Cloud PVR, nPVR, Cloud TV, … Les chaînes TV gratuites menacées

En fait. Le 16 décembre dernier, se tenaient les 9e Assises de la convergence des médias – organisées par l’agence Aromates – sur le thème de « Audiovisuel français : la transformation par le cloud« . Les chaînes de télévision gratuites, comme M6, sont les premières à s’inquiéter de la publicité « skippable » dans le cloud.

Valéry GerfaudEn clair. La grande crainte des chaînes gratuites de télévision, telles que TF1, M6 ou celles de France Télévision, c’est le Cloud PVR – ces magnétoscopes numériques personnels en ligne dans le nuage informatique aux capacités de stockage illimitées – ou nPVR (Network Personal Video Recorder). Il s’agit d’un nouvel usage émergent grâce aux services de cloud grand public.
Cette capacité illimitée de « copie privée » à distance donne, d’un côté, des sueurs froides aux chaînes de télévision linéaires, et de l’autre, des possibilités infinies aux téléspectateurs désireux de s’affranchir des grilles de programmes et des coupures publicitaires intempestives. « Si l’on ne protège pas les revenus publicitaires des chaînes TV et leur capacité à rémunérer les ayants droits, on met totalement en danger l’écosystème de la télévision gratuite », s’est alarmé Valéry Gerfaud (photo), directeur de M6 Web, aux 9e Assises de la convergence des médias.

S’inspirer de l’accord chaînes-opérateurs en Allemagne
« Nous rémunérons les ayants droits (1) pour avoir une offre de contenus de qualité. Et si nous pouvons les rémunérer, c’est que l’on arrive à être financé par les annonceurs (publicitaires) prêts à payer cher des spots dans ce système. Or le nPVR challenge une partie de cet écosystème ». Ce qui pourrait mettre à mal, selon lui, les chaînes gratuites et leurs services de TV de rattrapage financés par la publicité (2). Et de s’interroger : comment pérenniser un écosystème audiovisuel reposant sur des fondements que
les potentialités du cloud comme le nPVR peuvent remettre en cause ou déstabiliser ?
Il y a des pays où le PVR fait l’objet de réglementation très forte ». Pour lui, il faudrait que la France s’inspire de pratiques d’autres pays comme l’Allemagne où les
chaînes de télévision ont mis très longtemps à se mettre d’accord avec les opérateurs télécoms (comme Deutsche Telekom) pour que ces derniers rendent la publicité non
« skippable » sur les enregistrements en PVR. « Certains ayants droits, en particuliers américains, nous fournissent leurs contenus seulement si nous leur garantissons qu’ils ne peuvent pas être enregistrés en nPVR. En France, on voit bien que la réflexion sur la réglementation et l’extension éventuelle de la rémunération pour copie privée au cloud (3) se confronte à cette évolution technologique du Cloud PVR qui soulève de nouvelles questions beaucoup plus vastes », a indiqué Valéry Gerfaud. Le débat est sensible. @

Pierre-François Racine, nouveau président du CSPLA, a déjà la tête dans les « nuages »

Les « nuages » s’amoncèlent au-dessus du Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique (CSPLA), dont Pierre-Français Racine vient d’être nommé président. Son projet d’avis sur « l’informatique en nuage » est contesté. La séance plénière
du 23 octobre s’annonce houleuse.

(Depuis la parution de cet article, le CSPLA a rendu son avis consultatif le 23 octobre 2012 et a adopté le rapport correspondant. La balle est dans le camp du gouvernement)

C’est un casse-tête. Réactivé il y a un peu plus d’un an maintenant, après trois ans de mise en sommeil, le Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique (CSPLA) voudrait adopter lors de
sa prochain séance plénière du 23 octobre – qu’ouvrira la ministre Aurélie Filippetti – un projet d’avis sur « l’informatique en nuage » qui est vivement contesté par les opérateurs télécoms et les acteurs du Web. Mais, selon nos informations, le remplacement récent – par arrêté du 2 octobre – de Sylvie Hubac, devenue directrice de cabinet du chef de l’Etat, par Pierre-François Racine (notre photo), conseiller d’Etat,
à la présidence du CSPLA pourrait retarder l’adoption de cet avis qui est accompagné d’un rapport.

