Deux réformes en vue : e-commerce et droits d’auteur

En fait. Le 5 avril, l’Association des services Internet communautaires (Asic), dont Google/YouTube ou Dailymotion sont membres, a organisé un débat sur
le statut des « intermédiaires techniques » du Web, ainsi que sur leur obligations de « retirer promptement » des contenus considérés comme « illicites ».

En clair. Malgré l’arrêt de la Cour de cassation rendu le 17 février dernier, qui confirme
le statut juridique d’hébergeur de Dailymotion, les « intermédiaires techniques » du Web s’inquiètent toujours des obligations qui leur incombent depuis la loi du 21 juin 2004 pour la « confiance dans l’économie numérique » (LCEN). Pourtant, ce statut leur confère une responsabilité limitée et non pénale. Mais ils craignent que ce devoir de vigilance – et d’obligation à « retirer promptement » des contenus illégaux (illicites ou piratés) qui leur seraient signalés – pourrait être renforcé par la Commission européenne qui prépare pour juin prochain une réforme de la directive «Commerce électronique ». Parallèlement la direction Marché intérieur du commissaire Michel Barnier prépare, pour juin également, un renforcement de la protection de la propriété intellectuelle (1). Pour les ayants droits (cinéma, musique, …), c’est l’occasion unique de faire évoluer le statut des Dailymotion, YouTube et autres Facebook pour accroître leurs obligations de lutter contre le piratage des œuvres sur Internet. « Le statut d’irresponsabilité des hébergeurs a été défini en 2000. Mais aujourd’hui, peut-on parler d’hébergeur lorsque l’on diffuse des œuvres avec des accords de droits ? Je pense que non. Ce statut se rapproche de celui de diffuseur. Le “tsunami“ (2) de la TV connectée va amplifier le phénomène. Il faut donc une adaptation réglementaire. D’autant que hébergeurs et diffuseurs n’ont pas les mêmes obligations, ce qui pose des problèmes de concurrence », a expliqué le 5 avril Pascal Rogard, DG de la SACD (3). Mais les plateformes Web, elles, mettent en garde contre une « obligation de surveillance générale » qui serait contraire à l’actuelle directive européenne «Commerce électronique » et qui porterait atteinte à la liberté d’expression sur Internet. Des tribunaux imposent même aux intermédiaires du Web des obligations dites de « take down stay down », lesquelles leur imposent d’empêcher toute remise en ligne de contenus illégaux dès leur première notification. Pour faire face, Dailymotion a
constitué une base d’empreintes des œuvres (4) plus importante que celle de l’INA. Est-ce légal ?
Une chose est sûre : Jean Bergevin, représentant de la direction Marché intérieur,
a affirmé que « la Commission européenne va clarifier d’ici juin la directive “Commerce électronique“ sur notamment ce qu’est “agir promptement“ et sur la notification ». Cela se fera soit sous forme d’une communication interprétative, soit par une recommandation. @

Statut de Dailymotion : pourquoi la Cour de cassation change son fusil d’épaule

En confirmant le 17 février 2011 le statut d’hébergeur à Dailymotion, la Cour de cassation procède à un revirement de jurisprudence par rapport à sa seule autre décision en la matière, l’arrêt « Tiscali » du 14 janvier 2010. Sans préjuger des décisions à venir.

Par Christophe Clarenc et Mahasti Razavi, associés, et Anne-Laure Falkman, counsel, August & Debouzy.

La Cour de cassation a eu peu de fois l’occasion de se prononcer sur la problématique de la qualification juridique
des intermédiaires du Web 2.0. Elle vient de le faire par
arrêt en date du 17 février 2011, dans l’une des nombreuses affaires de Dailymotion. Elle a ainsi confirmé l’arrêt rendu
par la Cour d’appel de Paris, le 6 mai 2009 (1), aux termes duquel le statut de simple hébergeur était reconnu à Dailymotion, par opposition à celui d’éditeur, et, en conséquence, sa responsabilité écartée pour l’accessibilité du film « Joyeux Noël », via ses services.

L’hébergeur Dailymotion joue aussi un rôle d’éditeur

En fait. Le 17 février, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi des ayants droit du film « Joyeux Noël » (Nord-Ouest Production et UGC Images), confirmant un arrêt de la Cour d’appel de Paris du 6 mai 2009 qui reconnaît à Dailymotion le statut d’hébergeur. Mais le site de vidéos a une autre « casquette ».

