Digital News Initiative (DNI) : le fonds européen de Google d’aide à la presse numérique a deux ans

Le fonds « Digital News Initiative » (DNI) que le géant du Net a lancé il y a deux ans, en avril 2015, entame sa dernière année budgétaire. Doté de 150 millions d’euros sur trois ans, il est venu en aide – pour ses deux premiers appels à candidatures – à 250 projets dans 27 pays européens.

Après ses deux premiers appels à projets de « journalisme numérique » (dixit Google), un troisième est en cours depuis
le 7 mars dernier, jusqu’au 20 avril prochain. Le fonds Digital News Initiative (DNI) avait été lancé il y a deux pour venir en aide aux journaux en Europe dans leurs investissements numériques (1). Il avait alors pris le relais du fonds français Finp – Fonds pour l’innovation numérique de la presse – qui s’est terminé en 2016. Sont parmi les neuf membres fondateurs du DNI : Die Zeit, El Pais, La Stampa, The Financial Times, The Guardian et Les Echos.

Google, juge et partie ?
A ce jour, 250 projets de 27 pays européens – sur 32 éligibles au fonds –ont bénéficié des financements du DNI pour un total de 51 millions d’euros. Il reste donc encore les deux tiers de l’enveloppe à distribuer. La gouvernance du fonds – lequel est dirigé par le Français Ludovic Blecher (photo), ancien directeur du Finp – est assurée par une équipe projets (project team) et par un conseil (council). L’équipe projets est composée de six personnes provenant pour moitié de chez Google et pour l’autre moitié d’experts extérieurs. C’est eux qui reçoivent les projets et disent si les dossiers sont éligibles ou pas, en fonction de trois principaux critères : l’impact sur l’écosystème de l’information (impact positif significatif sur la production journalistique originale, création de nouveaux flux de revenus, voire changement dans la manière dont le public consomme l’information numérique), l’innovation et l’utilisation de la technologie (utilisation technologique de façon innovante et transformatrice pour l’éditeur et les utilisateurs),
et la faisabilité (business plan, indicateursclés de performance et identification des risques).
Cette project team est amenée à approuver le financement des projets
« prototypes » et « intermédiaires », mais aussi formuler des recommandations auprès du conseil du fonds qui se réunit pour sélectionner les dossiers d’« envergure ». Ce conseil, présidé par le Portugais João Palmeiro (2), compte treize membres – parmi lesquels siège le Français Bruno Patino (3). Le fonds DNI intervient ainsi selon trois modes de financement, qu’il s’agisse de projets « prototype » (jusqu’à 50.000 euros d’aide), de projets « intermédiaire » (jusqu’à 70 % du budget total dans la limite d’une aide maximale de 300.000 euros), ou de projets d’ « envergure » (là aussi jusqu’à 70 % du projet, mais dans la limite cette fois de 1 million d’euro). Cela va sans dire : l’obtention d’un financement de Google n’est en rien conditionné à l’utilisation de ses produits et services… Mais en utiliser peut-il influencer la décision du jury, dans la mesure où l’on retrouve trois salariés du géant du Net dans l’équipe projets et deux autres dans le conseil (4) ?
D’après le bilan dressé par Ludovic Blecher le 7 mars devant le Groupement des éditeurs de contenus et services en ligne (Geste), le premier appel à projets en 2015
a permis de recueillir pas moins de 1.236 projets de candidatures, dont seulement 128 ont été sélectionnés dans 23 pays pour un total de 27 millions d’euros d’aide financière. Tandis que le deuxième appel à projets en 2016 a suscité 858 projets pour 124 retenus et aidés à hauteur de 24 millions d’euros.
Les projets soutenus par le fonds DNI peuvent être nationaux (la plupart des cas) mais aussi pan-européens (pour quelques uns). Les nouvelles technologies telles que la réalité virtuelle, l’intelligence artificielle, les chatbots, la blockchain, l’audio, ou encore la data, sont présentes dans bon nombre de projets, lesquels sont censés aboutir d’ici un à deux ans. Par exemple, à l’issue du deuxième appel à projets, La Nouvelle République du Centre-Ouest est aidée pour adapter ses articles sur Google AMP, une technologie open source permettant d’accélérer l’affichage des pages web sur mobile. Le quotidien suisse Le Temps a, lui, été aidé pour son robot (bot) Zombie qui propose des articles intemporels de ses archives à la republication en fonction de l’actualité. Le quotidien allemand Berliner Zeitung table de son côté sur le fact-cheking pour permettre à sa rédaction de faire du data-journalisme. Autre exemple : le site d’information français Slate.fr, il a obtenu un financement pour son baromètre graphique Slatedata.

