Kin Cheung est le nouveau président de Twitter France, vrai responsable avec Laurence O’Brien

La filiale française de Twitter a plus de 10 ans. Après le départ de son « Country Manager » Damien Viel fin 2022, Laurent Buanec lui a succédé. Mais les vrais patrons de Twitter France sont en fait Kin Cheung, son président, et Laurence O’Brien, son directeur général depuis 2015.

Alors que la maison mère Twitter Inc., rachetée par le milliardaire investisseur Elon Musk en octobre 2022 pour 44 milliards de dollars, a été le 4 avril dernier fusionnée dans la société X Corp., elle-même détenue par X Holding Corp (1), la filiale française a de son côté une nouvelle équipe dirigeante. Edition Multimédi@ a constaté que, depuis le 28 février, l’Américain Kin Cheung (proche de la cinquantaine) a remplacé son compatriote Kevin Cope à la présidence de la Twitter France où ce dernier avait été nommé il y a trois ans (2).

Dublin et Londres chapeautent Paris
Kin Fai Cheung – basé, lui, à Londres – se retrouve ainsi le numéro un de la filiale française de l’oiseau bleu – située, elle, rue de la Paix à Paris. Sa nomination a été déposée au greffe du tribunal de commerce de Paris et publiée au Bodacc (3) le 9 mars dernier (4). Reportant directement au siège mondial à San Francisco où la plateforme de microblogging aux gazouillis a été créée il y a 17 ans par Jack Dorsey (qui l’a dirigée jusqu’en novembre 2021 et dont il a gardé 2,4 % du capital), Kin Cheung est secondé par le directeur général à ce poste depuis en juillet 2015, l’Irlandais Laurence O’Brien (photo), qui est situé, quant à lui, au siège européen de Twitter à Dublin en Irlande.
Laurence O’Brien va d’ailleurs fêter le 7 mai prochain ses 10 ans chez Twitter où il est entré en tant que responsable financier au siège fiscal européen à Dublin (chez Twitter International Unlimited Company, ou TIUC, sise Cumberland Place, Fenian Street), tout en étant rattaché à la filiale britannique opérationnelle à Londres (Twitter UK Ltd, sise Air Street). Kin Cheung dirige cette filiale britannique et a aussi pris les fonctions de président de la filiale française. Basé à Londres, Kin Cheung a en outre été nommé en février directeur de deux autres filiales britanniques de Twitter : Magic Pony Technology, société spécialisée dans l’apprentissage automatique (5) pour améliorer la qualité vidéo et acquise en 2016 par l’oiseau bleu pour 150 millions de dollars ; Fabula AI, une startup d’intelligence artificielle conçue pour lutter contre les fake news grâce à de l’« apprentissage profond géométrique » (6) et rachetée par Twitter en 2019 (montant non divulgué) afin de tenter de ne plus diffuser de la désinformation. Alors même qu’Elon Musk n’a pas encore annoncé de successeur et demeure PDG de Twitter devenu X Corp, soit quatre mois après avoir pourtant affirmé le 20 décembre 2022 vouloir quitter ce poste après avoir nommé un successeur, l’oiseau en Europe change de têtes pour ses filiales parisienne et londonienne. La mainmise du multimilliardaire Elon Musk (7) sur Twitter en octobre dernier a aussitôt été suivie par la suppression d’environ 3.700 emplois dans le monde. Le siège de Dublin a aussi été touché, d’après Bloomberg (8). En France, où l’oiseau bleu compte alors 5,9 millions de visiteurs uniques par jour selon Médiamétrie (en février 2023), l’Arcom s’est inquiétée de cette saignée dans les effectifs touchant aussi les équipes de la modération des contenus et l’a fait savoir le 21 novembre 2022 à Dublin. Pris entre le marteau et l’enclume, le « Country Manager » de Twitter France alors en place, Damien Viel, avait annoncé la veille – dans un tweet (9) – son départ. Devant le tribunal correction de Versailles en janvier 2022, où il avait comparu pour « refus de répondre à une réquisition du procureur » et « complicité d’injure publique » après deux tweets injurieux d’anonymes non-identifiés (10), il avait fait valoir sa responsabilité limitée de « Country Manager ». Il a été relaxé en mars 2022 et Laurent Buanec lui a succédé en décembre. La responsabilité incombe à TIUC à Dublin, où se trouve, on l’a vu, le « vrai » directeur général de Twitter France – l’Irlandais Laurence O’Brien – censé transmettre à la justice française les demandes d’information au pénal.
D’après les derniers résultats de Twitter France, société par actions simplifiée (SAS) créée il y a environ dix ans, le chiffre d’affaires – provenant essentiellement de la publicité en ligne – était de 12,9 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2021, en hausse de près de 10 % sur un an, pour une rentabilité nette de 678.000 euros.

