site web, Rakuten avait indiqué qu’il croyait à la VOD en Europe. Wuaki devrait être lancé une en France « d’ici mi-2014 » (2), alors que Amazon et Netflix sont attendus sur le marché français de la VOD. Avec Viki, dont l’acquisition vient d’être annoncée début septembre, Rakuten entend consolider
sa présence internationale en matière de VOD. « Viki complète parfaitement la stratégie de Wuaki.tv et étend l’offre de contenus numériques de Rakuten », a-t-il été précisé le
2 septembre.
Viki, créé en décembre 2010, revendique quelque 22 millions d’utilisateurs et plus de
12 millions d’applications mobiles téléchargées dans le monde, grâce à la traduction de ses contenus audiovisuels en plus de 160 langues. « Le modèle Viki est construit sur
une communauté puissante, concentré dans la suppression des barrières linguistiques
qui ont traditionnellement pris au piège de grands contenus à l’intérieur de barrières géographiques », se félicite Hiroshi Mikitani. Il précise en outre que Rakuten aidera Viki
à développer sa base d’utilisateurs « au Japon et en Europe ». Le concurrent d’Amazon
a aussi indiqué qu’il fera jouer les « synergies » entre e-commerce et VOD. Mais c’est surtout dans la publicité vidéo, marché en pleine croissance, que les deux services de VOD vont se développer. @

4G et FTTH : les opérateurs ignorent les contenus

En fait. Le 27 août, SFR a lancé sa 4G sur la capitale qui sera totalement couverte en fin d’année comme 54 autres agglomérations. La 4G d’Orange couvrira tout Paris fin 2013 et 50 villes. Bouygues Telecom se lancera le 1er octobre. Free Mobile plus tard. Mais comme le FTTH, les offres 4G ignorent les contenus.

En clair. Comme pour l’ADSL et la 3G vis-à-vis des contenus, les offres FTTH et 4G vantent à leur tour les débits bien supérieurs, les téléchargements plus rapides de vidéos, le streaming en haute définition, les gigaoctets recevables par mois pour les smartphones et tablettes, ou encore les accès illimités aux services de cloud comme le stockage. Grâce à ces performances accrues, le très haut débit est l’occasion inespérée pour les opérateurs et FAI de faire exploser le plafond des 30 euros par mois qui était jusqu’alors
la règle.
Or malgré des prix d’accès à la hausse (sans subvention de smartphone pour la 4G
très haut débit, par exemple), aucune offre de très haut débit n’inclut dans le forfait des contenus comme de la musique ou des films, même en promotions. Dans la musique,
les partenariats entre Orange et Deezer en France, d’une part, et entre Spotify et KPN
au Pays-Bas, d’autre part, sont des exceptions traitées à part. En Grande- Bretagne, Vodafone a bien lancé le 29 août dernier son offre 4G intégrant notamment l’accès à de la musique sur Spotify Premium. Mais cette approche exemplaire reste un cas isolé. Quant à la VOD, elle est toujours aux abonnés absents. C’est comme si les « tuyaux » et les contenus continuaient de s’ignorer. L’absence de contenus dans les forfaits explique peut-être le peu d’engouement pour très haut débit, comme l’illustre le FTTH qui compte – cinq ans après avoir été lancé en France – seulement 365.000 abonnés… La 4G fera-t-elle mieux ? Le haut débit (ADSL et 3G) ignorait déjà les contenus : il n’était en effet pas dans ses habitudes d’intégrer dans le prix de ses forfaits à 29,99 euros par mois l’accès à des contenus. Pourtant, les oeuvres produites par les industries culturelles ont, sans conteste, joué un rôle de « produits d’appel » et contribué au succès du haut débit en France.
Tout juste les opérateurs télécoms et fournisseurs d’accès à Internet (FAI) ont-il dû mentionner sur leurs offres haut débit ADSL et 3G que « le piratage nuit à la création artistique » (1). C’est à se demander si à force de ne pas inclure des contenus dans les offres d’accès, cela n’a pas favorisé le développement du piratage sur Internet. En payant leur accès haut débit tous les mois, les internautes et les mobinautes n’ont-ils pas eu le sentiment d’avoir droit d’accéder ensuite gratuitement à tous les contenus ? @

Musique : Google devance le lancement d’iTunes Radio

En fait. Le 8 août, Google France a annoncé le lancement d’un service d’« accès illimité à la musique » sur Google Play pour le marché français. Proposé par abonnement, il permet l’écoute de musiques en streaming et de profiter de smart radios personnalisées et sans publicité. « Des millions de titres » sont proposés.

