Pourquoi la presse mise sur l’intégration web-papier

En fait. Le 5 mai, Le Nouvel Observateur a mis en ligne la nouvelle version de
son site web et a publié une nouvelle formule de son édition papier. Désormais,
le sort de l’hebdomadaire est lié à celui du Nouvelobs.com. Le bimédia se généralise dans la presse (Le Monde, Le Figaro, La Croix, Les Echos, …).

En clair. Il n’est pas une rédaction de quotidien, d’hebdomadaire ou de magazine
qui ne deviendra à terme bimédia, si cela n’est pas déjà fait. Conséquence de cette intégration web-papier : les différentes périodicités (quotidien, hebdo, mensuel, …) vont plus ou moins s’estomper avec la diffusion en continu et en temps réel de l’information sur le Web, les mobiles et les tablettes. Internet devient ainsi le dénominateur commun des médias, une sorte de fil d’Ariane. Mais celui-ci permettra-t-il à la presse, dont l’édition papier est en perte de vitesse et les recettes publicitaires en recul, de retrouver dans ce labyrinthe numérique une rentabilité économique ? En général, l’activité numérique est déficitaire et ne suffit pas encore à compenser le déclin de l’édition imprimée. Le canard est boiteux…
Il s’agit de retrouver l’équilibre, en accroissant l’audience et les revenus. « L’avenir, c’est le Web. C’est comme cela que nous nous en sortirons. Mais je pense que l’on
ne peut pas gagner de l’argent sur Internet avec de l’info pure », a mis en garde
Claude Perdriel, le fondateur et propriétaire du groupe Nouvel Observateur, lors de la présentation de la formule bimédia. Le site Nouvelobs, qui compte une quinzaine de journalistes, affiche une perte de 1,7 million d’euros en 2010 mais bénéficiera d’un budget de 2,5 millions d’euros cette année. La formule bimédia s’appuie sur l’ensemble des 165 journalistes placés depuis le 1er mars sous la houlette de Laurent Joffrin. Des projets pourraient être aussi lancés avec Libération (1). Gratuit, le Nouvelobs développe depuis un an des zones payantes. Quelques jours avant, le 28 avril, La Croix a aussi lancé sa formule bimédia.
Le quotidien du groupe Bayard (détenu par les Augustins de l’Assomption) parle de
« faire un seul journal avec deux supports » (90 journalistes). La-croix.com mise sur
le payant avec quelques articles gratuits. Investissement : environ 600.000 euros.
Du côté du Figaro, qui a présenté le 2 mai son projet bimédia, les 250 journalistes
du quotidien de Serge Dassault vont devoir collaborer au site web où se trouvent
déjà 50 journalistes. C’est ce que tentent de faire depuis un an Les Echos et son site
« freemium » (lire EM@ 25). Le Monde et son site gratuit s’y préparent aussi sous l’égide d’Erik Izraelewicz rejoint – à partir de juin – par Serge Michel. Ces intégrations passent par l’innovation : sites thématiques, espaces participatifs, déclinaisons sur réseaux sociaux. A moins que la presse ne prépare la disparition du papier « à partir
de 2017 » (2) comme La Tribune. @

Lagardère Publishing devient leader de l’e-book

En fait. Le 3 mai, le groupe Lagardère a présenté ses résultats du premier trimestre et maintient ses objectifs pour l’année 2011. La branche « Publishing », qui génère plus de 20 % du chiffre d’affaires est en recul de 10 %. Mais le livre numérique progresse, notamment aux Etats-Unis et au Royaume-Uni.

En clair. La croissance des ventes de livres numériques, constatée par Lagardère, permet à son activité « Editions » de compenser le recul de ses revenus (1) et de sa profitabilité sur le premier trimestre. « Le dynamisme des ventes de livres numériques
est notable : + 88 % par rapport au 1er trimestre 2010, représentant de l’ordre de 22 %
du chiffre d’affaires aux États-Unis et 5 % au Royaume-Uni. Ce phénomène est la conséquence du niveau très élevé des ventes de liseuses numériques en fin d’année », explique le groupe. Lagardère Publishing, premier éditeur français (Hachette Livre, Larousse, Hatier, …), est sa branche la plus rentable, malgré un ralentissement.
« Le recul du résultat opérationnel chez Lagardère Publishing [est] atténué par la meilleur profitabilité des livres numériques », indique-t-on. Preuve que le marché mondial de l’e-book prend de l’ampleur, l’année 2011 s’annonce bien : « Le livre numérique continuera à progresser aux États-Unis, bien qu’à un rythme moins soutenu qu’au premier trimestre, pour atteindre 15 % à 20 % du chiffre d’affaires. Il pourrait atteindre 5 % à 10 % au Royaume-Uni en 2011 ». Mais à part les marchés outre-Atlantique et outre-Manche, rien n’est précisé sur le livre numérique dans le reste
de l’Europe – dont le marché français.