Apple, Amazon, Google, Orange, SFR, …
Que dit en substance l’avis du CSPLA ? « Les copies faites dans le cadre d’un service
de cloud computing ne peuvent bénéficier du régime de l’exception de copie privée et doivent donc faire obligatoirement l’objet – de la part des prestataires de ces “nuages informatiques” – de demandes préalables systématiques auprès des ayants droits ». Autrement dit : les Apple, Amazon, Google et autres Dropbox, ainsi que les centrales numériques des opérateurs télécoms Orange, SFR ou encore Bouygues Telecom (1), auraient une responsabilité nouvelle vis-à-vis des ayants droits. En effet, ces derniers
ne reconnaissent pas que les copies réalisées par un prestataire de cloud computing
et de stockage – pour le compte d’utilisateurs qui possèdent les fichiers d’œuvres – puissent entrer dans le cadre de l’exception de copie privée.
Si cet avis ne se prononce pas sur une taxe copie privée que les ayants droits souhaitent voir appliquée aux « nuages » (2), il tente en revanche de trancher une autre question tout aussi épineuse : celle du régime de l’exception de copie privée, laquelle autorise un utilisateur à faire des copies d’une oeuvre – musiques, films, journaux, radios, chaînes, livres, vidéos, photos, dessins, etc. – sans qu’il ait à demander l’autorisation aux ayants droits et/ou à payer en plus pour ces copies (3). Or, aux yeux des industries culturelles, il n’y a pas de « partage » – c’est-à-dire pas de « mise à disposition du public » (4) – mais uniquement du « stockage ». En conséquence, affirme le CSPLA, ceux qu’il appelle les « purs services de casier » ne peuvent bénéficier du statut d’hébergeur. Ce statut aménagé par la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique (loi dite LCEN) devrait en effet – revendiquent
les opérateurs télécoms et les plateformes du Web – leur accorder une responsabilité limitée en tant qu’hébergeurs, lesquels ne sont tenus responsables de piratage en ligne – et a fortiori des copies illicites – que si les contenus contrefaits leurs sont signalés par notification (5). Ainsi, les prestataires de nuages
– à l’instar des sites de partage vidéo comme YouTube ou Dailymotion (6) (*) (**)
– n’ont aucune obligation de contrôle préalable des contenus stockés chez eux et encore moins de filtrage ou de blocage généralisé des œuvres non autorisées. Contactée  par Edition Multimédi@, l’Association des services Internet communautaires (Asic)  – réunissant notamment Google, Microsoft, Yahoo, Dailymotion, Myspace, Spotify ou encore AOL – s’inscrit en faux contre l’avis du CSPLA : « Il n’entre pas dans cette mission du CSPLA de débattre à nouveau du statut des intermédiaires de l’Internet. L’interprétation adoptée par la commission [« Informatique en nuage »]
est totalement contraire aussi bien à l’esprit qu’à la lettre de la directive européenne “Commerce électronique” et même de la LCEN. Expliquer que les personnes qui stockent des fichiers pour le compte de tiers ne seraient pas des hébergeurs est, par définition même, une aberration », s’insurge Benoît Tabaka, secrétaire général de l’Asic et responsable des relations institutionnelles de Google France. L’Asic rejoint ainsi
la Fédération française des télécoms (FFT) qui, dans un courrier daté du 2 octobre adressé à l’avocat Jean Martin (président de la commission « nuage » du CSPLA) et révélé par notre confrère PC INpact (7), estime « extraordinaire » que cette instance juridique parapublique puisse remettre en cause le statut d’hébergeur.

La balle dans le camp d’Aurélie Filippetti
Le rapport et le projet d’avis, concoctés par la commission « Informatique en nuages », ont été transmis le 28 septembre à la cinquantaine de membres titulaires qui la composent (sans parler d’autant de suppléants…) pour recueillir leurs dernières remarques avant que le tout ne soit remis à la ministre de la Culture et de la Communication. @

Charles de Laubier

Après le GIE E-Presse, un “GIE E-Edition” avec Orange

En fait. Le 8 novembre, lors des 3e Assises professionnelles du livre, Antoine Gallimard – PDG des Editions Gallimard et président du Syndicat national
de l’édition (SNE) – nous a indiqué qu’une plateforme de « bibliothèques personnalisées » verra le jour avec Orange courant 2012.

En clair. Après le GIE E-Presse Premium constitué l’an dernier avec des journaux (1), c’est au tour de s’organiser autour d’une plate-forme commune. « Le projet consiste à créer une plateforme de gestion de bibliothèques personnalisée, ouvert au grand public, qui fédèrera des maisons d’éditions, des libraires, des distributeurs et des opérateurs [télécoms] comme Orange et d’autres. Les expérimentations pourraient commencer
dès le premier semestre 2012 avec un prototype », explique Antoine Gallimard. La filière française du livre cherche ainsi à lancer une alternative aux environnements fermés des Kindle d’Amazon et des iPad d’Apple. Les lecteurs pourront ainsi gérer leur bibliothèque personnelle stockée à distance et consultable quel que soit leur terminal (tablette, ordinateur, smartphone), grâce au cloud computing. Gallimard est partie prenante au travers de la plate-forme Eden Livres dédiée aux libraires, créée il y a deux ans par les éditions Gallimard, La Martinière et Flammarion. Comme pour le GIE E-Presse Premium,
il s’agit de regrouper les différents partenaires dans un consortium qui pourrait être là aussi un groupement d’intérêt économique (GIE). Et comme pour le kiosque numérique
de la presse, Orange est appelé à jouer un rôle central (2) en assurant la plate-forme technique qui s’appuie notamment sur la solution Read & Go de la société miLibris.
« D’autres opérateurs comme ePagine [librairie numérique lancée par la société Tite-Live en 2008, utilisée notamment les éditions Eyrolles, ndlr]. », nous indique le patron des Editions Gallimard. Il n’exclut pas en outre le ralliement de SFR. Le Syndicat de la
Librairie Française (SLF), qui soutient le site 1001Libraires.com, s’associerait au projet.
Reste à savoir si de grands éditeurs comme Hachette (avec sa plate-forme Numilog), Editis (avec E-Plateforme) et l’Harmattan avec l’Harmathèque rejoindront le groupement. France Télécom reste le moteur du projet. Le financement se fait en deux temps :
« Un premier dossier vient d’être déposé auprès du fonds Oseo et du pôle de compétitivité Cap Digital. Un second est soumis à la commission du Grand emprunt », précise
Alban Cerisier, secrétaire général des Editions Gallimard et président de la commission numérique du SNE. Selon Le Monde du 6 novembre, Orange demanderait 3 à 5 millions d’euros au Grand emprunt pour financer le prototype de la plateforme. @