Gestion collective et VOD : le vide juridique perdure

En fait. Le 5 septembre, la société civile des Auteurs-Réalisateurs-Producteurs (ARP) a annoncé qu’elle réunira aux 21e Rencontres cinématographiques
(20-22 octobre à Dijon) « les patrons des chaînes historiques (TF1, France Télévisions, M6, …) et des nouveaux médias (Spotify, Dailymotion,
MySkreen, …) ».

En clair. Parmi les nombreux sujets qui préoccupent le monde du cinéma et celui du numérique, la gestion collective en faveur de la vidéo à la demande arrive en bonne place. Les 21e Rencontres cinématographiques, qu’organise le mois prochain l’ARP,
en débattront. « Suite à la dénonciation [en 2009] de certaines organisations professionnelles de producteurs [de films] du protocole de 1999 qui généralisait la gestion collective dans le domaine de la vidéo à la demande, nous assistons à un vide juridique qui nous impose une réflexion entre auteurs et producteurs », explique la société civile des Auteurs- Réalisateurs-Producteurs.
La gestion collective est une facilité et une sécurité juridique pour les éditeurs de services de VOD car il permet de reverser une « rémunération minimale » aux auteurs de films payés en pay per view ou achetés en ligne. La rémunération proportionnelle
de l’auteur pour l’exploitation VOD n’est en effet pas prévue dans tous les contrats d’auteur. L’accord du 12 octobre 1999, signé par plusieurs syndicats de producteurs de films (CSPEFF, UPF et SPI) avec la SACD, prévoyait bien cette rémunération minimale fixée à 1,75 % du prix HT payé par le client du service de VOD. Un arrêté du 15 février 2007 l’avait même étendu à tous les producteurs cinématographiques et audiovisuels. Peine perdue : trois syndicats de producteurs – le SPI, l’APC et l’UPF – ont dénoncé
en 2009 cet accord (1). Raisons invoquées : durée trop longue de l’accord, pas de reddition des comptes par la SACD (2), non reconnaissance de la SACD comme mandataire, dépossession des droits exclusifs, etc. Le rapport de Sylvie Hubac sur la VOD, remis au CNC en décembre 2010, tout en estimant « raisonnable » ce taux de 1,75 %, décrivait les conséquences de ce vide juridique : « Les éditeurs de services
de [VOD], ne sachant pas s’ils devaient reverser le pourcentage de rémunération des auteurs des oeuvres qu’ils exploitent à la SACD ou au producteur, ont en majorité choisi de provisionner cette rémunération. Les auteurs ne sont donc plus payés pour l’exploitation de leurs oeuvres en [VOD] depuis plus d’un an. Même si les sommes sont souvent modiques, un tel désordre ne peut durablement s’installer ».
Des renégociations et des clarifications s’imposent entre producteurs – seuls cessionnaires du droit d’auteur – et la SACD, laquelle ne peut négocier directement avec des éditeurs de plateforme de VOD. @

Internet+ et MPME donnent naissance à « Internet+ Box » et « Internet+ Mobile »

Les FAI et les opérateurs mobile français fusionnent leurs kiosques de micro-paiement sur facture – respectivement Internet+ et MPME – pour donner
naissance à « Internet+ Box » et à « Internet+ Mobile ». Objectif : simplifier
en « 2 clics » les transactions et résister face à iTunes et Paypal.

Des fournisseurs d’accès à Internet (FAI) et les trois opérateurs mobile français
– en l’occurrence Free, Alice, SFR, Bouygues Telecom et Orange – ont décidé de fusionner leurs solutions de paiement sur facture sous une seule marque : Internet+,
qui se décline désormais en « Internet+ Box » pour les premiers et « Internet+ Mobile » pour les seconds.

Les « Net-goinfres » sont dans le collimateur

En fait. Le 21 août, le DG de la Fédération française des télécoms (FFT) a dû monter au créneau – dans Le Parisien et Le Figaro – pour tenter de mettre un terme au buzz lancé par le site web Owni qui, le 19 août, a révélé que la FFT prônait « débit
IP maximum » et « plafond de consommation ».

