Alcatel-Lucent, Orange, la neutralité et les contenus

En fait. Le 8 février, se sont tenues à la Maison de la Chimie les 2e Rencontres parlementaires sur l’économie numérique – organisées et présidées par le député Jean Dionis. Thème majeur : la neutralité de l’Internet. Parmi les intervenants : l’équipementier Alcatel-Lucent et l’opérateur France Télécom.

En clair. Gabrielle Gauthey, directrice des relations institutionnelles d’Alcatel-Lucent,
et Pierre Louette, directeur exécutif et secrétaire général de France Télécom, étaient
sur la même longueur d’onde. Tous les deux ont prôné la « nécessité d’investir » dans
les réseaux fixes et mobiles pour « éviter la congestion » face à l’« explosion de la vidéo sur Internet ». Pour celle qui fut membre de l’Arcep, il faut trouver « un équilibre entre investissement et gestion du trafic » mais « ne pas trop légiférer » en matière de neutralité du Net – d’autant que, affirme-t-elle, « rare sont les pays qui ont légiféré ». Il s’agit donc pour elle de « définir les gestions de trafic acceptables » et même « réfléchir à une discrimination intelligente » pour optimiser la gestion des réseaux, de façon à ne pas se retrouver dans une situation de « saturation » où AT&T s’est retrouvé l’an dernier.
Le groupe franco-américain Alcatel-Lucent est l’un de 15 membres du bureau du Bitag (Broadband Internet Technical Advisory Group), où l’on retrouve Cisco, Time Warner, Disney, News Corp., Verizon, AT&T, Intel, Microsoft, Comcast ou encore Google.
Le Bitag, qui tiendra sa première réunion (1) les 23 et 24 février, s’est fixé comme
« mission de trouver un consensus sur les pratiques de management des réseaux haut débit ou autres techniques qui peuvent affecter l’expérience Internet des utilisateurs,
y compris sur les applications, les contenus et les terminaux connectés ». France Télécom n’en est pas membre mais partage les mêmes objectifs qu’Alcatel-Lucent,
l’un de ses principaux fournisseurs. « Les services gérés tels que la TV sur IP et la téléphonie sur IP doivent continuer. Il y a deux pistes de travail : la terminaison d’appel “data” qui serait payée par le fournisseurs de contenus ; la contribution des producteurs de contenus au financement du réseau », explique Pierre Louette. La terminaison d’appel Internet reviendra à généraliser le peering payant (2) entre les fournisseurs d’accès à Internet (FAI) pour prendre en compte l’« asymétrie croissante des flux ». Lors de ces rencontres et au moment où le Parlement discute de la transposition du Paquet télécom et de la neutralité du Net, le ministre de l’Economie numérique, Eric Besson, a indiqué qu’un groupe de travail sera constitué pour « réfléchir aux modalités permettant de faire contribuer les fournisseurs de services Internet au déploiement des réseaux et à la création culturelle ». L’APC (cinéma) et la Sacem (musique) ont été les premiers à s’en féliciter. @

Bientôt la 5G !

Nos rapports avec nos équipements et services mobiles ont beaucoup changé depuis dix ans. En ces temps de transition avancée, nous avons vu rapidement évoluer nos pratiques. C’est finalement moins la performance de nos nouveaux terminaux LTE (Long Term Evolution) qui nous étonne
qu’une nouvelle manière de nous approprier un véritable écosystème de services accessibles via un ensemble d’équipements proposant des services en continu. A domicile, dans la rue, dans
les transports en commun, en voiture ou au bureau, la promesse depuis longtemps annoncée du « Anything, everywhere at anytime » est tenue. Finalement, ce changement d’un réseau mobile à l’autre s’est fait à la fois très progressivement mais aussi très différemment des deux précédents passages. L’arrivée de la 2G et le succès surprise du GSM, dont le premier réseau fut inauguré en Finlande en 1991, nous fit découvrir le vrai potentiel de ce nouveau moyen de communication individuel.

« La promesse depuis longtemps annoncée du “Anything, everywhere at anytime” est tenue. »

Salon CES : le tout-connecté nuira-t-il à l’Internet ?

En fait. Le 9 janvier, se sont refermées les portes de la grande foire internationale de Las Vegas de l’électronique grand public et du tout-connecté à l’Internet.
Les mobiles, les tablettes, les téléviseurs, les gadgets, la maison, les objets,
… Il y aura vraiment de plus en plus de monde sur la ligne.

