L’Hadopi demande toujours à voir Aurélie Filippetti

En fait. Le 11 septembre s’est tenue la première réunion plénière de rentrée du collège de la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet (Hadopi), laquelle finalise pour « fin septembre-début octobre » son second – et dernier ? – rapport public annuel.

En clair. Selon nos informations, la ministre de la Culture et de la Communication attendra la remise du rapport annuel de l’Hadopi au gouvernement et au Parlement – prévu fin septembre – pour recevoir sa présidente Marie-Françoise Marais. Pourtant, cette dernière réclame avec insistance depuis quatre mois maintenant un entretien avec Aurélie Filippetti. Malgré ses relances téléphoniques fin juillet et fin août, l’Hadopi n’avait toujours pas mi-septembre de réponse du ministère ni encore moins de date fixée. La première demande d’entretien a en effet été faite quelques jours après la prise de fonction du gouvernement, suite aux propos de la ministre le 21 mai sur France Inter pour une « révision de l’Hadopi » conformément au souhait de François Hollande. « Je crois que le système de sanction, tel qu’il a été mis en place et pensé, s’est révélé à la fois inefficace et en plus négatif d’un point de vue du message. (…) Donc je pense que personne, y compris les membres de cette Haute autorité, ne semblait réellement satisfait du système tel qu’il fonctionnait », avait-elle lancé (1).
A défaut d’avoir obtenu un entretien à la ministre, l’Hadopi lui a répondu le 5 septembre dernier par la voix de Mireille Imbert Quaretta, présidente de la Commission de la protection des droits (CPD) de l’Hadopi. « Nous sommes satisfaits de ce bilan [au 1er juillet : 3 millions d’adresse IP identifiées, 1,150 million de premiers e-mails d’avertissement, 100.000 e-mails de second avertissement, 340 lettres recommandées et 14 dossiers “multi-récidivites” transmis à la justice, ndlr]. On n’a pas à en rougir »,
a-t-elle insisté. Le fait que le ministère n’ait pas donné suite à la demande d’entretien
de Marie-Françoise Marais est d’autant plus mal vécu par l’autorité administrative indépendante que le 2 août dans le « Nouvel Obs. », Aurélie Filippetti déclarait que
« les crédits de fonctionnement de l’Hadopi [allaient être] largement réduits pour l’année 2012 ». Un affront de plus de la part du gouvernement ?
Le budget annuel de l’Hadopi est de 12 millions d’euros, dont 60 % consacrés au dispositif de la réponse graduée. Là aussi Mireille Imbert Quaretta lui a rétorqué le
5 septembre : «Le gouvernement n’a pas la tutelle de l’Hadopi, c’est le législateur.
S’il décidait de réduire son budget, cela poserait la question de la séparation des pouvoirs ». @

Radio numérique : bras de fer entre radio IP et RNT

En fait. Le 13 septembre, le CSA nous indique qu’il sélectionnera bien d’ici la fin
du mois les radios parmi les 176 candidats à la RNT sur les trois premières zones que sont Paris, Marseille et Nice. Vingt autres zones régionales attendent leur tour. Tandis que les pro-radio IP, hostiles à la RNT, sont en embuscade.

