Le SNE piste les pirates, en attendant l’Hadopi

En fait. Le 30 juin, le Syndicat national de l’édition (SNE) – présidé par Antoine Gallimard – a tenu son AG annuelle. En France, le livre numérique a progressé
de 8 % à 52,9 millions d’euros en 2010, soit presque 2 % du revenu net total des maisons d’édition. Rejoindre l’Hadopi est toujours à l’étude.

En clair. Dans son discours lors de l’assemblée générale annuelle du SNE, Antoine Gallimard n’a quasiment rien dit sur le projet des éditeurs de livres (1) de rejoindre le dispositif de la « réponse graduée » de l’Hadopi. Tout au plus, a-t-il réaffirmé, « les éditeurs envisageaient de rejoindre l’Hadopi ». Ce que la déléguée générale du SNE avait déjà dit à Edition Multimédi@ en janvier dernier (2). « Les travaux d’études sont encore en cours », nous confirme une porte-parole du SNE. Mais aucune date n’est précisée sur le dépôt éventuel du dossier de demande d’autorisation auprès de la Cnil, afin de pouvoir relever les adresses IP des internautes soupçonnés de piratage de livres numériques. Le choix de la technique de marquage des oeuvres et de la surveillance sur Internet, de type TMG/Civolution, Advestigo ou encore Audible Magic, n’est pas encore arrêté. « Le SNE a dernièrement multiplié les contacts avec les ayants droit de la musique et du cinéma, ainsi qu’avec divers prestataires techniques afin d’étudier le mécanisme de réponse graduée mis en oeuvre par l’Hadopi2 [volet pénal de la loi, daté du 29 octobre 2009, ndlr] et l’intérêt pour le secteur de l’édition de rejoindre le dispositif », peut-on seulement lire dans le rapport d’activité 2010-2011
du SNE publié à l’AG. Le Syndicat y indique, en outre, qu’il « étudie actuellement les solutions techniques et pratiques existantes relatives à une procédure automatisée de notification et retrait des contenus illicites ». Cela suppose que l’éditeur soit capable techniquement d’identifier l’hébergeur. Aussi, le SNE incite les maisons d’édition à
« communiquer les adresses de sites proposant des téléchargements illégaux », afin
de constituer une « liste [qui] permettra par recoupement d’identifier les sites et réseaux les plus actifs dans le domaine du piratage de livres ». Une adresse mail – juridique@sne.fr – a été créée à cet effet, le SNE proposant en plus à ses membres une procédure et des courriers types (3). Le piratage d’e-books inquiète d’autant plus les éditeurs qu’une étude de l’Hadopi, datant du 18 mai, en montre la réalité grandissante : 36 % des internautes pirates déclarent télécharger des livres illicitement (77 % pour la musique, 71 % pour les films) en streaming (42% d’entre eux), P2P
(17 %) et direct download (40 %). Antoine Gallimard, lui, qualifie la vente de livres numériques d’encore « marginale » et met en garde contre « les fantasmes que peut engendrer ce nouvel âge technologique ». @

Pourquoi Netflix pourrait être tenté par la France

En fait. Le 1er juin, lors de la conférence « All Things D » en Californie, Reed Hastings, le PDG cofondateur de Netflix – leader américain de la VOD payante
et loueur de DVD/Blu-ray –, a indiqué qu’il prépare l’annonce du lancement « au second semestre » de Netflix dans « un troisième pays » après les Etats-Unis et
le Canada.

