Maxime Lombardini, DG de Free : « Nous sommes toujours les plus innovants dans les services vidéo »

Le directeur général du groupe Iliad, Maxime Lombardini, explique à Edition Multimédi@ les raisons de la performance de Free, dont l’activité mobile a dépassé la masse critique de 10 % de parts de marché en 18 mois. Il mise sur une offre « premium TV » qui devrait contribuer à augmenter encore l’ARPU de la Freebox.

Propos recueillis par Charles de Laubier

MLEdition Multimédi@ : Les résultats semestriels confirment
que Free a désormais plus d’abonnés mobile (6,7 millions) que d’abonnés haut débit (5,5 millions) : ce basculement en 18 mois change-t-il la culture de l’entreprise ?

Maxime Lombardini : Notre culture d’entreprise ne changera pas. Nous cherchons toujours la croissance organique en restant fidèle
à notre stratégie : des offres simples, innovantes et de qualité à des prix attractifs.

EM@ : Dans le haut débit, l’ARPU est en légère augmentation à 35,9 euros par
mois et à 38 euros pour la Freebox Révolution : comment expliquez-vous cette performance (option TV à 1,99, usages, services) malgré la baisse des terminaisons d’appel et la hausse de la TVA ?

M. L. : Plus de deux ans et demi après son lancement, la Freebox Révolution reste la meilleure box du marché et rencontre un grand succès [le nombre d’abonnés ayant la nouvelle box n’est pas divulgué, ndlr]. Elle donne accès à une multitude de services
qui sont de plus en plus utilisés : c’est clairement devenu le cœur numérique du foyer ! L’ARPU suit ce succès.

EM@ : Comment se traduit dans les chiffres l’accélération de l’intégration fixe-mobile ?
M. L. : Le « quadruple play » existe chez nous depuis le lancement de l’offre mobile en février 2012. Nous proposons à nos abonnés mobiles une offre à tarif privilégié s’ils sont abonnés à la Freebox mais les deux abonnements restent indépendants. Vive la liberté
et la transparence !

EM@ : Y aura-t-il un quadruple play 4G ?
M. L. :
Sur la 4G, à ce stade pas de commentaire, nos concurrents parlent assez ! Mais rassurez vous nous serons au rendez-vous.

EM@ : Cela fait maintenant trois ans que Free a instauré l’option TV à 1,99 euros, décision encore aujourd’hui critiquée par certains [lire ci-dessous] qui y voient le moyen pour Free de moins payer au titre de la taxe TSTD : quelles taxes payez-vous pour le financement de la création ? M. L. : Nous participons au financement de la création au travers de nombreuses taxes et contributions : Sacem, Angoa-Agicoa, Cosip, taxe sur la VOD, copie privée… Et par ailleurs, nous jouons un rôle majeur dans la distribution des chaînes et dans leur évolution technologique (TV de rattrapage, services associés, VOD…). S’il y a une question à poser c’est plus celle de la contribution des OTT.

EM@ : Free met en avant son offre TV avec plus de 450 chaînes, dont 185 incluses l’option TV à 1,99 euros : les autres, environ 225 chaînes, sont proposées dans une option supplémentaire pour des prix mensuel de 1 euros à plus de plus de près de 25 euros : comment s’enrichit le premium TV et que rapporte-t-il ?
M. L. :
L’ADSL et le FTTH deviennent le vecteur principal de la réception de la vidéo dans les foyers français. Nous veillons à offrir l’offre de base la plus riche possible, d’une part, et l’accès à toutes les offres payantes du marché, d’autre part. Nous sommes toujours
les plus innovants : c’est Free qui le premier a lancé la SVOD avec Free Home Video en 2007, le téléchargement définitif avec Disneytek et ABCtek, ainsi que Canal+ à la demande. C’est Free également qui a généralisé la TV de rattrapage. C’est Free qui a,
dès 2006, offert le PVR [Personal Video Recorder ou magnétoscope numérique, ndlr] en standard inclus dans l’abonnement. Par ailleurs, le premium TV s’est enrichi avec l’arrivée de nouvelles chaînes de sport et de cinéma : BeIn Sport, Ciné+ ou encore tout récemment Paramount Channel. Nos abonnés disposent de plus de choix, à tous les prix. @

CanalPlay Infinity commence à cannibaliser les abonnés de la chaîne cryptée Canal+

Le groupe Canal+ a-t-il eu raison de lancer il y a quinze mois maintenant son service de VOD par abonnement, CanalPlay Infinity, qui dépasse aujourd’hui les 200.000 abonnés ? Ça se discute, surtout si la migration des abonnés de la chaîne cryptée vers ce service devait se confirmer.

