Le cuivre fait de la résistance face à la fibre : le succès du VDSL2 freine les abonnements au FTTH

Il y a en France autant de « logements éligibles » – raccordables mais pas forcément abonnés – au très haut débit sur ligne téléphonique (VDSL2) qu’il n’y en a pour la fibre optique jusqu’à domicile (FTTH) : plus de 5 millions chacun. Mais la première technologie compte bien plus d’abonnés que la seconde !

La technologie VDSL2 permettant du très haut débit sur ligne téléphonique de cuivre progresse en France. Selon l’Arcep, il y a aujourd’hui plus de 5,3 millions de lignes éligibles au VDSL2, soit une hausse d’environ 78.000 lignes lors du dernier trimestre comptabilisé en date (+1,5 %). Mieux : si l’on regarde sur un an l’évolution de cette technologie capable de remplacer l’ADSL par endroits, la hausse est alors de 450.000 lignes éligibles supplémentaires, soit un bond de près de 10 % en un an.

Free : 1,5 million d’abonnés VDSL2
Ainsi, au 31 décembre 2015, environ 11.500 noeuds de raccordement d’abonnés (NRA) – où sont situés les répartiteurs assurant les connexions – sont équipés en VDSL2 par au moins un opérateur télécoms, ce qui représente un taux de couverture d’environ 94,8 % des lignes du territoire (1). Autant constater que le VDSL2 fait autant, sinon mieux, que le FTTH en termes d’éligibilité sur l’Hexagone ! A preuve : jusqu’à récemment, il y avait plus de logements éligibles au très haut débit VDSL2 qu’il n’y avait de logements éligibles au très haut débit FTTH. Ce n’est en effet qu’au dernier trimestre 2015 que la fibre dépasse sur ce critère-là le cuivre (voir tableau ci-contre). Alors que la fibre optique a, depuis l’élection présidentielle de 2012, les faveurs du gouvernement pour amener le très haut débit auprès de la totalité de la population française d’ici à 2022, voici que la paire de cuivre téléphonique se dope discrètement de son côté pour proposer elle aussi jusqu’à 100 Mbits/s (2). A condition néanmoins que le foyer ne soit pas trop loin du répartiteur de l’opérateur télécoms, à savoir environ à 1.500 mètres maximum. La boucle locale de cuivre n’a pas fini de monter en puissance puisque Orange, l’opérateur historique chargé d’assurer la modernisation
du réseau téléphonique, crée régulièrement de nouveaux NRA encore plus proches des abonnés, c’est-à-dire avec une longueur des paires de cuivre réduite, afin d’augmenter le nombre de lignes éligibles à la montée en débit – via notamment le VDSL2 et à l’avenir le G.Fast. En effet, cette nouvelle norme ultra haut débit sur le dernier kilomètre de ligne téléphonique sera capable de multiplier les débits VDSL2 par 10 – soit à 1 Gbit/s en réception !
Pour l’heure, les concurrents d’Orange profitent de plus en plus du VDSL2. Par exemple, Free a annoncé en mars dernier lors de la présentation de ses résultats
2015 que tous ses NRA étaient maintenant équipés en VDSL2 et que 24 % de sa
base d’abonnés a désormais accès au très haut débit grâce à cette technologie. Près d’un quart d’un peu plus de 6,1 millions d’abonnés fixe Free au 31 décembre 2015,
cela fait presque 1,5 million d’entre eux qui bénéficient déjà du VDSL2 – contre seulement à peine plus de… 200.000 de ses abonnés en FTTH. Deux modèles de Freebox sont compatibles avec le VDSL2 : la « Revolution » et « Mini 4K ».
Résultat, sur la France : à nombre de logements éligibles équivalent pour le VDSL2
et pour le FTTH, force est d’en conclure que le nombre d’abonnés très haut débit sur cuivre est bien supérieur à celui des abonnés très haut débit sur fibre – ces derniers étant, selon l’Arcep (3), 1,4 millions à fin 2015. Free comptabilise ainsi autant d’abonnés VDSL2 que la France ne compte d’abonnés FTTH (4) ! Le réseau de cuivre fait de la résistance face aux prétentions de la fibre optique (5). Le cuivre ne rouille pas non plus… @

Charles de Laubier

Le peu d’abonnés à la fibre en France est tabou

En fait. Le 8 juillet, se sont tenues les 9e Assises du Très haut débit. Il a beaucoup été question de fibre optique qui doit constituer 80 % du très haut débit pour tous d’ici 2022. Mais la question du peu d’abonnés FTTH – 1 million – par rapport aux 4,3 millions de prises disponibles reste taboue.

