Salon CES : le tout-connecté nuira-t-il à l’Internet ?

En fait. Le 9 janvier, se sont refermées les portes de la grande foire internationale de Las Vegas de l’électronique grand public et du tout-connecté à l’Internet.
Les mobiles, les tablettes, les téléviseurs, les gadgets, la maison, les objets,
… Il y aura vraiment de plus en plus de monde sur la ligne.

En clair. C’est à se demander si les réseaux de communications électroniques pourront supporter tous ces terminaux et objets connectés, tant ce fut une débauche d’innovations technologiques au Consumer Electronics Show (CES). Mais à Las Vegas, la question de l’explosion des flux sur Internet ne se pose jamais. Et la question du
« Qui finance le réseau ? » sur fond de débat sur la Net Neutrality encore moins ! Même si les tablettes multimédias ne représenteront pas les volumes qu’atteignent
les smartphones dans le monde, elles ont tenu la vedette au salon international des technologies grand public (Xoom de Motorola, Sliding de Samsung, Streak 7 de Dell, LePad de Lenovo, PlayBook de RIM, Iconia d’Acer, …). Par leur puissance multifonction, elles ont même relégué au second plan les liseuses (Kindle d’Amazon, Nook de Barnes & Noble, …) qui avaient fait l’affiche du précédent CES. Les contenus multimédias des tablettes laissent ainsi présager une augmentation dans l’utilisation de la bande passante de l’Internet déjà bien sollicité. Les fabricants de téléviseurs connectés, ou « Smart TV » (LG, Samsung, …) rivalisent pour offrir – Over The Top (1) – du contenu Web innovant et attractif. Sony par exemple a présenté Qriocity, un service de diffusion de films en streaming (flux continu) sur ses téléviseurs connectés Bravia. Cela promet là aussi des flux continus supplémentaires sur les réseaux, même si Apple TV a encore brillé par son absence à Las Vegas (2) et si Google TV a retardé la disponibilité de son offre. Les smartphones, eux, montent en puissance (microprocesseur « double cœur » chez Motorola et LG) et promettent d’être plus gourmant en capacités réseaux sur l’Internet mobile. A cela s’ajoute la maison qui se raccorde elle aussi au réseau des réseaux avec des appareils dits « intelligents » dans toutes les pièces (électroménager, surveillance, gestion d’énergies, robots ménagers, …). Bref, ça se bouscule au portillon. En 2010, dans le monde, il s’est vendu 260 millions de smartphones, 30 millions de TV connectées et 20 millions de tablettes. Après un crû CES 2011 encore exceptionnel en appareils en tout genre raccordables au Net, le risque de saturation des réseaux face à l’explosion du trafic devrait monter encore d’un cran. De quoi apporter de l’eau au moulin des opérateurs télécoms qui veulent instaurer plus de péages sur leurs infrastructures. @

Fusion entre FFT et Afom, sans Free ni Numericable

En fait. Le 3 janvier, a été « officialisée » – avec Eric Besson – la fusion de l’Association française des opérateurs mobile (Afom) au sein de la Fédération française des télécoms (FFT). L’Afom devient un « collège mobile », dont l’ancien président Jean-Marie Danjou devient directeur général délégué.