Certaines dépenses écartées
Les éditeurs intéressés – grand, petit, start-up, pure player, projet individuel, projet collectif, … – peuvent déposer leur dossier en ligne (5) ou contacter directement le fonds (6). Google débloque 30 % de l’aide financière lors de la signature du contrat, sachant que les dépenses marketing peuvent être couvertes jusqu’à 20 % mais que les locations de bureau, les fournitures, les voyages et les dépenses de propriété intellectuelle ne le sont pas. @

Charles de Laubier

Libre circulation des données et souveraineté numérique dans le nuage : le prochain rendez-vous

La Commission européenne prône la libre circulation des données dans le nuage informatique par suppression des restrictions injustifiées de localisation nationale, lesquelles morcèlent le marché unique numérique. Mais cette politique favorise-t-elle vraiment l’émergence d’un « cloud européen » ?

Par Christophe Clarenc (photo) et Martin Drago, cabinet Dunaud Clarenc Combles & Associés

Dans le cadre de sa stratégie de marché unique du numérique (1), la Commission européenne a annoncé le 19 avril dernier un plan de mesures en vue du passage au numérique de l’industrie européenne (2) comportant en particulier une « initiative pour la libre circulation des données » visant à éliminer les restrictions nationales injustifiées et à harmoniser la libre circulation des données européennes – autres que les données personnelles
(3) – dans le nuage informatique.

Nuage européen sous pavillon américain
Attendue pour début 2017 sous la forme d’une proposition législative, cette initiative
de la Commission européenne s’inscrit dans sa politique de construction d’un « cadre favorable à un marché unique des données massives et de l’informatique en nuage » répondant aux enjeux et conditions précédemment identifiés dans ses communications du 29 septembre 2012 (« Exploiter le potentiel de l’informatique en nuage ») et du 2 juillet 2014 (« Vers une économie de la donnée prospère ») et dans le rapport intermédiaire « Trusted Cloud Europe » (TCE) remis le 18 mars 2014 (4). Trois grands enjeux combinés étaient identifiés : le positionnement européen dans les infrastructures et l’offre de services en nuage ; les normes de confiance, les certifications de conformité et les conditions contractuelles applicables aux services en nuage ; et les exigences réglementaires ou contraintes prudentielles de localisation nationale des données restreignant la libre circulation de ces dernières dans le nuage.
Dans sa communication de 2012 sur le cloud, la Commission européenne soulignait tout d’abord l’enjeu des capacités et services de l’informatique en nuage dans le développement de l’économie du traitement massif des données et l’intérêt stratégique de positionner l’Europe à l’avant-garde et en acteur mondial du côté de l’offre de capacités et de services en nuage. Dans sa communication de 2014 sur la data, elle qualifiait l’informatique en nuage d’« infrastructure essentielle pour une économie de
la donnée » (voir encadré page suivante) et relevait le retard et le défi capacitaires de l’Europe, par rapport aux Etats- Unis, dans la concurrence mondiale. Elle évoquait également la question de « la souveraineté des données européenne dans le nuage » devant les possibilités « de surveillance par des acteurs publics ou privés » (référence implicite à la soumission et à la participation des grands fournisseurs de services numériques américains aux programmes extraterritoriaux de surveillance et de renseignement des autorités américaines autorisés par le FISA (5)). Ainsi que le montrent les dernières études du marché (6), le nuage européen est plus que jamais sous exploitation américaine – et ainsi sous juridiction extraterritoriale américaine : Amazon Web Services, Microsoft, Google et IBM (les « Big Four » du cloud), dominent largement les capacités européennes (avec des centres de données principalement installés au Royaume- Uni, en Allemagne, aux Pays-Bas et en Irlande), transatlantiques et mondiales d’hébergement distant et chacun des types et modèles de services en nuage. Dans sa communication de 2012, la Commission européenne soulignait ensuite l’enjeu et les conditions de la confiance dans les services en nuage au regard de la responsabilité des fournisseurs, de la jungle des normes et du déséquilibre des contrats dans le nuage, ainsi que du morcellement du marché unique. Ces difficultés tiennent à la diversité des cadres juridiques nationaux et aux incertitudes concernant en particulier la localisation, la propriété et la sécurité des données dans le nuage. La Commission européenne relevait « l’incidence majeure » de la localisation des données sur le cadre juridique applicable et la forte préoccupation de transparence et de conformité des utilisateurs à cet égard à l’endroit de leurs données sensibles. Elle identifiait – dans la confusion des normes et le déséquilibre des contrats – le risque de nuages ne garantissant pas aux utilisateurs la responsabilité, la sécurité, la réversibilité et la portabilité des données hébergées.

Confiance dans le nuage
La communication de 2012 appelait à l’élaboration, pour les services en nuage, de règles de conformité et de dispositifs de certification permettant aux utilisateurs d’utiliser et de choisir en confiance ces services au regard de leurs propres exigences. Dans sa communication de 2014, la Commission européenne annonçait des « actions concernant la transparence des normes, la certification volontaire à l’échelle de l’UE
et des conditions contractuelles sûres et justes pour les utilisateurs » sur la base des recommandations du rapport TCE. Dans ses mesures présentées en avril dernier, elle annonce une « accélération » de l’élaboration de normes communes pour l’informatique en nuage.

