Lagardère reprendra-t-il la plateforme VirginMega.fr ?

En fait. Le 17 juin, le tribunal de commerce de Paris a prononcé la liquidation judiciaire de Virgin Megastore, huit jours après avoir rejeté les deux offres de reprises. Dommage collatéral : la plate-forme de musique en ligne de biens culturels VirginMega.fr a été mise en redressement judiciaire le 30 mai.

ALEn clair. Lancée en mai 2004, soit quelques semaines avant iTunes France (en juin 2004), VirginMega.fr joue désormais sa survie devant le tribunal de commerce de Paris qui l’a placée fin mai en redressement judiciaire.
Ayant réalisé en 2011 un chiffre d’affaires de 4, millions d’euros, la société VirginMega affirme toujours sur son site web – encore ouvert – être la « première plate-forme de téléchargement légal
en France, [avec] plus de 10 millions de titres de musique à télécharger et ses catalogues uniques de films et d’ebooks exclusifs ».
Alors qu’elle est en réalité cinquième en France avec 3,6 % de parts de marché dans la musique en ligne, dernière iTunes (70,2 %), Orange allié à Deezer (7,7 %), Amazon (4,2 %) et Fnac Music distribué depuis octobre 2012 par iTunes (3,8 %), selon GfK pour 2011.

Cela aurait du sens pour le « pure player des médias »
Filiale de Virgin Store, maison mère des magasins spécialisés Virgin Megastore (désormais fermés), elle-même ayant comme actionnaire principal le fonds d’investissement Butler Capital Partners depuis la cession en 2008 par Lagardère qui a gardé une participation de près de 20 %, VirginMega semble faire l’objet d’un traitement
à part.
Bien que ses salariés fassent eux aussi partie du plan social qui sera détaillé le 24 juin en comité d’entreprise extraordinaire. Il reste maintenant à ce pionnier français de la musique sur le Net à trouver un repreneur. « Virgin vivra, Lagardère paiera ! », a-t-on pu lire sur des banderoles devant le magasin emblématique des Champs-Elysées. Des salariés se sont même rendus dans les locaux de Lagardère. Ayant fait de son groupe un « pure player des médias », Arnaud Lagardère sera-il tenté de reprendre cette plate-forme légale ?
Cela ferait sens en tout cas.
Si Virginmega.fr devait disparaître, ce serait une mauvaise nouvelle pour le marché français de la musique en ligne, déjà dominé par Apple, ainsi que pour l’offre VOD. VirginMega, qui propose 15.000 films et séries, arrive en 10e position (1) avec 4,6 %
des consommateurs déclarant l’utiliser, d’après le CNC et Harris Interactive. L’offre a
été élargie aux livres numériques et aux BD, avec au total un catalogue de 160.000 titres. Mais la boutique en ligne ne permet pas d’acheter des livres, CD et DVD en e-commerce, comme Amazon, seul le téléchargement ou la location de contenus culturels étant possible. C’est une erreur stratégique à laquelle l’éventuel repreneur devra remédier. @

Le rapport Lescure dresse un bilan accablant de l’offre légale en France

C’est le diagnostique le plus sévère de la mission Lescure : l’offre légale d’accès aux œuvres et contenus culturels en ligne laisse encore à désirer, malgré toutes les promesses faites par les pouvoirs publics et les industries culturelles depuis les deux lois Hadopi de 2009.

Par Charles de Laubier

PLL’offre légale en ligne, encore insuffisante ou trop peu rémunératrice, doit affronter la concurrence d’une offre illicite gratuite et quasi illimitée », constate le rapport de Pierre Lescure (photo). « L’offre culturelle en ligne peine toujours à satisfaire les attentes, très élevées, des internautes. L’insatisfaction, quoique générale, est plus évidente encore s’agissant des films et des séries télévisées.
Les reproches les plus récurrents concernent les prix trop élevés et le manque de choix », poursuit-il.