En clair. Les opérateurs télécoms et fournisseurs d’accès à Internet (FAI), d’un côté,
les opérateurs mobiles (Orange, SFR, Bouygues Telecom) et les opérateurs mobiles virtuels (MVNO), de l’autre, font converger leurs lobbying pour mieux se faire entendre des pouvoirs publics (gouvernement, parlementaires, régulateurs). A l’heure de la convergence numérique et des offres quadruple play (1), et dans un contexte d’évolutions réglementaires de plus en plus contraignantes pour les opérateurs de réseaux, la fusion – absorption de l’Afom par la FFT s’est imposée. Mais le ministre chargé de l’Economie numérique, Eric Besson (2), qui « s’est félicité de cette fusion », ne verra pas qu’une seule tête pour autant au sein du futur Conseil national du numérique (CNN). Selon nos informations, Numericable a profité de la réorganisation mi-décembre de la Fédération française des télécoms (FFT) pour ne pas renouveler son adhésion en tant que membre fondateur (3). Des contraintes budgétaires propres au câblo-opérateur seraient à l’origine de cette décision.
Autre électron libre : Free a bien été membre fondateur de la FFT lors de sa création
en septembre 2007 mais il a claqué la porte un an après pour reprendre sa liberté de parole en vue de se lancer dans la fibre optique et dans la quatrième licence mobile. Ces derniers mois, Free Mobile était néanmoins membre de l’Afom mais cela n’a pas duré non plus puisque la filiale du groupe Iliad n’a pas souhaité rejoindre la FTT lors de la fusion.
Le quatrième opérateur mobile, qui est en négociation difficile avec Orange, SFR et Bouygues Telecom pour la partie mutualisée de son futur réseau 3G, a préféré prendre ses distances estimant concurrence et position commune incompatibles. C’est aussi pour cette raison que l’Aforst, représentant les opérateurs concurrents de France Télécom, coexiste toujours. Pourtant, au moment où tous sont confrontés à un
« ralentissement » de leurs revenus les sujets communs ne manquent pas pour l’année 2011 : hausse de la TVA sur les offres triple play, contribution au Cosip pour financer des films (plus de 150 millions d’euros prévus cette année), contribution à l’audiovisuel public (taxe « France Télévisions de 0,9 %), coût de mise en oeuvre de la réponse graduée (Hadopi) extension de la taxe copie privée aux « box » avec disque dur et
aux tablettes multimédias, engagements en faveur des consommateurs (accord de septembre 2010) ou encore lourds investissements liés à la fibre optique et à la 4G. @

Croissance de l’e-pub : vidéo et mobile en tête

En fait. Le 12 janvier, le Syndicat des régies Internet (SRI) – qui réunit plus d’une vingtaine de membres en France – a publié pour la cinquième année consécutive son Observatoire de la publicité sur Internet, sur la base d’une étude de CapGemini Consulting et de l’Udecam (agences médias).

En clair. C’est reparti ! La centaine de régies publicitaires et la dizaine d’agences médias que compte le marché français se sentent repousser des ailes.
« Spectaculaires », si l’on en croit l’Union des entreprises de conseil et achat média (Udecam), sont les chiffres d’affaires nets (1) réalisés sur l’année 2010 : au total 2,31 milliards d’euros, soit une croissance de 9% sur un an. C’est une accélération par rapport à la crise publicitaire de 2009 où la croissance était retombée à 6 % (contre
23 % en 2008). Et cette année, la croissance sera à deux chiffres : 12 %, à 2,57 milliards d’euros. Pour l’an dernier, les dépenses pour des liens sponsorisés sur les moteurs de recherche – Google en tête (2) – dominent encore (voir ci-dessous), suivies de l’affichage (« display ») revigoré par la publicité vidéo. Cette dernière engrange 30 millions d’euros, soit 150 % de hausse grâce aux nouveaux services de VOD, de catch up TV ou encore des vidéos sur la presse et la radio online. Quant à la publicité sur téléphone portable, elle fait un bond de 23 %, à 27 millions d’euros, grâce aux smartphones et aux « applis ». @

Financement de films, TVA ADSL et taxe Cosip

En fait. Le 3 janvier, l’Association des producteurs de cinéma (APC) a critiqué l’annonce de Free qui veut dissocier la distribution de chaînes de télévision en faisant une option facturée 1,99 euro par mois – au lieu de la moitié de la facture triple play. Ce serait moins de financement pour les films.

