Timeline

26 octobre
• Tous pour la musique (TPLM) veut un « acte II de l’exception musicale » et des
« solutions alternatives au CNM ».

25 octobre
• François Hollande reçoit huit organisations du cinéma : Blic, Bloc, USPA, ARP, SACD, UPF, SPFA, et SPI.
• La carte musique vit son dernier jour, d’après son décret du 25-10-10.
• Le Gitep Tics et le SFIB « s’insurgent » contre l’avis du CSPLA favorable à la taxe
« copie privée » sur le cloud computing.
• WPP, numéro un mondial de la publicité, revoit à la baisse ses objectifs annuels : entre 2,5 % et 3 %, au lieu de 3,5 %.
• L’IPG, la FIEG et la BDZV/VDZ, respectivement presse française, italienne et allemande, exigent un droit voisin pour faire payer les moteurs de recherche.
• Le SNRL (Syndicat national des radios libres) inaugure son 8e congrès annuel à Châlons-en-Champagne et Reims avec 100 radios.
• NRJ lance sa 120ewebradio, avec cette fois My Major Company (lire p. 4).
• Apple, résultats annuels clos le 29 septembre : chiffre d’affaires de 156,5 Mds $
(+ 45 %) et bénéfice net de 41,7 Mds (+ 61 %).
• Videofutur est la première appli de VOD intégrée à Windows 8.

24 octobre
• La Commission européenne donne un mois à la France et au Luxembourg pour renoncer à la TVA réduite sur les livres numériques.
• Microsoft lance Windows 8 et sa tablette Surface.
• Facebook indique avoir augmenté ses recettes publicitaires de 36 % sur un an, à 1,09 milliard de dollars – dont 14 % issus des mobiles.
• Yahoo rachète Stamped, société spécialisée dans les applis mobiles.
• Michel Françaix, député (PS), présente son rapport sur les aides à la presse : « [La] diminution de la vente au numéro pour les quatre prochaines années est de 25 %, (….) si l’usage des tablettes numériques se généralise plus rapidement que prévu ».

23 octobre
• La Commission européenne consacre 2 millions d’euros pour des expérimentations de sorties simultanées de films en salles, en VOD. Selon nos informations une proposition sera présentée au Conseil de l’UE en janvier 2013.
• Dailymotion annonce la diffusion de deux films de Eye on Films deux jours avant leurs sorties en salle.
• Aurélie Filippetti, devant le CSPLA, se dit favorable aussi à « la contribution (…) des fabricants de matériels informatiques et électroniques à l’économie de la culture ».
• Le CSPLA rend un avis consultatif favorable à une taxe « copie privée » pour le cloud computing.
• La SACD « se félicite » de l’avis du CSPLA favorable à la taxe « copie privée » des
« services d’infonuagique ».
• L’OJD publie le premier classement des applis pour tablettes : Lemonde.fr arrive en tête.
Apple dévoile son mini-iPad pour concurrencer le Galaxy Note (Samsung), le Kindle Fire (Amazon) et le Nexus 7 (Google).

22 octobre
•Yahoo met le mobile comme priorité, déclare sa DG Marissa Mayer.
• Ubisoft annonce la coproduction cinématographique avec New Regency du jeu Assassin’s Creed.
• Youboox lance le Prix du livre numérique 2012.

23 octobre
• L’ARP, aux Rencontres du cinéma à Dijon : « Nous demandons la mise en place d’une commission d’expérimentation, pour repenser une chronologie des médias ».

19 octobre
• Fleur Pellerin reçoit Google France et les éditeurs de presse.
• Canal+ nomme Rodolphe Belmer DG du groupe.

18 octobre
• Google prévient le gouvernement qu’il menace de déréférencer les sites de presse en ligne français.
• Newsweek annonce sa dernière édition papier pour le 31 décembre.
• La Cour d’appel de Pau condamne Fabien L. à six mois de prison avec sursis, 1.000 euros d’amende et plus de 300.000 euros de dommages et intérêts pour piratage sur peer-to-peer, jugement publié sur « PC INpact » et « Numerama ».

