Bruno Chetaille, PDG de Médiamétrie : « Nous allons tester un audimètre individuel, miniature et mobile »

Médiamétrie vient d’avoir 30 ans. L’institut de mesure d’audiences, créé le 24 juin 1985, s’est imposé en France dans la télévision, la radio et Internet. Son PDG Bruno Chetaille explique comment l’audimètre devient aussi miniature et mobile. Et en fin d’année, la mesure globale TV et Net sera lancée.

Propos recueillis par Charles de Laubier

Edition Multimédi@ : Quel nouvel audimètre prépare Médiamétrie pour suivre le panéliste en mobilité ?
Et pour la version fixe, l’audimètre devient-il une tablette ? Quand ces deux modèles seront-ils installés et sont-ils pertinents à l’heure du multi-écrans et du multitasking ?
Bruno Chetaille :
Depuis 2007, nous avons fait le choix d’une technologie fondamentale pour la mesure d’audience de la télévision : le watermarking. Cette technologie est compatible avec tous les réseaux de diffusion et garantit notre indépendance à l’égard de leurs opérateurs. Surtout, elle permet de prendre en compte la consommation de
la télévision, qu’elle soit en linéaire ou délinéaire, à domicile ou en mobilité. Nous la faisons régulièrement évoluer. Elle intègre d’ores et déjà le multitasking puisqu’elle permet la synchronisation multi-écrans. De même, nos audimètres changent : le prochain modèle sera effectivement une « box » au format tablette, encore plus ergonomique pour nos panélistes. Il sera déployé dès 2016. Enfin, nous avons développé un audimètre miniature, au format d’une montre connectée, qui nous permet de mesurer l’audience de la radio et celle de la télévision en mobilité. Nous allons tester ce modèle d’audimétrie individuelle portée (AIP) en octobre prochain auprès d’un panel de 750 individus : 33 stations de radio et 28 chaînes de télévision vont participer à ce test. L’innovation technologique pour toujours mieux capter les signaux et collecter les données de comportement est pour nous une préoccupation essentielle.

La France compte 1,5 million de téléviseurs « HbbTV »

En fait. Le 11 juin, l’Association pour le développement des services TV évolués
et interactifs (Afdesi) a organisé un atelier sur la norme HbbTV de télévision connectée, avec une présentation de l’ensemble des services audiovisuels l’utilisant et diffusés sur près de la moitié des chaînes de la TNT en France.

En clair. Les services interactifs à la norme franco-allemande HbbTV ont atteint une maturité en France et gagneraient à être plus connus du grand public. Selon l’Afdesi,
« près de la moitié des chaînes de la TNT en France proposent des services HbbTV directement accessibles depuis leur antenne » : France Télévisions (ses 5 chaînes),
TF1, M6, NRJ 12, Chérie FM, Gulli, D8, D17, iTélé, … Non-propriétaire et basée sur HTML5, la norme HbbTV (Hybrid Broadcast Broadband TV) est ouverte à tous les développeurs et éditeurs. Elle permet aujourd’hui aux téléspectateurs équipés de recevoir en France près de 1.000 heures de programmes supplémentaires sur la TNT. Encore faut-il qu’ils le sachent ! « Il y a aujourd’hui en France 1,5 million de téléviseurs compatibles HbbTV, tous les fabricants intégrant cette norme depuis septembre 2012 et l’activant par défaut depuis septembre 2013. Mais les consommateurs ne le savent pas forcément. C’est pour les sensibiliser à la TV connectée et aux services HbbTV que nous allons lancer d’ici la fin de l’année une campagne de communication et, à l’automne, des sessions de formation des vendeurs de la grande distribution en accord avec la Fenacerem (1) », indique Jean Dacié, délégué général de l’Afdesi, à Edition Multimédi@. Pour la première fois, lors de l’atelier de l’Afdesi organisé en coopération avec le Forum des médias mobiles (ex-Forum de la Télévision Mobile) et en partenariat avec TDF (premier diffuseur de la TNT), la présentation des services HbbTV diffusés en France s’est voulue « exhaustive » et s’est tenue « à titre exceptionnel » chez TDF rue Cognacq-Jay. « Grâce à la richesse des 1.000 heures de programmes proposés en HbbTV, à commencer par les services de vidéo (catch up TV, replay, retour en arrière, …) mais aussi des services d’information comme la météo, le téléspectateur peut regarder sa télévision sans aller du tout sur les chaînes de la TNT elles-mêmes ! », nous fait remarquer Jean Dacié.