Imaginez : la chaîne dominante du marché français de la télévision payante, premier pourvoyeur de fonds du cinéma français, filiale emblématique du conglomérat Vivendi,
la quatrième chaîne du PAF (1) serait menacée par… le groupe Canal+ lui-même !
Ce crime de lèse majesté serait le fait de CanalPlay Infinity, le service de SVOD(2) maison, lancé il y a presque un an et demi (3).
Il serait à l’origine de la baisse du nombre d’abonnés de la chaîne cryptée l’an dernier.
« En France métropolitaine, le portefeuille d’abonnements se situe à 9,68 millions, en léger repli par rapport à 2011 dans un contexte économique et concurrentiel difficile », constate en effet Vivendi dans son rapport annuel 2012 publié le 18 mars dernier.

Canal+ a perdu 80.000 abonnés en 2012
Par rapport aux 9,76 millions d’abonnés de l’année précédente, cela représente une perte de 80.000 abonnés en un an. Autre signe inquiétant : le taux de résiliation de la chaîne cryptée en France augmente sérieusement à 13,6 % en 2012, contre 12,1 % en 2011 et tout juste 11 % en 2010.
Pendant ce temps-là, CanalPlay Infinity fait le plein d’abonnés SVOD. Contacté par
nous pour connaître le nombre précis d’abonnés à CanalPlay Infinity, Patrick Holzman, directeur de CanalPlay, nous a répondu : « En 2013, on a dépassé les 200.000 ». Ce succès ne se fait-il pas au détriment de Canal+ ? « Dans les marchés européens, l’édition de services stand-alone [tels que Now TV de BskyB et CanalPlay Infinity], correspond souvent à une stratégie défensive d’acteurs nationaux anticipant la venue d’acteurs américains tels que Netflix ou Amazon. L’édition de ce type de service implique cependant un risque de cannibalisation de la clientèle des services premium », prévient l’Idate (4) dans son étude publiée en mars et intitulée « Pay-TV versus SVOD. Entre complémentarité et concurrence ».
Si CanalPlay Infinity a contribué à la croissance du nombre total d’abonnés de Canal+
sur l’année 2012, ce troisième service d’abonnement – après Canal+ et CanalSat – a aussi « permis de compenser une légère baisse du nombre d’abonnés aux bouquets Canal+, CanalSat et Canal Overseas », expliquent les auteurs de l’étude, Florence Leborgne et Alexandre Jolin (voir graphique ci-dessous). Reste à savoir s’il s’agit de compensation ou de cannibalisation de la part de CanalPlay Infinity. « Il est pour le moment trop tôt pour définir si le déclin du nombre d’abonnés Canal+ France, constaté
au quatrième trimestre 2012, correspond à un effet de cannibalisation des abonnés aux offres de chaînes linéaires par ce nouveau service », estiment les deux experts de l’Idate. Si cannibalisation il y a, elle devrait s’accélérer au cours de cette année 2013 : l’offensive marketing de CanalPlay Infinity devrait permettre d’atteindre les 300.000 abonnés dès cette année. Depuis le mois de février, est proposée une offre promotionnelle d’« essai gratuit le premier mois sans engagement » d’abonnement, lequel est ensuite de 6,99 euros par mois depuis le début de l’année sur les écrans secondaires (ordinateurs et tablettes) ou de 9,99 euros par mois pour le premier écran (télévision). C’est que CanalPlay Infinity est désormais disponible non seulement sur les box SFR, Free ou Bouygues Telecom mais aussi sur la console de jeux Xbox 360 de Microsoft, ainsi que sur ordinateurs PC et Mac ou encore tablettes iPad. A la clé : ce sont plus de 4.000 films de catalogue et séries de télévision qui sont proposés de façon illimitée, auxquels est venu s’ajouter en début d’année « Disney Movies on Demand » (5). CanalPlay Infinity va en outre arriver sur les TV connectées et les écrans dits OTT (Over-The-Top) avec une simplification de son ergonomie et l’ajout de fonctionnalités comme le « download-togo » (6) ou la recommandation personnalisée par thématiques ou genres. Le service de SVOD devrait ainsi rejoindre le service de VOD à l’acte, CanalPlay, sur les téléviseurs connectés Samsung, LG et Panasonic, voire les lecteurs Blu-ray LG. Il sera aussi proposé sur les décodeurs des abonnés CanalSat. Reste un handicap : la chronologie des médias empêche la SVOD de proposer des films récents et impose d’attendre 36 mois avant de les proposer. Mais la mission Lescure, dont les conclusions sont attendues le 15 avril, devrait y remédier. CanalPlay Infinity se fera alors encore plus menaçant pour Canal+. @

Charles de Laubier

Exclusivités sur les réseaux : le feuilleton continue

« Une modification du cadre législatif relatif à la régulation de la télévision payante n’apparaît (…) pas nécessaire dans l’immédiat », a indiqué le 3 février
le Premier ministre, qui a suivi les conclusions du rapport « Hagelsteen », rejettant la solution de l’Autorité de la concurrence.