17 octobre
• L’Hadopi publie son rapport annuel (18 dossiers transmis à la justice au 1er octobre) et parle d’un budget 2013 de 9 millions d’euros.
• SFR conteste la loi « copie privée » (Conseil constitutionnel /QPC).
• LG Electronics et Filmo TV offrent jusqu’à un an de films (TV connectée).
• Gartner évalue à 28 milliards de dollars le marché mondial du « Big Data » en 2012.
• TDF est récompensé au Streaming Media Europe à Londres pour sa solution OTT utilisée par Qbrick et Bebanjo.

16 octobre
• La Commission européenne renforce ses programmes Culture et MEDIA (cinéma) dans le cadre d’« Europe créative », numérique compris (fonds de 1,8 milliard d’euros).
• NPA Conseil, sur la SVOD en France : 20,4 millions d’euros en 2011, soit 9,3 % du total de 219,5 millions du marché de la VOD (contre 15 millions en 2010, soit 9,9 % du total de 152 millions).
• Lesechos.fr renforce la partie payante, après 15 articles/mois.

15 octobre
• La Cisac s’oppose à la proposition de Digital Europe (industriels) de remplacer la taxe « copie privée » par une aide publique.
• Yahoo débauche son nouveau directeur d’exploitation, Henrique de Castro, chez Google.
• Virgin Mobile veut lever jusqu’à 80 millions d’euros, révèle le « Financial Times ».

Redevance audiovisuelle : une contribution dépassée

En fait. Le 28 septembre, le gouvernement présentait en conseil des ministres
le projet de loi de Finances 2013 qui prévoit notamment une hausse de 2 euros
– en plus de l’inflation – de la redevance télé (à 129 euros). Mais la question de
son extension aux ordinateurs et autres écrans TV reste tabou.

Par Charles de Laubier

En clair. L’idée – exprimée le 30 juin sur RTL par la ministre de la Culture et de la Communication, Aurélie Filippetti, d’étendre la redevance audiovisuelle aux ordinateurs – est-elle définitivement écartée ? Alors que la hausse de la contribution à l’audiovisuel public est prévue dans le projet de loi de Finances 2013, son extension à d’autres écrans reste un tabou en France.

L’étendre aux autres écrans TV comme en Allemagne ?
Alors qu’en Allemagne, elle s’applique depuis 2010 aux ordinateurs et même aux smartphones – mais pour un montant moindre de 69 euros par an, comme pour les postes de radio seuls (ce n’est pas le cas en France là aussi…) – au lieu des 216 habituels pour les téléviseurs. Les Allemands y sont donc soumis, même s’ils ne possèdent pas de téléviseur, tous les appareils audiovisuels (1) étant alors mis à contribution.
Les gouvernements français successifs ont toujours craints l’impopularité d’une telle mesure et du risque en termes de fracture numérique et de taux d’équipement des ménages. Alors que l’extension aux résidences secondaires pose moins de problème (quoique, si l’on en croit le Premier ministre le 16 octobre). « Avec la TV connectée, la télévision va passer de plus en plus par les ordinateurs, est-ce qu’il faut étendre la redevance à ces écrans quand on n’a pas de téléviseur ? », s’était interrogée Aurélie Filippetti sur RTL le 30 juin, écartant « tout tabou ».
De quoi réjouir la Société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD) qui s’était exprimée dès le 5 juin en faveur d’une redevance appliquée « à tous les écrans ». Même la Société civile des auteurs multimédias (Scam) avait le 3 juillet félicité la ministre de « remettre à l’ordre du jour » la question de la redevance télé sur les ordinateurs.