En clair. « Netflix se développera dans le reste du monde d’ici la fin de l’année, mais
nous n’avons pas dit exactement où et quand », répond Steve Swasey, vice-président
du groupe californien, en charge de la communication, à Edition Multimédi@. Même si commencer par le Royaume-Uni relèverait d’une logique anglosaxonne, à l’instar de Hulu (1), à moins que cela ne soit l’Amérique du Sud puis l’Espagne comme le disent certains, Netflix pourrait surprendre tout son monde en lançant son dévolu sur… la France. Mais Netflix, dont l’arrivée est redoutée sur la TV connectée, se refuse à tout commentaire. Le patron cofondateur de Netflix, Reed Hastings, est encore resté muet sur ses intentions internationales lors de la conférence « All Things Digital » (WSJ/DowJones/News Corp) organisée du 31 mai au 2 juin : « Cela nous prend un à trois ans pour qu’un pays devienne profitable. Le Canada [lancé en septembre 2010] sera rentable d’ici un an, ce qui est très rapide », s’est-il contenté de dire. Déjà fort de 22,8 millions d’abonnés (7,99 dollars /mois), la société va devoir faire face dès l’an prochain aux Etats- Unis à des échéances de renouvellement de droits de diffusion, qui devraient lui coûter plus chers (2). L’expansion internationale semble vitale. La France pourrait être sa prochaine terre de conquête, car il s’agit du premier pays au monde à avoir créé une instance de lutte contre le piratage sur Internet. L’Hadopi est très observée aux Etats-Unis, comme a pu le constater Frédéric Mitterrand, le ministre de
la Culture et de la Communication, lors de son voyage outre-Atlantique en mars 2011. Ce dernier a d’ailleurs prévenu que s’il venait en France, Netflix devra respecter la chronologie des médias et le financement des œuvres. Aux Etats-Unis, le gouvernement entend alourdir les peines en cas de streaming vidéo illégal. Le Congrès américain vient d’indiquer qu’il pourrait changer la loi sur le Copyright pour sanctionner pénalement cette pratique. Netflix s’en félicite déjà car la lutte contre le piratage favorise ses ventes. Or, en France, l’Hadopi lutte déjà – avec l’Alpa (3) – contre le téléchargement illicite et s’apprête à étendre la « réponse graduée » au streaming
vidéo comme le demande justement l’APC, l’Association des producteurs de cinéma (4). En conséquence, la France apparaît comme un nouveau marché idéal pour le groupe californien et sa plateforme légale – dont les droits ont été négociés avec de grands Networks (CBS, ABC, Fox, …) ou de grands studios comme Miramax. Les DVD de ce dernier sont déjà distribués en France par… Canal+. @

Comment l’Hadopi va devenir « multiculturelle »

En fait. Le 10 mai, à la suite d’une visite de 45 minutes dans ses locaux de l’Hadopi, le ministre de la Culture et de la Communication a réaffirmé sa « totale confiance » et son « total appui » à l’Hadopi. Mais il faudra attendre son rapport annuel mi-juillet pour avoir des résultats chiffrés.

En clair. A défaut de chiffres pour juger de l’efficacité de son action, il faudra attendre
le premier rapport annuel de l’Hadopi « mi-juillet » et se contenter pour l’heure des résultats de sa seconde enquête effectuée auprès de 1.500 internautes (1) : 50% de ceux qui ont reçu ses e-mails d’avertissement déclarent « arrêter » de pirater (2). A ce stade, aucun dossier litigieux n’a été transmis à la Justice. « L’idée est de pas envoyer des internautes au tribunal », a assuré Frédéric Mitterrand. L’absence de résultats ou de procès pourrait laisser perplexe les ayants droits non seulement de la musique et du cinéma, mais surtout des autres industries culturelles. La présidente de l’Hadopi, Marie-Françoise Marais, nous a répondu le 10 mai sur cette ouverture à d’autres secteurs :
« Nous avons des contacts avec aussi bien avec le [secteur du] jeu vidéo que pour le [secteur du] livre pour savoir s’ils vont rejoindre ou pas [l’Hadopi]. Certains nous ont fait savoir qu’il envisageaient de rejoindre assez rapidement le système mis en place ».
Les jeux vidéo et les livres numériques devraient ainsi faire l’objet d’une surveillance sur Internet. Reste à savoir si le Syndicat national de l’édition (SNE) et le Syndicat des éditeurs de logiciels de loisir (SELL), qui vont demander leur autorisation à la Cnil, retiendront ou pas le même prestataire très discret qu’est la société nantaise Trident Media Guard (TMG). En attendant d’élargir son champ d’action à d’autres contenus, l’Hadopi a commencé à labelliser des offres légales de téléchargement. « Je suis particulièrement satisfait de la diversité de cette première vague [de labellisation]: diversité de contenu d’abord, avec dix offres de musique, cinq de vidéo à la demande, trois de jeux vidéos et logiciels, et une de photos », s’est félicité Frédéric Mitterrand. Dix-neuf dossiers de demande du label « Hadopi offre légale » sont sur le point d’être acceptées sur un total d’une trentaine de déposés. Le Code de la propriété intellectuelle prévoie aussi que l’Hadopi « veille à la mise en place (…) d’un portail de référencement de ces mêmes offres ». « Nous ne pensons pas avoir une version bêta cohérente du meta-portail avant la fin de l’année, même s’il y aura des étapes intermédiaires. La campagne de communication mi-juin s’accompagnera en effet d’un site Internet [Offreslegales.fr ?, ndlr]. Ce meta-portail sera multiculturel, avec à la fois des offres de musiques, de films, de livre ou encore de jeux », a expliqué Eric Walter, le secrétaire général de l’Hadopi. @