Barrières dans le nuage
Enfin, c’est dans sa communication de 2014 que la Commission européenne a abordé et orienté l’enjeu de la circulation des données européennes dans le nuage, sur la base également des recommandations du rapport TCE. Le rapport TCE a dressé une typologie des exigences de localisation des données au sein des Etats membres, présentées comme des barrières réglementaires au développement des services en nuage, en appelant à une élimination des exigences injustifiées et à une harmonisation fondée sur un principe de libre circulation des données dans le nuage à l’intérieur et l’extérieur des frontières de l’UE. Cette typologie est classée par types d’organes prescripteurs (pouvoirs législatifs et réglementaires, autorités de régulation et de supervision, associations professionnelles), par types d’exigences (protection des données personnelles, protection des droits de propriété intellectuelle, confidentialité des données, sécurité des systèmes d’information, exercice des pouvoirs de supervision et de contrôle, souveraineté nationale, sécurité nationale, prévention contre les lois et juridictions étrangères, règles des marchés publics), et par grands secteurs concernés (secteur public, fiscalité, santé, médias, services bancaires et financiers, archives, industrie et consommation).
Dans sa communication de 2014, la Commission européenne a relevé que « dans plusieurs secteurs, les exigences applicables à la localisation des données limitent le flux transfrontière des informations et font obstacle à un marché unique de l’informatique en nuage et des données massives ». Sa communication de 2015 de stratégie de marché unique du numérique (7) a pointé comme restrictives ces exigences des Etats membres de localisation et de conservation des données sur leur territoire, notamment en ce qu’elles « contraignent les prestataires de services en nuage à construire de coûteuses infrastructures locales dans chaque région ou pays », et annoncé son initiative à l’encontre de ces restrictions et pour une libre circulation des données européennes dans le nuage. La Commission européenne a également affiché son intention d’utiliser les négociations commerciales internationales en cours pour éliminer et prévenir ces « nouvelles formes de protectionnisme numérique » (un rapport remis au gouvernement français en avril 2016 par l’IGF et le CGI (8) démontre tout le déséquilibre et le risque d’une telle démarche). On peut ainsi anticiper que son initiative attendue – d’élimination des exigences injustifiées d’hébergement localisé des données pratiquées au sein des Etats membres pour une libre circulation intraeuropéenne et transatlantique de ces données dans le nuage – sera à tout le moins conforme aux attentes et intérêts du « nuage américain » (clairement exprimés dans les positions publiées par l’US Chamber of Commerce et par DigitalEurope).
La France et l’Allemagne ont engagé de leur côté une politique d’offre et de certification de services en nuage souverains (9) La France a lancé une offre de services souverains à travers le projet « Andromède », dont sont issues les offres actuelles de Cloudwatt (Orange) et Numergy (SFR). OVH propose également aujourd’hui une telle offre sur la base de ses capacités installées et administrées en France. L’Allemagne revendique également un « Bundes Cloud » organisé notamment à partir d’une offre
« Cloud Germany » de Microsoft appuyée sur deux centres de données de Microsoft
en Allemagne, avec garantie d’hébergement localisé et sécurisé des données sensibles et administration sous le contrôle d’un tiers de confiance (en l’espèce T-Systems International).

Nuage « souverain »
La France (ANSSI (10)) et l’Allemagne (BSI (11)) collaborent par ailleurs à la mise en place d’un référentiel de sécurité élevé et d’une certification de confiance pour les services en nuage (Cloud Secure) qui pourraient exiger une localisation nationale et/ou européenne des données sensibles et de leurs centres d’hébergement (12). Les débats dans le nuage ne sont pas clos. @

ZOOM

Portée de la directive européenne « SRSI » de juillet 2016
L’informatique en nuage a également été regardée comme une infrastructure critique par la directive européenne sur la sécurité des réseaux et des systèmes d’information (« SRSI ») dans l’Union européenne (UE), adoptée le 6 juillet dernier (13) et applicable
à certains fournisseurs de services numériques, dont les fournisseurs de services d’informatique en nuage, et aux relations entre ces fournisseurs et les opérateurs de services essentiels au fonctionnement de l’économie et de la société (les « opérateurs d’importance vitale » au sens du droit français). Cette directive « SRSI », dont l’ANSSI portera la transposition en France d’ici mai 2018 (14), prescrit aux Etats membres de se doter d’une stratégie et de moyens en vue de garantir un niveau élevé de sécurité (15) sur leur territoire. @

Il y a 10 ans, Google s’emparait de YouTube – prochaine cible de la Commission européenne ?

Le numéro un mondial des plateformes vidéo YouTube – quasi monopole, malgré Dailymotion – fera-t- il l’objet d’un quatrième front de la Commission européenne contre Google ? Comme le moteur de recherche, l’écosystème Android et la publicité en ligne, la vidéo est aussi en position dominante.

