Réponse graduée : les Etats-Unis lancent une version privée de l’Hadopi

Le 7 juillet 2011, les principaux fournisseurs d’accès à Internet (FAI) américains (1) ont annoncé un accord avec des associations d’auteurs et de producteurs
de musique (RIAA et A2IM) et de programmes audiovisuels et de cinéma (MPAA
et IFTA) pour lutter contre le piratage en ligne.

Par Winston Maxwell et Pauline Le Bousse, avocats, Hogan Lovells

Ce Memorandum of Understanding (2) a pour objet la mise en place d’un système de réponse graduée (3) similaire à celui mis en oeuvre par l’Hadopi en France. L’accord américain se distingue cependant du système français sur deux points : d’abord, la procédure américaine est totalement privée, le gouvernement américain n’ayant aucun rôle dans la mise en oeuvre du système ; ensuite,
la réponse graduée américaine n’aboutit pas à une suspension de l’abonnement, mais plutôt à d’autres « mesures de limitation » (4) telles que la réduction de la bande passante ou l’obligation pour l’internaute de suivre une formation en ligne sur le droit d’auteur.

Netgem se prépare à l’ ”explosion” du modèle “box”

En fait. Le 12 juillet, le fabricant français de « box » Netgem affiche une chute de son chiffre d’affaires de 42 % au premier semestre 2011 suite à la renégociation
de son contrat avec SFR pour trois ans. Et en attendant que l’accord avec Virgin Mobile porte ses fruits. Résultats prévus le 29 août.

En clair. SFR souhaite depuis 2009 être moins dépendant d’un seul fournisseur pour sa Neufbox, en l’occurrence de Netgem, lequel a réalisé 70 % de son chiffre d’affaires avec SFR en 2010 (contre 87 % en 2009). Résultat : Netgem vend moins de « settop- box » (décodeurs IPTV) à la filiale télécoms de Vivendi et s’en tient de plus en plus à assurer la maintenance matérielle et logicielle du parc de quelque 2,5 millions de terminaux actifs. Après un appel d’offres en 2009 pour sa future Neufbox Evolution, commercialisée depuis novembre 2010, SFR avait retenu Cisco et Sagemcom au détriment de Netgem. Le volume des « box » ancienne génération vendues à SFR devrait encore diminuer après l’échéance du contrat en cours (1) fixée au 31 décembre 2011. Mais derrière cette relation client-fournisseur se joue en fait une « évolution » plus profonde au niveau des fournisseurs d’accès à Internet (FAI). « Le modèle de la “box IPTV” va exploser », avait lancé Christophe Aulnette, DG de Netgem, lors du 10e Forum des télécoms et du Net des Echos le 16 juin dernier. « Il va falloir faire évoluer cette “box” vers un “media center”.
Et la TV connectée est un client potentiel de ce media center. (…) Il y a une vraie guerre en perspective pour conquérir ce client qu’est l’abonné. (…) Avoir des “walled garden” est une tentation [pour les FAI et les chaînes de télévision, ndlr]. Mais dire
que l’on ne veut pas mélanger Internet avec le signal TV ne doit pas empêcher les évolutions et l’enrichissement de l’offre », a-t-il expliqué. Netgem se retrouve ainsi au milieu du champ de bataille : entre les chaînes nationales sur la défensive et les acteurs mondialisés du Net. « Il faut maintenant un mixte entre global et local. Les opérateurs [FAI] sont bien positionnés », a estimé Christophe Aulnette. En creux, Netgem en appel aux FAI pour ouvrir leur écosystème au Web – ce qu’ils se refusent à faire jusqu’à maintenant avec l’IPTV (2). Mais la TV connectée et tous les écrans de la « maison connectée » – dont la tablette que Netgem considère comme « le premier téléviseur connecté sans fil » – devraient faire voler en éclat ces « mondes clos ». Netgem s’y prépare avec une offre de « cloud familial » pour transformer les « boîtes fermées »
en media center ouvert. « ATAWAD » – AnyTime, AnyWhere, AnyDevice – va devenir plus que jamais le cri de guerre dont le salon va devenir le théâtre. Et les industries culturelles pourraient saisir l’occasion pour entrer dans le « nuage informatique » (3) afin d’y défendre leurs droits. @

Les FAI appelés à financer la création TV et Web

En fait. Le 27 juin s’est tenue la 8e Journée de la création TV, organisée par l’Association pour la promotion de l’audiovisuel (APA). Le financement de la création audiovisuelle française et européenne par les FAI et les promesses
d’aides du « Web Cosip » géré par CNC, étaient au cœur des débats.