En clair.. La polémique sur les conséquences de la hausse de la TVA à 19,6 % sur
les offres triple play (téléphone-Internet-télévision), au lieu de 5,5 % sur la moitié de la facture liée aux chaînes de télévision, continue de faire des vagues dans le monde du septième art. Comme le calcul de la taxe dite Cosip (1) – destinée à établir le niveau
de contribution obligatoire des fournisseurs d’accès à Internet (FAI) au financement de films français et européens – est effectué sur la moitié de la facture triple play, l’initiative de Free réduirait à la portion congrue l’assiette de calcul. « Il semble que Free tente ainsi de faire une économie sur le dos de la création cinématographique et audiovisuelle, en ayant pour objectif de réduire drastiquement l’assiette de la taxe destinée à cette dernière, qui est perçue par le CNC (2), tout en continuant plus que jamais à faire des œuvres un “produit d’appel“ », estime Frédéric Goldsmith, délégué général de l’APC. L’association, qui représente près de la moitié des budgets du cinéma français, « conteste ce qui représenterait selon elle un contournement artificiel des dispositions de la loi de finances pour 2011 et des engagements du Président de la République ». Nicolas Sarkozy avait annoncé aux organisations du cinéma français – reçues le soir du 6 septembre 2010 – que le gouvernement garantirait le financement des films via le fonds Cosip à l’occasion du projet de loi de Finances 2011. Ce qui fut fait le 15 décembre dernier avec l’adoption du texte qui prévoit le maintien de la contribution des FAI calculée sur 45 % de leur chiffre d’affaires triple play. Rappelons que c’est la Commission européenne qui a estimé illégale l’application par la France
de la TVA réduite sur la moitié du triple play, cette mesure ayant été instaurée par la loi du 5 mars 2007 « en contrepartie » de la taxe Cosip (lire EM@19, p. 7). Jusqu’alors, les FAI versaient aux sociétés d’auteurs 3,75 % sur la moitié des recettes triple play soumise à la TVA réduite de 5,5 %. Ils paieront désormais autant sur
la totalité de la facture triple play passée à la TVA à 19,6% mais bénéficieront d’un abattement de 55 %. En ramenant à 6,2 % la part « télévision » dans son offre triple play, Free fait donc grincer des dents les ayants droits. Le directeur général de la SACD (3), Pascal Rogard, estime que « les créateurs (…) seraient fondés à exercer [leur droit d’autoriser ou d’interdire la retransmission des programmes, ndlr] pour éviter d’être dépouillés par cette carabistouille »… @

2011 sera l’année des kiosques numériques

En fait. Le 2 janvier, le Wall Street Journal révèle que Google discutent aux Etats-Unis avec des groupes de presse sur la mise en place d’un kiosque numérique
où les éditeurs seraient rémunérés au-delà des 70 % pratiqués par Apple, lequel cherche aussi à développer un « iKiosque » à journaux.

En clair. Google ne veut pas laisser seul Apple négocier avec la presse en vue de constituer au Etats-Unis un premier kiosque numérique. L’engouement de la presse
en faveur la fameuse tablette iPad – dévoilée il y a un an presque jour pour jour – a été tel (1) que la marque à la pomme discute depuis plusieurs mois avec des éditeurs de journaux américains pour créer un équivalent de l’iBook Store pour la presse quotidienne et magazine – un « iNewsstand » en quelque sorte, distinct de l’App Store, pour vendre des titres sur iPad et iPhone. Les éditeurs cherchent à obtenir d’Apple une plus grande latitude tarifaire et un accès aux données de leurs clients lecteurs jusqu’à maintenant verrouillées par la firme de Steve Jobs, ainsi que la possibilité de gérer des abonnements (une avancée pour Apple habitué aux ventes à l’unité sur iTunes). Google entend profiter des hésitations des groupes de presse américains (Time Warner, Condé Nast, Hearst, News Corp.) pour leur proposer une alternative qui répondrait plus à leurs exigences : une commission sur les ventes inférieure aux 30 % pratiqués par Apple, un accès aux données personnelles des utilisateurs pour une exploitation marketing par les journaux, l’instauration de formules d’abonnements, sans oublier un environnement ouvert avec Android, le système d’exploitation de Google utilisé sur tablettes et smartphones. D’autres initiatives de e-kiosques existent outre-Atlantique : soit de la part d’Amazon (pour le Kindle) ou de Barnes & Noble (pour e-reader Nook), soit émanant d’éditeurs eux-mêmes comme Next Issue Media (Condé Nast, Hearst, Meredith et Time, …), Skiff (News Corp), Press Engine (New York Times, …). Confrontée partout dans le monde à des coûts de distribution papier parfois exorbitants (environ 40 %
du prix de vente), la presse voit dans le kiosque numérique plusieurs avantages par rapport aux circuits de distribution des imprimés : économies, rapidité, souplesse relation plus direct avec le lecteur et, particulièrement en France avec Presstalis (ex- NMPP), moyen d’échapper aux grèves à répétition. Sur l’Hexagone, il y a les projets
« E-Presse Premium » et  « Presse régionale » respectivement du Syndicat de la presse quotidienne nationale (SPQN) et du Syndicat de la presse quotidienne régionale (SPQR). Le Syndicat de la presse magazine (SPM) y travaille aussi. Le Groupement des éditeurs de services en ligne (Geste) également. Il s’agit de notamment de ne pas se laisser phagocyter par Apple et Google. @