Hervé de La Martinière : « Trop de plateformes pourrait nuire à la diffusion du livre numérique »

Alors que le groupe La Martinière (maisons d’édition Le Seuil, L’Olivier et
les Editions La Martinière) attend le 18 décembre le jugement dans son procès pour contrefaçon contre Google, son PDG explique à Edition Multimédi@ les enjeux de sa nouvelle plateforme Eden Livres et comment il souhaite voir évoluer la loi Lang.

Propos recueillis par Charles de Laubier

Edition Multimédi@ : Votre plateforme « Eden Livres » est ouverte depuis un mois maintenant. Quel est son mode de fonctionnement et de rémunération vis-à-vis des libraires et des auteurs ?
Hervé de La Martinière :
La plateforme numérique Eden Livres a été créée par trois acteurs indépendants de l’édition, Gallimard, Flammarion et nous-mêmes, La Martinière Groupe. Elle est réservée uniquement aux libraires. C’est donc un outil nouveau mis à leur disposition. Le grand public, lui, n’y a pas accès. Son fonctionnement est simple. Un client s’adresse à son libraire.
Si celui-ci est en compte avec Eden Livres, il peut commander un exemplaire numérique d’un ouvrage du Seuil, de Gallimard ou encore de Flammarion. Le libraire, qui a une clé et un numéro de compte, entre en contact avec la plateforme qui lui envoie immédiatement le fichier numérique demandé pour son client. Un livre en version numérique coûte environ 25 % moins cher qu’un ouvrage publié sur papier.
Le professionnel qu’est le libraire bénéficie de « la remise libraire » évaluée entre 20 % à 25 % du prix affiché. Les auteurs conservent leurs droits à l’identique, indifféremment du support, numérique ou papier.

EM@ : Quel est le format du fichier, est-il lisible sur tous les terminaux ?
H. de La M. : Le lecteur reçoit son livre numérique en PDF ou en ePub. Ce dernier format électronique est soutenu par l’International Digital Publishing Forum (IDPF),
où se retrouvent réunis des éditeurs et des acteurs des nouvelles technologies. Cependant, ePub n’est pas encore adapté aux livres illustrés. Ces deux formats permettent une lecture sur n’importe quel terminal : ordinateur, smartphone, tablette, baladeur multimédia, eReader… Les fichiers sont protégés par l’éditeur : soit par des mesures strictes (DRM Adobe ACS4 limitant la copie à 6 terminaux déclarés par l’utilisateur), soit par des mesures dites souples comme l’apposition d’un tatouage
en filigrane avec des informations relatives à la personne ayant acheté et téléchargé l’ouvrage.

EM@ : Combien de références la plateforme Eden Livres compte-t-elle à ce jour ? Et quelle sera la richesse du catalogue à terme ?
H. de La M. : Eden Livres propose aujourd’hui un catalogue d’environ 2000 titres et cette plateforme monte régulièrement en puissance et devrait, en fin d’année prochaine proposer plus de 25 000 titres dont la provenance éditoriale est également répartie entre les trois groupes partenaires.

« Il me semble que la loi Lang n’a pas vocation
à 
différencier les livres selon leurs supports,
d’autant, qu’à mes yeux, le livre numérique est
somme toute un dérivé du livre papier. »

EM@ : Face à l’avènement du livre numérique, quelles sont les différentes dispositions de la loi « Lang » qui devraient selon vous évoluer ?
H. de La M. :
Au moment où nous nous parlons, il n’existe pas d’accord sur le prix unique et le taux de TVA pour les ouvrages vendus en version numérique : le prix est libre et la TVA est à 19,6 %. Mais les éditeurs demandent que la loi Lang soit appliquée au livre numérique, avec un taux de TVA à 5,5 %. La loi Lang a protégé et protège efficacement le livre papier, reconnaissant ainsi son rôle d’animateur essentiel de la culture. Il me semble que cette loi Lang n’a pas vocation à différencier les livres selon leurs supports, d’autant, qu’à mes yeux, le livre numérique est somme toute un dérivé du livre papier. On peut se demander si dans le futur, il y aura un langage ou une écriture numériques. Je n’y crois pas beaucoup. De toute façon, ce qui est important, quelle que soit la forme du livre ou son support, c’est que continue d’être préservée la relation spécifique entre l’éditeur et son auteur. Relation à la base de la formidable aventure qu’est l’édition.