En clair. « Le nombre d’abonnés à la fibre optique jusqu’à domicile ne cesse d’augmenter, ce qui est encourageant. Nous sommes sur une tendance de croissance des abonnements au FTTH [Fiber-To-The-Home, ndlr] irréversible. De plus, très peux de ces abonnés ne se désabonnent, car il y trouvent leur intérêt. Dès que nous aurons atteint un taux de transformation de 30 % contre 23 % aujourd’hui [entre le nombre de prises de fibre optique disponibles et le nombre d’abonnements],il y aura alors un effet d’entraînement », a expliqué Antoine Darodes, directeur de la Mission très haut débit,
à EM@, en marge des 9e Assises du Très haut débit. Devenu le 6 juillet directeur de
la nouvelle Agence du numérique, il s’est ainsi voulu rassurant en répondant à notre question sur le faible nombre d’abonnés FTTH en France par rapport aux prises pourtant disponibles. Le 16 juillet, le ministre Emmanuel Macron a d’ailleurs appelé les opérateurs à respecter leurs engagements. En effet, selon les chiffres de l’Arcep au 31 mars dernier (1), la barre du 1 million d’abonnés au FTTH vient à peine d’être franchies malgré plus de 4,3 millions de foyers desservis. Ce qui équivaut aux 23% de transformation évoqués par Antoine Darodes.

Curieusement, aux Assises du Très haut débit, personne n’a souligné le peu d’engouement des Français à s’abonner à la fibre optique. Comme si évoquer cette piètre performance française était tabou. Ce parc de 1 million d’abonnés à la fibre optique de bout en bout fait pour le moins pâle figure malgré les ambitions affichées par le gouvernement et le président de la République de raccorder tous les Français au très haut débit et à 80 % en FTTH d’ici à 2022. La fibre optique ne représente à ce jour que 3,9 % du total des 26,1 millions d’abonnés haut débit et très haut débit confondus. Et ce, malgré plusieurs années d’investissements de la part des opérateurs télécoms et une croissance à deux chiffres (Lire EM@119, p. 4). Pas de quoi pavoiser. Et encore, ce 1 million d’abonnés « FTTH » englobe aussi bien le FTTH proprement dit que le FTTO (Office pour bureaux d’entreprises) car le régulateur ne livre pas de répartition entre ces deux catégories d’abonnements… Finalement, les Français sont toujours satisfaits par leur réseau de cuivre ADSL qui évolue déjà par endroits vers le VDSL2. Cette technologie compte même plus de prises disponibles (5 millions) que n’en a le FTTH. C’est dire que l’extinction du cuivre (2) n’est pas pour demain ! @

L’enquête de Bruxelles plane sur Numericable coté

En fait. Le 8 novembre, l’action Numericable à 24,80 euros (au prix fort) a réussi son départ à la Bourse de Paris en gagnant près de 15 % au cours de cette première journée. Ce qui valorise le câblo-opérateur 3,5 milliards d’euros, lui permettant de lever plus de 650 millions d’euros pour se désendetter.

En clair. On est loin du bond de 92 % enregistré la veille à New York par l’action de Twitter le premier jour de cotation, mais quand même ! Si Numericable fait bonne figure malgré ses 2,75 milliards d’euros d’endettement (1) et la tendance baissière après la dégradation le jour même de la note souveraine de la France (2), c’est que les actionnaires du câblo-opérateur espèrent une fusion avec le groupe SFR l’an prochain lors de l’introduction en Bourse de ce dernier à la fin du premier semestre 2014. A moins que Bouygues Telecom ne se décide à lancer une offre sur Numericable… Quoi qu’il en soit, cet état de grâce, auquel contribuent Vodafone et Liberty Global qui s’emparent de deux autres câblo-opérateurs européens (respectivement Kabel Deutschland pour 7,7 milliards d’euros et Virgin Media pour 17 milliards), pourrait ne pas faire long feu. Une épée de Damoclès est en effet au-dessus de la holding Ypso du câblo-opérateur que détiennent les fonds Altice du fondateur Patrick Drahi (30 % contre 24 % avant l’introduction), Carlyle (26 % contre 37,5 %) et Cinven (18 % contre 37,5 %), le flottant étant à ce stade de 24 %.