Optimisations fiscales jusqu’au Delaware
Mais pour des raisons d’optimisation filiale, grâce à l’attractivité de l’Irlande, Twitter France – comme ses sociétés sœurs européennes Twitter UK, Twitter Germany, Twitter Netherlands et Twitter Spain – fait remonter du cash à Dublin justifié par diverses prestations apportées par la maison mère TIUC. Cette société irlandaise, d’après les derniers résultats connus, a fait état d’un chiffre d’affaires 2020 de plus de 1,1 milliard d’euros pour un résultat opérationnel de 169 millions d’euros (deux lignes comptables en baisse). L’optimisation fiscale se poursuit aux Etats-Unis, au sein d’une holding baptisée Lorikeet et située dans l’Etat du Delaware, réputé fiscalement mieux disant lui aussi. @

Charles de Laubier

Pour la TVA, Altice s’est débarrassé de SFR Presse

En fait. Le 4 avril, Capital a révélé que SFR a été l’an dernier notifié par Bercy d’un nouveau redressement fiscal de 420 millions d’euros, portant le total à 830 millions d’euros dus par Altice. En cause : les bénéfices, dont ceux réalisés de 2016 à 2018 en appliquant 2,10 % de TVA « presse » à ses offres triple play.

En clair. Si SFR est à nouveau redressé fiscalement pour notamment avoir indûment appliqué sur ses abonnements triple play – et durant près de deux ans (juin 2016 à février 2018) – le taux de TVA super réduit (2,10 %) pourtant réservé à la presse (et donc applicable en principe à son seul kiosque SFR Presse), il n’est pas le seul opérateur télécoms en France à avoir pratiqué ce « hold-up fiscal » (1). Bouygues Telecom lui avait emboîté le pas, en s’appuyant sur la plateforme LeKiosk (également partenaire de Canal+). De son côté, Orange avait intégré depuis l’automne 2017 le kiosque ePresse qui avait été reprise par le groupe Toutabo.
Potentiellement, selon une analyse à l’époque de la banque d’investissement JP Morgan, le total de cet astuce fiscal pratiqué par les quatre opérateurs télécom, Free compris, aurait représenté pour l’Etat une perte fiscale de 1 milliard d’euros sur une année ! Bercy avait alors tapé du poing sur la table et avait mis un terme à cet abus en l’interdisant par la loi de Finances 2018 (article 8) avec un retour obligatoire au taux normal (20 %) à partir du 1er mars de cette année-là (2). C’est tout récemment que l’on a su pourquoi Altice, la maison-mère de SFR, avait cédé son kiosque numérique SFR Presse – créé en avril 2016 et racheté en mai 2020 par Cafeyn, ex-LeKiosk (3), lequel a également repris la plateforme de numérisation de contenus miLibris qu’Altice avait acquis en 2017. En effet, lors de son audition le 2 février dernier devant la commission d’enquête sur la concentration dans les médias en France (lire aussi en Une), Patrick Drahi, fondateur et propriétaire d’Altice, a révélé que l’abandon de SFR Presse avait été décidé pour des raisons uniquement fiscales : « Il existait deux régimes de TVA différents en France, celui des télécoms [20 %] et celui des médias [2,10 %]. La télévision à péage était soumise à un taux de TVA de 5,5 %. Nous avons effectivement profité du régime en place. Du coup, après on me dit, on change la loi, cela passe à 20 %. Il n’y avait plus d’intérêt à le diffuser [parlant de SFR Presse, ndlr]. Cela s’est écroulé. Je suis un mécène pour quelques jours mais pas pour le restant de ma vie. Donc nous nous sommes débarrassés de cela ». Selon Capital, qui a révélé le nouveau redressement fiscal du groupe Altice (4), celui-ci saisira sûrement la justice contre ces redressements, comme Patrick Drahi l’avait fait avec Numericable. @

Raison fiscale ou digitale : fin de la redevance ?

En fait. Le 7 mars, lors d’un déplacement à Poissy (Yvelines) pour son premier meeting de président-candidat, Emmanuel Macron a lancé lors d’un échange avec des Pisciacais : « On va supprimer des impôts qui restent ; la redevance télé en fait partie ». Trois de ses rivaux la supprimeraient aussi. Dès 2023. Démagogique ?

