Neutralité du Net : un an de tergiversations pour en arriver à deux lignes dans la loi !

Cela fait maintenant un an que la France s’est décidée à entrer enfin dans le débat sur la neutralité de l’Internet. Groupe de six experts, colloque de l’Arcep, rapport du gouvernement au Parlement, étude de la DGMIC, propositions de loi,
… La montagne a accouché pour l’instant d’une souris.

« [Le ministre chargé des communications électroniques et l’Arcep veillent] à l’absence de discrimination, dans des circonstances analogues, dans les relations entre opérateurs et fournisseurs de services de communications au public en ligne pour l’acheminement du trafic et l’accès à ces services ». Tout ça pour ça ! C’est, en effet, ce que se contente de prévoir l’article 18 de la loi autorisant le gouvernement à transposer par ordonnance diverses dispositions, dont celles du Paquet télécom, avant le 25 mai prochain et celles en faveur de la neutralité de l’Internet.

Musique en ligne : l’Adami prône l’obligation de gestion collective des droits

La mission de médiation sur la gestion collective des droits pour la musique
sur Internet s’est réunie pour la seconde fois le 14 octobre. La Société civile pour l’administration des droits des artistes et musiciens interprètes (Adami) plaide
pour le caractère obligatoire .

« Nous disons non à la gestion collective sur la base du volontariat », a insisté Bruno Boutleux, directeur général de l’Adami, lors d’une séance de travail le 8 octobre. Il réaffirme ainsi le caractère « obligatoire » de la gestion collective des droits musicaux pour le Net. Ce dispositif, qui doit permettre de faciliter l’accès des plateformes de téléchargement de musique en ligne aux catalogues des producteurs, doit faire l’objet d’ici à la fin de l’année d’un accord. « Faute de le faire, la négociation des droits relèverait par la loi de la gestion collective obligatoire », avait prévenu Nicolas Sarkozy, le 7 janvier. Est-ce à dire que l’Adami aurait tout intérêt à voir la concertation s’enliser
à l’issue de la troisième et dernière réunion prévue le 28 octobre prochain ? « Cela n’a jamais été notre attitude que de faire échec à la mission Hoog. Nous faisons des propositions raisonnables et constructives, tout en essayant de briser des tabous », explique Bruno Boutleux. L’Adami n’est pas seule, la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (Sacem). ou UFCQue Choisir étant aussi favorable à la gestion collective.

« Pour » ou « contre » Google Books

L’actuel président de la Bibliothèque nationale de France (BnF), Bruno Racine,
qui vient d’être reconduit pour un second mandat de trois ans (l’actuel s’achevant ce 31 mars), s’oppose à son prédécesseur, Jean-Noël Jeanneney,
sur Google – par livres interposés publiés en mars.

Bruno Racine, dans « Google et le nouveau monde » (Plon) : « Pour »
« Le débat est légitime. Encore faut-il le situer au bon niveau et ne pas le réduire à ces oppositions faciles – antiaméricanisme contre-atlantisme, secteur public contre entreprise privée, anciens et modernes… – qui n’expliquent rien (…) », écrit-il. Depuis le lancement du programme en 2005, d’autres bibliothèques sont venues rejoindre Google Books, dont la bibliothèque municipale de Lyon : « Le reproche adressé à Google de favoriser l’hégémonie de la culture anglo-saxonne apparaît dès lors comme un faux procès ». D’après lui, le modèle de Google déconcerte parce qu’il est hybride : « En offrant en libre accès des contenus culturels de haut niveau à travers Google Livres, il perturbe les schémas mentaux de ceux pour qui service public et financement publicitaires sont des notions incompatibles. (…) Comme on le voit au projet de “settlement” avec les éditeurs et auteurs anglosaxons, Google (…) se voit confier des missions d’intérêt général qui pourraient enter dans la définition du service public ». Il ne croit guère au risque évoqué par certains de voir Google se comporter en monopole classique : « On se tromperait de combat en décrivant Google comme un pur et simple instrument du “marché”, mû par la seule obsession du profit : ce serait méconnaître (…) son rôle dans l’avènement de ce “capitalisme cognitif” ». A propos de son prédécesseur à la tête de la BnF : « [Jean-Noël Jeanneney] s’est fait le porteparole d’une opposition déterminée à l’entreprise Google. (…) Il proposait une “contre-offensive” européenne. (…) La bibliothèque numérique européenne (…) a bel et bien pris forme, certes, mais chez Google. (…) On ne doit pas penser le projet européen [Europeana] comme une “riposte” à Google ». Sur l’enveloppe de 750 millions d’euros attribuée à la numérisation du patrimoine culturel :
« La commission Tessier (…) propose donc un partenariat fondé sur l’échange de
fichiers “un pour un” entre la BnF et Google et suggère même la création d’une
plateforme conjointe de numérisation. Si Google accepte cette offre, il s’agirait d’un
accord très ambitieux dans sa visée qui ferait de Gallica [bibliothèque numérique de
la BnF] le site incontournable de la francophonie (…) ». « L’effort financier de l’Etat (…) permet d’envisager sereinement un partenariat avec Google, dans exclusive, c’est-à-dire sans monopole ». @