Cette épée s’appelle la Commission européenne, laquelle a lancé le 17 juillet une enquête approfondie sur la possible aide d’Etat dont a bénéficié Numericable lors de la « cession à titre gracieux [au câblo-opérateur français entre 2003 et 2006] de réseaux câblés et de fourreaux opérée par 33 municipalités françaises » (3). C’est France Télécom, bien qu’il ne soit pas nommé, qui a porté plainte à Bruxelles par courrier du 26 janvier 2009 contre cet « avantage économique » donné à Numericable. Il s’agirait bien d’une aide d’Etat dans la mesure où la France n’a confié aucune obligation de service public au « câblo ». Bruxelles, qui a recueilli jusqu’au 17 octobre les observations des parties intéressées, doit encore rendre son verdict. « Le groupe conteste fermement l’existence d’une quelconque aide d’Etat », se défend Numericable dans son prospectus publié par l’AMF le 18 septembre. Et de prévenir plus loin : « Si le groupe perd une partie de son statut d’opérateur sur une partie de son réseau, (…) ou s’il doit donner accès à son réseau à ses concurrents à des conditions économiquement non satisfaisantes, cela pourrait avoir une incidence défavorable significative sur son activité, ses résultats d’exploitation et sa situation financière ». @

Concurrence par les infrastructures : mobile et fixe ?

En fait. Le 11 mars, l’Autorité de la concurrence a rendu son avis sur les
conditions de mutualisation et d’itinérance sur les réseaux mobile : au nom
de la « concurrence par les infrastructures », l’accord d’itinérance entre France Télécom et Iliad ne doit pas être prolongé au-delà de 2016 ou 2018.

En clair. L’Autorité de la concurrence a d’emblée motivé son avis en « réaffirm[ant]
son attachement à la concurrence par les infrastructures ». Bien que l’avis du 11 mars
ne porte que sur les réseaux mobile, les sages de la rue de l’Echelle évoquent plus largement, en introduction, le « paradigme » de la concurrence par les infrastructures
« dans le secteur des télécommunications », entendez mobile ou fixe notamment.
Or, en marge d’un point presse, organisé le 11 mars par le président de l’Autorité de la concurrence, son président Bruno Lasserre n’as pas voulu nous dire si, l’extinction du réseau de cuivre au profit de la fibre optique, n’allait pas dans le fixe à l’encontre de ce principe de « concurrence par les infrastructures ». En effet, alors que le VDSL2 va être autorisé pour faire évoluer la boucle locale de cuivre vers du très haut débit, le gouvernement prévoit – d’ici à 2025 ? – l’extinction de ce réseau historique en vue de
« couvrir 100 % de la France en très haut débit d’ici à 2022 » et « très majoritairement »
en FTTH (1) – moyennant 20 milliards d’euros (2). Cette extinction du cuivre pourrait se faire au détriment de la concurrence, dans la mesure où peu d’opérateurs (Orange, SFR, Free, Numericable et Bouygues) auront les capacités d’investir dans leur propre réseau de fibre optique.
Pourtant, l’Autorité de la concurrence le rappelle : « Dans le secteur des communications électroniques, la concurrence par les infrastructures a été le type de concurrence privilégié de façon constante jusqu’à aujourd’hui », souligne l’avis en préambule. Cela suppose, rappelle-t-elle, que « chacun [des opérateurs télécoms mobile ou fixe, ndlr] s’appuie à terme sur son propre réseau ». L’Arcep est, elle aussi, très attachée à cette concurrence par les infrastructures, mobile ou fixe, comme elle l’a exprimé dans son avis à l’Autorité de la concurrence rendu le 20 décembre : « Plusieurs exemples, dans le passé, attestent de l’effet bénéfique pour les consommateurs de la concurrence par les infrastructures, parmi lesquels l’arrivée [de] Bouygues Telecom en 1994, ou, sur le fixe,
la mise en oeuvre progressive du dégroupage [sur le réseau fixe de cuivre, ndlr] depuis
le début des années 2000 ».
Si la concurrence par les infrastructures se renforcera à partir de 2016 ou 2018 dans les mobiles, elle devrait, paradoxalement, s’affaiblir dans le fixe. @

La feuille de route du gouvernement pour le très haut débit : le plan de la dernière chance

Pendant que le chef de l’Etat parlait le 20 février d’« ambition numérique de la France », le Premier ministre fixait à 20 milliards d’euros l’objectif de « connecter 100 % des foyers au très haut débit d’ici 10 ans ». La feuille de route numérique accélèrera-t-elle le déploiement de la fibre ?