EM@ : Eden Livres, E-Plateforme, Numilog… Les plateformes d’eBook en France cherchent chacune à fédérer d’autres maisons d’édition autour d’elles. A quelles conditions le vœu de Frédéric Mitterrand d’une plate-forme unique pourrait-elle
se réaliser ?
H. de La M. :
Il est sûr qu’un trop grand nombre de plates-formes pourrait nuire à
la diffusion du livre numérique et surtout perturber les libraires. Mais, après tout, aujourd’hui il y a un certain nombre de plates-formes de distribution et cela ne nuit
pas à la diffusion du livre. Cependant, on peut très bien imaginer un accord entre les différentes plates-formes qui garderaient leur autonomie et créeraient un hub commun facilitant le travail des libraires tout en respectant l’identité de chaque maison d’éditions ou regroupement de maisons d’éditions.

EM@ : Qu’attendez-vous du procès pour contrefaçon que vous avez intenté dès 2006 avec le Syndicat national des éditeurs français (SNE) et la Société des gens de lettres (SGL) contre Google Books [voir le focus ci-dessous], le jugement en délibéré étant attendu le 18 décembre prochain ?
H. de La M. :
Notre maison d’édition Le Seuil a subi un pillage. Notre position n’a pas varié, nous attendons que soit prise en compte ici la loi sur les droits d’auteur. Mais,
nous l’avons toujours dit, au-delà du procès, un dialogue doit s’ouvrir entre Google
et les éditeurs. Il serait aberrant que dans le domaine du livre, donc de la culture,
les hommes partent du principe qu’ils ne peuvent ni se comprendre ni dialoguer ! @

FOCUS

La Martinière-Google :
vers un accord amiable avant le jugement du 18 décembre ?
Le tribunal de grande instance de Paris doit rendre le 18 décembre prochain un jugement en délibéré dans le procès qui oppose depuis 2006 le groupe La Martinière (notamment Delachaux et Niestlé, Harry N. Abrams) le Syndicat national des éditeurs français – 530 maisons d’édition – et la Société des gens de lettres au géant de l’Internet Google.
Ils reprochent à Google Books d’avoir numérisé sans autorisation préalable des éditeurs concernés quelque 100.000 livres et lui réclament 15 millions d’euros de dommages et intérêts. Le groupe La Martinière n’a pas exclu de trouver – avant le verdict du 18 décembre – un accord à l’amiable avec le géant du Net. Le procès pour contrefaçon a démarré en juin 2006 et s’est accéléré devant TGI le 24 septembre dernier. Les plaignants exigent en outre que la firme de Mountain View (Californie) cesse la numérisation des ouvrages, sous peine d’une astreinte de 100.000 euros
par jour. En septembre, le ministère de la Justice américaine s’est opposé à l’accord conclu entre Google et le syndicat d’auteurs Authors Guild et l’Association of American Publishers. Le tribunal de New York a donné jusqu’au 28 janvier 2010 pour recevoir
les objections et a fixé au 28 février la date de l’audience pour examiner l’accord révisé depuis, limitant son périmètre aux livres publiés aux Etats-Unis, au Royaume-Uni,
en Australie ou au Canada. En septembre également (le 7), devant la Commission européenne, le géant américain avait fait des concessions. @

Le livre numérique cherche sa plateforme unique

En fait. Le 30 septembre, le ministre de la Culture et de la communication, Frédéric Mitterrand, s’est prononcé – au Centre national du livre – en faveur
de la création d’une « plateforme unique d’accès à l’offre numérique en matière de livre » qui « devra réunir les éditeurs français ».

