La vie en 3D

Hier soir, je me suis demandé comment étaient les films,
les jeux, les vidéos et la plupart des images qui nous entourent aujourd’hui, avant la généralisation de la 3D. J’imagine que c’était un peu comme à la fin du vingtième siècle, quand nos parents, baignés d’images en couleur, visionnaient avec nostalgie les hésitations d’Ingrid Bergman prisonnière d’un Casablanca en noir et blanc.
La 3D fait partie de ces inventions qui nous ont fait rêver
si longtemps. Contrairement à l’Internet qui est apparu presque d’un seul coup au tournant des années 1990, la 3D nous vient du fond du
19e siècle, dès 1838, avec la naissance de la stéréoscopie, et nous accompagne depuis lors, puisque ce sont 250 films et émissions de télévision qui ont été produits
en 3D tout au long du 20e siècle. Mais durant toutes ces années, ces films ont été relégués, au mieux au rang de curiosités comme La maison de cire (1953) d’André
de Toth, et généralement aux archives de leurs maisons de production, comme ce
fut la cas pour la version 3D du Crime était presque parfait (1954) d’Alfred Hitchcock.

« Depuis peu, la 3D est même
accessible sur des téléviseurs à prix
raisonnables et raccordés à des
réseaux très haut débits. »

 En réalité, la révolution de la 3D n’a véritablement commencé qu’entre 2005 et 2010.
Les films d’animation numérique ont les premiers lancé la course, les dessins animés Pixar démodant d’un seul coup les productions du roi Disney. Le relais a été ensuite pris par les films des grands studios nord-américains qui ont vu dans la 3D une fantastique opportunité pour attirer toujours plus de spectateurs dans les salles et contrer le piratage de leurs productions. D’autres types d’écran, publicitaires cette
fois, dans nos magasins et parfois dans nos rues, commencent à s’animer en trois dimensions. La 3D est même entrée dans nos foyers, via les jeux vidéo, qui ont souvent été le laboratoire des usages futurs. Les joueurs sont désormais au cœur d’univers tellement crédibles qu’il faut de plus en plus de temps pour revenir sur terre lorsque
l’on retire ses lunettes d’immersion virtuelle.
Depuis peu, la 3D est même accessible sur des téléviseurs à prix raisonnables et raccordés à des réseaux très haut débits. Au même moment, l’Internet adoptait la 3D.
En effet, comment choisir sur les boutiques du Web des objets ou des vêtements sans une image la plus réaliste possible et donc en 3D ? Manipuler des objets virtuels, modifier leurs couleurs ou leurs textures, est devenu aussi naturel que de prendre
en main un article dans le rayon d’un magasin. De même qu’il est devenu courant de participer à des réunions et de suivre des séances de formation utilisant les ressources de la télé-présence en 3D. Aujourd’hui, nous sommes ainsi littéralement immergés dans un bain quotidien d’images fixes ou animées en relief. Les porteurs de lunettes, dont je suis, ont enfin un avantage: avoir dans la poche une paire de ces nouvelles générations de lunettes qui, en plus de protéger du soleil ou de corriger la vue, sont capables d’activer une vision 3D instantanée.
Alors que les univers virtuels dans lesquels nous entrons et sortons tout au long de nos journées et de nos nuits sont devenus si réalistes, voilà que nous sommes déjà en train de passer à l’étape suivante avec l’effondrement du « mur numérique ». Désormais les objets en 3D de l’espace virtuel sortent de nos ordinateurs et viennent nous rejoindre
dans le monde réel. Les imprimantes 3D, apparues au début des années 2000, réalisent des copies en trois dimensions, de cartes, de maquettes, de sculptures,
de bijoux…
Nous pouvons ainsi disposer chez nous d’imprimantes qui, telles de véritables micro usines personnalisées (Fabber ou Fab Lab, pour fabrication laboratory), nous permettent de faire apparaître à volonté, tels des démiurges antiques, une multitude d’artéfacts. @

Jean-Dominique Séval*
Prochaine chronique “2020” : La presse en ligne
* Depuis 1997, Jean-Dominique Séval est directeur marketing
et commercial de l’Institut de l’audiovisuel et des télécoms
en Europe (Idate). Rapports sur le sujet : « Web 3D »
par Vincent Bonneau et « Vidéo 3D »
par Samuel Ropert www.idate-research.com