A propos Charles de Laubier

Rédacteur en chef de Edition Multimédi@, directeur de la publication.

L’industrie du livre veut elle aussi taxer les FAI

Le 31 janvier, la Fédération française des télécoms (FFT) a formulé ses vœux
pour l’année 2012, à commencer par le souhait de ne pas voir de nouvelles taxes « culturelles » sur les FAI. Mais après le CNC (cinéma) et le CNM (musique), le Centre national du livre (CNL) songe aussi à une taxe.

Après la taxe prélevée par le Centre nationale du cinéma et de l’image animée (CNC) sur les fournisseurs d’accès à Internet (FAI), ces derniers devront remettre la main à la poche pour financer le nouveau Centre national de la musique (CNM). Et comme jamais deux sans trois, il ne manquerait plus que le Centre national du livre (CNL) pour demande à
son tour une taxe sur les FAI. Justement, le CNL ne n’exclut pas. En effet, selon nos informations, son président Jean-François Colosimo étudie cette perspective parmi les nouvelles pistes de financement envisagées pour son établissement, lequel est sous la tutelle du ministère de la Culture et de la Communication. Sa mission est notamment d’aider au financement de projets de production de livres (1), au moment où les maisons d’éditions doivent s’adapter au numérique. Le CNL se réunit d’ailleurs trois fois par an
pour octroyer des subventions pour projets d’ »édition numérique », d’ »édition multimédia »
ou de « plates-formes innovantes de diffusion et de valorisation de catalogues de livres numériques » (prochaines délibérations en mars). Or le besoin de financement est croissant mais les recettes du CNL – de moins de 45 millions d’euros par an – n’augmentent pas et ne suffisent plus. Au-delà des taxes spécifiques qui lui sont affectées (près de 80 % des recettes mais stagnantes), telles que les redevances sur les matériels de reproduction et d’impression, ainsi que sur le chiffre d’affaires de l’édition, l’une des pistes est de taxer les FAI. La question devrait être à l’ordre du jour la prochaine réunion de la commission « Economie numérique » du CNL, qui se réunit le 2 mars prochain. « [Une des pistes] consisterait à intégrer le domaine du livre dans tous les mécanismes à venir impliquant les fournisseurs d’accès à Internet, lesquels emploient massivement des contenus écrits et de livres », a déjà eu l’occasion d’expliquer Jean-François Colosimo lors de son audition devant la Mission d’évaluation et de contrôle (MEC) de la commission des Finances de l’Assemblée nationale, audition du 19 mai 2011 portant sur le financement de la culture (« Budget de l’Etat ou taxes affectées ? »). Reste à savoir si le CNL tentera de placer sa réforme – à l’instar du CNM – lors du prochain projet de loi de finances rectificatif 2012 au printemps ou du projet de loi de finances 2013 de fin d’année… @

Musique en ligne : Spotify et Deezer donne le « la »

En fait. Le 30 janvier, le Syndicat national de l’édition phonographique (Snep)
a publié – lors du Marché international du disque et de l’édition musical (Midem) – le bilan 2011 pour la France : le marché de la musique enregistrée chute de 3,9 % sur un an, mais les ventes numériques font un bond de 25,7 %.