En clair. Le gouvernement fait de cette future « plateforme unique » de téléchargement de livres numériques un « projet stratégique » qui permettra la création d’une offre alternative à Google. « Je veillerai particulièrement à l’accompagnement que mes services pourront apporter pour faire aboutir ce projet », avait insisté le ministre de la Culture et de la Communication, Frédéric Mitterrand, auprès des professionnels réunis au Centre national du livre. Mais le géant américain du Net dispose d’une longueur d’avance dans la numérisation des livres : 500.000 titres disponibles dès le « premier semestre 2010 », au moment où sa bibliothèque en ligne Google Editions sera lancée en Europe (1).
Autre géant du Net, l’américain Amazon est le seul rival sérieux avec son Kindle Store offrant déjà plus de 200.000 titres numériques. Si la France ne veut pas qu’un duopole
ne s’installe durablement, les éditeurs français sont appelés à faire bloc en proposant
au grand public une alternative crédible. Il ne s’agit pas de répéter les mêmes erreurs
que l’industrie du disque, laquelle n’avait pas proposé rapidement d’offre légale. Car le gouvernement veut aussi « éviter la dérive vers le piratage ».
Mais pour l’heure, plusieurs grandes maisons d’édition sont déjà parties en ordre dispersé. Le numéro 1 français de l’édition, Hachette Livre, a racheté en 2008 la société Numilog à l’origine de la première plateforme de ce type en France avec environ 60.000 titres téléchargeables aujourd’hui. Hachette Livre chercherait à fédérer autour de lui les autres maisons – quitte à leur proposer d’entrer dans son capital –, mais sans succès jusque-là. Le deuxième éditeur français, Editis, entend lui aussi rassembler autour de sa E-Plateforme lancée le 9 octobre dernier avec déjà une centaine de maisons ou groupes d’édition : Michelin, Michel Lafon, Média- Participations ou encore le canadien Quebecor Média, sans oublier l’espagnol Planeta (la maison mère d’Editis). Quant au groupe La Martinière, qui attend pour le 18 décembre le jugement dans son procès pour contrefaçon contre Google, il a formé un triumvirat avec les éditions Gallimard et Flammarion autour de sa plateforme baptisée Eden-Livre (2). Mais pour mettre d’accord tout son monde, Frédéric Mitterrand va réformer la loi « Lang » sur le livre pour que l’ebook bénéficie aussi du prix unique et d’une TVA à 5,5 %. @

Vers un marché unique du numérique européen

En fait. Depuis le 22 octobre, et jusqu’au mardi 5 janvier 2010, la Commission européenne consulte largement sur son projet de « cadre juridique » favorable
aux offres légales de « contenus créatifs en ligne » (musique, films, jeux vidéos, livres…).

En clair. Internet et l’économie numérique ne peuvent plus se contenter d’un patchwork de marchés nationaux. La commissaire européenne en charge de la Société de l’information et des Médias, Viviane Reding, et son homologue chargé du Marché intérieur, Charlie McCreevy, veulent mettre en place « un cadre juridique favorable
au consommateur qui permette aux contenus numériques de franchir les frontières internes de l’Union européenne, tout en garantissant une protection solide des droits d’auteur et une juste rémunération aux créateurs ». Il s’agit aussi de lutter contre le téléchargement illégal. La Commission européenne s’attellera à la mise en place d’un
« cadre juridique » et d’« offres transnationales légales » pour développer les offres légales de contenus en ligne : les livres, la musique, les films, les jeux vidéos… Par exemple, Bruxelles avance dans son « document de réflexion » l’hypothèse d’une
« législation européenne sur le copyright » et des « formes alternatives de rémuné-ration » des auteurs comme une taxe sur l’accès Internet.
Ces propositions font donc l’objet d’une consultation publique jusqu’au 5 janvier 2010. La précédente consultation publique sur « les contenus créatifs en ligne », qui remonte à 2006, n’avait pas été vraiment été suivie d’effets – hormis l’abandon des systèmes
de gestion des droits ou DRM (1). Viviane Reding estime que « ce marché [culturel et créatif de 650 milliards d’euros par an en Europe] pourrait être quadruplé ». Mardi 20 octobre, un premier accord signé – sous l’égide de la commissaire européenne chargée de la Concurrence, Neelie Kroes – a été conclu dans la musique en ligne avec les majors EMI et Universal Music, les distributeurs en ligne Amazon et Apple (iTunes), ainsi que le Beuc (2) et la Sacem (3). Ils se sont engagés à développer des
« plateformes de licences », avec plusieurs sociétés de gestion des droits d’auteurs,
afin d’accorder des « licences multi territoriales » pour un répertoire de musiques le plus large possible. La Sacem veut construire avec ses homologues européens un
« guichet unique ». Et le 19 octobre, l’exécutif européen avait appelé les éditeurs de livres, bibliothèques et sociétés de gestion des droits à « mettre sur pied un système paneuropéen de registres de droits d’auteurs de livres (…) qui permettra l’octroi transfrontalier de licences ». @

Contenus numériques : risque de cannibalisation des offres traditionnelles

 l’occasion de la 31e édition des journées internationales de l’Idate, « Digiworld Summit » des 18 et 19 novembre à Montpellier, son directeur général adjoint,
Gilles Fontaine, 
explique à Edition Multimédi@ les effets de la migration des contenus vers Internet.

