La nouvelle loi « militaire » relance le débat entre sécurité renforcée et liberté sur Internet

La loi de programmation militaire, promulguée le 19 décembre 2013 sans avis
de la Cnil, élargit considérablement – voire trop – le périmètre d’accès aux données numériques. Mais les interceptions des communications sur les réseaux, par les autorités publiques et judiciaires, ne datent pas d’hier.

Par Christiane Féral-Schuhl*, avocate associée, cabinet Féral-Schuhl/Sainte-Marie

L’article 20 de la loi du 18 décembre 2013 relative à la programmation militaire (LPM (1)) intitulé « Accès administratif aux données de connexion » a, à lui seul, suscité une polémique largement relayée par les médias et les réseaux. Selon eux, cet article – qui prendra effet à compter du 1er janvier 2015, en élargissant le régime et les modalités d’accès des services de renseignement de l’Etat aux informations ou documents ainsi qu’aux données de connexion et de géolocalisation – instituerait un contrôle des pouvoirs publics sans précédent, augmentant ainsi les risques d’atteintes aux libertés individuelles.

Zelnik, Lescure, Phéline : gestion collective oblige

En fait. Le 18 décembre, Aurélie Filippetti a publié le rapport « Musique en ligne et partage de la valeur – Etat des lieux, voies de négociation et rôles de la loi » que lui a remis Christian Phéline. Il y préconise une meilleure rémunération des artistes à l’ère du numérique, grâce à la gestion collective.

En clair. La ministre de la Culture et de la Communication, Aurélie Filippetti, a de nouveau de quoi remplir un peu plus la loi Création qu’elle a promis de présenter en Conseil des ministres en février 2014. Elle a déjà accueilli comme « très prometteuses et pertinentes pour assurer une juste rémunération des artistes-interprètes dans l’univers numérique et pour soutenir la diversité de l’offre légale » les propositions du rapport Phéline (1) sur le partage de la valeur dans la musique en ligne. Le conseiller à la Cour des comptes propose notamment que le futur projet de loi d’orientation sur la création puisse « inciter à une négociation conventionnelle entre partenaires sociaux tendant, au vu des évolutions du marché de la musique en ligne, à encadrer les conditions de rémunération des artistes-interprètes de ces exploitations et prévoir, à défaut d’aboutissement de cette négociation dans un délai raisonnable, un régime de gestion collective obligatoire de ces mêmes rémunérations ». Ce délai raisonnable pourrait être de « 8 mois, prolongeable de quelques mois ». Autrement dit, « le législateur pourrait donc assigner aux parties une date butoir ne dépassant pas un
an après la publication de la loi [Création]» (2).

La loi Création devrait inclure YouTube et Dailymotion

En fait. Le 23 décembre, le CSA a publié le rapport – remis au gouvernement le
12 novembre – sur l’application du décret de 2010 concernant les services de médias audiovisuels à la demande (SMAd). Proposition : étendre les obligations
de la VOD et de la TV de rattrapage à YouTube et Dailymotion notamment.

En clair. En prévision du projet de loi Création, dont l’adoption en conseil des ministres
a été promise pour février 2014, le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) suggère au gouvernement et, partant, au législateur d’étendre son pouvoir sur Internet en faisant entrer dans la définition des SMAd « des grandes plates-formes de partage de vidéos qui s’imposent de plus en plus dans les usages, comme un moyen d’accès privilégié à toute sorte de contenus audiovisuels, à des extraits de programmes diffusés à l’antenne ou encore à des vidéo-musiques ». La filiale de Google, YouTube, et celle d’Orange, Dailymotion, sont les premières visées par ce rapport, qui, curieusement, n’a pas fait réagir l’Association des services Internet communautaires (Asic) dont sont membres
les deux plates-formes vidéo.

Ce que prévoit Aurélie Filippetti dans sa « grande loi » sur la création attendue avant le printemps

La ministre de la Culture et de la Communication, Aurélie Filippetti, promet de déposer en conseil des ministres une « grande loi » sur la création « avant les élections municipales » de mars 2014 – faute de pouvoir le faire avant Noël.
Elle intègrera un « deuxième volet » consacré au numérique.

La future loi sur la création, qui sera présentée en conseil des ministres avant le printemps prochain, aura deux volets : l’un sur la création physique (1), l’autre sur la création numérique.
« A l’heure où je défends la neutralité technologique, c’est bien de pouvoir avoir une grande loi création qui embrasse aussi les aspects numériques. Mais il n’y aura pas que la réponse graduée ! », a prévenu Aurélie Filippetti le 17 octobre dernier, invitée par l’Association des journalistes médias (AJM).

Chronologie des médias : la VOD avant la salle !

En fait. Depuis le 10 juillet, le film « Magnifica Presenza » est disponible en France en VOD avant sa sortie en salle prévue le 31 juillet. Cette chronologie des médias
« inversée » est une petite révolution où des négociations interprofessionnelles doivent reprendre pour modifier les fenêtres de diffusion.

En clair. Au lieu de privilégier la salle de cinéma en lui donnant l’exclusivité de diffusion d’un film, la société civile des Auteurs Réalisateurs Producteurs (ARP) expérimente l’inverse ! A savoir : proposer un film d’abord en VOD, puis en salle quelques jours après. Ce n’est pas la première fois que l’ARP défie la sacro-sainte chronologie des médias. En avril dernier, le documentaire « Viramundo : un voyage musical avec Gilberto Gil » avait été disponible en VOD sur Orange et iTunes dès le 17 avril, avant sa diffusion en salle à partir du 8 mai. Cette fois, c’est au tour du film « Magnifica Presenza » : le 10 juillet en VOD, toujours sur Orange et iTunes, puis en salle à partir du 31 juillet.
Illégal en France ? « Non », nous répond Florence Gastaud, déléguée générale de l’ARP : « L’arrêté sur la chronologie est clair. Si la sortie simultanée salle-VOD (day-and-date)
est interdite en France, rien n’est prévu avant la sortie en salle », nous explique-t-elle.
En effet, l’arrêté du 9 juillet 2009 (publié au J.O. du 2 juillet 2009) stipule dans son point
1.1 que « Le point de départ de la chronologie des médias est la date de sortie nationale en salles de spectacles cinématographiques ». Ainsi, selon l’ARP, la sortie simultanée
est illégale en France mais pas la sortir en VOD avant la salle ! Alors que ce n’est pas le cas en Autriche, en Grande-Bretagne et en Irlande où « Magnifica Presenza » sortira en revanche simultanément en salle et en VOD (1).
En France, cette chronologie des médias « inversée » ne déclenche pas de levée de boucliers au sein du cinéma français. Et pour cause : l’expérience est bien encadrée
et circonscrite par la Commission européenne qui finance trois projets de sorties simultanées ou quasi-simultanée de films (VOD/salle) à hauteur de 2 millions d’euros (2). Les trois projets ont été sélectionnés en octobre dernier, dans le cadre du programme MEDIA, et concernent environ 20 films de cinéma d’art et d’essai dans neuf pays européens, dont la France. Il s’agit de Speed Bunch (500.000 euros d’aide) du distributeur-coproducteur français Wild Bunch, de Edad (695.000 euros) du distributeur britannique Artificial Eye avec notamment le producteur français Rezo Films, et de Tide (800.000 euros) de l’ARP. Selon nos informations, Wild Bunch prévoit, lui, la sortie simultanée de son premier film à l’automne. @