Par Katia Duhamel, avocat, cabinet Bird & Bird

Les ministres Fleur Pellerin (Economie numérique) et Cécile Duflot (Egalité des territoires) ont réuni le 13 février 2013 les acteurs concernés (industriels, opérateurs, associations d’élus locaux et parlementaires, …) en prévision de la présentation de la feuille de route numérique définitive du gouvernement
le 28 février. Si les acteurs privés se font peu entendre, les représentants des collectivités ont d’ores et déjà largement commenté les propositions gouvernementales intitulées
« Stratégie nationale de déploiement du très haut débit ». L’accueil, généralement favorable, reste teinté de prudence. Car si les objectifs semblent clairs, les modalités de mise en oeuvre doivent être largement précisées.

Les collectivités prônent la fin du cuivre
Le projet de feuille de route consacre un volet important au fait qu’il n’est pas soutenable financièrement, en particulier pour les projets de réseaux publics, de voir coexister les deux réseaux, cuivre et fibre. Il propose d’envisager, avec l’opérateur historique, les conditions opérationnelles, juridiques et financières d’une extinction progressive du
cuivre.
Toutefois, le sujet est loin d’être simple et il n’est pas sûr que France Télécom partage
le même enthousiasme que les collectivités dès lors que le cuivre continue à lui fournir une rente importante, tant en matière d’abonnés que de dégroupage. Il va donc falloir déterminer la valeur de ce réseau historique qui rapporte beaucoup et fait travailler
des milliers de personnes. Ne vaudra-t-il plus rien dans quelques années ? Or, selon
le gouvernement et les collectivités, l’extinction du cuivre est une condition sine qua
non pour sécuriser les investissements publics et privés en matière de fibre optique,
en particulier dans les zones les moins denses. Si le projet de feuille de route ne fixe
pas d’objectif court terme à cette extinction du cuivre, les élus souhaitent, eux, que ses modalités soient fixées rapidement : « dans un délai d’un an », précise même l’Avicca (1). De son côté, la FNCCR (2) propose de fixer à 2025 la date butoir d’extinction du cuivre et recommande un basculement complet « dans le délai d’une année », là où la fibre est déjà déployée. En réalité, il est probable que l’extinction du cuivre ne sera possible que lorsque les personnels de France Télécom affectés à leur entretien soient partis à la retraite.
La mission Très haut débit propose de mobiliser deux outils financiers pour les investissements des collectivités locales. D’une part, l’accès aux prêts des fonds d’épargne assis sur le livret A (compte tenu des 20 milliards d’euros qui seraient dégagés par l’augmentation des plafonds de l’épargne réglementée), et d’autre part, l’« alimentation d’un fonds de subventionnement à partir de 2014 pour pérenniser l’accompagnement mis en place par le Fonds pour la société numérique ». Ce qui a priori devrait confirmer le statut « mort-né » du Fonds d’aménagement numérique du territoire (FANT) prévu par le précédent plan THD d’Eric Besson mais qui n’a jamais été créé ni abondé. Selon l’Avicca, le dispositif retenu permettrait d’améliorer l’économie des déploiements des collectivités sur trois points majeurs : les recettes propres via l’extinction du cuivre, les aides via une meilleure péréquation nationale et les financements via l’accès aux prêts sur fonds d’épargne. Mais d’autres points majeurs restent en suspens : l’abondement régulier et pérenne d’un fonds de péréquation national, les taux auxquels les collectivités pourront recourir aux prêts sur fonds d’épargne, les modalités de soutien aux collectivités en cas de défaillance des opérateurs dans les zones non denses dites AMII (3), les conditions
de la poursuite des aides étatiques aux déploiements au-delà de 2017.

Interventions : public versus privé
Les règles européennes (4), le cadre réglementaire mis en oeuvre par l’Arcep et les
« conditionnalités » de l’appel à manifestation d’intérêt dans les zones non denses
(AMII) proscrivent l’intervention des collectivités à la fois dans les zones rentables et
non rentables. Ceci continue de générer des difficultés dans la gestion des projets publics, tant en creusant leur déficit économique qu’en posant des problèmes d’articulation entre les initiatives privées et publiques qui ont objectivement des intérêts divergents. Or, les mêmes acteurs privés sont d’abord en concurrence directe dans les zones très denses, ensuite ils doivent coopérer « librement » dans les zones AMII pour mutualiser leurs investissements et, enfin, contractent des partenariats publics privés sur les territoires peu denses.