La bataille des contenus numériques est engagée. Mais comment évolue réellement aujourd’hui le marché mondial des contenus numériques et des médias par rapport
aux tuyaux qui régentaient quasiment seuls Internet ces dernières années ? C’est ce que nous avons demandé à Gille Fontaine, le directeur général adjoint de l’Idate (1).
« Il n’est pas certain que le poids relatif des contenus dans le marché global de la communication électronique doive progresser », répond-t-il. Pour l’heure, le marché
des contenus – de l’ordre de 200 milliards d’euros au niveau mondial – représente 70 % de celui des services télécoms. « Moins de 6 % de ce marché provient de la distribution sur Internet, avec des écarts très significatifs selon les segments : 15 % pour la musique ou moins de 1% pour le livre », précise-t-il.

La crise de la publicité
Pour expliquer cette possible non-progression, il avance trois raisons. Premièrement,
la migration des contenus vers Internet se traduit par une destruction de valeur, au moins en ce qui concerne les recettes publicitaires. Deuxièmement, le maillon-clé
de la chaîne de valeur semble se déplacer vers les terminaux, dont le poids devrait s’accroître. Troisièmement, les opérateurs télécoms disposent de réserves de croissance comme fournisseur de services de communication avancés, en B2C
comme en B2B. La publicité illustre ce manque à gagner provoqué par cette migration vers le numérique. « Le marché publicitaire connaît une crise qui n’est pas seulement conjoncturelle mais structurelle.
La multiplication des supports de publicité sur Internet se traduit mécaniquement par une augmentation de l’offre et donc une baisse des tarifs dont les effets perdureront à long terme. Ceux qui en bénéficient réellement sont les annonceurs », explique Gilles Fontaine. Reste à savoir si la crise mondiale de la publicité peut menacer les industries culturelles et les médias dans leur quête de nouveaux modèles économiques et de partage de la valeur avec les réseaux. « Le défi des industries de contenu est la mise en place d’offres légales, mais qui, même si elles s’avèrent un succès, cannibaliseront le marché traditionnel avec une rentabilité bien moindre. C’est sans doute ce qui explique la lenteur de la mise en place de ces nouvelles offres », poursuit-il. Cannibalisation et dévalorisation sont les deux risques que craignent les producteurs
de musique et de cinéma, quitte à ralentir la mise à disposition de leur catalogue (2).
La musique en ligne, première impactée par le piratage sur Internet, n’a-t-elle pas privilégié la bataille judiciaire au détriment du développement d’une offre légale ?
La “délinéarisation” de la télévision et de la radio remette en question les modèles traditionnels de groupes de médias historiques et traditionnels. Par exemple, pour
la télévision, l’Idate privilégie le scénario “My Web Video” induit par une migration télévisuelle vers le Net d’ici à 2020.
« La combinaison d’une meilleure qualité de service sur l’Internet ouvert, de la possibilité de connecter aisément le téléviseur à Internet, la volonté de certains groupes de contenus de proposer des programmes de qualité sur le Web, l’apparition de plateformes de distribution créent, tout cela crée les conditions d’une migration de l’industrie de l’audiovisuel vers Internet », explique Gilles Fontaine (voir aussi le Focus ci-dessous). Selon lui, le succès de la télévision de rattrapage montre la capacité des grandes chaînes de développer de nouveaux services et d’évoluer vers des portails vidéos. « Mais, pour réussir cette stratégie, elles doivent prendre garde à leur contournement possible par leurs fournisseurs, les producteurs de programmes et
donc s’installer le plus vite possible sur le Net, au risque, là encore, de cannibaliser leurs marchés traditionnels ». @

FOCUS

« Prioritiser les flux ne met pas fin à la neutralité du Net »
Si le PAF – paysage audiovisuel français – débarque massivement sur le Web, le “réseau des réseaux” pourra-t-il supporter longtemps la montée en charge de la vidéo, de la télévision et de la radio et tous les flux multimédias ? « Le développement de
la vidéo sur Internet va créer des goulets d’étranglement, prévient Gilles Fontaine, directeur général adjoint de l’Idate. Et les opérateurs télécoms peuvent hésiter,
à juste titre, à consentir des investissements qui profiteraient seulement aux acteurs en amont (les éditeurs de services et de contenus) et en aval (les fabricants de terminaux) des réseaux ».
L’une des approches possibles : “Prioriser” les flux. Ce qui, selon lui, « n’implique
pas nécessairement la fin de la Net Neutrality ». D’autant qu’ « identifier les flux, notamment liés au piratage, n’irait probablement pas contre les attentes de l’industrie des contenus ».