Par Katia Duhamel, avocate, cabinet Bird & Bird

Le rapport demandé à Marie- Dominique Hagelsteen par le Premier ministre devait éclairer le débat – du moins en avait-on l’espoir (voir EM@2 p. 8 et 9) – en posant les règles applicables aux différents acteurs de la diffusion des contenus sur les réseaux de télécommunications. Or, ce rapport – publié le
11 janvier 2009 – est venu, d’une certaine façon, faire des recommandations à front renversé de celles émises dans
l’avis rendu par l’Autorité de la concurrence du 7 juillet 2009. En effet, malgré une appréciation commune des effets négatifs des exclusivités (1), ce rapport rejette la solution législative proposée par l’Autorité de la concurrence pour encadrer strictement, voire interdire, ce type d’exclusivité dans le secteur de la télévision payante.

Un constat partagé
Comme l’Autorité de la concurrence, le rapport Hagelsteen considère que la double exclusivité comporte des risques pour la concurrence. A savoir :
• Le risque qu’Orange profite d’un « effet de levier inversé » : Orange profiterait de
sa position émergente sur les contenus pour renforcer sa position sur le marché des fournisseurs d’accès à Internet (FAI), ce qui ne créerait pas « un climat propice à l’investissement dans les réseaux haut-débit ». Sur ce point, il est à noter cependant que le droit de la concurrence en vigueur ne considère pas cet effet de levier inversé comme une pratique anticoncurrentielle (2) ;
• Le risque que le marché ne se structure autour d’une concurrence « en silos » :
selon le rapport, cette confrontation d’« écosystèmes fermés » conduirait à terme
à la formation d’un duopole Vivendi – France Telecom – le cas échéant, après des concentrations – que l’Autorité de la concurrence aurait des difficultés à empêcher.
In fine, le rapport conclut son analyse de la double exclusivité en ces termes : « Il n’est donc pas souhaitable qu’Orange poursuive dans cette stratégie qui, pour l’entreprise, repose sur une équation économique problématique, pour le consommateur, cloisonne excessivement l’accès aux contenus et pour le développement du marché du haut
et du très haut débit, comporte des risques concurrentiels. »

Remèdes moins drastiques
Mais, pourtant, les remèdes proposés par le rapport Hagelsteen sont moins drastiques que ceux proposés par l’Autorité de la concurrence visant autant la stratégie du groupe Canal+/Vivendi que celle d’Orange. Malgré son analyse de la double exclusivité, Marie-Dominique Hagelsteen en vient en effet à considérer, d’une part, que la stratégie d’Orange n’a pas, à l’heure actuelle, d’effet anticoncurrentiel avéré, et, d’autre part,
que les consommateurs n’ont pas, par principe, un droit à accéder à l’ensemble des contenus ! Elle estime enfin que fixer un cadre législatif trop rigide et contraignant est dangereux dans des secteurs comme l’audiovisuel et les télécommunications qui évoluent très rapidement. S’ensuit une critique – aimable mais néanmoins tatillonne – des mesures législatives proposées par l’Autorité de la concurrence : le périmètre des exclusivités, qui resteraient permises selon l’Autorité de la concurrence (c’est-à-dire limitées aux services « innovants ») est peu clair et excessivement restrictif ; la durée des exclusivités permises serait difficile à fixer (la durée de 2 ans proposée par l’Autorité de la concurrence n’est pas forcément justifiée ou adaptée) ; le contrôle de l’autodistribution, notamment concernant les prix pratiqués, semble difficile (litige entre opérateurs sur les conditions de distribution, prix différenciés) ; etc. Aussi, la présidente de la section des travaux publics du Conseil d’Etat propose-t-elle de substituer à la loi de fond suggérée par l’Autorité de la concurrence – pour encadrer ab initio les exclusivités – une loi procédurale. Celle-ci reviendrait à obliger les opérateurs désireux de choisir le modèle de l’exclusivité de transport de notifier – au préalable – leur projet
à l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (Arcep), cette dernière pouvant alors saisir l’Autorité de la concurrence en cas de « constatations susceptibles d’être qualifiées au regard du droit de la concurrence ». En outre, le rapport propose également, mais « dans un second temps, si le besoin s’en faisait sentir », de mettre en oeuvre une régulation sectorielle sous l’égide du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA). Ce dernier, après avis de l’Arcep, pourrait enjoindre aux distributeurs (3) de rendre leurs contenus accessibles à d’autres opérateurs de réseau (voir EM@5 p. 3). Nous semblent ici visées certaines modalités de l’auto-distribution telle que pratiquée par Canal+, eu égard : à l’ampleur des relations d’exclusivité qui lient Canal+ et les éditeurs (absence d’accès au dégroupage de certaines chaînes) ; au particularisme des relations d’exclusivité au sein du groupe Canal+ ; au montant de la prime d’exclusivité payée à certains éditeurs, souvent trop élevé pour les distributeurs alternatifs ; à la durée de l’exclusivité (entre 3 et 5 ans) qui verrouille le marché.