Depuis 2008, des amendement vite enterrés
Mais c’était sans compter l’intervention du ministre délégué au Budget, Jérôme Cahuzac, sur la même radio le 5 juillet : « Absolument pas. Cette idée, cette suggestion n’est pas reprise par le gouvernement », avait-il répondu. Pourtant, la disposition est déjà prévue dans le Code général des impôts, mais non appliquée. Le 10 novembre 2010, la commission des Finances du Sénat avait bien adopté un amendement pour étendre la redevance à tous les supports recevant la télévision, mais il fut retiré.
Quelques mois plus tôt, un rapport sénatorial (Belot/Morin-Desailly) préconisait d’y soumettre les ordinateurs. Dès 2008, le député Jean Dionis du Séjour avait proposé une extension de la redevance aux abonnés triple play. En vain. @

Révolution sur l’e-Campus

Cette année, le major de promo d’une grande école d’ingénieurs fait la Une des sites d’information. Pourquoi
ce jeune étudiant, qui répond aux interviews exclusivement en visio, défraie-t-il la chronique ? Parce qu’il n’a jamais mis les pieds dans un amphi et a fait l’essentiel de son cursus sans quitter sa petite ville au cœur du Continent africain !
Il est emblématique mais il n’est pas un cas isolé. C’est le résultat d’une dizaine d’années d’ouverture des universités et des écoles aux nouveaux modèles d’enseignements numériques. Des centaines de milliers de jeunes suivent désormais à distance des cours de haut niveau, auparavant réservés à des effectifs bien plus réduits. En sortant de ses murs, l’université a fait un pas de plus vers la démocratisation multiséculaire du savoir. L’histoire technique du e-learning commence, comme souvent, après une longue période de gestation. L’un de tous premiers test fut le fait, au début des années 60, d’une équipe de professeurs en psychologie de l’université de Stanford qui expérimenta un enseignement des maths et de la lecture assisté par ordinateur pour des enfants
en classe élémentaire de Palo Alto.

« La destruction créatrice du Net s’attaque cette fois
– après la musique, la presse, le cinéma, le livre et la télévision – à une citadelle réputée imprenable : le savoir ».

L’université en ligne n’est en fait devenue réalité qu’avec les premières vidéothèques
de cours magistraux. Des initiatives individuelles ont non seulement été portées par les établissements eux-mêmes ou par des institutions comme le Collège de France mais également par des plateformes qui démarrèrent en France dès 2001 avec Canal-U. L’année suivante, aux Etats-Unis, ce fut au tour de l’OpenCourseWare du MIT, suivi
par des plateformes des géants du Net comme celle d’Apple qui lança iTunes U en 2007. Mais la véritable révolution commença à partir de 2011, lorsque les universités créèrent des sessions de cours dans des formats adaptés au Web et débouchant sur des diplômes. Le projet MITx permit ainsi à deux professeurs de dispenser un cours d’électronique spécialement conçu en ligne pour plus de 120.000 étudiants. Cette plateforme, rebaptisée EdX suite à l’adhésion d’Harvard, fut suivie par une initiative concurrente, Coursera, laquelle rassembla plusieurs universités autour de Stanford et
de Princetown. Il était maintenant possible de valider des études de qualité en suivant
à distance les programmes, moyennant parfois la moitié du prix du cursus traditionnel.
La destruction créatrice du Net était en marche, une fois de plus, en s’attaquant cette fois – après la musique, la presse, le cinéma, le livre et la télévision – à une citadelle réputée imprenable : le savoir. En devenant un véritable média en ligne, avec ses programmes, ses live et ses vidéos, les cours sont également devenus un marché ouvert. Une nouvelle génération de pure players est prête à tout pour inventer de nouveaux modèles économiques. Ainsi, Udacity s’est rapidement imposé comme véritable campus virtuel avec, dès 2012, plus de 23.000 étudiants de 190 nationalités différentes. Ce sont les futurs recruteurs qui payent les frais de scolarités, les diplômés bénéficiant de la gratuité des cours ! Le site Udemy, lui, a choisi de proposer une plateforme aux professeurs
qui souhaitent publier directement leur cours, sans même passer par la fac…
Depuis, des technologies très diverses ont enrichi l’expérience pédagogique, comme
le serious gaming, le sous-titrage participatif, les univers persistants ou la 3D. Certains avatars sont désormais célèbres dans ces amphis digitaux, comme le furent sur Ta toile
le philosophe Michael Sandel ou le professeur de finance Aswath Damodaran.
Mais au-delà de l’évolution technique, il s’agit d’une véritable révolution de la diffusion
du savoir et de la pédagogie. Si les professeurs s’isolent devant une webcam pour enregistrer des cours loin de leurs salles de classe, c’est pour mieux consacrer leur temps à coacher leurs étudiants. De même, une pédagogie inversée propose aux élèves d’apprendre à la maison et de faire leurs devoirs à l’école ! On est donc bien loin de ce cauchemar où les enfants du « Brave new world » d’Aldous Huxley apprenaient sans effort durant de profonds sommeils hypnotiques. Les « Socrate » d’aujourd’hui arpentent les réseaux numériques comme les Péripatéticiens d’hier transmettaient leur savoir aux novices entre le Portique et le Jardin… @