En clair. Google se lance en Europe à l’assaut du français Deezer et du suédois Spotify qui jouent déjà sur les deux usages en pleine croissance que sont l’écoute en streaming et la radio personnalisable par abonnement. Le géant du Web prend également de court son rival Apple lequel prévoit de lancer à l’automne iTunes Radio, un service d’écoute musicale personnalisé par playlists et radios. La marque à la pomme, qui a lancé iTunes Store il y a dix ans, entend conforter son leadership mondial dans la musique en ligne, avec ses 26 millions de titres disponibles. Mais contrairement au futur service d’Apple, gratuit et financé par la publicité (1), le nouveau service de Google – baptisé « Accès Illimité » – offre par abonnement « des millions de titres des plus grandes maisons de disques, labels indépendants et artistes nationaux ». Lancé aux Etats-Unis en mai dernier sous le nom de Google Play Music All Access, le géant du Web avait signé des accords de droits avec Universal Music, Sony Music et Warner Music.
Avec Android sur tablette et smartphone, Google vise un parc plus large de terminaux (sans parler de l’accès web par play.google.com) que les iOS d’Apple. Outre-Atlantique, Google Play Music All Access doit aussi concurrence l’américain Pandora, pionnier de
la smart radio. « Accès illimité vous permet de profiter de radios interactives et sans publicité, personnalisées en fonction de vos chansons ou de vos artistes préférés. Libre
à vous de passer des titres, d’en supprimer et de réorganiser la file de lecture selon vos envies. Vous pouvez aussi accéder aux recommandations de notre équipe d’experts musicaux ou trier les titres par genre. La fonctionnalité “A écouter” affiche dans votre bibliothèque des suggestions d’artistes ou de radios susceptibles de vous plaire et accessibles en un clic. Et si d’aventure, vous ne trouviez pas votre bonheur dans notre éventail de plusieurs millions de titres, vous avez la possibilité de stocker en ligne gratuitement jusqu’à 20 000 titres de votre bibliothèque musicale personnelle », explique en détail le blog officiel de Google France.
Google Play Musique Accès illimité est gratuit pendant un mois, avant d’être payant :
7,99 euros par mois avant le 15 septembre, puis 9,99 euros par mois. A l’instar de Spotify et de Deezer, le géant du Net tourne un peu plus le dos au téléchargement. @

Vevo : les majors à l’assaut de Spotify et de Deezer

En fait. Le 20 août, l’agence Bloomberg a indiqué qu’Apple allait proposer sur Apple TV les vidéos musicales de Vevo – filiale d’Universal Music (Vivendi) et de Sony Music. Le 31 juillet, Dailymotion a annoncé l’extension de son partenariat
avec Vevo, lequel a renforcé cet été son accord YouTube (Google).

