Cinéma : les malentendus demeurent avec Bruxelles

En fait. Le 24 octobre, ont débuté à Dijon les 23e Rencontres cinématographiques de l’ARP (association des Auteurs, réalisateurs et producteurs) qui avait invité
le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso. Ce dernier a décliné.

En clair. Le Conseil de l’Union européenne consacré au numérique des 24 et 25 octobre à Bruxelles se tient en même tant que les Rencontres cinématographiques à Dijon. C’est la raison pour laquelle José Manuel Barroso a décliné l’invitation de l’ARP
à participer au débat « Le cinéma est-il euro compatible ? ». L’ARP avait motivé son invitation au président de la Commission européenne « pour, une bonne fois pour toutes, dissiper tout malentendu entre nous ». Le monde du cinéma français aurait voulu « lever certaines ambiguïtés ». Et ce, non seulement à la veille de la présentation par Bruxelles de la nouvelle communication « Cinéma », laquelle pourrait limiter les aides d’Etat au cinéma et les conditionner à la meilleure circulation des œuvres sur
les plateformes numériques (1), mais aussi avant les deux prochains rounds de négociation entre l’Union européenne et les Etats-Unis en vue d’un accord de libre-échange transatlantique (2).

Salon du livre de Francfort : l’édition sans éditeurs ?

En fait. Le 9 octobre, la 65e édition du salon du livre de Francfort – le Frankfurt Book Fair, organisé par l’association allemande des éditeurs et des libraires – a ouvert ses portes et… ses livres. Pour la première fois, un espace « Self-Publishing Area » met en avant les plates-formes d’auto-édition.

En clair. La vente directe, de l’auteur au lecteur ! Telle est la nouvelle tendance de l’industrie du livre. L’auto-édition, qui permet aux auteurs de se publier eux-mêmes sans passer par une maison d’édition et de percevoir jusqu’à 70 % du prix de leurs œuvres vendues directement au public (1), est à l’honneur du salon du livre de Francfort. « Nous avons environ 300 self-publishers », nous indiquent les organisateurs. Cela va du géant Amazon avec KDP (Kindle Direct Publishing) à de nombreuses start-up venant des quatre coins du monde, telles que Books on Demand (BoD), Epubli, Redshelf, Widbook (2) ou encore Xlibris.
Selon une étude de New Publisher House, le marché de l’autoédition pèserait déjà 52 milliards de dollars de chiffre d’affaires aux Etats-Unis. Ailleurs, les chiffres manquent.
En France, la BnF estime à 12 % la part du dépôt légal français concernant des livres auto-édités (imprimés et numériques). Le Syndicat national de l’édition (SNE) nous
indique n’interroger ses adhérents que sur leur activité, d’autant qu’il nous précise que
ses membres « doivent être éditeurs à compte d’éditeur » s’ils veulent adhérer. Les plates-formes d’auto-édition, qui font peur à bon nombre de maisons d’éditions (3), ne
sont pas les bienvenues au SNE. « Nous observons simplement que dès lors qu’un auteur auto-édité remporte un certain succès, il se tourne vers un éditeur professionnel », souligne le syndicat. Tout juste sait-on que l’édition numérique a généré en France 81,8 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2012, soit 3 % des revenus totaux des éditeurs.

Lescure : les producteurs contre la gestion collective

En fait. Le 12 juin, Pierre Lescure, président de la mission « Acte II de l’exception culturelle », et Jean- Baptiste Gourdin, rapporteur général, ont été auditionnés par la commission des Affaires culturelles de l’Assemblée nationale. Ils ont à nouveau insisté sur la gestion collective à l’ère du numérique.

En clair. « La gestion collective, loin d’être un archaïsme, est LE mode de gestion adapté à l’exploitation numérique des oeuvres, laquelle se caractérise par des nano paiements
et une multitude de micro transactions. La gestion collective est le système, même en termes économiques, le plus adapté à cette exploitation. (…) C’est ce système que nous voulons généraliser », a insisté Jean-Baptiste Gourdin, rapporteur général de la mission
« Acte II de l’exception culturelle » (1). Ce plaidoyer pour la gestion collective agace les producteurs, aussi bien de musiques que de films, très attachés à la gestion individuelle des auteurs. « Cette collectivisation à marche forcée, nous y sommes opposés. (…) La gestion collective est portée auprès du ministère de la Culture par l’Adami (2) », a fustigé Guillaume Leblanc, directeur général du Syndicat national de l’édition phonographique (Snep) le 31 mai dernier. Il compte bien « rectifier et corriger » les propositions du rapport Lescure dès ce mois de juin lors des réunions de travail avec le ministère de la Culture et de la Communication. « En quoi un système de gestion collective crée de la valeur et en quoi il est meilleur que le système actuel ? (…) Nous ne voulons pas de gestion collective obligatoire [en cas de refus de négocier, ndlr] », a ajouté Stéphane Le Tavernier, président du Snep, en indiquant avoir confié avec l’UPFI (3) au cabinet Ernst & Young la réalisation pour « fin juin – début juillet » d’un audit pour comparer les modèles économiques. Quant aux producteurs de cinéma, ils défendent aussi leurs droits exclusifs sur les films.
Mais la mission Lescure n’en démord pas devant les députés : il faut des négociations interprofessionnelles entre les syndicats des industries culturelles et, pour la mise en oeuvre, les sociétés de gestion collective afin de garantir la rémunération des auteurs et des artistes à l’heure d’Internet. « Ce n’est pas une solution irréaliste car elle fonctionne déjà dans certains secteurs : par exemple, dans le domaine de la VOD, les auteurs sont rémunérés par la SACD (4) qui collecte directement les rémunérations auprès des plates-formes vidéo de type iTunes [mais aussi Dailymotion, YouTube, CanalPlay Infinity, Filmo TV et depuis juin Videofutur, ndlr]. Et ce, en vertu d’un accord avec les producteurs ».
Ces derniers n’ont en tout cas pas dit leur dernier mot… @

