Thierry Cammas, MTV Networks France : « La musique banalisée sur le Web renforce notre modèle exclusif »

Le PDG de MTV Networks France, filiale du géant des médias américain Viacom,
ne craint pas les sites vidéo comme YouTube. Il explique à Edition Multimédi@ comment la valeur ajoutée et l’exclusivité de ses chaînes musicales payantes
sont des gages de pérennité. Prochaine étape : la TV connectée.

Propos recueillis par Charles de Laubier

Edition Multimédi@ : YouTube, Dailymotion, MySpace, … Les sites de partage vidéo rencontrent un large succès avec leurs vidéoclips gratuits. Trente ans après sa création (en 1981), MTV craint-il l’arrivée prochaine en Europe de Hulu ou surtout de Vevo, le « MTV du Web » ? Thierry Cammas (photo) : Plus les majors de
la musique banalisent la circulation non exclusive de vidéomusiquessur le Web de façon morcelée et non contextualisée, plus la fonction historique et incontestable d’agrégation et de tri éditorial de MTV en tant que chaîne musicale devient un confort et représente une valeur ajoutée pour le public. Vevo et Hulu qui propose en streaming du contenu « à la demande » sont sur des modèles différents de celui de MTV. Ils n’altèrent pas la valeur d’utilité du média MTV. Ainsi,
face à la promesse de Vevo, nous pouvons toujours garantir l’exclusivité de l’agrégation éditorialisée et l’exhaustivité des genres sur la musique. Et face à Hulu, nous garantissons l’exclusivité de la primo-diffusion linéaire de productions de divertissement (séries, télé-réalités).

A l’IFA, Apple s’est retrouvé cible numéro 1

En fait. Le 8 septembre, s’est achevée l’IFA, la grand-messe de l’électronique grand public qui s’est tenue sur six jours à Berlin. Apple y a été la cible principale de concurrents dans plusieurs domaines : les tablettes multimédias, la télévision connectée ou encore la musique en ligne.

En clair. Le groupe de Steve Jobs ne fait pas que des heureux. Ses concurrents n’ont jamais été aussi nombreux à vouloir en découdre avec un Apple de plus en plus dominant et encombrant sur des marchés émergents. A la cinquantième édition de l’IFA, le slogan aurait pu être « sus à Apple ». Dans le domaine de la télévision connectée, le patron de Google, Eric Schmidt, a annoncé le 7 septembre à Berlin que sa plateforme de recherche sur Internet pour téléviseur connecté – baptisé « Google
TV » – sera lancée dès cet automne aux Etats-Unis, puis en 2011 dans le reste du monde. De quoi concurrencer Apple TV, dont une nouvelle version moins chère avait été présentée quelques jours plus tôt par Steve Jobs pour faire tenter de faire oublier l’échec de la première génération. Concernant les tablettes multimédias, le sud-coréen Samsung et le japonais Toshiba se sont mis en ordre de bataille à l’IFA pour répliquer
à l’iPad avec, respectivement, le Galaxy Tab (disponible en septembre) et le Folio 100 (attendu en fin d’année). Le français Archos et l’allemand E-noa sont également en lice pour cette compétition contre Apple. Toute cette concurrence mise sur un environnement ouvert avec notamment le système d’exploitation-navigateur Chrome que Google va lancer (à côté d’Android), alors que l’iPad fonctionne sous iOS et avec l’environnement fermé d’iTunes (1). Avec plus de 3 millions d’iPad déjà vendus dans
le monde en six mois, la marque à la pomme a de l’avance mais n’est plus seule. L’américain Dell et le taïwanais Asus ont déjà leur tablette. En juillet, Microsoft avait indiqué qu’une vingtaine de fabricants (Acer, Sony, Lenovo, Fujitsu, Panasonic, …) allaient lancer leur tablette fonctionnant sous Windows 7. Nokia, LG et HP sont aussi en embuscade. Dans la musique en ligne aussi, où Apple s’est imposé en sept ans avec iTunes Music Store et son tarif de base à 0,99 dollar le titre, le vent de la concurrence devrait là aussi tourner avec l’arrivée – « avant Noël », selon l’agence Reuters – de Google. Pour l’heure, iTunes détient aux Etats- Unis 70 % et en France 53,8 % de part de marché dans le téléchargement musical. La pression concurrentielle devrait s’ajouter à la pression « anti-trust », l’Union européenne et la Federal Trade Commission aux Etats-Unis s’intéressant aux pratiques commerciales d’Apple dans les mobiles (logiciel, publicité, …) et la musique. @

Gestion collective : 1ère réunion le 16 septembre

En fait. Le 28 juillet, Emmanuel Hoog, médiateur chargé de trouver un consensus autour d’un accord pour instaurer une « gestion collective obligatoire » des droits sur la musique pour Internet, indique à Edition Multimédi@ qu’il a convié les professionnels auditionnés à trois tables rondes thématiques.