En clair. Qu’ils le veuillent ou non, les fournisseurs d’accès à Internet (FAI) vont plus que jamais devoir mettre les mains à la poche pour financer – via le Cosip et le nouveau «Web Cosip » – des créations audiovisuelles et télévisées (séries, fictions, documentaires, films d’animation, web docs, web fictions, transmédias, …). Et gare à ceux – à l’instar de Free – qui seraient tentés d’échapper à leurs obligations vis-à-vis des contenus qu’ils distribuent. Lors de la première table ronde consacrée justement aux financements de la création TV, Eric Garandeau, le président du Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) a mis en garde les récalcitrants. « Prenant à parti Maxime Lombardini, directeur général de Free, qui aurait trouvé un subterfuge pour ne pas payer la taxe sur les FAI, il a annoncé la création prochaine d’un système pérenne et incontestable de participation de tous les acteurs de la diffusion au financement de
la création », rapporte l’Association pour la promotion de l’audiovisuel (APA). En début d’année, Free a en effet rendu optionnelle son offre TV pour 1,99 euro par mois – portion congrue pour le calcul du Compte de soutien à l’industrie des programmes (Cosip) géré par le CNC. L’Association des producteurs de cinéma (APC) s’en était offusquée (1). Malgré deux tentatives du gouvernement (via François Baroin, ministre de l’Economie), la première à l’Assemblée nationale le 10 juin et la seconde au Sénat
le 22 juin (2), la nouvelle taxe Cosip « anti-fraude fiscale » n’a pu être adoptée immédiatement. Mais le ministre de la Culture et de la Communication, Frédéric Mitterrand, a profité de cette huitième journée, pour « confirmer que la contribution des FAI pour la création serait redéfinie à l’automne avec le souci de lutter contre toute tentative de contournement de la taxe ».
Cette redéfinition de la base de la taxation des abonnements des FAI se fera dans le cadre du projet de loi de finances 2012. « Il est prévu à la fois de maintenir un niveau de financement du CNC comparable à celui de l’année dernière, tout en assurant annuellement sa progression raisonnable, et d’ajuster en conséquence le taux d’imposition des opérateurs de télécommunication », a expliqué Frédéric Mitterrand
en clôture de l’événement. Cette contribution des « tuyaux » aux contenus est aussi élargie à la production audiovisuelle pour l’Internet, grâce au décret «Web Cosip » d’avril 2011. Il vient compléter celui mis en place par le décret de novembre 2010
sur les obligations des services de médias audiovisuels à la demande (SMAd). @

La bataille entre IPTV et Web pour prendre le contrôle de la télévision connectée est engagée

Les fournisseurs d’accès à Internet (FAI), distributeurs, via leurs box, de chaînes
de télévision auprès de 10 millions d’abonnés en France, entendent préserver leurs positions face à l’arrivée dans les logements des fabricants de téléviseurs connectés, lesquels font alliance avec les géants du Web.

Le président de MySkreen, Frédéric Sitterlé, a affirmé au colloque NPA du 23 juin
que les « box » des FAI allaient « disparaître » au profit de la TV connectée, comme
le Minitel a laissé place à Internet ! Orange, SFR, Free et Bouygues Telecom sont actuellement les maîtres dans les foyers connectés, pour ne pas dire en quasi-monopole : 95,2 % des abonnés au haut débit en France le sont en effet par un
accès ADSL et la barre des 20 millions de ces abonnements haut débit (20.250.000 exactement) a été franchie pour la première fois au premier trimestre 2011.

La nouvelle taxe Cosip attendra la loi de finances 2012

En fait. Dans la nuit du 22 au 23 juin, l’amendement du sénateur UMP Philippe Mariani tentant d’instaurant une nouvelle taxe « Cosip » sur les FAI avec un nouveau barème a finalement été retiré, comme l’avait le 10 juin le même amendement déposé par le gouvernement à l’Assemblée nationale.

En clair. C’est à l’automne prochain que les opérateurs télécoms et les FAI sauront à quelle « nouvelle taxe Cosip » ils seront soumis. Bien que le gouvernement – sur un arbitrage du Premier ministre – ait décidé de « préserver » les recettes du Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC), lequel gère le Compte de soutien à l’industrie des programmes (Cosip), il n’a pas réussi imposer son amendement allant dans ce sens.
Ni à l’Assemblée nationale le 10 juin, ni au Sénat le 23 juin, dans le cadre du projet de loi de finances 2011. Le lobbying de la Fédération française des télécoms (FFT) semble
avoir payé. Après le rejet par les députés de l’amendement 1577 déposé par surprise
par le gouvernement (1), ce dernier est revenu à la charge auprès des sénateurs avec l’amendement 225. Il s’agissait de faire en sorte que la taxe « Cosip » due par les FAI
soit « assise tant sur les abonnements aux services de télévision distribués séparément, que sur les abonnement à des services de communication en ligne ou des services de téléphonie, dès lors que leur souscription est nécessaire pour recevoir des services de télévision ». Car le gouvernement veut éviter que les FAI soient tentés de sous-estimer la part de l’audiovisuel dans leurs factures triple play pour minimiser leur contribution au Cosip. Or depuis la disparition de la TVA de 5,5 %, laquelle leur était accordée sur la partie distribution audiovisuelle des offres triple play en contrepartie de leur contribution au Cosip (2), les opérateurs ont intérêt à « optimiser » en réduisant l’importance de la télévision dans leurs revenus. Free est particulièrement visé pour avoir, en début d’année, rendu optionnelle son offre TV pour 1,99 euro par mois (portion congrue pour le calcul du Cosip). L’Association des producteurs de cinéma (APC) s’en était insurgée. Or Nicolas Sarkozy avait garanti aux organisations du cinéma français – reçues le 6 septembre 2010 – le financement des films via le CNC. Avec son amendement, le gouvernement voulait en outre simplifier à quatre tranches le barème de calcul de la taxe « Cosip » : de 1,25 % au-delà de 10 millions d’euros de chiffre d’affaires jusqu’à 250 millions, ensuite 2,25 % jusqu’à 500 millions, puis 2,75 % jusqu’à 750 millions, enfin 3,25 % au-delà. En évitant l’optimisation des FAI, le gouvernement espérait garantir dès cette année 2011 le budget du CNC et éviter un manque à gagner pouvant aller de 20 à 140 millions d’euros selon Frédéric Mitterrand. @