Nicolas Seydoux, président du Forum d’Avignon : « Chacun doit protéger la culture »

Le président des Rencontres internationales de la culture, de l’économie et des médias – organisées à Avignon du 17 au 19 novembre – explique à EM@ les enjeux de cet événement. Le patron de Gaumont, président de l’Alpa, en appelle aussi aux FAI pour lutter contre le piratage sur Internet et financer la création.

Propos recueillis par Charles de Laubier

Edition Multimédi@ : Le Forum d’Avignon, que vous présidez, a pour thème cette année « Investir la culture ». Pourquoi ? Nicolas Seydoux : L’ambition du Forum d’Avignon est non seulement d’apporter des messages, des idées ou des opinions au monde de la culture, mais aussi à l’ensemble de la collectivité des décideurs, économiques ou politiques. Le monde est à la recherche de repères. La culture, quelle qu’en soit la définition ou l’absence
de définition, représente fondamentalement des valeurs éthiques
et esthétiques, qui plongent leurs racines dans le temps. Dans le monde moderne, tout doit être réglé dans l’instant, alors qu’il faut savoir donner du temps au temps, pour reprendre l’expression de François Mitterrand. La crise ne peut se régler qu’en rappelant les éléments fondamentaux de chacune de nos sociétés, à commencer par la culture. Le Forum d’Avignon veut avant tout éviter de recréer un ghetto culturel culturel français. Il est international – 40 nationalités représentées – et trans-sectoriel avec plus de 50 activités différentes, des journalistes aux artistes et personnalités politiques, en passant par des entrepreneurs de groupes de médias ou d’entreprises de la nouvelle économie. Certains, comme Vivendi (France) ou Reliance (Inde), sont présents à la fois dans le contenu et dans le contenant. Ces mondes, qui trop souvent sont coupés les uns des autres, doivent regarder ensemble les problèmes de notre temps. « Investir la culture », c’est s’investir au sens humain (réfléchir) et investir
au sens financier.

Hadopi : premiers résultats rendus publics et nouvelles difficultés en vue

La Hadopi vient de publier un bilan de son activité et de boucler sa première année de réponse graduée. Mais c’est maintenant l’heure de vérité, face à la justice (peut-être les premières condamnations d’internautes) et face aux nouveaux défis (streaming).

Par Christiane Féral-Schuhl*, avocate associée, cabinet Féral-Schuhl/Sainte-Marie.

FAI taxés : après le ciné et l’audiovisuel, la musique

En fait. Le 4 octobre, la filière musicale représentée par dix organisations – dont le Snep, la Sacem, la SCPP, la SPPF ou encore l’UPFI – s’est félicitée que le président de la République se soit prononcé, la vieille à l’Elysée, en faveur de la création d’un Centre national de la musique (CNM).

En clair. Le bonheur des uns (la filière musicale) fait le malheur des autres (les opérateurs Internet). Le rapport Création musicale et diversité à l’heure du numérique (1), qui a été remis le 3 octobre à Frédéric Mitterrand et à Nicolas Sarkozy, prévoit le financement d’un Centre national de la musique (CNM) par « le prélèvement d’une partie du produit de la taxe sur les services de télévision (TST) », laquelle est versée par les opérateurs télécoms et les fournisseurs d’accès à Internet (FAI) au CNC (2).
Avec le développement des offres quadruple play et de la télévision sur mobiles, les auteurs du rapport ont calculé que « le produit de la TST distributeurs pourrait atteindre,
en 2012, un montant approximatif de 334 millions d’euros, dont 236 millions au titre de la part FAI ». La mission propose que plus d’un quart de ces recettes – 28,4 % – aillent en soutien de la filière musicale, soit 95 millions d’euros pour l’année 2012. Cette somme ira alimenter le budget total de 145 millions d’euros d’un Centre national de
la musique (CNM), qui sera à la musique ce qu’est le CNC au cinéma. A savoir : un établissement public industriel et commercial (Epic), rattaché au ministère de la Culture et de la Communication, chargé de percevoir les contributions de différents acteurs pour financer la création. L’UPFI (3) avait été l’un des premières organisations de la filière à l’appeler de ses vœux (4). Le président de la République a annoncé aux représentants de la filière conviés à un déjeuner à l’Elysée le 3 octobre que « une mission de préfiguration devrait voir le jour avant la fin du mois d’octobre » pour en préciser la gouvernance et le financement. Les dix organisations de la filière musicale
« demandent au gouvernement d’inscrire la création du CNM et la dévolution des ressources publiques nouvelles nécessaires (sans pression fiscale supplémentaire) dans les projets de loi de finances 2012 [PLF 2012], afin que cet établissement public puisse démarrer son activité dans le courant de l’année prochaine ». Au printemps 2012 ? Quant à la Fédération française des télécoms (FFT), elle « déplore qu’il soit
à nouveau question de taxer les FAI pour financer l’industrie culturelle ». Mais sur le financement, elle compte encore infléchir la décision des pouvoirs publics lors des débats au Parlement sur le PLF 2012. @

Les webradios sont décidées à se faire entendre

En fait. Le 19 octobre auront lieu les premières Rencontres Radio 2.0 Paris, organisées aux Jardins de l’Innovation (Orange Labs, Issy-les-Moulineaux)
par Xavier Filliol et Nicolas Moulard. EM@ fait le point sur les webradios
avec Olivier Riou, président du Syndicat des radios on-line (Syrol).