Sur le premier front, Google est accusé – depuis avril 2015
et dans le cadre d’une enquête ouverte par la Commission européenne en 2010 – d’abus de position dominante sur son moteur de recherche qui favoriserait dans les résultats des requêtes ses propres services. Griefs que Kent Walker (photo), vice-président et directeur juridique de Google, a rejetés le 3 novembre dernier (1).

Un quatrième front anti-trust ?
Sur le deuxième front, Google est accusé – depuis avril 2016 et dans le cadre d’une enquête ouverte par la même Commission européenne en 2015 – d’abus de position dominante sur son système d’exploitation Android qui serait anti-concurrentiel vis à vis des applications tierces. Grief que là aussi Kent Walker a rejetés la semaine suivante, le 10 novembre (2). Sur ces deux premiers fronts, l’exécutif européen a confirmé avoir reçu à ces deux dates les réponses respectives de Google. Dans le Search (moteur de recherche), la firme de Mountain View s’accapare plus de 90 % des requêtes. Avec Android (système d’exploitation), elle s’arroge plus de 80 % de parts de marché des smartphones. Si les deux premières infractions étaient avérées, la filiale de la holding Alphabet – créée il y a un an (en octobre 2015) – risque de se voir infliger une amende pouvant atteindre 10 % du chiffre d’affaires du groupe, soit près de 7,5 milliards de dollars (plus de 6,5 milliards d’euros). A ce stade, la commissaire européenne à la Concurrence, Margrethe Vestager, pense qu’il y a violation des règles anti-trust au détriment des consommateurs et de l’innovation. Quant au directeur juridique de Google, Kent Walker, il réfute ces deux accusations.
Et en juillet dernier, la Commission européenne a ouvert un troisième front. Cette fois, c’est la publicité en ligne de Google qui est dans le collimateur – en particulier sa régie publicitaire AdSense qui est accusée de restreindre, via sa plateforme d’intermédiation entre éditeurs, annonceurs, médias et opérateurs télécoms (3), la possibilité de sites web tiers d’afficher les publicités contextuelles des concurrents du géant du Net. Son autre régie publicitaire, AdWords, fait elle aussi de plaintes de la part des concurrents de Google. Ensemble, AdSense et AdWords fournissent l’essentiel de ses revenus.
Sur le marché de l’intermédiation publicitaire liée aux recherches, Google est en position dominante avec une part de marché d’environ 80 %. Cette fois, Kent Walker n’a pas encore répondu mais cela ne saurait tarder car en juillet le géant du Net avait promis de répondre en « quelques semaines ». Mais ces trois enquêtes menées de front contre la multinationale dirigée par Larry Page, Sergey Brin, Eric Schmidt (à la tête d’Alphabet) et Sundar Pichai (PDG de Google), les trois communications de griefs étant formellement adressées à la maison mère et à sa filiale, ne concernent pas – pour l’instant ? – une autre très importante filiale de cet empire américain du Net : YouTube. Est-ce à dire que la première plateforme mondiale de partage vidéo, rachetée à prix d’or il y a dix ans maintenant par Google (4) et devenue un quasi monopole dans son domaine, n’a rien à se reprocher vis à vis de la concurrence ? Rien n’est moins sûr.
Si la Commission européenne se focalise sur le moteur de recherche, le système d’exploitation et la publicité en ligne, rien ne l’empêcherait s’élargir ses enquêtes à la plateforme vidéo.
D’autant que YouTube bénéficie largement des retombées des requêtes de recherches sur Google, de sa mise en avant sur le système d’exploitation Android et des retombées publicitaire de AdSense. En juillet, la Commission européenne a notamment formulé des griefs à propos « AdSense for Search » qui est la plateforme d’intermédiation publicitaire liée aux recherches (5). Or, cette plateforme existe aussi pour YouTube (AdSense for Search sur YouTube) qui permet d’afficher des liens sponsorisés en surimpression d’une vidéo produite par un internaute ou par un éditeur (6). De même, s’il y a « AdSense for Content » qui est la plateforme d’intermédiation pour afficher des bannières sur le site web d’un éditeur tiers, la déclinaison AdSense
for Content sur YouTube existe aussi avec les fameuses publicités vidée en pre-roll (7).

5 milliards de dollars en 2016
« La recherche mobile et la vidéo propulsent notre activité centrale de publicité. Les revenus de YouTube continuent d’augmenter à une vitesse très importante, soutenus principalement par la publicité vidéo », s’est enthousiasmée Ruth Porat, directrice financière d’Alphabet et de Google, lors de la présentation des résultats du troisième trimestre, le 28 octobre. Selon eMarketer, YouTube (dont Google ne dévoile jamais les revenus) devrait franchir cette année la barre des 5 milliards de dollars de chiffre d’affaires (8). @

Charles de Laubier

En pleine crise de la quarantaine, Apple – la marque à la pomme – lutte contre le blettissement

Fondé en avril 1976 par Steve Jobs dans la maison familiale de Los Altos (Californie), Apple – qui devint une société en janvier 1977 – est en pleine crise
de la quarantaine. La marque à la pomme va devoir mûrir sans devenir… blette, en misant sur les services en ligne pour compenser la chute des ventes d’iPhone.