Numericable pourrait être mis en échec par Free

En fait. Le 11 mai, Numericable a lancé sa « révolution du mobile » : deux abonnements mobile avec appels illimités pour moins de 25 (à ses clients)
ou 50 (aux autres) euros par mois (pas de terminal subventionné). Le câblo-opérateur ne craint-il pas que Free ne lui porte un coup fatal en 2012 ?

En clair. Le pire concurrent de Numericable n’est pas France Télécom mais le groupe Iliad. La maison mère de Free pourrait dès 2012 prendre en étau le câblo-opérateur,
entre son activité Free Mobile et le déploiement de son réseau de fibre optique. Pour sa quatrième licence UMTS obtenue en 2009 et validée par la Commission européenne le
10 mai dernier (après avoir été contestée par Orange, SFR et Bouygues Telecom), Iliad
a déjà créé 2.000 emplois et vise les 5.000 emplois (directs et indirects) d’ici à cinq ans. Son réseau mobile, qui s’appuie sur celui d’Orange grâce à un accord d’itinérance signé en octobre 2010, nécessitera 1 milliard d’euros (1). Pour son réseau de fibre optique, Il faudra 1 milliard d’euros supplémentaire à Iliad pour achever sa mise en place. Pour l’heure, Free vise les 100.000 abonnés FTTH (2) à fin 2011. « Free investit chaque année 40 % de son chiffre d’affaires (de 2 milliards d’euros en 2010, soit 800 millions d’euros), contre 10 % pour les opérateurs historiques et 20 % pour les autres acteurs existants », a précisé Xavier Niel lors du colloque de l’Arcep le 4 mai (lire p. 7). Pour financer le tout, Iliad table sur un flux de trésorerie (free cash flow) de 1,1 milliard d’euros entre 2010 et 2012 et une ligne de crédit de 1,4 milliard contracté l’an dernier auprès de huit banques (3). Face à un Iliad très ambitieux qui revendique le fait d’être
« l’un des opérateurs télécoms les moins endettés en Europe », Numericable fait pâle figure en tant que l’un des opérateurs les plus endetté de la place : 3,3 milliards d’euros, « avec une grosse échéance en 2014 » (4). La holding Ypso France – détenue par les fonds Carlyle (38 %), Cinven (38 %) et Altice (24 %) – représente même l’un des plus lourds LBO (Leveraged Buy-Out) de France auprès notamment de BNP Paribas et de Alcentra. Numericable revendique 3,3 millions d’abonnés à la télévision par câble, 1,17 million à Internet et moins de 900.000 à la téléphonie (chiffres à septembre 2010). Il s’agit pour l’essentiel de liaisons coaxiales (fils de cuivre blindés) que Numericable modernise à la norme Docsis 3.0 : près d’une quarantaine de villes basculeront cette année. Pour la seule fibre optique, Numericable compte 322.000 abonnés. Ce qui est peu par rapport aux 4 millions de prises en fibre (sur 10 millions de logements câblés). A cela s’ajoute le désabonnement qui, bien que passé de 20 % en 2008 à 16 % en 2010, reste encore élevé. Free apparaît dès lors comme une sérieuse menace. @

Comment l’Hadopi va devenir « multiculturelle »

En fait. Le 10 mai, à la suite d’une visite de 45 minutes dans ses locaux de l’Hadopi, le ministre de la Culture et de la Communication a réaffirmé sa « totale confiance » et son « total appui » à l’Hadopi. Mais il faudra attendre son rapport annuel mi-juillet pour avoir des résultats chiffrés.

