Les “Mip” disqualifient la réglementation audiovisuelle

En fait. Le 11 octobre s’est achevé le 28e Marché international des programmes audiovisuels (Mipcom) qui s’est tenu à Cannes durant quatre jours (12 000 professionnels et 4.000 sociétés). YouTube en a profité pour voler la vedette
aux chaînes traditionnelles nationales, en lançant des chaînes mondiales.

En clair. Quel contraste entre le Mipcom, qui est une place de marché mondiale des programmes audiovisuels sur fond de diversité culturelle, et le PAF, qui s’inquiète pour
le financement de sa création audiovisuelle sur fond d’« exception culturelle ». D’un côté, le business international se règle à coup de contrats commerciaux. De l’autre,
la politique nationale édite des obligations de (pré)financement.
Le paradoxe de la France est que Cannes – ville mythique du Septième Art – est justement l’endroit de la planète où l’industrie de l’audiovisuel se donne aussi rendez-vous, et à deux reprises, pour y faire jouer à plein les lois du marché autour des créations et productions audiovisuelles, voire cinématographiques. Le Mipcom de l’automne est aux « pilotes » (nouveautés), ce qu’est le MipTV au printemps (1) pour les « formats » (déclinables dans différents pays). Ces deux grand-messes de la télévision, résolument numériques et transfrontalières, sont « dites » par le groupe anglo-néerlando-américain Reed Elsevier. Alors que pour l’industrie du cinéma, c’est l’Association française du Festival international du film (AFFIF) qui organise le Festival de Cannes (2) et le Marché du film. Lors des deux « Mip », il n’est pas question de taxes, ni d’obligations réglementaires, encore moins d’exception culturelle : place aux contrats de (re)diffusion audiovisuelle, aux accords d’exclusivités, etc. Les Anglo-saxons marchent sur la Croisette et, partant, les Français s’inquiètent.
En invitant Robert Kyncl (ex-Netflix), vice-président des contenus de YouTube, à faire l’éloge de ses 60 nouvelles « chaînes de télévision » (3), dont 13 en France (lire EM@65), le Mipcom fait figure pour certains de Cheval de Troie de la déréglementation audiovisuelle. « Si (…) des contenus (…) d’outre-Atlantique sont accessibles de la
même façon en ayant contribué en rien au financement de la création, je pense que
notre système va prendre l’eau », a prévenu le 24 septembre Emmanuel Gabla, membre du CSA. Il fait écho à Michel Boyon, qui, le 13 mars (4), a posé la question de réguler YouTube et Dailymotion. @

UIT : le débat sur la neutralité du Net se mondialise

En fait. Le 2 octobre, l’Association des services Internet communautaires (Asic) – créée il y a cinq ans à la suite d’un différend, en 2007, entre Dailymotion et Neuf Télécom – a fait le point sur la neutralité de l’Internet. Malgré maint débats et rapports, ce principe est encore menacé faute de loi.

En clair. « C’est un jeu de dupes ! », comme l’a affirmé Félix Tréguer, chargé de mission
à La Quadrature du Net, en charge des affaires juridiques et institutionnelles. Intervenant
à la demande de l’Asic, il a rappelé ce que l’association de citoyens militants pour la neutralité du Net exige depuis trois ans : « Il faut une loi » pour protéger la neutralité d’Internet. Il estime que « tout le monde affiche le principe de neutralité d’Internet, mais sans se mettre d’accord sur sa définition ». C’est le cas en France où les acteurs sont promenés de rapports en colloques, en attendant – encore une fois – une table ronde envisagée par la ministre en charge de l’Economie numérique, Fleur Pellerin. Il y a
bien une proposition de loi déposée le 12 septembre par la députée (UMP) Laure de
La Raudière, à la suite de son rapport d’avril 2011 co-rédigé avec la députée (PS)
Corinne Erhel.
Mais le gouvernement ne semble plus convaincu, malgré les promesses du candidat François Hollande, si l’on en croit le site Ecrans.fr à qui Bercy a dit le 18 septembre que
« il n’a pas urgence à légiférer », alors que Fleur Pellerin y est plutôt favorable (1) si cela ne favorise pas les GAFA (2). Cette valse hésitation montre que la France est dépassée par un problème d’envergure mondiale. Alors que la Commission européenne termine ce 15 octobre sa consultation publique sur la neutralité du Net, c’est au tour de l’Union internationale des télécommunications (UIT) de vouloir s’en emparer à l’occasion de sa Conférence mondiale sur les télécommunications internationales (CMTI-12 ou en anglais WCIT-12).
Cette réunion sans précédent des Etats et des opérateurs de réseau, qui se tiendra à Dubaï du 3 au 14 décembre, prévoit en effet le réexamen du Règlement des télécommunications internationales (RTI), en vigueur dans sa forme actuelle depuis
1988, pour tenir compte du trafic Internet. C’est justement l’occasion pour l’ETNO, qui réunit depuis 20 ans les opérateurs télécoms historiques européens, de convaincre les Etats membres d’inclure dans le traité de l’UIT le principe de rémunération raisonnable. Cette « terminaison data » fait peur à Benoît Tabaka, directeur des affaires juridiques et réglementaires de Google (membre de l’Asic), pour qui ouvrirait la voie à la régulation du Net (peering payant, filtrage, blocage, restriction d’accès, etc). @

Fiscalité numérique : le débat devra vite s’internationaliser s’il ne veut pas s’enliser

Le 12 juillet, le gouvernement lançait une mission sur la fiscalité numérique.
Le 19 juillet, le sénateur Philippe Marini déposait une proposition de loi visant à taxer l’e-pub et l’e-commerce. Ces initiatives sont-elles à la hauteur des attentes contradictoires des uns et des autres ?

