Le Monde convoité par Orange et Free : qui l’aura ?

En fait. Le 25 juin, la Société des rédacteurs du Monde (SRM) s’est dite favorable
au trio Pigasse- Bergé-Niel. Le 21 juin, quatre candidats s’étaient déclarés pour recapitaliser « Le Monde » : Perdriel- Orange-Prisa, Pigasse-Bergé-Niel, Groupe Revenu Multimédia et le Russe Gleb Fetisov.

En clair. L’avenir du quotidien Le Monde, menacé de cessation de paiement dès juillet, se fera dans la convergence web-papier-mobile ou ne se fera pas. Deux des quatre dossiers qui ont été déposés à l’échéance du 21 juin, d’ailleurs seules retenues (1), impliquent deux opérateurs télécoms : Free allié à l’homme d’affaire Pierre Bergé et le banquier Matthieu Pigasse (2) d’une part, Orange associé au patron du « Nouvel Obs » Claude Perdriel et à l’espagnol Prisa d’autre part. Dimanche 20 juin, le conseil d’administration de France Télécom a approuvé l’offre conjointe avec le patron du Nouvel Observateur et l’éditeur du quotidien espagnol El Pais.
L’opérateur télécoms historique s’engage à investir 53 millions d’euros sur les 140 millions du trio, dont 20 millions dans le tour de table du nouveau groupe Le Monde et 33 millions pour racheter les 34 % que détient le groupe Lagardère dans la filiale Le Monde Interactif (Lemonde.fr, LePost, …). Selon l’OJD pour le mois de mai, lemonde.fr arrive en cinquième position des sites web certifiés avec 44,6 millions de visites et en seconde position des applications mobiles mesurées avec près de 5,3 millions de visites. « Apporter nos connaissances des réseaux pour aider Le Monde à prendre
le virage numérique m’est apparu comme une évidence », a déclaré le jour même au JDD le patron de France Télécom, Stéphane Richard (3). Devant l’Association des journalistes médias (AJM) le 16 juin (lire ci-dessus), Xavier Couture, patron des contenus d’Orange, a estimé que « cela faisait sens de rapprocher le portail orange.fr
et lemonde.fr ».
La publicité en ligne est centrale dans la candidature de France Télécom, avec une mise en commun des régies publicitaires. Face à cette candidature de poids, le milliardaire Xavier Niel, patron-fondateur de Free (groupe Iliad) – en trio avec Matthieu Pigasse et Pierre Bergé pour une offre de 110 millions d’euros répartis à parts égales – a désormais les faveurs de la SRM. Pierre Bergé s’est étonné que « Claude Perdriel puisse s’allier à un envoyé du président de la République en service commandé (Denis Olivennes, proche de Nicolas Sarkozy, ndlr) ». Xavier Niel y va en son nom propre, non pas avec Free. Le trio compte mettre en place une intégration web-papier. La décision du conseil de surveillance du groupe Le Monde est attendue lundi 28 juin. @

Viktor Arvidsson, Ericsson : « Les consommateurs doivent pouvoir accéder aux contenus légaux de leur choix »

Le directeur de la stratégie et des affaires réglementaires chez Ericsson France, filiale du numéro un mondial des réseaux mobiles, répond aux questions d’Edition Multimédi@ sur l’émergence d’un nouvel écosystème à l’heure de la convergence entre télécoms et audiovisuel.

Propos recueillis par Charles de Laubier

Edition Multimédi@ : Comment Ericsson perçoit-il
le souhait de l’industrie du cinéma français que les fabricants de terminaux interactifs puissent être obligés comme les fournisseurs d’accès à Internet d’investir dans des films? Viktor Arvidsson (photo) :
Il nous
semble que cette approche, qui consisterait à obliger les équipementiers télécoms à investir dans les contenus, n’est pas nécessairement la meilleure. A notre sens, les différents acteurs de l’écosystème contribuent conjointement au développement du marché. S’il n’y avait pas de vidéo à la demande, il y aurait moins de terminaux interactifs et inversement. Il faut donc être extrêmement prudent avant d’attribuer un succès – que l’on serait tenté de considérer comme un peu « parasitaire » – à un des acteurs d’un écosystème. Dans ce contexte, le réflexe qui consiste à « punir » les acteurs qui réussissent est plutôt contre-productif. Cette approche nous semble également assez inédite et l’on voit mal, par exemple, l’industrie de l’automobile financer les constructeurs d’autoroutes ! S’il y a des problèmes conjoncturels ou structurels dans une industrie, il faut les traiter en tant que tels. Il ne nous semble donc pas légitime et efficace de taxer ainsi les équipements télécoms.