En clair. A défaut de chiffres pour juger de l’efficacité de son action, il faudra attendre
le premier rapport annuel de l’Hadopi « mi-juillet » et se contenter pour l’heure des résultats de sa seconde enquête effectuée auprès de 1.500 internautes (1) : 50% de ceux qui ont reçu ses e-mails d’avertissement déclarent « arrêter » de pirater (2). A ce stade, aucun dossier litigieux n’a été transmis à la Justice. « L’idée est de pas envoyer des internautes au tribunal », a assuré Frédéric Mitterrand. L’absence de résultats ou de procès pourrait laisser perplexe les ayants droits non seulement de la musique et du cinéma, mais surtout des autres industries culturelles. La présidente de l’Hadopi, Marie-Françoise Marais, nous a répondu le 10 mai sur cette ouverture à d’autres secteurs :
« Nous avons des contacts avec aussi bien avec le [secteur du] jeu vidéo que pour le [secteur du] livre pour savoir s’ils vont rejoindre ou pas [l’Hadopi]. Certains nous ont fait savoir qu’il envisageaient de rejoindre assez rapidement le système mis en place ».
Les jeux vidéo et les livres numériques devraient ainsi faire l’objet d’une surveillance sur Internet. Reste à savoir si le Syndicat national de l’édition (SNE) et le Syndicat des éditeurs de logiciels de loisir (SELL), qui vont demander leur autorisation à la Cnil, retiendront ou pas le même prestataire très discret qu’est la société nantaise Trident Media Guard (TMG). En attendant d’élargir son champ d’action à d’autres contenus, l’Hadopi a commencé à labelliser des offres légales de téléchargement. « Je suis particulièrement satisfait de la diversité de cette première vague [de labellisation]: diversité de contenu d’abord, avec dix offres de musique, cinq de vidéo à la demande, trois de jeux vidéos et logiciels, et une de photos », s’est félicité Frédéric Mitterrand. Dix-neuf dossiers de demande du label « Hadopi offre légale » sont sur le point d’être acceptées sur un total d’une trentaine de déposés. Le Code de la propriété intellectuelle prévoie aussi que l’Hadopi « veille à la mise en place (…) d’un portail de référencement de ces mêmes offres ». « Nous ne pensons pas avoir une version bêta cohérente du meta-portail avant la fin de l’année, même s’il y aura des étapes intermédiaires. La campagne de communication mi-juin s’accompagnera en effet d’un site Internet [Offreslegales.fr ?, ndlr]. Ce meta-portail sera multiculturel, avec à la fois des offres de musiques, de films, de livre ou encore de jeux », a expliqué Eric Walter, le secrétaire général de l’Hadopi. @

L’Europe s’apprête à décloisonner les droits d’auteur

En fait. Selon nos informations, c’est le 24 mai que le commissaire européen Michel Barnier présentera sa stratégie pour moderniser le droit d’auteur et encourager les offres légales paneuropéennes de musiques ou de films en ligne : accès aux œuvres, gestion collective et licences transnationales, …

En clair. La Commission européenne veut mettre en place un marché unique pour
les droits de propriété intellectuelle. Avec Internet, le réexamen de la directive communautaire sur le respect des droits d’auteur s’impose car les marchés en ligne dans l’Union européenne restent trop « fragmentés ». Ce qui, aux yeux de Bruxelles qui va dévoiler ses propositions le 24 mai, « entrave » le développement des plateformes légales.
« Aux États-Unis, il y a quatre fois plus de téléchargements de musique qu’en Europe,
qui pâtit du manque d’offres légales et du cloisonnement des marchés », déplorent les services de Michel Barnier. Le commissaire européenne chargé du Marché intérieur
et des services veut cette année « une loi européenne sur la gestion collective », afin,
dit-il, d’éviter « le morcellement des droits entre auteurs, éditeurs, artistes, produ-
cteurs » et « la difficulté d’obtenir des licences sur mesure [qui] entrave le développement de nouveaux services en ligne ». Résultat, déplore-t-il, « de grands sites de vente de musique en ligne ne sont accessibles que sur certains territoires de l’Union » (1).
Plus d’une vingtaine de « Sacem » en Europe – réunies au sein de la Cisac (2) – sont d’ailleurs dans le collimateur de Bruxelles, après avoir été condamnées pour entente
illicite en 2008 par Neelie Kroes – alors chargée de la Concurrence et aujourd’hui de l’Agenda numérique (3). La Cisac avait fait appel et, selon nos informations, attend
toujours le verdict.
La Commission européenne va en outre proposer un «Plan d’action de lutte contre
la contrefaçon et le piratage », en s’appuyant sur l’Observatoire européen de la contrefaçon et du piratage créé il a maintenant deux ans (avril 2009) et remis au
goûtdu jour par le rapport Gallo adopté par les eurodéputés le 22 septembre 2010. L’auteurde ce rapport, l’eurodéputée Marielle Gallo, s’est d’ailleurs interrogée dans
« Libération » daté du 5 mai : « La France réussirat- elle à dépasser les frontières
d’une société numérique hexagonale ? (…) Est-il possible qu’en outre nos commentateurs souffrent d’un masochisme inquiétant : en bradant et en brocardant la protection de la propriété intellectuelle, ils sont en train de scier la branche sur laquelle ils ont du mal à se tenir assis ! (…) Donc il faut une réglementation comme en toute matière (…) ». Reste à savoir si les Vingt-sept se doteront à terme d’une Hadopi européenne ou demanderont aux fournisseurs d’accès à Internet (FAI) de sanctionner eux-mêmes leurs abonnés pirates comme en Espagne… @