En clair. « Ceux qui ont conclu […] à l’enterrement de la RNT sont allés un peu vite
en besogne », a réagi le Syndicat interprofessionnel des radios et télévisions indépendantes (Sirti) après que le gouvernement ait annoncé le 6 septembre sa décision de ne pas demander au CSA (1) l’attribution de fréquences RNT pour Radio France et RFI sur les zones de Paris, Nice et Marseille. Raison invoquée de l’Etat pour se désistement : « Le lancement à grande échelle de la RNT engendrerait des surcoûts significatifs pour les radios publiques » (2). Mais ce surcoût pour le service public, confronté aux réductions budgétaires, ne le vaut-il pas aussi pour les radios privés ou associatives déjà présentes sur la FM et candidates à la RNT ? En tout cas, à défaut de les aider (lire EM@60, p. 3), le gouvernement jette un sérieux trouble sur l’avenir de la radio numérique terrestre en France – même s’il ne l’enterre pas pour autant si l’on en croit l’arrêté prévu « prochainement » en faveur de la norme DAB+, réputée moins coûteuse pour les déploiements (3).
Reste que Radio France semble sur la même longueur d’ondes que les groupes des radios privées NRJ, RTL, Europe 1 et RMC défavorables au lancement de la RNT gratuite. Du coup, le CSA avance à reculons : il devrait sélectionner mi-septembre les radios parmi les 176 candidats à la RNT à Paris, Marseille et Nice ; mais il tarde à lancer les appels à candidatures sur Strasbourg et Mulhouse (qui devaient l’être en
juin dernier), ainsi qu’à Nancy, Metz et Lille (prévus ce mois-ci).
Le régulateur se retrouve à ménager la chèvre (le Bureau de la Radio opposé à la RNT comme les groupes NRJ, RTL, Lagardère et NextRadioTV qu’il représente) et le chou
(le Sirti favorable à la la RNT pour tous et représentant 151 membres et leurs 882 fréquences FM comme celles de Trace Radio, Lounge Radio, Oui FM Collector, Ma Génération, Météo Life, Alouette…). Le Bureau de la Radio ne croit pas en l’avenir de la RNT mais à la radio sur IP, notamment sur les réseaux très haut débit (4G et fibre). Le Sirti, lui, considère la radio sur IP comme une simple « vitrine », pas plus, et les webradios dépouvues de modèle économique viable. Cette querelle d’experts, dont la France a le secret, fait que la RNT n’a toujours pas été lancée – alors qu’elle avait été promise pour fin 2008… « Il faut avancer ! », s’impatiente le Syndicat national des radios libres (SNRL). @

Fusion CSA-Arcep : grande loi audiovisuelle en vue

En fait. Le 21 août, le Premier ministre Jean-Marc Ayrault a demandé à Arnaud Montebourg (Redressement productif), Aurélie Filippetti (Culture et Communication) et Fleur Pellerin (notamment Economie numérique) de « lui faire [d’ici fin novembre] des propositions de rapprochement entre le CSA et l’Arcep ».

En clair. Dix ans après la loi historique sur la communication audiovisuelle du 29 juillet 1982, élaborée par le premier gouvernement socialiste de François Mitterrand, le premier gouvernement socialiste de François Hollande prépare une nouvelle grande loi audiovisuelle qui pourrait, à son tour, marquer son époque. Autant l’ancienne loi portée
par Georges Fillioud (1) – décédé il y a un an – a libéralisé le marché de l’audiovisuel
en abolissant le monopole d’Etat de radiodiffusion, autant la future loi du « PAF » que défendra le gouvernement Ayrault devra, cette fois, s’adapter à la convergence numérique en réformant la réglementation et la régulation, tout en préparant le terrain au financement de la création culturelle par tous les acteurs du Web. C’est dire que les conclusions de trois missions seront très attendues : la première a été confiée avant l’été à Pierre Lescure pour remplacer l’Hadopi et préparer l’« acte II de l’exception culturelle » (lire EM@58) ; la seconde est menée par le duo Pierre Collin-Nicolas Colin pour « créer les conditions d’une contribution à l’effort fiscal du secteur [du numérique] mieux répartie entre ses différents acteurs » (2) ; la dernière en date relève du trio Arnaud Montebourg-Aurélie Filippetti-Fleur Pellerin pour faire des « propositions de rapprochement entre le CSA et l’Arcep ». Alors que les propositions « Lescure » sont initialement prévues pour mars 2013, celles de la mission « Montebourg-Filippetti-Pellerin » sont demandées par le Premier ministre d’ici fin novembre 2012. « Cette réflexion s’appuiera sur les positions de l’Arcep et du CSA et sera coordonnée avec celle conduite par Pierre Lescure sur l’acte II de l’exception culturelle », précise Matignon. Le calendrier s’accélère donc pour Pierre Lescure.
D’autant que l’Hadopi pourrait être absorbée dans une éventuelle fusion CSA-Arcep (3). Une chose est sûre : il y aura à l’automne un projet de loi audiovisuelle qui portera notamment sur une réforme du CSA et, partant, de l’Arcep. Rappelons que le 3 juillet dernier devant l’Assemblée nationale, Jean-Marc Ayrault avait promis – dans son discours de politique générale – une loi sur l’audiovisuel « avant la fin de l’année 2012 » (adoption prévue en janvier 2013). Quant à l’acte II de l’exception culturelle, il devrait
aussi faire l’objet d’une grande loi complémentaire au printemps 2013. @

Cyril Zimmermann, PDG de Hi-Media : « Taxer tous les acteurs du Net sans distinction risque d’être peu efficace »

Alors que le groupe Hi-Media – régie Internet européenne et opérateur de e-paiement – a présenté le 30 août ses résultats semestriels, son PDG fondateur, Cyril Zimmermann, répond à EM@ sur le développement de ses activités et le ralentissement du marché publicitaire online, ainsi que sur la fiscalité numérique en vue.