Neutralité des réseaux : l’Internet mobile aussi ?

Le débat épineux sur l’avenir de la neutralité de l’Internet – que doit intensifier l’Arcep au printemps avec un colloque, en vue d’un rapport gouvernemental attendu « d’ici l’été » – semble s’en tenir aux réseaux fixes. Mais les réseaux mobiles n’y échapperont pas.

Si le débat sur la neutralité de l’Internet a été lancé à propos des réseaux fixes, il est
en passe de s’étendre aux réseaux mobiles jusqu’alors épargnés. « A l’occasion de la consultation publique [de l’Arcep]sur les licences dites 4G, plusieurs opérateurs se sont publiquement opposés au principe de neutralité de l’Internet », s’est inquiétée début février l’Association des services Internet communautaires (ASIC), créée en décembre 2007 par Google, Yahoo, Dailymotion, PriceMinister et AOL (1). Ce principe de neutralité du réseau des réseaux consiste à interdire aux opérateurs télécoms et aux fournisseurs d’accès à Internet (FA) de bloquer ou de restreindre l’accès des internautes et des mobinautes à des contenus en ligne, voire d’en réduire la bande passante de façon discriminatoire et anticoncurrentielle. Si les réseaux fixes qui composent l’Internet semblent relativement protégés par ce principe, du moins en Europe, les réseaux mobiles sont encore loin de le respecter. Tolérées de la première
à la troisième génération de mobiles, les restrictions opérées sur les réseaux mobiles soulèvent débat avec le lancement prochain de la 4G. L’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (Arcep) et le gouvernement préparent en effet l’avènement en France du très haut débit mobile, lequel devrait concerner bien plus de mobinautes que d’internautes connectés à de la fibre optique. Les procédures d’attribution des fréquences à 800 Mhz et 2,6 Ghz destinées au déploiement des réseaux mobile de quatrième génération (4G) seront lancé « au cours du deuxième semestre 2010 ».

La « Net Neutrality » n’est plus un sujet tabou en Europe

La 31e édition du « Digiworld Summit » organisé par l’Idate à Montpellier, les 18 et 19 novembre derniers, a réussi à lancer le débat sur la neutralité de l’Internet.

L’Arcep, l’autorité de régulation en charge notamment des communications électroniques en France, va organiser un colloque au printemps 2010 sur la neutralité de l’Internet. C’est ce qu’a annoncé son président, Jean-Ludovic Silicani, lors du Digiworld Summit. Le gendarme des télécoms, qui a déjà engagé en interne une réflexion depuis fin septembre dernier, « devrait, dans la foulée, être en mesure de soumettre à consultation des recommandations puis de publier des lignes directrices au début de l’été 2010 ». Cette réflexion, a-t-il précisé, s’appuiera sur deux principes essentiels. Le premier : « la non-discrimination, c’est-à-dire le fait qu’un opérateur de réseau ne puisse favoriser indûment certains contenus, notamment les siens s’il est intégré verticalement, et utilise le même réseau que les autres éditeurs de contenus ». Le second : « la transparence, notamment vis-à-vis du consommateur qui doit être informé dans l’hypothèse où des règles de gestion de trafic son mises en œuvre ».
Le régulateur va ainsi participer au débat engagé en Europe. Le nouveau Paquet télécom, adopté le 24 novembre par le Parlement européen, donne le pouvoir aux régulateurs nationaux de fixer un niveau de qualité minimale et d’interdire toute discrimination dans l’accès aux contenus et services (1). Le président de l’Arcep intervenait en préambule d’une table ronde du Digiworld Summit, où l’on a vu s’affronter sur la « Net Neutrality » deux géants américains : Google et AT&T, en présence d’un opérateur télécom européen – Deutsche Telekom. Aux Etats-Unis, le débat fait rage depuis plus d’un an.