Jean-Dominique Séval*
Prochaine chronique « 2020 » : La presse en péril
* Directeur général adjoint de l’IDATE.

La presse espère être rémunérée par les moteurs de recherche dès 2013 sans être déréférencée

Les éditeurs de presse français se sont inspirés de l’exemple allemand, Lex Google, pour imaginer un projet de loi visant à obtenir une rémunération en échange de l’indexation de leurs contenus par les portails, les agrégateurs et les moteurs de recherche. Mais il y a un risque…

Par Christophe Clarenc (photo), avocat associé, et Elsa Pinon, collaboratrice, August & Debouzy

L’idée d’une taxe rémunérant l’indexation des contenus des sites web des éditeurs de presse européens sur les portails d’information Internet n’est pas nouvelle. Réclamée de longue date par ces éditeurs et relancée par un projet de loi adopté fin août par le gouvernement allemand, une telle taxe pourrait également voir le jour en France.

 

Concrétisation d’une revendication lancinante
Dès 2006, les éditeurs de presse belges ont fait interdire en première instance, puis
en appel, le référencement par Google de leurs contenus sur l’agrégateur Google Actualités. En représaille, le numéro un mondial des moteurs de recherche a décidé d’arrêter purement et simplement de référencer leurs sites web. L’adoption le 29 août dernier par le gouvernement allemand d’un projet de loi surnommé Lex Google – qui prévoit la rémunération des éditeurs de presse par les moteurs de recherche agrégateurs d’articles d’actualité lorsque ces derniers indexent les contenus des sites web proposant des informations en ligne – a relancé le débat sur le sujet. Ce projet doit être prochainement discuté au Bundestag.
En France, l’idée fait son chemin depuis longtemps mais se fait plus insistante à cause notamment de la crise que traverse la presse. En 2009, il avait été envisagé de demander aux fournisseurs d’accès à Internet (FAI) d’augmenter la facture de leurs abonnés pour y inclure le financement des grands titres de presse (1). Plus récemment en 2011, un projet de taxe Google visait à compenser les pertes des industries de la création dues au piratage, en demandant aux moteurs de recherche possédant une régie publicitaire le montant des recettes qu’ils réalisaient (2).
Durant la campagne présidentielle, le Syndicat de la presse quotidienne nationale (SPQN) a fait part de ses revendications aux candidats à la présidentielle. Il a ainsi proposé en février dernier que les FAI, les moteurs de recherche ou les fabricants de tablettes tactiles participent au développement du secteur, en suggérant l’instauration d’un droit voisin pour les éditeurs de presse et d’une taxe sur les ordinateurs, tablettes et outils informatiques.
Finalement, au printemps dernier, les éditeurs de presse (3) – face à l’échec des négociations engagées avec Google à ce sujet – ont créé l’association de la presse IPG (Intérêt politique et général) en vue de préparer un projet de texte. Ce projet a été adressé début septembre à la ministre de la Culture et de la Communication, Aurélie Filippetti, à
la ministre déléguée à l’Economie numérique, Fleur Pellerin, ainsi qu’au Premier ministre Jean-Marc Ayrault. L’étude sur la faisabilité technique du projet a été confiée à un inspecteur général des finances et à un conseiller d’État. Les éditeurs de presse espèrent qu’un projet de texte de loi pourra voir le jour d’ici la fin de l’année et être mis en oeuvre dès le début 2013.
Après avoir lourdement investi dans le développement de leurs sites Internet pour compenser le bouleversement de leur modèle économique par l’arrivée d’Internet, les éditeurs de presse papier se disent déçus du faible retour sur investissements. La diffusion gratuite de leurs contenus sur Internet, alliée aux annonces publicitaires publiées sur leurs sites web, ne leur a en effet pas permis de compenser les pertes subies dans la presse imprimée (4).