La vie en 3D

Hier soir, je me suis demandé comment étaient les films,
les jeux, les vidéos et la plupart des images qui nous entourent aujourd’hui, avant la généralisation de la 3D. J’imagine que c’était un peu comme à la fin du vingtième siècle, quand nos parents, baignés d’images en couleur, visionnaient avec nostalgie les hésitations d’Ingrid Bergman prisonnière d’un Casablanca en noir et blanc.
La 3D fait partie de ces inventions qui nous ont fait rêver
si longtemps. Contrairement à l’Internet qui est apparu presque d’un seul coup au tournant des années 1990, la 3D nous vient du fond du
19e siècle, dès 1838, avec la naissance de la stéréoscopie, et nous accompagne depuis lors, puisque ce sont 250 films et émissions de télévision qui ont été produits
en 3D tout au long du 20e siècle. Mais durant toutes ces années, ces films ont été relégués, au mieux au rang de curiosités comme La maison de cire (1953) d’André
de Toth, et généralement aux archives de leurs maisons de production, comme ce
fut la cas pour la version 3D du Crime était presque parfait (1954) d’Alfred Hitchcock.

« Depuis peu, la 3D est même
accessible sur des téléviseurs à prix
raisonnables et raccordés à des
réseaux très haut débits. »

 En réalité, la révolution de la 3D n’a véritablement commencé qu’entre 2005 et 2010.
Les films d’animation numérique ont les premiers lancé la course, les dessins animés Pixar démodant d’un seul coup les productions du roi Disney. Le relais a été ensuite pris par les films des grands studios nord-américains qui ont vu dans la 3D une fantastique opportunité pour attirer toujours plus de spectateurs dans les salles et contrer le piratage de leurs productions. D’autres types d’écran, publicitaires cette
fois, dans nos magasins et parfois dans nos rues, commencent à s’animer en trois dimensions. La 3D est même entrée dans nos foyers, via les jeux vidéo, qui ont souvent été le laboratoire des usages futurs. Les joueurs sont désormais au cœur d’univers tellement crédibles qu’il faut de plus en plus de temps pour revenir sur terre lorsque
l’on retire ses lunettes d’immersion virtuelle.
Depuis peu, la 3D est même accessible sur des téléviseurs à prix raisonnables et raccordés à des réseaux très haut débits. Au même moment, l’Internet adoptait la 3D.
En effet, comment choisir sur les boutiques du Web des objets ou des vêtements sans une image la plus réaliste possible et donc en 3D ? Manipuler des objets virtuels, modifier leurs couleurs ou leurs textures, est devenu aussi naturel que de prendre
en main un article dans le rayon d’un magasin. De même qu’il est devenu courant de participer à des réunions et de suivre des séances de formation utilisant les ressources de la télé-présence en 3D. Aujourd’hui, nous sommes ainsi littéralement immergés dans un bain quotidien d’images fixes ou animées en relief. Les porteurs de lunettes, dont je suis, ont enfin un avantage: avoir dans la poche une paire de ces nouvelles générations de lunettes qui, en plus de protéger du soleil ou de corriger la vue, sont capables d’activer une vision 3D instantanée.
Alors que les univers virtuels dans lesquels nous entrons et sortons tout au long de nos journées et de nos nuits sont devenus si réalistes, voilà que nous sommes déjà en train de passer à l’étape suivante avec l’effondrement du « mur numérique ». Désormais les objets en 3D de l’espace virtuel sortent de nos ordinateurs et viennent nous rejoindre
dans le monde réel. Les imprimantes 3D, apparues au début des années 2000, réalisent des copies en trois dimensions, de cartes, de maquettes, de sculptures,
de bijoux…
Nous pouvons ainsi disposer chez nous d’imprimantes qui, telles de véritables micro usines personnalisées (Fabber ou Fab Lab, pour fabrication laboratory), nous permettent de faire apparaître à volonté, tels des démiurges antiques, une multitude d’artéfacts. @

Jean-Dominique Séval*
Prochaine chronique “2020” : La presse en ligne
* Depuis 1997, Jean-Dominique Séval est directeur marketing
et commercial de l’Institut de l’audiovisuel et des télécoms
en Europe (Idate). Rapports sur le sujet : « Web 3D »
par Vincent Bonneau et « Vidéo 3D »
par Samuel Ropert www.idate-research.com