Propos recueillis par Charles de Laubier

Edition Multimédi@ : Il y a un an exactement, vous décidiez de ne pas céder votre activité micro-paiement en ligne (Allopass et Hipay). Avec le recul, était-ce la bonne décision sur un marché dominé par iTunes ou Paypal et l’abandon de One Pass par Google ? Comment évolue cette activité ?
Cyril Zimmermann :
Nous n’avions pas à l’esprit de céder notre activité de paiement en ligne, mais nous avions reçu des marques d’intérêt quant au rachat de celle-ci par des tiers. Et pour respecter notre devoir fiduciaire, nous avons examiné toutes les options. Mais cela ne correspondait en rien à une volonté de la société de céder ce pôle. D’ailleurs, la décision de continuer notre stratégie de développement autour de deux plateformes de monétisation de l’audience (publicité et paiement) a été prise unanimement par tous les membres de notre conseil d’administration, où siègent nos principaux actionnaires. L’activité évolue très bien, avec une forte croissance des volumes de transaction et de nombreux nouveaux contrats signés – notamment avec le Leparisien.fr, Lequipe.fr et le GIE ePresse. Nous travaillons également sur l’extension de notre offre vers le paiement par carte bancaire, en plus du micro-paiement (Allopass) et du porte-monnaie électronique (Hipay).

La fiscalité numérique devient une affaire d’Etat

En fait. Le 19 juillet, le sénateur Philippe Marini a déposé sa proposition de loi
« pour une fiscalité numérique neutre et équitable ». Tandis que le gouvernement
a lancé le 12 juillet une mission d’expertise sur la fiscalité de l’économie numérique. Ses conclusions sont attendues pour l’automne prochain.

En clair. Deux mois après son installation, le gouvernement Ayrault s’empare de la fiscalité du numérique pour en faire une affaire d’Etat. En lançant une mission sur
cette problématique, récurrente depuis des mois, il devance le dépôt au Parlement par
le sénateur Philippe Marini d’une proposition de loi de fiscalité numérique « neutre et équitable » – « taxe Google 2.0 » comprise – que ce dernier a déposé le 19 juillet. La remise à l’automne des conclusions de la mission Collin et Colin (1) permettrait de prendre des mesures fiscales dans le cadre du projet de loi de Finances 2013. Sont visés au premier chef les « GAFA » : Google, Apple, Facebook et Amazon. Selon la Commission nationale du numérique (CNNum), les revenus générés en France par ces quatre géants du Net oscilleraient entre 2,5 et 3 milliards d’euros alors qu’ils ne paient que quelques millions d’euros à la France.
Est également dans le collimateur de Bercy Microsoft France, qui a fait l’objet d’un contrôle fiscal le 28 juin. Les quatre ministres signataires de la lettre de mission (2) déterminés : « Notre système fiscal appréhende difficilement les nouvelles formes de transactions issues du développement de l’économie numérique. Il en résulte un manque à gagner pour les finances publiques et un désavantage compétitif pour les entreprises françaises, par rapport aux groupes internationaux qui s’organisent pour éluder ou minorer leur imposition ». Autrement dit, Bercy dénonce à la fois de la fraude fiscale en France et du dumping fiscal en Europe.
La mission Collin et Colin fera donc des propositions pour « créer les conditions d’une contribution à l’effort fiscal du secteur mieux répartie entre ses différents acteurs (…). La mission s’attachera notamment à dégager des propositions en matière de localisation et d’imposition des bénéfices, du chiffre d’affaires, ou, éventuellement, sur d’autres assiettes taxables ». Le sénateur Philippe Marini propose deux volets : un « volet procédural » avec « obligation de déclaration d’activité » pour les acteurs de services en ligne basés à l’étranger, qui doivent désigner un « référent fiscal » (interlocuteur de l’administration fiscale) ; un « volet fiscal » avec deux taxations, la première sur la publicité en ligne et
le commerce électronique, la seconde sur les services de télévision et à la VOD. @