Chaînes ciné d’Orange et de Canal+ : problèmes

En fait. Le 19 janvier, France Télécom et Canal+ ont annoncé un projet de fusion de leurs chaînes de télévision, Orange Cinéma Séries et TPS Star, au sein d’une joint venture détenue à parts égales. Une nouvelle chaîne – Orange Ciné Star – naîtra de cette union. Du moins si le projet aboutit fin 2011.

En clair. Depuis la loi LME du 4 août 2008, c’est aux sages de la rue de l’Echelle qu’Orange et Canal+ devraient notifier le projet de fusion de leur chaînes de cinéma respectives. Mais en raison des seuils de chiffres d’affaires des deux groupes en
question (1), c’est à la Commission européenne que sera présentée cette opération
de concentration. Bruxelles devrait ensuite renvoyer le « cas » à l’Autorité de la concurrence puisque la société commune entre Orange Cinéma Séries et TPS Star concerne essentiellement le marché français de la télévision payante. Or l’Autorité de la concurrence a déjà fait part à plusieurs reprise de ses préoccupations sur la « position dominante de Canal+ » sur ce marché depuis la fusion entre TPS et CanalSat autorisée par Bercy le 30 août 2006. Dernière intervention en date : sa décision du 16 novembre dernier de poursuivre l’instruction sur des exclusivités pratiquées par le groupe Canal+. La fusion « Orange- Canal+ » vient compliquer sa tâche, d’autant que l’opérateur télécoms avait lui-même porté plainte en novembre 2008 contre « le caractère anticoncurrentiel des exclusivités de Canal+ » accusé de « verrouiller le marché de
la télévision payante » en empêchant les distributeurs concurrents que sont les FAI. Faut de pouvoir donner raison aux plaignants (2) sur l’ADSL, les mobiles, la TNT et
le satellite – dont les exclusivités avaient eu la bénédiction de Bercy – l’Autorité de
la concurrence a néanmoins gardé Canal+ dans le collimateur sur «l’extension des clauses d’exclusivité » à la fibre optique ou à la télévision de rattrapage et sur les exclusivités sur ses propres chaînes (TPS Star, Planète, …) ou celles d’autres éditeurs (MTV, Disney Channel, …). Est en outre prévue « au premier semestre 2011 » une décision sur le respect des engagements pris – jusqu’à fin 2012 – par Canal+ lors du rachat de TPS. De son côté, le Bloc (3) a exprimé le 25 janvier ses préoccupations sur « une réduction de 60 millions d’euros des coûts de grille des chaînes concernées et l’absence d’un maintien dans l’avenir des engagements (…) vis-à-vis de la création cinématographique ». Et ce, malgré la promesse des deux parties d’« honorer jusqu’à leur terme » leurs obligations. C’est d’autant plus inquiétant pour le septième art français qui dépend en effet désormais un peu plus de Canal+ (premier pourvoyeur de fonds avec 200 millions d’euros par an investis dans les films français) et maintenant de son associé Orange (nouveau co-producteur via OCS et Studio 37). @

Puce antipiratage d’Intel : plus qu’une empreinte

En fait. Le 5 janvier, le numéro un mondial des fabricants de microprocesseurs pour PC, l’américain Intel, a présenté Sandy Bridge. Il s’agit d’une puce graphique haute définition dans laquelle est imprimé dans le silicium un système anti-piratage de films qui séduit déjà les producteurs de cinéma.

En clair. La puce anti-piratage, qui va se retrouver sur les ordinateurs – mais aussi à terme sur des « boxes » multimédias –va-t-elle résoudre pour autant le téléchargement illégal de films sur Internet ? Sera-t-elle plus efficace que les empreintes numériques telles que Content ID de YouTube ou Signature de l’INA (1) ? « Cette solution ne concernera, par définition, qu’une petite partie du parc des internautes, en fonction du renouvellement progressif – et lent – du parc d’ordinateurs. Inversement, nos solutions de “fingerprinting“ sont par définition universelles puisqu’elles opèrent au niveau du serveur luimême. Elles permettent donc de ‘filtrer’ absolument tous les téléchargements, indépendamment de l’équipement des contributeurs… », indique Cédric Tournay, PDG de Dailymotion, à Edition Multimédi@. Intel, dont les puces sont présentes dans huit PC sur dix dans le monde, a misé sur « Sandy Bridge » pour réaliser avec plus d’un tiers de ses ventes dès cette année auprès des fabricants de PC, de consoles de jeux, de « boîtiers » de salon ou encore de smartphones. Mais il faudra du temps pour que son utilisation soit significative, en raison du rythme lent de renouvellement du parc des terminaux.
Les tatouages digitaux comme Signature ou Content ID – qui existent depuis 2007 –
ont l’avantage d’être compatibles avec tous les terminaux. TF1, EuropaCorp, Canal+
ou encore TDF utilisent déjà Signature. Tandis qu’ils sont plusieurs centaines de clients
à avoir adopté Content ID, dont M6, EuropaCorp ou Pathé en France (2). Reste à savoir si la puce antipiratage dans le cinéma subira-t-elle le même sort que les systèmes de gestion des droits numérique DRM (Digital Right Management) qui ont été finalement abandonnés par la musique car « contre-productifs » ? Boudés par les internautes et considérés finalement par la filière musicale comme un « frein » au développement des plateformes légales de téléchargement, les DRM avaient en effet été abandonnés. Cette fois, ce DRM est posé par Intel au coeur d’un microprocesseur avec la complicité des studios d’Hollywood (20th Century Fox, Warner Brothers, DreamWorks, …). Objectif : lutter à la source contre le piratage en ligne. L’ordinateur
de l’internaute deviendrait ainsi son meilleur ange gardien ! – si tant est que cette sentinelle des droits d’auteur – verrou « propriétaire » greffé au cœur du terminal censé être ouvert et neutre – puisse être pleinement acceptée par les internautes eux-mêmes. @