Meta Musique

On se souvient aujourd’hui de l’année 2012, comme celle qui marqua la sortie de ce que certains croyaient être l’enfer et qui, finalement, n’aura été qu’un sombre et long purgatoire. C’était la première fois, depuis 1999, que le marché mondial de la musique renouait avec la croissance. La progression fut certes modeste avec à peine 0,3 % mais, après presque 15 ans de baisse continue, elle raisonna comme une promesse. Ce fut l’avènement d’une nouvelle ère, où la musique serait numérique et définitivement dématérialisée. Mais attention, le soleil ne s’est d’abord levé que sur quelques terres privilégiées. De petits pays du nord de l’Europe, comme la Suède et la Norvège, terres d’élection pour l’économie numérique et le streaming par abonnement, et de très grandes économies émergentes comme le Brésil, le Mexique et l’Inde adoptèrent rapidement la consommation musicale sur mobile. Pour les autres, le marché fut encore en recul comme en France avec, encore cette année-là, une baisse de plus de 4 %.
C’est dans ce contexte que s’est ouvert un nouvel acte, avec l’entrée en lice des géants du Net, décidés à prendre les rênes laissées quelques temps aux défricheurs Spotify, Deezer ou Pandora, qui avaient quand même eu le temps de consolider leurs positions.

« Le GRD fut décisif pour associer en temps réel un morceau, ses auteurs et les détenteurs des droits,
ainsi que leur rémunération en fonction de l’écoute. »

Plus de gestion collective pour YouTube et Dailymotion

En fait. Le 15 janvier, la Société des auteurs compositeurs dramatiques (SACD)
a donné le coup d’envoi du premier appel à candidatures – jusqu’au 22 février – pour sélectionner dix courts-métrages vidéo dans le cadre de l’Académie SACD/YouTube lancée en novembre dernier. Dailymotion n’est pas en reste.

En clair. La SACD fait un pas de plus vers la gestion collective des droits des auteurs audiovisuels dont les œuvres vidéo sont diffusées sur Internet. « Au bénéfice de contrats généraux de représentation conclus avec Dailymotion et YouTube, [la SACD] assure à ses membres d’être rémunérés au titre du droit d’auteur pour leurs œuvres exploitées
sur ces plates-formes et elle est la seule à avoir mis en place un système de répartition réellement proportionnel au nombre de visualisations », explique la société de gestion collective le jour du lancement de la première « promo des créateurs du web » initiée avec YouTube. Rémunérer directement les auteurs de vidéo ou de films sur Internet, voire en plus de leurs éventuels contrats avec des producteurs, c’est le cheval de bataille de la SACD et de la Scam (Société civile des auteurs multimédia) qui sont toutes les deux membre de la puissante Société des Auteurs Audiovisuels (SAA) représentant les
intérêts des sociétés de gestion collective des droits d’auteur dans une quinzaine de pays (1 millions de titulaires de droits). En France, si les œuvres audiovisuelles diffusées en VOD, TV payante ou en catch up TV nécessitent pour les sociétés de gestion collective de passer un protocole d’accord avec les producteurs de cinéma (1), il n’en pas de même pour les autre modes d’exploitation à la demande comme les plates-formes de vidéo en ligne comme YouTube ou Dailymotion. C’est ainsi que des accords ont ainsi été conclus directement par la SACD et la Scam avec Dailymotion en 2008 et YouTube (2) en 2010, afin de permettre la rémunération des auteurs pour la mise à disposition de leurs œuvres en ligne.
Le lancement de l’Académie SACD/YouTube intervient deux ans après l’accord avec la filiale vidéo de Google, lequel permet aux auteurs concernés de pouvoir être rémunérés pour leurs œuvres exploitées sur Internet – proportionnellement à leur nombre de vues
en ligne. D’après Ecran Total, les premiers versements aux auteurs devraient intervenir dès cette année. Quant à l’accord passé antérieurement entre la SACD (où Pascal Rogard est DG…) avec Dailymotion (où Martin Rogard, son fils, est DG), notre confrère indique encore que les premières rémunérations ont été versées mi-décembre dernier.
La société de gestion collective travaille d’ailleurs avec les auteurs pour faciliter le calcul de leur rémunération Internet. @