En clair. Créé en 2009 dans le cadre d’une alliance entre deux majors du disque
– Universal Music et Sony Music – avec Google, Vevo monte en puissance sur le
marché mondial de la musique en ligne. Les partenariats de diffusion de ses vidéos clips musicaux se multiplient. Ce qui fait de la plate-forme des majors Universal Music, Sony Music et, bien que non actionnaire, EMI (racheté il y a un an par la filiale de Vivendi) un concurrent de plus en plus redouté par les leaders Spotify et Deezer. La situation serait des plus banales sur un marché hyper concurrentiel si les deux majors actionnaires de Vevo n’étaient pas aussi les deux principaux fournisseurs de catalogues de musique du suédois Spotify et du français Deezer. Cela ne va-til pas jusqu’au conflit d’intérêt, étant donné que les majors sont aussi actionnaires minoritaires de Spotify (1).?
Le 19 août dernier, l’institut de mesures ComScore a publié le classement des sites de vidéos en ligne aux Etats-Unis : Vevo conforte sa quatrième position (derrière Google, Facebook et AOL), avec 49,6 millions de visiteurs uniques sur le mois de juillet. Cette fréquentation est due pour l’essentiel aux 47,6 millions de visiteurs uniques que lui apporte YouTube, dont il est le premier partenaire. En France, Vevo affiche 11.470.000 visiteurs uniques en juillet 2013 (voir p. 10). On comprend dès lors pourquoi le partenariat avec
la première plate-forme mondiale de partage vidéo a été renforcé cet été par l’entrée de Google au capital de Vevo (confirmé par YouTube le 3 juillet), à hauteur de 7 % si l’on en croit Techcrunch.com et Billboard.com. L’arrivée dans les prochaines semaines de Vevo sur l’Apple TV, dont le contenu audiovisuel s’enrichit à coups d’accords de diffusion (HBO/Time Warner, EPSN/Walt Disney, …), illustre la volonté des majors de la musique de renforcer Vevo déjà présent sur Netflix, Hulu, Facebook, Xbox ou encore AOL.
Y compris dans la TV connectée : sa disponibilité sur les téléviseurs connectés de Samsung serait également pour bientôt.
Depuis que Vevo s’est lancé en novembre 2012 dans trois pays européens simultanément, la France, l’Italie et l’Espagne (2)., les accords se succèdent comme avec la Sacem l’an dernier. Fin juillet, Dailymotion a annoncé avoir étendu à la France, l’Italie, l’Espagne, la Grande-Bretagne et à l’Irlande son partenariat avec Vevo – jusqu’alors limité aux Etats-Unis. Pour les majors, on n’est jamais mieux servi que par soi-même… @

Lescure : amende « très lourde » en cas de récidive

En fait. Le 19 août, le quotidien La Montagne publiait une interview de Pierre Lescure qui revient sur l’amende de 60 euros proposée en mai par la mission
« Acte II de l’exception culturelle » qu’il a présidée. Toujours sans avancer de montant en cas de récidive, il veut en revanche celle-ci « très lourde ».

En clair. « L’amende de 60 euros que nous proposons n’est pas symbolique. Et nous suggérons qu’elle soit très lourde pour la récidive », précise Pierre Lescure à La Montagne. Depuis la publication du rapport de la mission « Acte II de l’exception culturelle » en mai dernier, son discours se durcit donc concernant l’amende pour les récidivistes. D’une amende « éventuellement majorée » ou « aggravée » que suggère le rapport en
cas de récidive, il est question maintenant d’amende « très lourde » pour les récidivistes. Ce durcissement de la dialectique intervient quelques semaines après la publication au Journal Officiel du décret du 8 juillet supprimant la coupure d’Internet (1). Mais seule « la contravention de 5e classe » de 1.500 euros pourra désormais être prononcée pour l’infraction dite de « négligence caractérisée » prévue dans la réponse graduée de l’Hadopi. C’est cette sanction pécuniaire que le rapport Lescure a proposé de ramener à une somme forfaitaire de 60 euros pour rester dissuasive. Autrement dit, même si la peine complémentaire d’un mois de suspension de l’accès à Internet disparaît, le tribunal d’instance – en attendant que le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) ne prenne le relais de l’Hadopi – pourrait toujours aujourd’hui prononcer une amende de 1.500 euros d’amende. Est-ce à ce montant « très lourd » que pense Pierre Lescure en cas de récidive après une première amende de 60 euros ? Pour y voir plus clair, il faudra attendre le prochain débat parlementaire. En attendant, le Syndicat national de l’édition phonographique (Snep) s’est inquiété en juillet dernier de « la reprise de la consommation illicite de musique en ligne » (sur la base des résultats
de la troisième vague du baromètre Ifop/Hadopi) et a appelé les pouvoirs publics à
« maintenir un cadre juridique protecteur des droits de propriété intellectuelle sur Internet, assortie d’amendes suffisamment dissuasives ».
Lors de la publication du rapport Lescure, le Snep avait estimé que « le faible montant proposé pour cette amende (60 euros) décrédibilise sérieusement la pertinence de l’ensemble de l’édifice » (2). Est-ce pour répondre à la critique du syndicat des majors de la musique (Universal Music, Warner Music, Sony Music) que Pierre Lescure se voudrait désormais encore plus sévère envers les récidivistes ? @