En clair. Les trois « réunions communes » pour trouver un consensus autour de la gestion collective des droits musicaux se tiendront au ministère de la Culture et de la Communication les jeudis 16 septembre, 30 septembre et 28 octobre prochains. Selon nos informations, la première portera sur la délivrance des autorisations pour les services à la demande, le streaming, le webcasting et le simulcasting. La seconde concernera la perception des droits et la rémunération des titulaires de droits. La troisième aura trait à la répartition des droits perçus entre les ayants droits. Alors que
la Sacem (1) ou l’Adami (2) y sont plutôt favorables, il n’en va pas de même pour le Syndicat national de l’édition phonographique (Snep) qui est y hostile (3). En janvier dernier, Nicolas Sarkozy a donné un an aux producteurs de musique pour qu’ils
« libèrent » leurs fichiers musicaux sur toutes les plateformes de téléchargement.
« Faute de le faire, a-t-il prévenu, la négociation des droits relèverait par la loi de la gestion collective obligatoire » (EM@ 8 p. 5). Emmanuel Hoog (par ailleurs PDG de l’AFP) a donc convoqué pour ces trois réunions la trentaine de personnes déjà auditionnées, dont les responsables des sites web musicaux comme Deezer (rallié
à Orange), iTunes (Apple), Starzik ou encore Jiwa. Coup de froid : ce dernier a annoncé début août sa mise en liquidation judiciaire depuis le 29 juillet.
Pour le cofondateur de Jiwa, Jean-Marc Plueger, les raisons de cette faillite réside
dans le « minimum garanti » à payer d’office : « En 2009, nous avons enregistré un
chiffre d’affaires de l’ordre de 300.000 euros. Dans le même temps, nous devions verser 1 million d’euros aux maisons de disques », a-t-il expliqué à l’AFP. Sur BFM, la secrétaire d’Etat à l’Economie numérique, Nathalie Kosciusko-Morizet, s’en est émue : « Il y a un très gros problème (…). Ce sont les gros qui détiennent les catalogues [de musique] et la négociation est très difficile avec les petits diffuseurs que sont par exemple les web- radios ». Après un entretien avec le PDG de Jiwa le 6 août, elle
a même dénoncé une « entrave au développement d’une offre légale attractive » :
« J’appelle tous les acteurs de la filière à se mettre autour de la table, avec Emmanuel Hoog ». @

Piratage : premières saisines reçues le 16 août

En fait. Le 23 août, Marc Guez, le directeur général de la SCPP (Société civile
des producteurs phonographiques) a confirmé à Edition Multimédi@ que son organisation représentant des ayants droits de la musique avait adressé ses premières saisines à l’Hadopi le lundi 16 août. Après les tests de fin juillet.

En clair. « Les saisines de juillet étaient des fichiers tests, basés sur des données réelles, envoyées par TMG à l’Hadopi (Haute autorité pour la diffusion des oeuvres
et la protection des droits sur Internet). Les premières saisines officielles par la SCPP
ont été adressées à l’Hadopi le 16 août et portaient sur des infractions relevées les
14 et 15 aôut 2010 », indique Marc Guez, directeur général de la Société civile des producteurs phonographiques (SCPP). Contrairement à ce que prétendaient les médias, les premières saisines « officielles » ne datent pas de fin juillet mais de mi-août. « Les saisines sont désormais effectuées quotidiennement par la SCPP. Je ne peux vous certifier que les saisines de la SCPP ont été les premières, la Sacem et l’Alpa ayant manifesté l’intention de saisir également l’Hadopi dans la semaine du 16 août », poursuit-il. A compter de la réception d’une saisine, la Haute autorité a deux mois pour envoyer les premiers e-mails d’avertissement aux internautes pirates. A savoir : jusqu’au 16 octobre. Quoi qu’il en soit, Mireille Imbert-Quaretta, présidente de
la commission de protection des droits (CPD) citée par le Nouvel Obs, les premiers
e-mails partiront une fois que la campagne de sensibilisation sera terminée et les
Français de retour de vacances. Or s’est achevée le 29 août la première étape de
l’action de sensibilisation de l’Hadopi : 260.000 dépliants ont été distribués durant
les deux derniers week-ends d’août au péages des autoroutes. Faut-il voir dans la distribution de ces dépliants aux péages un message subliminal pour dire aux internautes qu’il va maintenant falloir payer ? Pour l’Hadopi, il s’agit « d’informer l’internaute qu’il doit protéger son accès Internet afin d’éviter que cet accès ne soit utilisé à des fins de contrefaçon ». La mise en garde est claire : « S’il est reconnu coupable par le juge de négligence caractérisée, l’abonné s’expose à une amende allant jusqu’à 1 500 euros et à une peine complémentaire de suspension de son accès à Internet allant jusqu’à un mois ».
En revanche, la plaquette de sensibilisation ne dit pas que les industries de la musique
et du cinéma peuvent saisir directement la justice sans passer par l’Hadopi dans une procédure de lutte contre la contrefaçon. L’internaute ou l’entreprise pirates risquent
alors trois ans de prison et 300.000 euros d’amende (1) pour violation de la propriété intellectuelle. @

Eric Walter, Hadopi : « Nous nous apprêtons à recevoir les premières saisines des ayants droits »

Alors que les premières plaintes des ayants droits de la musique et du cinéma sont attendues avant fin juillet par la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et pour la protection des droits sur Internet (Hadopi), son secrétaire général n’exclut pas l’envoi des premiers avertissements dès ce mois-ci.

Propos recueillis par Charles de Laubier

Edition Multimédi@ : Quand attendez-vous les premières adresses IP d’internautes de la part des industries de la musique et du cinéma, lesquelles ont prévu à terme un maximum de 125.000 constats par jour ?
Eric Walter (photo) :
La phase de tests d’interconnexion se termine, entre notre système d’information, celui du prestataire technique
TMG et ceux des fournisseurs d’accès à Internet (FAI). Nous allons pouvoir recevoir ces jours-ci les premières saisines de la part des ayants droit de la musique et du cinéma. Mécaniquement, l’envoi des premiers e-mails d’avertissement aux internautes interviendra après les premières saisines. Mais je ne peux pas vous dire s’ils partiront d’ici à fin juillet car la Commission de protection des droits (CPD) peut décider d’envoyer ou non un e-mail. A compter de la réception des saisines, nous avons deux mois pour envoyer les premiers e-mails (1).