En clair. Le rapport Création musicale et diversité à l’heure du numérique (1), qui a été remis le 3 octobre à Frédéric Mitterrand et à Nicolas Sarkozy, prévoit aussi une aide des webradios via le Centre national de la musique (CNM) à créer (lire p. 3). « La prise en compte de nos demandes est une bonne nouvelle pour les entrepreneurs du web
et la diversité culturelle. Si le principe semble acquis, tout reste à faire pour sa mise
en place, notamment au niveau de sa gouvernance et de ses missions qui font débat », explique Olivier Riou, président du Syrol, à Edition Multimédi@.
Pour l’heure, il déplore que le Fond de soutien à l’expression radiophonique (FSER)
– créé il y a trente ans et relevant aujourd’hui de la DGMIC (2) du ministère de la Culture – ne prévoit pas de dispositif d’aides aux webradios. « Pourtant, ce secteur
– à l’instar des services de musique en ligne – a besoin d’être soutenu pour innover afin de se développer », plaide-t-il. Les webradios demandent en outre à bénéficier d’une extension de la licence légale (4 % à 7% des revenus) appliquée aux seules radios hertziennes.
« C’est une vraie question d’équité qui aujourd’hui n’est pas respectée », regrette-t-il.
Le rapport « Création & Internet » (Zelnik) de janvier 2010 préconisait pourtant l’extension au webcasting de ce régime de rémunération équitable dont bénéficient les radios hertziennes. Soumises à des quotas de musiques françaises depuis le décret daté du 27 avril 2010, les webradios se sentent toujours discriminées. Xavier Filliol, directeur des éditions de l’Octet – co-organisateur des Rencontres Radio 2.0 – et président de la commission « Musique en ligne » du Geste (3), nous avait indiqué en décembre 2010 qu’un recours auprès de la DGCCRF n’était pas exclu si rien n’avançait (EM@26, p. 4). Mais les échéances électorales pourraient changer la donne. C’est du moins ce qu’espère Olivier Riou. Selon le Syrol, la France compte plusieurs milliers de webradios. Sans parler des smartradios, complémentaires, diffusant les flux de playlists. L’audience de ces radios sur Internet est générée par un internaute sur trois par mois, soit 14 millions de visiteurs unique (4) en juin 2011 par exemple. Toutes les conditions sont réunies pour que le marché publicitaire des webradios – « encore balbutiant », indique le président du Syrol – séduise agences et annonceurs. @

France numérique 2020 : et le bilan du plan 2012 ?

En fait. Le 30 septembre s’est terminée la consultation publique en vue de préparer le plan France numérique 2020 qu’Eric Besson, ministre en charge de l’Economie numérique et auteur du précédent rapport « 2012 », compte présenter lors des Assises du numérique prévues le 30 novembre prochain.

En clair. A peine le plan France numérique 2012 de Eric Besson – adopté le 20 octobre 2008 (1) – est-il pleinement mis en oeuvre que le gouvernement prépare le coup d’après. Le projet de plan 2020 rappelle que Nicolas Sarkozy s’est fixé pour objectif
« la couverture de tous les Français en très haut débit d’ici à 2025 ». Or l’objectif de l’ancien plan de « 100 % de la population aient accès au haut débit d’ici à 2012 » ne sera pas atteint, selon le récent rapport du sénateur Hervé Maurey. La combinaison de technologies – fibre optique, montée en débit, satellite, etc. – sera nécessaire. Or une circulaire de François Fillon, parue le 17 août au J.O. (lire ci-dessous), demande aux préfets de limiter le VDSL au profit du FTTH. Pour le mobile, le projet 2020 table sur les licences 4G : les quatre opérateurs mobile sont candidats (2) sur les 2,6 Ghz, tandis que l’appel d’offres sur les fréquences « en or » (bande des 800 Mhz) se poursuit jusqu’au 15 décembre. Or le plan 2012 promettait une procédure d’attribution de ces fréquences avant fin 2009… Sur la neutralité du Net, censée être « préservée » par le Paquet télécom (EM@41, p. 4), le projet 2020 interpelle : quels « risques » ? Quel
« encadrement » ? Quelles « actions complémentaires » ? En télévision, le projet 2020 se félicite que soit tenu l’engagement du plan 2012 d’achever le 30 novembre prochain le passage au tout-numérique. Le rapport Boyon sur l’avenir de la TNT a été rendu (EM@42, p. 5), mais Eric Besson poursuit la réflexion sur « la TNT à l’horizon 2020 » (HD, 3D, nouvelles chaînes, etc.). Dans une seconde partie, le projet s’interroge sur les contenus numériques de plus en plus délinéarisés (VOD, catch up TV, sites web, …). Avec les terminaux connectés (smartphones, tablettes, TV connectée, …), « la maîtrise de l’interface entre le consommateur et les services pourrait représenter un des principaux enjeux du secteur ». L’une des questions interpelle toutes les industries culturelles : « De quelle manière les pouvoirs publics peuvent-ils poursuivre l’accompagnement et le soutien de la création et de la diffusion des œuvres culturelles et de l’information (livre, presse, audiovisuel, cinéma, musique) à l’ère numérique ? ». @