Frédéric Goldsmith, APC : « Les films ne peuvent plus être ignorés dans les nouvelles chaînes de valeur »

Le délégué général de l’Association des producteurs de cinéma (APC), présidée
par Anne-Dominique Toussaint, répond à Edition Multimédi@ sur les enjeux numériques et réglementaires auxquels doit faire face le Septième Art français. Entre inquiétudes et opportunités.

Propos recueillis par Charles de Laubier

Edition Multimédi@ : Avez-vous été rassurés après les propos que Nicolas Sarkozy envers la loi Hadopi (« Je prends (…) ma part de l’erreur [Hadopi] (…) suis prêt à une Hadopi 3 ») ?
Frédéric Goldsmith :
Nous avons exprimé notre inquiétude à la suite des propos rapportés du Président de la République, lors du lancement du Conseil national du numérique (CNN). Nous connaissons son engagement en faveur du respect des droits de propriété littéraire et artistique sur les réseaux électroniques. C’est pourquoi nous avons été très surpris de ses propos. Le rectificatif qu’il a publié (1) va dans le bon sens. Nous avons de bons échos de l’Association de lutte contre la piraterie audiovisuelle (Alpa) sur la progression de l’action de la Hadopi pour prévenir le piratage et développer l’offre légale (2). Un enjeu est le développement des sites de « streaming » illégaux, contre lesquels il existe des moyens d’action complémentaires dans le Code de la propriété intellectuelle.

Contenus dans les nuages

Depuis la nuit des temps, il n’est pas de fête qui se respecte sans musique. Vérité immuable, alors même que les moyens techniques permettant à nos ados d’animer leurs soirées n’en finissent pas de muter : du vinyle et son pick-up des années 1960 à la K7 et son Walkman, en passant par le CD et son lecteur, jusqu’aux fichiers MP3 téléchargés sur PC qui permettaient, au tournant des années 2000, de faire défiler des playlists tout au long de la nuit. En 2010, il suffisait d’un quelconque terminal mobile pour « streamer » – par la magie du Cloud – un choix de musiques apparemment infini. Pourtant, l’informatique en nuage est sans doute presque aussi ancienne que l’Internet, puisque la virtualisation à la base du « cloud computing » remonte aux années 1960. Elle consiste à mutualiser sur un même serveur des applications tournant sur des machines différentes. Les hébergeurs et les fournisseurs de services d’applications (ou Application Service Providers) nous ont peu à peu accoutumés à ce nouvel âge de la révolution numérique, en commençant tout d’abord par quelques applicationsphares comme les services de messagerie. Si nous avions encore l’habitude d’archiver sur nos PC des contenus téléchargés auprès de pionniers comme Kazaa, Napster ou encore eMule, les usages précurseurs étaient pourtant déjà là : pourquoi continuer à stocker des fichiers sur son disque dur quand on pouvait y accéder rapidement, à tout moment et d’un seul clic ?

« Le Cloud permet de rechercher dans de larges catalogues, de stocker à distance et d’écouter en streaming : où que l’on soit, sur le terminal de son choix ».

Pourquoi la séparation des réseaux et des services télécoms revient-elle sur le tapis

Vieille antienne de la régulation des télécoms, la séparation des réseaux et
des services de communications électroniques sur le marché de détail fait de nouveau débat, au point d’être présentée comme une solution au retard de l’Europe en matière de très haut débit.

Par Katia Duhamel, avocat, cabinet Bird & Bird

A l’occasion de son avis du 8 mars dernier (1), l’Autorité
de la concurrence a rappelé l’utilité, dans un certain nombre
de secteurs, de mesures structurelles visant à garantir une séparation entre les activités régulées – ou en monopole
légal – et les activités concurrentielles ou de diversification. L’Autorité de la concurrence a observé à cette occasion,
que parmi les industries de réseaux régulées, le secteur
des communications électroniques est celui pour lequel les mesures de séparation prévues à ce jour sont les moins fortes.

La licence globale s’invite parmi les thèmes de la campagne présidentielle 2012

A droite comme à gauche, certains politiques appellent à l’instauration d’une licence globale, qui permettrait, selon eux, de rendre accessibles les oeuvres culturelles à tous les internautes en échange d’une rémunération forfaitaire pour les auteurs. Un débat ancien.

« L’accessibilité aux œuvres culturelles partout sur le territoire à l’heure d’Internet passe par la licence globale, en échange évidemment d’une juste rémunération pour les auteurs. Hadopi et le cadre de DAVDSI seront conservés pour lutter contre les abus ». Le propos est d’autant plus surprenant qu’il vient de Dominique de Villepin, candidat à l’élection présidentielle de 2012, dans son projet présenté le 14 avril dernier.

Nouveaux marchés du Net : 70 milliards d’euros

En fait. Le 26 avril, l’Idate a publié la 11e édition de son rapport DigiWorld
Yearbook, qui évalue le marché mondial des services et équipements numériques
à 2.754 milliards d’euros, soit + 3 % sur un an. Mais de nouveaux marchés d’Internet, en croissance à deux chiffres, sont désormais pris en compte.

En clair. L’Institut de l’audiovisuel et des télécoms en Europe (Idate) élargit son champ d’études aux moteurs de recherche (search), aux réseaux sociaux, aux jeux en ligne,
aux applications mobile, à la publicité sur Internet, à la vidéo en ligne, à la télévision sur ADSL, aux livres numériques, ainsi qu’aux solutions de « cloud computing », « M2M/IoT » (1), « smart grid/cities », e-santé, e-learning/e-éducation ou encore e-commerce. Tous ces « nouveaux marchés d’Internet », auxquels le DigiWorld Yearbook 2011 consacre pour la première fois un chapitre entier, ont représenté l’an dernier « entre 60 et 70 milliards d’euros dans l’Europe des Vingt-sept, dont 13 % à 14 % générés par la connectivité (accès triple play, mobile, câble, …) ». Or, ces nouveaux marchés affichent
« entre 20 % et 50 % de croissance annuelle » selon les segments. C’est une aubaine pour le marché européen qui « reste en panne » : entre 0 % et 1% de croissance, à 700 milliards d’euros en 2010. Au niveau mondial, la croissance reste « modérée » : 3 % de hausse, à 2.754 milliards d’euros. Mais par rapport au recul historique de 1,5 % à 2.629 milliards d’euros en 2009, c’est encourageant. @