Rétablir l’équilibre journaux-agrégateurs
Or, les éditeurs de presse ont relevé qu’entre 2000 et 2010, pendant que la presse française perdait plus de 1milliard d’euros de chiffre d’affaires de publicité, les moteurs de recherche engrangeaient la même somme en revenus publicitaires tirés des pages web indexant des contenus publiés sur des sites de presse. Les internautes se contentent la plupart du temps du titre et du chapeau publiés par les moteurs de recherche à l’issue d’une demande. Ils ne ressentent pas nécessairement le besoin de cliquer sur le site des journaux, ce qui est considéré comme un important manque à gagner par les éditeurs de presse. Ces derniers estiment, dans ces conditions, que les moteurs de recherche ont exploité et continuent d’exploiter commercialement une valeur alimentée par leurs propres contenus sans leur demander l’autorisation et sans leur reverser une part du revenu de cette exploitation.

Un droit voisin équitablement rémunéré
Avec ce projet de loi, les éditeurs de presse souhaitent établir des relations plus équilibrées avec les moteurs de recherche et se garantir une part équitable des profits retirés par ces derniers. Le texte déposé par l’association IPG vise à mieux protéger la propriété intellectuelle des organismes de presse sur Internet (5). Il propose la création pour les organismes de presse d’un droit voisin au droit d’auteur des journalistes. En contrepartie de ce droit, une rémunération serait versée aux organismes de presse,
dès lors qu’un lien hypertexte renvoyant vers leurs contenus serait intégré à un portail d’information en ligne visant le public français. A l’inverse du projet allemand, il ne vise
pas uniquement les sites agrégateurs d’articles, mais l’ensemble des moteurs de recherche « en cas d’offre plurale de services, lorsque le service qui propose des liens occupe une place importante et substantielle » (6).
Par rapport aux autres droits voisins prévus pour les artistes interprètes, les producteurs de musiques (phonogrammes) et de films (vidéogrammes) et les entreprises de communication audiovisuelle, le droit voisin des organismes de presse bénéficierait d’un régime dérogatoire dans la mesure où la protection ne durerait que cinq ans – au lieu de 50 ans (7) – à compter de la première communication au public. Ce droit voisin serait fondé sur un principe de concessions réciproques par lequel les organismes de presse ne pourraient s’opposer au référencement de leurs contenus par les moteurs de recherche, afin de ne pas entraver l’accès des internautes à l’information.
Il ne serait pas nécessaire que chaque éditeur ait conclu un accord avec chaque moteur de recherche puisqu’une rémunération équitable et forfaitaire serait calculée par une commission paritaire dédiée réunissant la presse et les moteurs de recherche. Comme pour la musique (8), la rémunération serait perçue par une société de gestion collective qui répartirait les sommes perçues entre les organismes de presse, afin d’éviter de potentielles pratiques de prix abusivement bas.