En clair. Selon les opérateurs télécoms et fournisseurs d’accès à Internet (FAI) membres de la Fédération française des télécoms (FFT), ce n’est pas « la fin de l’Internet illimité » contrairement à ce qu’affirmait le site d’information en ligne Owni. « L’illimité est et restera accessible à tous », a tenu à rassurer Yves Le Mouël, DG de la FFT, dans Le Parisien.
« Aucun opérateur n’a de projet en ce sens aujourd’hui », ajoute-t-il dans Le Figaro. Seuls les internautes gros consommateurs de bande passante « pourraient être mis davantage à contribution » : « Pour ceux qu’on appelle les “Net-goinfres”, on verra sans doute des offres avec des tarifs plus élevés que ce qu’on voit aujourd’hui », explique-t-il dans le premier quotidien. « Ce sont ces 5 % à 10 % de consommateurs qui utilisent 80 % de la bande passante, car ils passent leur temps à télécharger des films, font de la vidéo en permanence, passent la journée sur Facebook avec de la vidéo, YouTube, Dailymotion », précise-til dans le second quotidien. La FFT a dû faire cette mise au point après la mise
en ligne de sa réponse de neuf pages à l’appel à propositions que l’Arcep avait lancé en septembre 2010 « pour promouvoir un Internet neutre et de qualité ». Dans l’annexe III
de la réponse de la FFT datée du 21 juillet 2011, ses membres (Orange, SFR, Bouygues Telecom, Omea Telecom, etc) ne parlent pas de « Net-goinfres » mais seulement
d’« usage raisonnable » ou anglais fair use : ils proposent non seulement un tableau
de « découpage par gamme pour la data mobile » (1), mais surtout – et c’est nouveau –
un « découpage par gamme pour le fixe » avec « débit IP [descendant] maximum de
l’offre », de « plafond de consommation » et de « limitation de téléchargement par
session ». Si l’Internet mobile est déjà soumis systématiquement à une telle gestion de trafic en raison de la ressource rare que constituent les fréquences mobiles, il n’en va
pas de même de l’Internet fixe aux capacités extensibles. Free, qui n’est pas membre de la FFT, a dit à Owni être « plus que réservé sur la pertinence d’une telle proposition ». L’association de consommateur UFC-Que Choisir estiment, elle, que « les opérateurs cherchent à rançonner des deux côtés : d’abord les fournisseurs de contenus comme Google, puis les consommateurs ». Les opérateurs de réseaux voudraient à la fois la
fin de la neutralité d’Internet et la fin de l’Internet illimité qu’ils ne s’y prendraient pas autrement. @

Google veut faire d’Android l’iPhone de demain

En fait. Le 15 août, Google a annoncé qu’il rachetait le fabricant américain de téléphones portable Motorola Mobility pour 12,5 milliards de dollars (8,7 milliards d’euros). Cette acquisition, la plus grosse jamais réalisée par le géant du Net, devrait être finalisée d’ici fin 2011 ou début 2012.

En clair. Si les autorités de concurrence et les actionnaires de Motorola Mobility donnent leur feu vert à cette méga acquisition, Google aura alors les coudées franches pour rivaliser pleinement avec Apple et contrer l’alliance Nokia-Microsoft. La firme de Mountain View, dont le cofondateur Larry Page a repris la direction générale en avril dernier, espère ainsi ouvrir un second front – avec ses propres « Google Phone » cette fois – pour renforcer sa place de leader dans les smartphones déjà acquise grâce à son système d’exploitation Android.
Selon le cabinet d’études Gartner, ce dernier devrait équiper près de 50 % des téléphones multimédias dans le monde (49,2 % précisément) d’ici la fin de l’année prochaine, contre moins de 20 % pour Apple (18,9 %), loin devant Microsoft et son Windows Phone (1). Mais c’est surtout l’écosystème iPhoneiTunes – fermé mais dominant – que Google entend concurrencer frontalement en misant plus que jamais sur un système matériel-logiciel ouvert. « Android est encore ouvert », a d’ailleurs tenu à assurer Larry Page. Autrement dit, Android devrait continuer à être disponible librement et gratuitement pour tous les fabricants de mobiles qui le souhaitent comme HTC, Samsung, LG Electronics
ou encore Sony Ericsson – Motorola étant également déjà client. Encore faut-il que les 17.000 brevets qu’apporte la mariée Motorola Mobility dans la corbeille n’amènent Google à faire du « protectionnisme technologique » et à être tenté de créer son propre walled garden. L’avenir le dira. Pour l’heure, les brevets sont là pour protéger Android des attaques d’Apple et de Microsoft sur le terrain de la propriété intellectuelle. Mais à terme,
si la marque défraîchie Motorola devait laisser la place aux « Google Phone », le géant
du Net pourrait se mettre à dos ses fabricants de mobiles, clients aujourd’hui qui deviendraient ses concurrents.
Ce parachutage du numéro 1 mondial des moteurs de recherche et de la publicité en ligne sur le marché mondial de la fabrication de mobiles en a surpris plus d’un. Il est un autre marché sur lequel la firme de Mountain View s’apprête à jouer les trouble-fêtes, celui des infrastructures en fibre optique : aux Etats-Unis, Google avait en effet lancé en février 2010 un appel à candidature auprès des collectivités locales souhaitant accueillir son propre réseau très haut débit. En mars dernier, c’est Kansas City que Google a retenu pour le tester. @