Apple est en passe d’être déchu du titre de première capitalisation boursière mondiale. Alphabet, alias Google,
a déjà réussi par deux fois depuis le début de l’année de relégué la marque à la pomme en seconde position. Le 26 mai dernier, la valorisation boursière d’Apple était de 550 milliards de dollars (à 100 dollars l’action), contre 505 milliards de dollars (à 736 dollars) pour la maison mère de Google. Le fabricant d’iPhone a quand même perdu pas loin d’un tiers de sa valeur par rapport aux 130 dollars atteints durant l’été 2015 (1). Cette « spirale baissière », comme disent les analystes financiers, risque de se poursuivre.

La pomme croquée par la concurrence
Au premier trimestre de l’année, troisième de son année fiscale, la firme de Cupertino affiche la première baisse des ventes de l’iPhone depuis son lancement en 2007 et accuse aussi le premier recul de son chiffre d’affaires global depuis treize ans. Résultat : sur les six premiers mois de son exercice en cours, le chiffre d’affaires de 126,4 milliards de dollars est inférieur de 4,6 % par rapport à la même période il y a un an. Tandis que les ventes du smartphone sont tombées à 125.972.000 unités, toujours d’octobre 2015 à mars 2016, soit une baisse de 7,1 % par rapport à la même période il y a un an. Pire : le recul des ventes se constate aussi pour les tablettes iPad, en chute de 22,5 % à 26.373.000 unités sur les six mois, et pour les ordinateurs Mac, en baisse de 7,8 à 9.346.000 unités sur la même période.
S’agit-il d’une « pause », comme aimerait le croire Tim Cook (photo), le directeur général d’Apple, ou bien est-ce le début de la fin de l’heure de gloire de la marque à la pomme ?
A force de voir ses parts de marché grignotées, Apple n’aura jamais aussi bien porté son logo qui représente une pomme sérieusement entamée, croquée… Et c’est comme si le groupe dirigé par Tim Cook depuis bientôt cinq ans subissait aujourd’hui le véritable contrecoup de la mort de Steve Jobs intervenue en octobre 2011. L’esprit d’innovation semble s’être éloigné de l’entreprise. A moins que Tim Cook ne réussisse à prouver le contraire à la conférence mondiale des développeurs d’Apple, qui se tiendra du 13 au 17 juin. Lancée il y a un an, en avril 2015, la montre connectée Apple Watch ne semble pas rencontrer le succès escompté (2). Aucun chiffre de ventes n’a – pour l’heure… – été donné par le groupe. Selon la cabinet IDC, Apple a reculé à la troisième place mondiale pour les ventes de « wearable » dont font partie les montres connectées – derrière l’américain Fitbit et le chinois Xiaomi.
Si l’iPhone reste le produit-phare d’Apple, il pourrait fêter ses dix ans d’existence l’an prochain dans une ambiance morose. Et il n’y a pas grand chose à attendre du prochain iPhone 7, attendu en septembre, pour lequel les « Applemaniques » reportent leurs achats au détriment des iPhone 6 et SE.
Tout le défi de la marque à la pomme va être de mûrir sans devenir blette. Certes, la situation de l’entreprise n’a rien d’inquiétant pour l’instant. L’activité fait encore bonne figure, malgré un net ralentissement ces derniers mois : 233,7 milliards de dollars de chiffre d’affaires générés lors de la dernière année fiscale (close fin septembre 2015), pour un bénéfice net de 53,3 milliards de dollars.
Après les « révolutions technologiques » de l’ordinateur Mac dans les années 1980
et de l’iPhone des années 2000, la marque à la pomme est en quête d’une troisième innovation de grand ampleur. Il est peut probable qu’elle se trouve dans la télévision ou l’automobile, deux produits de grande consommation déjà largement utilisés depuis des décennies.

Déstabilisation par la Chine
En attendant de trouver le nouveau Graal technologique, Apple investit dans les innovations des autres. C’est le cas dans la société chinoise Didi Chuxing (ex-Didi Kuaidi), qui édite une application de réservation de véhicules de transport avec chauffer (VTC) de type Uber et de covoiturage. En y injectant 1 milliard de dollars (3), la firme de Cupertino mise sur un possible relais de croissance futur provenant de la Chine où elle rencontre des difficultés en raison de restrictions réglementaires : selon le New York Times, ses services en ligne de livres iBooks et de films iTunes Movies ont récemment dû être fermés sur décision des autorités chinoises. Pourquoi tant d’intérêt pour l’Empire du Milieu ? Parce qu’il s’agit là du second plus grand marché d’Apple, après les Etats-Unis – en attendant de conquérir l’Inde où Tim Cook vient de se rendre mais peine à se lancer. Mais les fabricants chinois de smartphones tels que Huawei et Xiaomi lui donnent du fil à retordre. Investir dans Didi est aussi un moyen pour Tim Cook de mieux connaître les géants chinois du Net (4) comme Tencent et Alibaba qui soutiennent aussi Didi (5), lequel compte 300 millions d’utilisateurs. Le service de paiement mobile Apple Pay, lancé en février en Chine, pourrait profiter de cet investissement. Les ambitions de la marque à la pomme dans la voiture autonome
– dans le prolongement de sa voiture connectée CarPlay – pourrait aussi tirer partie
de cette alliance chinoise.