Financement de films, TVA ADSL et taxe Cosip

En fait. Le 3 janvier, l’Association des producteurs de cinéma (APC) a critiqué l’annonce de Free qui veut dissocier la distribution de chaînes de télévision en faisant une option facturée 1,99 euro par mois – au lieu de la moitié de la facture triple play. Ce serait moins de financement pour les films.

En clair.. La polémique sur les conséquences de la hausse de la TVA à 19,6 % sur
les offres triple play (téléphone-Internet-télévision), au lieu de 5,5 % sur la moitié de la facture liée aux chaînes de télévision, continue de faire des vagues dans le monde du septième art. Comme le calcul de la taxe dite Cosip (1) – destinée à établir le niveau
de contribution obligatoire des fournisseurs d’accès à Internet (FAI) au financement de films français et européens – est effectué sur la moitié de la facture triple play, l’initiative de Free réduirait à la portion congrue l’assiette de calcul. « Il semble que Free tente ainsi de faire une économie sur le dos de la création cinématographique et audiovisuelle, en ayant pour objectif de réduire drastiquement l’assiette de la taxe destinée à cette dernière, qui est perçue par le CNC (2), tout en continuant plus que jamais à faire des œuvres un “produit d’appel“ », estime Frédéric Goldsmith, délégué général de l’APC. L’association, qui représente près de la moitié des budgets du cinéma français, « conteste ce qui représenterait selon elle un contournement artificiel des dispositions de la loi de finances pour 2011 et des engagements du Président de la République ». Nicolas Sarkozy avait annoncé aux organisations du cinéma français – reçues le soir du 6 septembre 2010 – que le gouvernement garantirait le financement des films via le fonds Cosip à l’occasion du projet de loi de Finances 2011. Ce qui fut fait le 15 décembre dernier avec l’adoption du texte qui prévoit le maintien de la contribution des FAI calculée sur 45 % de leur chiffre d’affaires triple play. Rappelons que c’est la Commission européenne qui a estimé illégale l’application par la France
de la TVA réduite sur la moitié du triple play, cette mesure ayant été instaurée par la loi du 5 mars 2007 « en contrepartie » de la taxe Cosip (lire EM@19, p. 7). Jusqu’alors, les FAI versaient aux sociétés d’auteurs 3,75 % sur la moitié des recettes triple play soumise à la TVA réduite de 5,5 %. Ils paieront désormais autant sur
la totalité de la facture triple play passée à la TVA à 19,6% mais bénéficieront d’un abattement de 55 %. En ramenant à 6,2 % la part « télévision » dans son offre triple play, Free fait donc grincer des dents les ayants droits. Le directeur général de la SACD (3), Pascal Rogard, estime que « les créateurs (…) seraient fondés à exercer [leur droit d’autoriser ou d’interdire la retransmission des programmes, ndlr] pour éviter d’être dépouillés par cette carabistouille »… @

Piratage sur Internet : après la musique et le cinéma, le livre s’apprête à « rejoindre » l’Hadopi

Alors que les premiers résultats chiffrés de la « réponse graduée » sont bien en-deçà des objectifs initiaux des ayants droits de la musique et du cinéma, lesquels visaient ensemble jusqu’à 125.000 avertissements par jour, le Syndicat national
de l’édition (SNE) se prépare à saisir la Cnil pour pouvoir faire appel à son tour
à l’Hadopi.

Vidéo à la demande : la France s’adapte au dumping réglementaire

Le décret du 12 novembre 2010 impose des obligations de financement du cinéma français et européen aux services de médias audiovisuels à la demande (SMAd). Il prend en compte les inquiétudes du CSA, mais le risque de dumping réglementaire demeure.

Par Rémy Fekete (photo), avocat associé, et Alexandre Entraygues, avocat, Gide Loyrette Nouel.

Le gouvernement français avait fustigé dès 2009 la distorsion de concurrence entre les plateformes de musique en ligne iTunes et AmazonMP3, lesquels paient la TVA au Luxembourg (3 % sur la part liée aux droits d’auteur, soit sur environ 75 % du prix de vente), tandis que la Fnac et Virgin paient la TVA en France à hauteur de 19,6 %. Cette menace d’un déséquilibre entre le dispositif français, réputé lourd et contraignant, et d’autres dispositifs plus “accueillants” est à nouveau revenue sur le devant de la scène à l’occasion du décret relatif aux services de médias audiovisuels à la demande (SMAd).