Financement du très haut débit : vers l’impasse ?

En fait. Le 13 juillet, la commissaire européenne Neelie Kroes – chargée du Numérique – a tenu sa dernière réunion avec une quarantaine de PDG des secteurs des télécoms, des médias et du Web pour tenter de trouver – en vain finalement – un consensus autour du financement des réseaux (très) haut débit.

En clair. Aucun consensus n’a été trouvé en quatre mois de confrontation des acteurs
du numérique, réunis depuis mars dernier par Neelie Kroes sur le financement du déploiement des réseaux très haut débit en Europe (1). Opérateurs de réseaux et équipementiers télécoms rechignent à mettre seuls la main à la poche pour financer la fibre optique. Dans leurs onze propositions remis à Neelie Kroes le 13 juillet, ils prônent une « meilleure gestion des ressources rares » de l’Internet, s’inquiètent d’une
« situation de déséquilibre » entre les opérateurs télécoms « support[a]nt seuls le fardeau » des investissements réseaux locaux et les fournisseurs de contenus du Web d’envergure mondiale. Ils demandent « des règles du jeu (…) suffisamment souples » et veulent pouvoir pratiquer « la différenciation en matière de gestion du trafic pour promouvoir l’innovation et les nouveaux services, et répondre à la demande de niveaux de qualité différents ». Ils plaident pour des « modèles économiques (…) bifaces [où les acteurs économiques peuvent se rémunérer des deux côtés, ndlr], basés sur des accords commerciaux » : par exemple, les Google/YouTube, les Yahoo, Amazon et les
Dailymotion doivent, selon eux, payer un droit de passage en fonction de la qualité de service demandée sur les réseaux (très) haut débit. Ils veulent à ce propos une
« interconnexion IP avec garantie de qualité de service (par exemple avec la norme
IPX) ». La commissaire européenne en charge du Numérique va maintenant étudier
ce cahier de doléances et émettre – en septembre – des recommandations sur le calcul des tarifs d’accès à ces réseaux (très) haut débit, tout en lançant une consultation sur la non-discrimination. Les opérateurs télécoms veulent bien investir dans les réseaux de nouvelle génération (NGN/NGA) à condition de mettre un terme à la neutralité du Net,
afin d’avoir un retour sur investissement en faisant payer – aux fournisseurs de contenus et aux internautes – différents niveaux de services. Ces derniers veulent
au contraire le respect de la neutralité du Net. La France, elle, a proposé l’idée d’une
« terminaison d’appel data » qui ne fait pas l’unanimité. Le dialogue de sourds débouchera-t-il sur une impasse ? La Commission européenne propose d’injecter
9,2 milliards d’euros pour aider au financement des NGN/NGA de 2014 à 2020, en échange d’un engagement d’investissement de 100 milliards de la part du secteur privé. Mais il faudrait 300 milliards pour que tous les Européens aient au moins 30 Mbits/s d’ici 2020, dont la moitié à 100 Mbits/s. @