Virer Tim Cook et faire des acquisitions ?
Cet investissement dans Didi semble en outre donner le coup d’envoi de la diversification stratégique du premier « A » de GAFA vers plus de services en ligne. Après iTunes, Apple Music (6) (*) (**) et Apple Pay, le groupe californien donne un coup d’accélérateur vers les plateformes numériques et l’économie du partage. A terme,
les ordinateurs, les smartphones et les tablettes qu’il fabrique pourraient devenir secondaires. D’autant que la concurrence fait rage entre les nombreux fabricants de terminaux mobiles, avec des baisses de tarifs et de marges significatives malgré des performances toujours accrues. Si l’iPhone a assuré en près d’une décennie la rentabilité du groupe de Cupertino, cela ne devrait plus être le cas à l’avenir. IBM n’a-t-il pas pris le virage des services informatiques dans les années 1990 pour retrouver des marges financières que Big Blue avait perdu en tant que fabricant d’ordinateurs de moins en moins coûteux ? Apple est en passe de subir le même sort, comme l’illustre la progression de 20 % de ses revenus trimestriels dans les services (Apple Store, Apple Music, iCloud, Apple Pay, …). Mais la concurrence est rude, face à Spotify, Google ou encore Microsoft.
La planche de salut de la multinationale californienne peut aussi se trouver du côté de la santé (7) : n’a-t-elle pas recrutée dans ce domaine Yoki Matsuoka, d’origine japonaise et spécialiste de la « neurobotique », qui fut une co-fondatrice du laboratoire futuriste de Google (X Lab) ? La réalité virtuelle pourrait aussi constituer un avenir pour Apple, voire l’intelligence artificielle.
Au 31 mars dernier, Apple détient une trésorerie colossale de 232,9 milliards de dollars ! Ce qui lui laisse une marge de manœuvre considérable pour faire des acquisitions, voire des méga-acquisitions. Car à défaut de pouvoir continuer à faire rêver en développement ses propres produits ou plateformes, il reste à racheter ceux des autres. En un an, Apple a acquis pas moins d’une quinzaine d’entreprises – la plupart des start-up.
A moins de trouver un nouveau Steve Jobs. Un analyste de Global Equities Reseach propose même de se « débarrasser » de Tim Cook, de son directeur financier Luca Maestri et de sa directrice des ventes Angela Ahrendts ! « Débarrassez-vous de ces trois personnes, et Apple reviendra à sa gloire passée », estime-t-il (8), tout en prônant le recrutement de Jon Rubinstein, exdirigeant de la division iPod, comme nouveau DG d’Apple, ainsi que de Fred Anderson comme nouveau directeur financier, ayant déjà occupé ce poste par le passé.

« Tim Cook a fait du bon boulot », avait pourtant assuré l’investisseur Carl Icahn qui
a annoncé fin avril avoir vendu toutes ses actions Apple en réalisant au passage une plus-value de 2 milliards de dollars… Ce ne serait pas l’équipe dirigeante d’Apple qui poserait problème, selon le milliardaire américain, mais plutôt la Chine dont le ralentissement économique et les décisions réglementaires ont un impact direct sur les ventes du fabricant californien. Ce qui n’effraie pas un autre milliardaire, Warren Buffet, qui a annoncé mi-mai son entrée – via sa holding Berkshire Hathaway – au capital d’Apple pour plus de 1 milliards de dollars…
Une chose est sûre : le marché chinois des smartphones est arrivé à saturation, ce
qui a un impact direct sur les ventes mondiales de ces terminaux mobiles multimédias. Selon le cabinet d’études Strategy Analytics, elles ont baissé de 3 % au premier trimestre de cette année. Si le fabricant corée Samsung reste le numéro un mondial du smartphone avec 79 millions d’unités vendues sur les trois premiers mois de l’année (en baisse de 4,5 %) pour une part de marché de 23,6 % (contre 24 % un an avant), Apple demeure en seconde position avec 51,2 millions d’unités (en chute de 16 %) pour une part de marché de 15,3 % (contre 17,7 % un an avant). Cette érosion des ventes de smartphone est également constatée par le cabinet IDC, pour se retrouver à un
peu plus de 334 millions d’unités au total sur ce même trimestre. Si le chinois Huawei conforte sa position de troisième fabricant mondial de smartphones, il est rejoint pour
la première fois pas deux autres de ses compatriotes que sont les chinois Oppo et Vivo en respectivement quatrième et cinquième places. Dans le « Top 5 » des smarphones, Apple fait ainsi figure d’intrus parmi tous ces asiatiques…

Les 10 ans de l’iPhone dans le nouveau QG ?
Quoi qu’il en soit, l’iPhone fêtera ses dix ans en 2017 et la firme de Cupertino intègrera son nouveau quartier général circulaire pharaonique sur 70 hectares et 260.000 m2 – dont le budget a explosé de 3 à 5 milliards de dollars en trois ans… @

Charles de Laubier

Droit à l’oubli : la capitulation de Google est-elle une victoire totale pour la Cnil et les internautes ?