Traité ACTA : entre principes généraux et interprétations

Les négociations internationales autour du traité ACTA, accord commercial anti-contrefaçon (y compris numérique), devraient se poursuivent jusqu’à la fin de l’année. La coupure de l’accès à Internet est notamment envisagée, mais de nombreuses questions demeurent.

Par Christiane Féral-Schuhl (photo), avocate associée, cabinet Féral-Schuhl/Sainte-Marie

Audiovisuel et télécoms se mettent en quatre

En fait. Le 14 juin, l’Autorité de la concurrence a rendu un avis, de sa propre initiative, indiquant que l’utilisation croisée de bases de clientèle (ou « cross
selling ») par Orange était désormais possible, comme le font déjà SFR et Bouygues Telecom. La bataille du quatruple-play peut s’engager.

En clair. Vous avez aimé le « triple play » (téléphone- Internet-télévision) à 29,90 euros par mois ? Vous adorerez le « quadruple play » de 45 à 110 euros par mois ! Avec ces nouvelles formules « tout-en-un », qui vont bien au-delà du mobile en plus, c’est à
l’« audio-visualisation » des accès fixes ou mobiles forfaitaires à l’Internet que l’on assiste : chaînes gratuites de télévision, vidéo à la demande (VOD), télévision de rattrapage (catch up TV), bouquets de chaînes payantes, sans oublier les services à valeur ajoutée (applications distantes, téléchargements audio, vidéo ou de jeux, espace de stockage distants, …). Pour Philippe Bailly, DG de NPA Conseil, c’est « un (grand) pas de plus vers l’univers multi-écrans ». Bouygues Telecom a été le premier à inaugurer, il y a un an, le « quadruple play » avec Ideo (lire EM@ 9, page 5) sur fond
de convergence accrue avec sa filiale-sœur TF1 (EM@ 11 p. 3). SFR et Canal+, au sein du même groupe Vivendi, pourraient bientôt en jouer. Et France Télécom ? Si l’Autorité de la concurrence estime que « l’utilisation croisée de bases de clientèle par Orange ne paraît pas pouvoir engendrer, à elle seule, d’effet d’éviction », elle met néanmoins en garde sur le fait que « ces offres [groupées de convergence] pourraient d’abord accroître les coûts de changement d’opérateur pour les consommateurs et l’intensité des effets “club” au sein des foyers, au détriment de la fluidité du marché, (…) même de conduire à l’éviction des opérateurs ». D’autant que cette nouvelle génération
d’« opérateurs universels » – à la fois fournisseurs d’accès et distributeurs de contenus audiovisuels – tend à offrir une palette de services et à instaurer une relation globale avec ses clients. Il devient même un « passage obligé » pour les abonnés multi-services. Mais les sages de la rue de L’Echelle préviennent : « Compte tenu des barrières à l’entrée sur le marché mobile, la généralisation des offres de convergence pourrait distordre la concurrence au bénéfice des trois opérateurs mobiles en place [Orange, SFR et Bouygues Telecom, ndlr] et au détriment des autres opérateurs ».
Et de clarifier : « Ce risque pourrait être atténué si le quatrième opérateur mobile, Free (1), bénéficiait rapidement d’une prestation d’itinérance sur l’un des réseaux en place, non seulement pour la 2G mais aussi pour la 3G, compte tenu du très fort succès des smartphones et des “clés 3G”». @

Menaces sur l’e-dentité

Lorsqu’en cet été 1556, un homme rentre après des années d’absence dans ce petit village de l’Ariège en se proclamant Martin Guerre, mari de Bertrande, il faudra plus de trois années et le retour du véritable Martin pour que l’usurpateur Arnaud du Thil soit finalement démasqué. A cette époque, comme durant de nombreux siècles, ce sont les proches qui peuvent se porter témoin de l’identité de l’un d’entre eux. La carte d’identité ne fera son apparition en France qu’en 1921, avec un succès mitigé, dans le département de la Seine. A l’heure des réseaux sociaux triomphants et du village planétaire interconnecté, force est de constater que la notion même de l’identité a rapidement évolué. A la multiplication des identités « offline » (administrative, contacts, bancaire, médicale, professionnelle…), premières à avoir rapidement migré vers le numérique, ce sont ajoutées les identités « online » au rythme du développement des services phares du Web (e-mail, messagerie instantanée), le développement du e-commerce et bien entendu les applications Web 2.0 (profils, commentaires, blogs).

« Une carte d’identité numérique universelle – également biométrique et même génétique dans certains pays – permet de simplifier la vie du citoyen sur le Net ».