En clair. C’est à se demander si les réseaux de communications électroniques pourront supporter tous ces terminaux et objets connectés, tant ce fut une débauche d’innovations technologiques au Consumer Electronics Show (CES). Mais à Las Vegas, la question de l’explosion des flux sur Internet ne se pose jamais. Et la question du
« Qui finance le réseau ? » sur fond de débat sur la Net Neutrality encore moins ! Même si les tablettes multimédias ne représenteront pas les volumes qu’atteignent
les smartphones dans le monde, elles ont tenu la vedette au salon international des technologies grand public (Xoom de Motorola, Sliding de Samsung, Streak 7 de Dell, LePad de Lenovo, PlayBook de RIM, Iconia d’Acer, …). Par leur puissance multifonction, elles ont même relégué au second plan les liseuses (Kindle d’Amazon, Nook de Barnes & Noble, …) qui avaient fait l’affiche du précédent CES. Les contenus multimédias des tablettes laissent ainsi présager une augmentation dans l’utilisation de la bande passante de l’Internet déjà bien sollicité. Les fabricants de téléviseurs connectés, ou « Smart TV » (LG, Samsung, …) rivalisent pour offrir – Over The Top (1) – du contenu Web innovant et attractif. Sony par exemple a présenté Qriocity, un service de diffusion de films en streaming (flux continu) sur ses téléviseurs connectés Bravia. Cela promet là aussi des flux continus supplémentaires sur les réseaux, même si Apple TV a encore brillé par son absence à Las Vegas (2) et si Google TV a retardé la disponibilité de son offre. Les smartphones, eux, montent en puissance (microprocesseur « double cœur » chez Motorola et LG) et promettent d’être plus gourmant en capacités réseaux sur l’Internet mobile. A cela s’ajoute la maison qui se raccorde elle aussi au réseau des réseaux avec des appareils dits « intelligents » dans toutes les pièces (électroménager, surveillance, gestion d’énergies, robots ménagers, …). Bref, ça se bouscule au portillon. En 2010, dans le monde, il s’est vendu 260 millions de smartphones, 30 millions de TV connectées et 20 millions de tablettes. Après un crû CES 2011 encore exceptionnel en appareils en tout genre raccordables au Net, le risque de saturation des réseaux face à l’explosion du trafic devrait monter encore d’un cran. De quoi apporter de l’eau au moulin des opérateurs télécoms qui veulent instaurer plus de péages sur leurs infrastructures. @

Vers une « exception culturelle » fiscale pour les œuvres vendues en ligne en Europe ?

La Commission européenne a lancé une consultation – jusqu’au 31 mai 2011 – en vue de réformer la taxe sur la valeur ajoutée (TVA). La question est notamment de savoir s’il faut un taux réduit sur tous les biens culturels, livres et presse compris, vendus sur Internet.

« Distorsion de concurrence », « obsolescence d’un droit communautaire qui n’a pas pris en compte les effets de la révolution numérique », « situation préoccupante »,
« frein au développement de la nouvelle économie », « concurrence aiguë de la part d’entreprises globales non européennes », « retards ». C’est en ces termes que le président Nicolas Sarkozy, fustige la « fiscalité culturelle » en Europe.

Hachette, tête de pont de Google Books en France

En fait. Le 6 décembre, Google a enfin lancé aux Etats-Unis « Google Books », sa librairie numérique riche de 3 millions d’ouvrages … « dont plusieurs centaines de milliers en vente », a annoncé Abraham Murray, le directeur général de Google Books sur son blog. Hachette est aux avant-postes.

En clair. Six ans après le lancement de son programme Google Books, le géant du Net a tant bien que mal numérisé 15 millions de livres provenant de plus de 35.000 éditeurs et 40 libraires ! Pour une compagnie qui s’est fixé pour « mission » « d’organiser l’information mondiale », c’est une belle avancée. Il y avait jusqu’à maintenant le moteur de recherche Google Books (1). Il faudra maintenant compter sur l’eBookstore (2), qui, pour les centaines de milliers de livres numériques, reversera aux éditeurs au moins 50 % du prix de vente des livres vendus environ 30 % moins cher en ligne. Pour la France, l’accès à la librairie en ligne se fera par Books.google.fr/ebooks mais il faudra attendre courant 2011 que cet eBookstore soit ouvert car, nous indiquet- on, « les derniers livres numériques ne sont pas encore disponibles à la vente dans votre pays ». Et pour cause : seul, pour l’instant, Hachette Livre – premier éditeur en France avec Stock, Calmann-Lévy, Grasset, Fayard, JC Lattès, etc. – est fin prêt à y figurer. Alors que le ministère de la Culture et de la Communication se concerte avec les maisons d’éditions sur le livre numérique, Hachette Livre a annoncé le 17 novembre un protocole d’accord – pour la France – avec Google pour la numérisation de ses livres épuisés – et surtout sur la rémunération des auteurs, au lieu du « opt-out » jusqu’alors pratiqué (3). Aux Etats-Unis, où la filiale du groupe Lagardère réalise déjà 8 % de son chiffre d’affaires avec les e-books (sur Kindle d’Amazon, iPad d’Apple, Nook de Barnes & Noble, …), Hachette Book Group a déjà fait confiance aux concurrents de Google. Considéré comme le cinquième éditeur américain, Hachette était le mieux armé pour négocier en France avec Google, lequel avait été condamné il y a un an maintenant face aux éditions La Martinière et le Syndicat national de l’édition (lire EM@ 4, p. 4). Même si Google a fait appel de ce jugement, Hachette Livre – partie prenante dans l’action judiciaire du SNE contre le géant du Net – était décidé depuis un an, à obtenir parallèlement «un accord contractuel ». C’est chose faite en France, en attendant que ce protocole soit importable en Europe et outre-Atlantique.
A noter que Google et Largardère avaient trouvé un accord en avril sur un tout autre demaine : la vidéo sur YouTube… Sur l’Hexagone, Hachette Livre – qui dispose par ailleurs de sa propre plateforme Numilog – va permettre à Google Books d’accélérer
et aux autres maisons d’éditions de suivre la voie. @