MipTV : délinéarisation recherche encore monétisation

En fait. Le 10 avril, s’est achevé le 51e Marché international des programmes
de télévision (MipTV), après quatre jours à Cannes. Chaînes, producteurs, distributeurs, opérateurs télécoms et fabricants de téléviseurs s’y sont
retrouvés. Tous recherchent le modèle économique de l’audiovisuel sur Internet.

En clair. YouTube et Netflix semblent les seuls acteurs du PAM (paysage audiovisuel mondial) à gagner de l’argent dans l’océan de la dé-linéarisation, tant ces deux géants
– respectivement du Net et de la SVOD – étaient dans toutes les discussions du MipTV
à Cannes. Alors que ces deux pionniers de l’audiovisuel en ligne continuent de pousser leur « rouleau compresseur » sur le tapis rouge de la Croisette, la plupart des producteurs en sont encore à se demander comment monétiser leur oeuvres (séries, films, animations, documentaires, …) sur les réseaux numériques. La demande est là mais pas les recettes. Par exemple, le groupe Lagardère vient d’annoncer la création de la direction Lagardère Entertainment Digital (LED) dédiée à « la convergence des mondes de la télévision et des nouveaux médias » (dixit Takis Candilis, président de Lagardère Entertainment (1)). Objectif : «Mettre en place la stratégie numérique du 1er groupe français de production audiovisuelle » et surtout de « créer un écosystème de partenaires pour construire ces offres ». Cette nouvelle direction est confiée à Rémi Tereszkiewicz, un ancien de Videofutur, de Netgem ou encore de Monaco Telecom. C’est que les producteurs doivent s’y résoudre : la consommation linéaire de la télévision sur le petit écran (le poste unique) est de plus en plus concurrencée par l’audiovisuel à la demande en multi-écrans (les seconds écrans). Et d’après Ericsson, les contenus dé-linéarisés seront à partir de 2020 aussi importants que les contenus linéaires ou en direct – en termes de consommation. D’autant que les audiences des chaînes traditionnelles s’essoufflent. Mais le retour sur investissement est aux abonnés absents.
YouTube et Netflix ont une longueur d’avance sur leurs rivaux dans l’audiovisuel en ligne, la première en terme d’audience massive qui génère des recettes publicitaires,
le second en nombre d’abonnés payants. Avec les réseaux multi-chaînes (MCN), dont l’audience dépasse celle de certaines grandes chaînes traditionnelles (2), les plates-formes mondiales de vidéo pourraient être les grandes gagnantes du nouvel écosystème de l’audiovisuel en ligne. Si Netflix, Amazon, Yahoo, Hulu, Microsoft ou encore AOL investissent plus dans des séries originales pour les proposer en ligne, les producteurs classiques hésitent encore à ne produire que pour Internet (lire p.7). @

La 4G va accélère l’essor de l’offre TV sur mobiles

En fait. Le 7 avril, le CSA, le CNC, la DGMIC, le SNPTV et l’ACCeS (chaînes conventionnées) ont publié la 12e édition du Guide des chaînes numériques.
En plus des 32 chaînes nationales présentes sur la TNT (dont 8 payantes),
207 sont sur les autres réseaux (câble, satellite, ADSL, mobile, Internet).