Le chemin est cependant encore long jusqu’à l’éventuelle adoption d’un tel dispositif car les obstacles restent nombreux. En premier lieu, les moteurs de recherche font valoir que la rémunération des éditeurs de presse pour leurs contenus pourrait mener à réduire la variété de leur offre et finirait par porter préjudice aux internautes, lesquels n’auraient plus accès qu’à un nombre réduit d’articles de presse au sein de ces moteurs de recherche. Les Google Actualités ou les Yahoo News menacent même de renoncer à leurs portails d’agrégation d’informations, voire d’attaquer de tels dispositifs au niveau européen (9).
En Allemagne, l’opposition considère également que le projet de loi soumis au Bundestag ne profitera ni aux éditeurs de presse, lesquels seraient de plus en plus dépendants des géants du Web, ni aux journalistes ne bénéficiant que de commissions insignifiantes.
Pire : cela pourrait même entraîner la mort d’acteurs du Web incapables de rétribuer
les organismes de presse.
En second lieu, certains éditeurs de presse français auraient déjà signé des accords
avec des moteurs de recherche pour l’utilisation de leurs contenus contre rémunération. Selon toute vraisemblance, ces éditeurs seraient réticents à rentrer dans un système
qui leur offrirait une rémunération moindre que celle déjà négociée.
Les membres de l’association IPG estiment pour leur part que ce projet de loi aura des effets bénéfiques pour l’ensemble des acteurs concernés, « pour Google qui continuera de croître grâce aux contenus, pour les organismes de presse qui trouveront les moyens d’investir et pour les internautes qui trouveront une information de qualité et pluraliste » (10).
Ils peuvent compter sur le soutien de la ministre Aurélie Filippetti, qui estime qu’il « serait normal que ces moteurs de recherche contribuent à financer la vraie valeur ajoutée produite par les journaux ». Elle ajoute même que « le travail éditorial est fait par la presse, pas par ces plates-formes qui pourtant en tirent un profit commercial évident » (11).

Des obstacles restent à surmonter
Cela répondrait à la préoccupation ancienne des pouvoirs publics de voir instaurer une taxe sur les opérateurs d’Internet dont les revenus sont délocalisés dans des pays à fiscalité avantageuse. Tiraillée entre la volonté de faire participer les moteurs de recherche et le besoin de promouvoir ses contenus, la presse pourrait cependant être contrainte de fléchir une nouvelle fois face à la menace de déréférencement agitée par Google (qui détient le quasi-monopole de la recherche sur Internet avec 93,5 % de part de marché en France (12)) à chaque fois qu’un projet de régulation de son activité voit le jour. @

Pierre-François Racine, nouveau président du CSPLA, a déjà la tête dans les « nuages »

Les « nuages » s’amoncèlent au-dessus du Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique (CSPLA), dont Pierre-Français Racine vient d’être nommé président. Son projet d’avis sur « l’informatique en nuage » est contesté. La séance plénière du 23 octobre s’annonce houleuse.

C’est un casse-tête. Réactivé il y a un peu plus d’un an maintenant, après trois ans de mise en sommeil, le Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique (CSPLA) voudrait adopter lors de
sa prochain séance plénière du 23 octobre – qu’ouvrira la ministre Aurélie Filippetti – un projet d’avis sur « l’informatique en nuage »
qui est vivement contesté par les opérateurs télécoms et les
acteurs du Web.