En clair. Dailymotion n’est officiellement pas un éditeur de service qui procède à « une sélection des contenus mis en ligne », échappant ainsi à la lourde responsabilité lié à
ce statut. Selon la Cour de cassation, la plateforme de partage vidéo française est un
« simple » hébergeur, qui peut « revendiquer le statut d’intermédiaire technique au sens
de l’article 6-I-2 de la loi du 21 juin 2004 » – loi dite LCEN sur la confiance dans l’économie numérique. A ce titre, Dailymotion bénéficie d’un régime de responsabilité dérogatoire qui ne le rend coupable que si – saisi par une autorité judiciaire – il n’a pas agi « promptement pour retirer le contenu illicite ou à en interdire l’accès ». S’il avait le statut d’éditeur, il aurait été responsable de plein droit et lourdement condamné pour contrefaçon avec versement de dommages et intérêts pour des contenus illégaux mis en ligne. Or, non seulement l’arrêt de la Cour d’appel – confirmé en cassation – a reconnu le statut d’hébergeur à Dailymotion, mais il l’a aussi disculpé en raison d’informations insuffisantes pour lui permettre de retirer plus rapidement le film
« Joyeux Noël » en 2007. Pour le concurrent de YouTube qui est depuis janvier dernier en négociation exclusives avec France Télécom (1), c’est une bonne nouvelle. « Cette décision permet de mettre de côté définitivement de stériles débats juridiques pour nous concentrer sur notre travail quotidien: faire d’Internet un relais de croissance efficace pour les industries culturelles », s’est félicité Giuseppe de Martino, directeur juridique et réglementaire de Dailymotion. Pourtant, l’hébergeur est-il en train d’élargir son métier à celui d’éditeur ! « Nous avons toujours revendiqué une double casquette et nous avons un “rédac chef“ depuis quatre ans », précise Martin Rogard, le DG France de Dailymotion, à Edition Multimédi@. Une équipe “éditorialise” les vidéos. C’est ce que les Anglo-saxons appelle « curation », qui consisteà les sélectionner et à les classer par thèmes pour en faciliter l’accès. Sont ainsi proposé aux internautes des « hubs » thématiques tels que « Bandes-annonces », « Célébrités », « Jeux » ou encore
« Musique ». Des événements comme le Salon de l’agriculture sont aussi “éditorialisés”. Dailymotion, déjà présent sur les téléviseurs connectés de LG, Samsung, Sony ou encore Panasonic, prévoit en outre cette année de lancer un service de VOD payante et de proposer aussi des films de long métrage (2). La frontière entre hébergeur et éditeur s’estompe. @

Le Geste veut être le fédérateur des éditeurs de services de musique en ligne

Le Groupement des éditeurs de services en ligne (Geste) se pose en rassembleur des plateformes de musique en ligne. Edition Multimédi@ révèle les propositions qu’il a formulées à la mission Hoog pour une gestion collective des droits musicaux sur Internet.

Depuis que le projet de syndicat des plateformes de musique sur Internet – initié par le cofondateur de Deezer, Jonathan Benassaya – a été abandonné, le Geste (1) entend plus que jamais fédérer les éditeurs de musique en ligne. Via sa commission « Musique en ligne », il a représenté plusieurs d’entre eux auprès de la mission Hoog chargée de mettre en place, en France, la gestion collective des droits musicaux pour les services de musique en ligne. Dans un document de 33 pages (que Edition Multimédi@ s’est procuré) cosigné le 25 octobre par huit acteurs – Orange, Deezer (détenu à 11 % par France Télécom), Beezik, Starzik, VirginMega, NRJ et le Syrol (2) –, le Geste a fait ses propositions.

Editeurs ou hébergeurs ? Controverses autour de la qualification des sites de partage

YouTube, Dailymotion, Facebook,… Quel est leur statut ? Ont-ils une responsabilité limitée d’hébergeur ou bien sont-ils responsables de plein droit des contenus qu’ils mettent en ligne en tant qu’éditeur ? En fait, plusieurs régimes peuvent s’appliquer. D’où l’insécurité juridique.

Par Christiane Féral-Schuhl*, avocate associée, cabinet Féral-Schuhl/Sainte-Marie