Des téléchargements aux réseaux sociaux : la liberté du salarié sous contrôle

Avec l’accès à Internet, les sites de téléchargement et les réseaux sociaux, le
lieu de travail est plus que jamais ouvert sur l’extérieur. Face aux risques liés
aux contenus illicites, comment le contrôle de l’employeur peut-il s’exercer
sans empiéter sur les libertés du salarié ?

Par Christiane Féral-Schuhl*, avocate associée, Bâtonnier désigné, cabinet Féral-Schuhl/Sainte-Marie.

Des Labs à l’Hadopi 3 : y aller par cinq chemins ?

En fait. Le 2 février, l’Hadopi a inauguré ses cinq « Labs » qui sont des « ateliers
de recherche » collaboratifs, pilotés chacun par des « experts indépendants ». Premières copies rendues fin juin. Edition Multimédi@ était présent, notamment
à la première table-ronde « Economie numérique de la création ».

En clair. « L’inscription des Labs dans une institution de la République est une première en France ; d’autant que l’Hadopi est la seule institution dans le monde à
être dédiée aux droits d’auteur », a déclaré Eric Walter, secrétaire général de l’Hadopi, qui est à l’origine de cette démarche collaborative originale qui va durer un an. Selon Nathalie Sonnac (1), qui pilote le Lab sur l’économie numérique de la création, c’est en février 2012 que les travaux de réflexions des cinq Labs (2) doivent être finalisés. Entre temps, chaque Lab devra « restituer un point d’étape d’ici fin juin ». Et après ? En marge de l’événement, nous avons demandé à Marie-Françoise Marais, présidente de l’Hadopi, si elle n’allait pas ensuite transmettre le tout à l’Elysée qui réfléchit à une loi
« Hadopi 3 » pour ne pas en rester au sentiment de répression. « Nous sommes une autorité administrative indépendante ; nous verrons si nos travaux intéresseront l’Elysée ; mais nous nous parlerons sûrement », a-t-elle assuré. Lors d’un déjeuner
à l’Elysée avec des acteurs de l’Internet le 16 décembre dernier, Nicolas Sarkozy se serait dit disposé à rendre « plus présentable » (3) les lois Hadopi 1 et son volet pénal Hadopi 2 publiés en 2009. Depuis, le spectre d’une « Hadopi 3 » plane sur l’Internet et l’autorité. « C’est un peu négatif de penser cela », a estimé Nathalie Sonnac à la même évocation d’une éventuelle Hadopi 3. Quoi qu’il en soit, l’une des taches de la table ronde sur l’économie numérique de la création est – selon son animatrice – de
« réfléchir [avec les producteurs] à des incitations pour conduire un internaute vers de la diversité et de la qualité, plus facilement que d’aller pirater ». Pour David El Sayegh, DG du Syndicat national de l’édition phonographique (Snep), participant, cela peut être « baisser la TVA [sur les biens culturels en ligne, ndlr] car dans la chaîne de valeur, c’est l’Etat qui marge le mieux ; personne ne fait 20 % de marge »… Pour Jérôme Roger, DG de l’Union des producteurs phonographiques français indépendants (UPFI), également présent, « on ne peut pas construire un modèle économique sur la gratuité, qui doit rester complémentaire ». Quant à Jean Yves Mirski, délégué général du Syndicat de l’édition vidéo numérique (SEVN), il a préciser que « la piraterie était à prendre en compte lorsque l’on monte des modèles économiques ».
La réflexion « transversale » ne fait que commencer. Reste à savoir si la montagne ne
va pas accoucher d’une souris… @