Industries culturelles mises en cause
Manque d’exhaustivité, incohérence (indisponibilité de certains épisodes), absence de flexibilité (disponibilité des versions française de films étrangers), manque de fraîcheur (chronologie des médias) ou encore contraintes des protections de type DRM (1) sont autant de « sources de frustration ».
Sans parler du manque d’interopérabilité entre terminaux, fichiers et droits numériques.
La mission Lescure en vient même à décerner au passage un satisfecit aux sites pirates ! « L’offre illégale (…] paraît, à de nombreux égards, difficilement égalable : elle est majoritairement gratuite et tend à l’exhaustivité, elle est facile d’accès, dénuée de DRM et disponible dans des formats interopérables, et elle est parfois de meilleure qualité que l’offre légale et en termes de formats ou de métadonnées associées ».
Il ne manquerait plus que ces plates-formes pirates versent une rémunération aux créateurs et respectent la chronologie des médias pour que tout aille pour le mieux…
Les industries culturelles et leurs « intermédiaires » de l’Internet en prennent pour leur grade, qui ne parviennent pas à aider les internautes à « distinguer clairement entre les pratiques légales et les pratiques illégales », ni à « garantir la juste rémunération des auteurs et des artistes au titre de l’exploitation en ligne », ni encore à permettre
« l’accès facile et sécurisé aux contenus ». L’offre légale « pèche encore par sa relative uniformité, que ce soit en termes de modèles tarifaires, de fonctionnalités offertes ou de ‘’ligne éditoriale’’ ». Pas étonnant dans ses conditions que « la crise de confiance entre les industries de la culture et une partie des publics » perdure et que bon nombre d’internautes préfèrent continuer à pirater. Sur les millions d’e-mails d’avertissements envoyés par l’Hadopi, n’y a-t-il pas finalement qu’« une trentaine de dossiers » transmis
à la Justice et seulement à ce jour trois jugements connus (2), dont… une relaxe ?
« Le recul du téléchargement de pairà- pair, probablement lié pour partie à l’efficacité
de la réponse graduée, a davantage profité aux autres formes de consommation illicite [téléchargement direct, streaming] qu’à l’offre légale. (…) Les carences de l’offre légale expliquent, pour partie, le recours à des pratiques illicites », préviennent les rapporteurs. Le cinéma, le livre et le jeu vidéo n’ont donc pas appris des erreurs de
la musique qui avait eu recours massivement à ces DRM, au point de détourner les internautes au profit du téléchargement illicite. « C’est avant tout la qualité de l’offre légale qui incitera les publics à délaisser les pratiques illicites », martelle le rapport Lescure.
Pour y parvenir, il en appelle aux industries culturelles : « Les restrictions apportées aux usages (chronologie des médias, DRM), parfois légitimes devraient être justifiées avec davantage de transparence et de pédagogie ». Une des autres difficultés provient des
« réticences des industries culturelles à expérimenter de nouveaux modèles
économiques », comme le financement de la publicité. « Seule l’offre légale gratuite financée par la publicité peut espérer rivaliser [avec les sites pirates] », estiment-ils. Aussi, il devient urgent d’« améliorer la disponibilité en ligne des œuvres culturelles, favoriser le développement d’un tissu de services innovants et attentifs à la diversité culturelle et stimuler la demande en encourageant l’émergence d’une offre abordable
et ergonomique, respectueuse des droits des usagers » (3). Plus techniquement, la dispersion et le cloisonnement des bases de métadonnées (4) posent problème.
« Faute de coordination et de standardisation suffisantes, des bases se multiplient, partiellement redondantes, qui ne peuvent dialoguer entre elles », ce qui ne favorise pas le développement de l’offre légale.

Licence globale pour offre non marchande
Quant à l’offre légale non marchande (bibliothèques et médiathèques notamment), par opposition à l’offre légale commerciale, elle reste aujourd’hui « beaucoup trop pauvre ».
« Le développement et la diversification de ces offres [non marchandes] devraient rendre moins pressante la demande d’une licence globale, conçue en partie comme un remède
à l’insuffisance de l’offre légale ». La balle est maintenant dans le camp du gouvernement. @

Charles de Laubier

Livre numérique : réforme du CNL et offre légale en vue

En fait. Le 9 octobre, le Centre national du livre accueille dans ses locaux une soirée débat organisée par la revue Nonfiction.fr sur « l’avenir du livre dans la dimension numérique ». Le 17 octobre, la commission Economie numérique
du CNL se réunit pour notamment parler d’« offre légale ».

En clair. Selon nos informations, le Centre national du livre doit accélérer sa réflexion
sur le livre numérique dans le cadre de son contrat 2011-2013 signé – l’an dernier en
tant qu’établissement public administratif – avec le ministère de la Culture et de la Communication. Et ce malgré un budget en baisse pour l’an prochain, à 30,5 millions environ après amputation de 2,8 millions de subventions non reconduites. Or, selon l’annexe du projet de loi de Finances 2013 présenté en Conseil des ministres le 28 septembre dernier, le CNL a comme première priorité de « poursuivre et augmenter
le soutien à la numérisation et au développement d’une offre légale à travers le renforcement des aides aux projets expérimentaux et innovants ». Cette offre légale de téléchargement d’ebooks fait actuellement l’objet d’une concertation – avec le Syndicat de la librairie française (SLF), le Cercle de la librairie et l’ADELC (1) – menée par le président du CNL, Jean-François Colosimo, en vue de créer un « portail apte à servir l’ensemble de la librairie indépendante ». Cette plateforme de vente de livres numériques succèderait ainsi à l’arrêt en début d’année du site 1001librairies.com
de  la société PL2i. Le CNL devrait subventionner ce projet d’offre légale portée par
les librairies indépendantes, tandis que les grandes maisons d’éditions, Gallimard-Flammarion, Editis et Seuil-La Martinière, préparent leur propre plate-forme avec Orange, SFR et ePagine (2). De son côté, Hachette a Numilog et l’Harmattan l’Harmathèque (sans parler de Librairie.actualitte.com ou de REA-Decitre). Alors qu’en mars dernier, le Centre d’analyse stratégique du Premier ministre, avait plaidé pour
« une plateforme unique de distribution » de livres numériques. Alors que les enjeux
du numérique pèsent de plus en plus lourds pour la filière du livre, notamment le risque de disparition des librairies indépendantes court-circuitées par la vente d’ebooks sur Internet, le CNL est lui-même confronté à un problème de financement. Jean-François Colosimo songe, en plus de la taxe sur la reprographie (85 % de ses ressources), à une taxe prélevée sur les FAI pour renflouer ses caisses (3). De plus, Aurélie Filippetti a lui demandé que la réforme contestée de l’établissement – laquelle, décidé sous l’ancien ministre Frédéric Mitterrand, devant entrer en vigueur le 1er janvier 2013 – soit suspendue. @