En clair. La droite et l’extrême droite promettent la suppression de la contribution à l’audiovisuel public, alias la redevance, tandis que la gauche et l’extrême gauche sont contre sa disparition. Preuve encore que le clivage gauche-droite resurgit dans cette campagne présidentielle 2022.
Les réactions du monde de la production audiovisuelle et cinématographique, qui dépendent de la manne des chaînes publiques, ont fusé : « Le candidat-président assume un choix hypocrite et dangereux. Hypocrite car les ressources (…) devront être prélevées sur les ressources de l’État, financées par les impôts des Français. Dangereux car ce choix aboutira à la fragilisation de l’audiovisuel public et à la remise en cause de son indépendance en soumettant son financement aux aléas et au bon vouloir des décisions gouvernementales », a vertement critiqué la Société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD), fustigeant « la démagogie en marche » et « un cynisme insupportable ». Le BBA (Bloc, Blic, Arp), lui, parle d’« une grande inconséquence » aux « conséquences dramatiques ». Le Syndicat des producteurs indépendants (SPI) a fait part de son côté de « sa stupéfaction et son incrédulité ». Quant à la Société civile des auteurs multimédias (Scam), elle évoque « le bug Macron » où le candidat « ignore » que le président a confié en octobre 2021 une mission à l’IGF (1) et à l’Igac (2) sur « l’avenir du financement du service public de l’audiovisuel », dont le rapport lui sera remis au printemps. Au gouvernement, Bercy et Culture sont en désaccord sur le plan B. Roch-Olivier Maistre, président de l’Arcom (ex-CSA) a suggéré le 8 mars sur France Inter : « Pourquoi ne pas envisager (…) que le régulateur donne chaque année un avis sur les dotations qui sont attribuées au service public ? ».
Au-delà de sa remise en cause par quatre candidats (Le Pen, Zemmour, Pécresse et Macron), la redevance audiovisuelle faisait débat depuis dix ans. La Suisse a été le premier pays a décider en mai 2013 de ne plus la faire payer aux seuls détenteurs de téléviseur, mais par tous les foyers dotés d’écrans numériques – en réduisant la taxe au passage (3). En France, la règle obsolète du poste de télévision perdure malgré la révolution numérique. Cette taxe annuelle, stabilisée à 138 euros depuis 2020, a rapporté l’an dernier 3,7 milliards d’euros – dont 65% affectés à France Télévision et 16 % à Radio France (4). @

DSA & DMA : compromis numérique en vue entre les Etats membres, à défaut de consensus

Les deux propositions de règlement, l’un pour un « marché unique des services numériques » (DSA) et l’autre sur les « marchés contestables et équitables dans le secteur numérique » (DMA), entrent dans leur dernière ligne droite législative. La Commission européenne en a été l’initiatrice il y a un an.

L’issue des tractations et des lobbyings autour des deux propositions de règlement DSA (Digital Services Act) et DMA (Digital Markets Act) va maintenant se jouer entre l’actuelle présidence slovène de l’Union européenne (jusqu’au 31 décembre) et la prochaine présidence française (du 1er janvier au 30 juin 2022). Une réunion des Etats membres des Vingt-sept est prévue le 25 novembre – « Rue de la Loi », dans les locaux de la Commission européenne à Bruxe l le s – s o u s le thème de « Compétitivité » dans le marché intérieur et l’industrie.

Production cinématographique et audiovisuelle : Netflix « accélère » en France avant l’obligation de financement

Les plateformes de SVOD telles que Netflix vont devoir financer des films, séries ou documentaires européens à hauteur de 20 % à 25 % de leur chiffre d’affaires – dont 85 % en oeuvres françaises. Avec le binôme « Bernet- Pedron », le groupe de Reed Hastings s’est renforcé en France où il compte plus de 6,4 millions d’abonnés.

C’est le baptême du feu pour Damien Bernet et Jérôme Pedron, depuis leur recrutement par Netflix en France, respectivement en avril et mai derniers. Le premier a été directeur général d’Altice Média après avoir été directeur délégué de NextRadioTV (racheté par Altice en 2016) et le second fut un ancien de Telfrance et directeur délégué de la société de production audiovisuelle Newen (rachetée par TF1 en 2015). Ce binôme de « Director Business and Legal Affairs » à la tête de la filiale française de Netflix, aux côtés de Marie-Laure Daridan, directrice des relations institutionnelles depuis près de deux ans, est placé sous l’autorité de Tom McFadden (photo), lui-même aussi « Director Business and Legal Affairs » mais pour l’ensemble de la vaste région EMEA – Europe, Moyen-Orient et Afrique. Originaire de Pennsylvanie (Etats-Unis), cet Américain est basé au QG européen de Netflix à Amsterdam (Pays-Bas) depuis le début de l’année, après avoir fait ses premières armes de négociateur – commercial et juridique – dans les contrats de production, de coproduction et de licences de séries et de films chez Netflix à Hollywood, la Mecque du cinéma américain. C’est lui aussi qui supervise juridiquement les relations des équipes locales avec les gouvernements et les politiques. Damien Bernet et Jérôme Pedron en réfèrent à lui justement dans les discussions en France autour du projet de décret dit SMAd – Services de médias audiovisuels à la demande – que le pays de « l’exception culturelle » s’apprête à promulguer.