Malgré des avancées de Google début mars dans la mise en oeuvre du droit à l’oubli, lui et tous les autres moteurs de recherche continuent d’avoir une large marge d’appréciation pour décider de donner – ou non – une suite favorable à la demande d’un internaute de rendre inaccessibles des pages le concernant.

Par Katia Duhamel, expert en droit et régulation des TICs

Face aux pressions de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) qui l’a mis en demeure
en juin 2015 (1) très fermement d’appliquer le droit à l’oubli pour toutes les extensions de son moteur de recherche
sans se limiter à l’Europe (.fr, .es, .uk, …), Google semble enfin consentir à faire un pas en avant en acceptant de restreindre l’accès aux pages web dites URL (2) dont le déréférencement lui a été demandé. Et ce, sur tous les domaines de recherche Google, y compris google.com. Il s’est également engagé à mettre en oeuvre ce changement rétroactivement, à toutes les pages qu’il a déjà déréférencées à la suite de la décision de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) de mai 2014 (3). Cela n’a pas empêché Google de se voir infliger le 24 mars dernier par la Cnil une amende de 100.000 euros pour non respect de la mise en demeure de l’an dernier (voir https://lc.cx/Google100K€).

La longue résistance de Google
Le droit à l’oubli trouve un lointain ancêtre dans les lois d’amnistie ou le principe de prescription qui impose dans certaines circonstances de taire publiquement les fautes et les peines des citoyens, pour garantir paix et cohésion sociales (4). En revanche, la revendication individuelle « d’être oublié », rattachée aux règles de protection de la vie privée, n’a trouvé un écho important dans nos sociétés qu’avec l’explosion des usages numériques.
En France, où la loi « Informatique et libertés » prévoit un droit à l’accès et à la rectification des données ainsi qu’une durée de conservation, il est question, à partir
de 2009, d’inscrire le « droit à l’oubli numérique » dans la Constitution, à l’instar d’autres pays européens. Ainsi, à titre d’exemple, le tribunal constitutionnel fédéral allemand a reconnu un droit « à l’autodétermination informationnelle » dès 1983. En 2010, des publicitaires et des réseaux sociaux signent la charte française du « droit l’oubli numérique », mais ni Facebook ni Google n’y adhèrent. En mai 2014, la décision de la CJUE précitée ouvre largement la brèche en se fondant sur un article de la directive européenne « Protection des données personnelles » de 1995 pour exiger
de Google le déréférencement d’articles de presse remontant à 1998 et mentionnant
la vente sur saisie des biens appartenant au requérant, à l’époque lourdement endetté (5). Enfin, le projet de règlement européen sur la protection des données, qui n’est pas encore en vigueur mais dont la rédaction est aujourd’hui stabilisée, intègre plus explicitement un « droit à l’oubli ». Celui-ci prévoit que lorsqu’un individu ne souhaite plus que les données qui le concernent soient traitées, et dès lors qu’aucun motif légitime ne justifie leur conservation, ces données soient supprimées. Sous l’apparence de se plier à la décision de la CJUE et à grand renfort de communication médiatique, Google met en place dès mai 2014 un formulaire permettant aux internautes de demander le déréférencement de certaines données. De manière soit arbitraire, soit aléatoire, certains obtiennent de voir leur demande satisfaite, d’autres pas. Par ailleurs, Google choisit de ne prendre en considération les demandes des ressortissants de l’UE qu’en se limitant aux extensions européennes de son moteur de recherche. S’il est envisageable d’obtenir le déréférencement sur les sites européens du moteur de recherche, Google refuse de rendre inaccessibles les liens incriminés sur google.com.
Il suffit donc de surfer sur le site américain, pour retrouver toutes les données non accessibles sur les pages européennes et ainsi contourner le droit de l’Union européenne (8).

Pouvoir de sanction de la Cnil
La manœuvre excède la Cnil qui, le 21 mai 2015, prend une décision mettant en demeure la société Google de satisfaire, sous quinzaine, les demandes d’exercice
du droit à l’oubli sur toutes les extensions de son moteur de recherche. Google n’obtempère pas. Au contraire, en juillet, l’entreprise dépose un recours gracieux demandant le retrait de cette mise en demeure (9). Le 21 septembre 2015, la Cnil, soutenue par toutes les autorités européennes de protection des données personnelles, rejette le recours gracieux et somme le moteur de recherche de se conformer à la mise en demeure sous peine de sanction. La Cnil, qui peut imposer une amende d’un montant maximal de 150.000 euros, et, en cas de récidive, jusqu’à 300.000 euros, a donc finalement mis à exécution sa menace le 24 mars dernier : il en coûtera 100.000 euros à Google. L’Assemblée nationale a récemment adopté un amendement au projet de loi « République Numérique » qui pourrait porter le montant de ces amendes jusqu’à 20 millions d’euros ou à 4 % du chiffre d’affaires annuel mondial d’une entreprise si ce montant est plus élevé.