Apple, Amazon, Google, Orange, SFR,…
Mais, selon nos informations, le remplacement récent – par arrêté du 2 octobre –
de Sylvie Hubac, devenue directrice de cabinet du chef de l’Etat, par Pierre-François Racine (notre photo), conseiller d’Etat, à la présidence du CSPLA pourrait retarder l’adoption de cet avis qui est accompagné d’un rapport. Que dit en substance l’avis du CSPLA ? « Les copies faites dans le cadre d’un service de cloud computing ne peuvent bénéficier du régime de l’exception de copie privée et doivent donc faire obligatoirement l’objet – de la part des prestataires de ces “nuages informatiques” – de demandes préalables systématiques auprès des ayants droits ». Autrement dit : les Apple, Amazon, Google et autres Dropbox, ainsi que les centrales numériques des opérateurs télécoms Orange, SFR ou encore Bouygues Telecom (1), auraient une responsabilité nouvelle vis-à-vis des ayants droits. En effet, ces derniers ne reconnaissent pas que les copies réalisées par un prestataire de cloud computing et de stockage – pour le compte d’utilisateurs qui possèdent les fichiers d’oeuvres – puissent entrer dans le cadre
de l’exception de copie privée.
Si cet avis ne se prononce pas sur une taxe copie privée que les ayants droits souhaitent voir appliquée aux « nuages » (2), il tente en revanche de trancher une autre question tout aussi épineuse : celle du régime de l’exception de copie privée, laquelle autorise un utilisateur à faire des copies d’une oeuvre – musiques, films, journaux, radios, chaînes, livres, vidéos, photos, dessins, etc. – sans qu’il ait à demander l’autorisation aux ayants droits et/ou à payer en plus pour ces copies (3). Or, aux yeux des industries culturelles, il n’y a pas de « partage » – c’est-à-dire pas de « mise à disposition du public » (4) – mais uniquement du « stockage ». En conséquence, affirme le CSPLA, ceux qu’il appelle les
« purs services de casier » ne peuvent bénéficier du statut d’hébergeur. Ce statut aménagé par la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique (loi dite LCEN) devrait en effet – revendiquent les opérateurs télécoms et les plateformes du Web – leur accorder une responsabilité limitée en tant qu’hébergeurs, lesquels ne sont tenus responsables de piratage en ligne – et a fortiori des copies illicites – que si les contenus contrefaits leurs sont signalés par notification (5). Ainsi, les prestataires
de nuages – à l’instar des sites de partage vidéo comme YouTube ou Dailymotion (6) (*) (**) – n’ont aucune obligation de contrôle préalable des contenus stockés chez eux et encore moins de filtrage ou de blocage généralisé des oeuvres non autorisées. Contactée par Edition Multimédi@, l’Association des services Internet communautaires (Asic) – réunissant notamment Google, Microsoft, Yahoo, Dailymotion, Myspace, Spotify ou encore AOL – s’inscrit en faux contre l’avis du CSPLA : « Il n’entre pas dans cette mission du CSPLA de débattre à nouveau du statut des intermédiaires de l’Internet. L’interprétation adoptée par la commission [« Informatique en nuage »] est totalement contraire aussi bien à l’esprit qu’à la lettre de la directive européenne “Commerce électronique” et même de la LCEN. Expliquer que les personnes qui stockent des fichiers pour le compte de tiers ne seraient pas des hébergeurs est, par définition même, une aberration », s’insurge Benoît Tabaka, secrétaire général de l’Asic et responsable des relations institutionnelles de Google France. L’Asic rejoint ainsi la Fédération française des télécoms (FFT) qui, dans un courrier daté du 2 octobre adressé à l’avocat Jean Martin (président de la commission « nuage » du CSPLA) et révélé par notre confrère PC INpact (7), estime « extraordinaire » que cette instance juridique parapublique puisse remettre en cause le statut d’hébergeur.

La balle dans le camp d’Aurélie Filippetti
Le rapport et le projet d’avis, concoctés par la commission « Informatique en nuages », ont été transmis le 28 septembre à la cinquantaine de membres titulaires qui la composent (sans parler d’autant de suppléants…) pour recueillir leurs dernières remarques avant que le tout ne soit remis à la ministre de la Culture et de la Communication. @

Charles de Laubier