En clair. A fin 2013, elles sont au total 239 chaînes numériques qui sont en France autorisées, conventionnées ou déclarées auprès du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA). Ainsi : 32 chaînes sont « autorisées » pour pouvoir utiliser une fréquence hertzienne attribuée par le CSA ; 152 chaînes sont « conventionnées » car elles n’utilisent pas de fréquences mais sont diffusées sur l’ADSL – toujours en tête des réseaux après l’hertzien (1) – le satellite, le câble, Internet, le mobile et la fibre optique ; 55 chaînes sont simplement « déclarées » car non seulement elles n’utilisent pas de fréquences (leur diffusion s’effectuant sur les autres réseaux précités) mais en plus elles ont un budget annuel inférieur à 150.000 euros. Mais ce triptyque réglementaire du PAF n’empêche pas aux 32 chaînes « autorisées » sur des fréquences hertziennes d’emprunter elles aussi les autres réseaux numériques que la TNT. Parmi eux, la diffusion télévisée sur mobile – qui fut freinée ces dernières années par les piètres performances de la 3G – devrait progresser significativement cette année grâce à la montée en charge de la 4G, dont les premières offres ont été lancées l’an dernier.
« L’accroissement de l’équipement en smartphones, leur ergonomie, le développement des forfaits ‘illimités’ tout inclus, la création d’applications et la possibilité de visionner
la télévision en mode Wifi tendent aujourd’hui à élargir le public de la télévision sur mobile. Le développement des réseaux mobiles dits de quatrième génération (4G
ou LTE) devrait accélérer son essor grâce à l’accroissement des débits de connexion par rapport à ceux existant aujourd’hui », souligne le Guide des chaînes numériques.
Selon l’Arcep, la France compte 37,3 millions de clients équipés d’un « mobile multimédia » au 31 décembre 2013 – soit quasiment la moitié du parc mobile.
Les chaînes nationales historiques (TF1, France Télévisions, M6, Canal+, …) disposent toutes d’une application mobile permettant non seulement d’accéder à la diffusion des émissions en live, mais aussi aux programmes en replay (2). Ainsi, selon NPA Conseil
et GfK sur l’année 2013, les mobiles et tablettes ont été utilisés à 18,2 % pour regarder de la télévision en ligne. Ce qui place la mobilité télévisuelle en troisième position des usages audiovisuels derrière l’ordinateur (47 %) et le téléviseur (34,8 %). @

Orange : 179 millions d’euros au ciné jusqu’en 2018

En fait. Le 1er janvier 2014 entre en vigueur la nouvelle convention des chaînes d’Orange Cinéma Séries (OCS) que le CSA a renouvelée le 20 décembre dernier pour une durée de cinq ans. La société commune de l’ex- France Télécom et de Canal+ va investir au total 179 millions d’euros dans le financement du cinéma.

En clair. Plus de cinq ans après le lancement d’Orange Cinéma Série, le bouquet commun à l’opérateur télécom (66,66 % du capital) et à Canal+ (33,33 %) rempile pour cinq ans avec le cinéma français et européen pour un total de 179 millions d’euros (2014-2018) alloués au financement de films, soit une hausse de 19 % par rapport à
la période précédente (2009-2013). C’est finalement une bonne nouvelle pour les organisations du cinéma français (Bloc, Blic et ARP), même si ces dernières auraient souhaité obtenir plus d’OCS qui dépasse les 1,8 million d’abonnés aux quatre chaînes d’OCS (OCS City, OCS Géants, OCS Max, OCS Choc). Résultat : le minimum garanti (MG) est passé à 1,90 euro HT par mois et par abonné pour les films français (1) et à 2,25 euros HT pour les films européens (2). Avec 33 millions d’euros prévus pour cette nouvelle année 2014 et un peu plus les années suivantes pour atteindre 38 millions en 2018, le septième art s’en tire donc à bon compte.
D’autant que « la convention pourra être modifiée, y compris au cours de l’année 2014, pour tenir compte des accords à venir entre l’éditeur et les organisations professionnelles du cinéma », a précisé le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) qui prévoit de réévaluer chaque année la convention pour « tenir compte des évolutions économiques de la télévision payante ». Pour les organisations du cinéma, ce sera l’occasion notamment de rediscuter du sort des abonnés mobiles considérés jusqu’à maintenant pour le calcul du MG comme des « demiabonnés » par rapport au fixe, mesure qui devait rester provisoire (3).