Conventions « équilibrées mais exigeantes »
L’ensemble des intérêts contradictoires en présence ne peut qu’échapper à des collectivités locales soucieuses de préserver un aménagement numérique équitables
de leurs territoires. Des dispositifs de négociation et de coordination sont en cours
de mise en oeuvre, notamment au travers des schémas directeurs d’aménagement numérique (SDAN), cependant ceux-ci ne sont pas aujourd’hui opposables aux opérateurs. Le projet de feuille de route propose, lui, que des conventions locales
« équilibrées mais exigeantes » détaillent les engagements des opérateurs privés,
en termes notamment de calendrier de déploiement, et précisent les modalités d’appui opérationnel des collectivités territoriales concernées. C’est oublier un peu vite que nous ne sommes plus dans une situation vierge de tout précédent : des opérateurs privés ont déjà commencé des déploiements, des initiatives publiques ont déjà été mises en oeuvre, des conventions AMII entre opérateurs et collectivités ont déjà été signées. Comment tenir compte de l’existant et harmoniser l’hétérogénéité des modalités d’intervention enclenchées fait partie du problème. Quant à la montée en débit, qui est une solution privilégiée par nombre d’élus pour rééquilibrer les territoires (notamment avec l’arrivée
du VDSL2) en attente de l’arrivée plus lointaine du FTTH, elle reste un sujet largement débattu.
Si la mission Très haut débit promet franchement un soutien financier à différents
réseaux (5), elle se montre en revanche très prudente dans son soutien à des projets
de fibre optique déployés dans le cadre d’opérations de montée en débit. En effet, ces investissements réalisés pour prolonger la fibre optique depuis l’ancien nœud de réseau (NRA) vers le nouveau nœud de réseau (NRA-MED) représenteraient des coûts importants et ne seraient que très partiellement réutilisables par un futur réseau FTTH. Aussi, comme le souligne l’Avicca, la problématique posée est de savoir comment
« soulager temporairement la fracture numérique à moindre coût, afin de passer le
plus rapidement possible au FTTH ». Ce d’autant plus, que la question de la comptabilité des opérations de montée en débit sur la boucle de cuivre avec le FTTH n’est pas résolue et que l’offre de référence MED de France Télécom lui redonne un monopole de fait
(voir ci-dessous) sur l’exploitation sur l’accès à la nouvelle boucle locale (FTTn).
Le projet de feuille de route confirme le principe de la liberté de choix des collectivités territoriales et de l’échelon local d’intervention, tout en envisageant que « le programme
de soutien national accorde une prime aux projets de grande envergure et notamment
de taille supra-départementale », considérés comme moins risqués et facteurs d’une meilleure cohésion territoriale. Il tente de mettre en place les structures et les outils
d’une coordination nationale.
Ceci consiste notamment à faire évoluer la mission Très haut débit vers une structure pérenne de pilotage dotée de moyens suffisants afin d’assurer des missions étendues
(6). Cette proposition rencontre d’ores et déjà l’aval des élus qui souhaitent participer à
la gouvernance de cette structure, considérant que les collectivités assurent plus de la moitié des besoins de financement et portent l’essentiel du risque commercial : 4 des 8 milliards d’euros nécessaires pour apporter du très haut débit à la moitié de la population française, soit un peu moins de 7 millions de foyers, d’ici fin 2017. La feuille de route de
la mission sur le très haut débit n’est guère diserte sur le volet législatif ou réglementaire nécessaire à la mise en oeuvre de son plan, alors que certains acteurs comme
l’Avicca ou les signataires de l’appel de Valence (7) l’estiment nécessaire pour que
« les dispositions essentielles du passage au très haut débit soient gravées dans
la législation » @.

FOCUS

Ce que la feuille de route de la mission Très haut débit ne dit pas
Curieusement, personne ne suggère de remèdes à la position ultra dominante que progressivement, discrètement et à son propre rythme, France Télécom construit
sur la future boucle locale optique – faute d’une régulation efficace. Personne non plus
ne soulève la question de l’encadrement réglementaire de l’extinction du cuivre ou celle
de la pertinence des modèles d’interventions locales, telles que les délégations de service public (DSP). Ces dernières, créées pour développer des réseaux de collecte publics, voient en effet leur modèle économique de plus en plus fragilisé du fait de la baisse radicale des tarifs des offres de gros d’accès haut et très haut débit de France Télécom, et de l’ardente obligation de transition vers le très haut débit tout en évitant les risques de résiliation des conventions de DSP en cours et/ou liés à une remise en concurrence. @