Par Katia Duhamel, avocat, cabinet Bird & Bird

Les acteurs français du numérique, en particulier les opérateurs
de réseaux télécoms, attendent depuis longtemps une plus grande équité fiscale, et donc concurrentielle, face aux prestataires de la société de l’information. Ces derniers – appelés GAFA (Google/YouTube, Apple, Facebook, Amazon, …) – sont, de surcroît, le plus souvent des acteurs internationaux établis à l’étranger et échappant en tout ou partie à la fiscalité française.
Il reste cependant à craindre que la création de nouvelles taxes
ne résolve aucunement le problème du privilège fiscal dont ils bénéficieraient.

Radio numérique : bras de fer entre radio IP et RNT

En fait. Le 13 septembre, le CSA nous indique qu’il sélectionnera bien d’ici la fin
du mois les radios parmi les 176 candidats à la RNT sur les trois premières zones que sont Paris, Marseille et Nice. Vingt autres zones régionales attendent leur tour. Tandis que les pro-radio IP, hostiles à la RNT, sont en embuscade.

En clair. « Ceux qui ont conclu […] à l’enterrement de la RNT sont allés un peu vite
en besogne », a réagi le Syndicat interprofessionnel des radios et télévisions indépendantes (Sirti) après que le gouvernement ait annoncé le 6 septembre sa décision de ne pas demander au CSA (1) l’attribution de fréquences RNT pour Radio France et RFI sur les zones de Paris, Nice et Marseille. Raison invoquée de l’Etat pour se désistement : « Le lancement à grande échelle de la RNT engendrerait des surcoûts significatifs pour les radios publiques » (2). Mais ce surcoût pour le service public, confronté aux réductions budgétaires, ne le vaut-il pas aussi pour les radios privés ou associatives déjà présentes sur la FM et candidates à la RNT ? En tout cas, à défaut de les aider (lire EM@60, p. 3), le gouvernement jette un sérieux trouble sur l’avenir de la radio numérique terrestre en France – même s’il ne l’enterre pas pour autant si l’on en croit l’arrêté prévu « prochainement » en faveur de la norme DAB+, réputée moins coûteuse pour les déploiements (3).
Reste que Radio France semble sur la même longueur d’ondes que les groupes des radios privées NRJ, RTL, Europe 1 et RMC défavorables au lancement de la RNT gratuite. Du coup, le CSA avance à reculons : il devrait sélectionner mi-septembre les radios parmi les 176 candidats à la RNT à Paris, Marseille et Nice ; mais il tarde à lancer les appels à candidatures sur Strasbourg et Mulhouse (qui devaient l’être en
juin dernier), ainsi qu’à Nancy, Metz et Lille (prévus ce mois-ci).
Le régulateur se retrouve à ménager la chèvre (le Bureau de la Radio opposé à la RNT comme les groupes NRJ, RTL, Lagardère et NextRadioTV qu’il représente) et le chou
(le Sirti favorable à la la RNT pour tous et représentant 151 membres et leurs 882 fréquences FM comme celles de Trace Radio, Lounge Radio, Oui FM Collector, Ma Génération, Météo Life, Alouette…). Le Bureau de la Radio ne croit pas en l’avenir de la RNT mais à la radio sur IP, notamment sur les réseaux très haut débit (4G et fibre). Le Sirti, lui, considère la radio sur IP comme une simple « vitrine », pas plus, et les webradios dépouvues de modèle économique viable. Cette querelle d’experts, dont la France a le secret, fait que la RNT n’a toujours pas été lancée – alors qu’elle avait été promise pour fin 2008… « Il faut avancer ! », s’impatiente le Syndicat national des radios libres (SNRL). @

Vivendi hésite à séparer « réseaux » et « contenus » : faut-il le faire pour Orange ?

Près de trois ans après le spin-off entre Time Warner et AOL, suite à l’échec de la méga fusion historique de 2001, voilà que Vivendi doute sur l’idée de scinder ses activités télécoms et médias. Tandis que le spectre de la séparation structurelle plane toujours sur France Télécom.

Conglomérat n’est plus synonyme de convergence. L’heure semble être au démantèlement plutôt qu’à l’intégration des grands groupes de médias et de communication. En annonçant, ce 20 août, la création d’un poste de « directeur général des activités télécoms » (Jean-Yves Charlier) et d’une mission de « réflexion pour le développement des médias et des contenus » (Bertrand Méheut), Vivendi ferait-il un pas de plus vers la scission ou le spin-off entre ses activités réseaux (SFR fixe et mobile, Maroc Télécom, GVT) et celles des contenus (Canal+, Universal Music, Activision Blizzard) ?