« Révolution culturelle » du CSA
Le rapport note toutefois que le CSA – du fait de sa mission historique, de sa proximité avec les acteurs de l’audiovisuel et de son manque d’expertise économique – n’est pas aujourd’hui en mesure de mettre en oeuvre la régulation proposée sauf « s’il réalise une “révolution culturelle” » et bouleverse son « positionnement traditionnel (…) à l’égard des chaînes et des distributeurs ». Ceci n’empêche pas Marie-Dominique Hagelsteen de proposer de renforcer les pouvoirs du CSA, afin qu’ils soient équivalent à ceux de l’Arcep et de ne pas obliger le CSA à saisir l’Autorité de la Concurrence avant le prononcé de toute mesure. Le gouvernement semble du reste avoir repris à son compte les recommandations du rapport Hagelsteen, avec une approche plus minimaliste encore que celle proposée par le Conseiller d’Etat. Ainsi, à l’issue de la réunion interministérielle qui s’est tenue le 3 février dernier pour examiner les conclusions du rapport, le Premier ministre François Fillon (4) a conclu qu’« une modification du cadre législatif relatif à la régulation de la télévision payante n’apparaît en revanche pas nécessaire dans l’immédiat ». Et ce, même s’il considérait que « la concurrence sur ce secteur et sa régulation doivent être renforcées, compte tenu notamment des enjeux qu’ils représentent pour le financement du sport et de la culture ».

Epilogue ?
Tout au plus le gouvernement indique-t-il qu’il « restera par ailleurs attentif aux procédures en cours devant l’Autorité de la concurrence » concernant « les exclusivités de distribution (notamment au titre du suivi des engagements pris lors de la fusion entre Canal+ et TPS) et aux exclusivités de transport ». Et d’ajouter : « Ces procédures permettront à l’Autorité d’évaluer l’impact de ces exclusivités sur les marchés concernés et, le cas échéant, de prendre les mesures nécessaires au maintien ou au rétablissement d’une concurrence suffisante. » Nous voilà donc repartis pour un tour
– voire plusieurs – parce qu’il faudra attendre, pour voir se dégager une solution sur
la double exclusivité,
les résultats des procédures en cours et à venir devant l’Autorité de la concurrence (notamment au titre du suivi des engagements pris lors de la fusion entre Canal+ et TPS). Quant à la mise en oeuvre d’une régulation par le CSA du marché de gros de
la télévision payante, que le lecteur me pardonne ici mon pessimisme, elle n’est sans doute pas encore pour aujourd’hui… @

ZOOM

iPhone-Orange : ce que dira le 16 février la Cour de cassation
L’Autorité de la concurrence a entériné, le 12 janvier, les engagements d’Orange et Apple renonçant à mettre en oeuvre la clause d’exclusivité d’Orange sur la commercialisation de l’iPhone. Reste la décision – prévue le 16 février – de la Cour
de cassation, qui dira si l’Autorité de la concurrence a eu raison ou non de casser,
en décembre 2008, l’exclusivité d’Orange sur l’iPhone. Orange, qui bénéficiait d’une exclusivité de cinq ans sur l’iPhone d’Apple, avait en effet vu cette dernière cassée
le 17 décembre 2008 par le Conseil de
la concurrence. Il s’agissait d’une mesure conservatoire, dans l’attente de la décision sur le fond, qui est intervenue le 11 janvier dernier sur la base des engagements des deux sociétés Orange et Apple. La mesure avait été confirmée en février 2009 par un arrêt de la Cour d’appel de Paris. Cet arrêt fait donc l’objet de pourvois en cassation
de la part d’Apple et d’Orange. En conséquence, en avril, les concurrents de ce dernier, SFR et Bouygues Telecom, avaient pu commencer à commercialiser le mobile d’Apple.
Pour autant, Orange a décidé de maintenir son pourvoi en cassation contre la décision
de l’Autorité, celle-ci étant fondée, selon lui, sur « des éléments de droit qui sont contestables ».