Là où le bât blesse encore
Le 4 mars dernier, sans doute plus soucieux de sa réputation qu’inquiet des menaces de sanctions pécuniaires qui ne représentent pas grand-chose pour le géant américain, Google annonce par la voix de son conseiller sur les questions relatives à la vie privée, Peter Fleischer : « A partir de la semaine prochaine, en plus de nos pratiques existantes, nous utiliserons également un signal de géolocalisation (comme une adresse IP) pour restreindre l’accès aux pages URL qui ne sont plus référencées, sur tous les domaines de recherche Google, dont google.com. Ce sera valable pour toutes les recherches menées à partir d’un pays où une personne a requis le retrait de certaines pages ». Et il ajoute : « Nous appliquerons ce changement rétroactivement,
à toutes les pages que nous avons déjà déréférencées en raison de la décision de la Cour européenne » (10).
Certes, la capitulation de Google s’agissant de la mise en oeuvre du droit à l’oubli sur le site google.com est une victoire pour la Cnil comme pour les internautes. Néanmoins, Google a précisé fin novembre 2015 avoir reçu plus de 348.000 demandes d’internautes pour le faire appliquer, mais il aurait refusé d’effacer de ses résultats plus de la moitié des liens mis en cause. En effet, l’effacement des liens demandé n’est pas automatique. Pour être acceptée, une demande de suppression soumise via le formulaire de droit à l’oubli doit répondre à différents critères :
• Elle doit émaner d’un individu ayant la nationalité de l’un des États-membres de l’Union Européenne.
• Il doit d’agir d’un particulier et non d’une entreprise ou d’un personnage public (bien qu’environ un quart des demandes concerne des professionnels).Par « personnage public », on entend des professions telles que présentateur télé, journaliste, politicien, dirigeant de grande entreprise ou artiste connu.
• Les résultats dont l’on souhaite la suppression doivent être considérés comme
« inadéquats, pas ou plus pertinents ou excessifs au regard des finalités du traitem-
ent ». Ce qui implique de justifier ces éléments auprès du moteur de recherche. Le 28 novembre 2014, la Cnil a communiqué treize critères permettant de bénéficier du droit
à l’oubli (11). Chacun de ces critères s’applique dans le respect des principes dégagés par la CJUE et en particulier à la lumière de « l’intérêt du public à accéder à l’information ».
La doctrine de la Cnil en la matière reflète la traditionnelle tension entre le désir d’oubli et le souhait de mémoire de nos sociétés, entre le droit à l’information – voire la liberté d’expression – et le droit au respect de la vie privée. Plus qu’une opposition entre les divers droits existants, il s’agit d’une conciliation et d’une recherche d’équilibre délicats. Il existe déjà une jurisprudence plutôt abondante, notamment via la CJUE et la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), concernant la conciliation des droits fondamentaux : par exemple concernant la conciliation du droit à l’information et du droit à la protection de la vie privée. Il est par ailleurs certain que l’Europe cultive un fort tropisme à l’égard du respect de la vie privée alors que la tradition juridique aux Etats-Unis est plus nettement en faveur de la liberté d’expression.
Si cette question n’est donc pas nouvelle, ce qui est inédit avec Internet c’est que la détermination délicate de cet équilibre revient au premier chef aux moteurs de recherche qui décident in fine de retirer ou pas les liens signalés. Face à ce pouvoir inédit des moteurs de recherche, l’internaute qui voit sa demande de déréférencement refusée peut certes, en France, porter plainte devant la Cnil pour faire valoir ses droits, la Cnil étant l’autorité administrative compétente pour juger les affaires liées aux données personnelles. Il peut également porter la question devant une juridiction de droit commun. A titre d’exemple, Google a été condamné pour la première fois en France par le tribunal de grande instance (TGI) de Paris par une ordonnance de référé du 19 décembre 2014 (12) pour avoir refusé une demande de déréférencement.

Recours possibles devant le tribunal
Une internaute avait constaté qu’une recherche sur Google avec son nom et son prénom renvoyait comme premier résultat vers un article du Parisien évoquant sa condamnation pour escroquerie à une peine de trois ans de prison, dont trois mois ferme, qui datait de 2006. L’entreprise américaine avait refusé de procéder à cet effacement. La plaignante s’était donc tournée vers la justice et a obtenu gain de cause, le TGI de Paris ayant finalement ordonné au géant du Net de retirer sous dix jours ces liens dans ses résultats de recherche. @