En clair. Pour la première fois, le marché français de la musique en ligne a franchi allègrement la barre des 100 millions d’euros de chiffre d’affaires l’an dernier (pour atteindre 110,6 millions précisément). Soit le double par rapport à 2007. Ces chiffres
de ventes en gros que publie le Snep – lequel fête cette année ses 90 ans avec ses
48 membres, dont les majors (Universal Music/EMI, Sony et Warner) – sont plus ou moins cohérents avec les chiffres de détail que publiait jusqu’à maintenant l’Observatoire de la musique avec GfK. Le Centre national de la musique (CNM),
qui a été lancé au Midem par Frédéric Mitterrand et les représentants de la filière, devrait être en effet le seul à publier par la suite les chiffres de la musique en France (1). Mais globalement, la filière musicale n’accuse pas un recul des ventes de 3,9 % mais de bien plus. Selon nos calculs, qui mettent à part les « droits voisins » (2) ayant généré 94 millions d’euros l’an dernier (+ 6,8 %), plus dure a été la chute : – 5,6 % sur un an. Toujours hors droits voisins, la part de marché du numérique a dépassé l’an dernier le seuil des 20 % (à 21,1 % précisément) du total des ventes physiques et numériques (hors droits voisins, soit 523,2 millions d’euros). Si l’industrie musicale a passé ce cap numérique, c’est grâce en premier lieu aux formules d’abonnements qui affichent la plus fortes des hausses établies sur l’an dernier : 89,4 % de croissance sur un an, à 25,9 millions d’euros. Il s’agit pour l’essentiel des abonnements Internet (hors téléphonie mobile), qui explosent de… 198 % en un an à 22,4 millions d’euros. Les abonnements mobiles, eux, restent encore modestes à 3,4 millions d’euros. Autrement dit, Deezer (partenaire d’Orange) et Spotify (partenaire de SFR) mènent la danse dans la progression des ventes numériques. Il faut dire que les majors du disque (Universal Music en tête) ont réussi à imposer à ces plateformes – dont elles sont pour certaines actionnaires minoritaires – d’instaurer des abonnements payants et de limiter le nombre d’écoutes gratuites. Et ce, sous peine de perdre tout le catalogue en question. Selon le Snep, « le modèle économique basé sur la gratuité/publicité doit se renforcer et se pérenniser grâce aux formules d’abonnement payantes ». Cela n’empêche pas le streaming gratuit financé par la publicité en ligne de progresser de plus de 50 % à
13,9 millions d’euros. @

TVA du lieu de résidence de l’internaute : pourquoi attendre janvier 2015, voire 2019 ?

Encore deux ans avant le début de la fin du « dumping fiscal » qui gangrène l’économie numérique européenne. L’eTVA sera alors, à partir de janvier 2015, celle du lieu de résidence du consommateur. Au rythme d’Internet, le principe
du pays d’origine ne devrait-il pas être abandonné plus tôt ?

Par Charles de Laubier

Comment un « compromis » obtenu à l’arrachée par le Luxembourg lors du conseil des ministres des Finances européen, le 4 décembre 2007, a-t-il pu entretenir durant quatre ans encore la polémique sur le « dumping fiscal » que pratiquent certains acteurs du Web – Google, Amazon, Apple, etc. – dans l’Union européenne ? Car c’est pour l’ »optimisation fiscale » que Google Europe est installé à Dublin en Ireland ou que iTunes d’Apple est basé au Luxembourg.

Jérémie Manigne, groupe SFR : « Il faut sans doute réfléchir à une autorité de régulation unique »

Directeur général au sein du groupe SFR, en charge de l’innovation, des services et des contenus, Jérémie Manigne – également co-auteur du rapport « TV connectée » – explique à EM@ comment les règles du jeu devraient évoluer. Sa stratégie passe par la « coopétition » avec les acteurs du Web.

Propos recueillis par Charles de Laubier

Edition Multimédi@ : Vous êtes – avec Takis Candilis (Lagardère), Marc Tessier (VidéoFutur), Philippe Levrier (ex-CSA) et Martin Rogard (Dailymotion) – l’un des cinq co-auteurs du rapport « TV connectée » remis aux deux ministres Frédéric Mitterrand et Eric Besson : quelles sont les plus importantes propositions de la mission ?
Jérémie Manigne :
Le rapport met en lumière la nécessité d’adapter rapidement les règles, qui s’appliquent aux acteurs de l’audiovisuel français, à un contexte de plus en plus ouvert et mondialisé, où Internet s’impose peu à peu comme média de diffusion de contenus. Les mesures proposées visent, d’une part, à permettre le développement d’acteurs français et européens puissants capables de rivaliser avec leurs concurrents internationaux et, d’autre part, à pérenniser le soutien à la création audiovisuelle française en y faisant participer l’ensemble des acteurs de l’Internet.

Europe : non au filtrage généralisé, oui à Hadopi

En fait. Le 24 novembre, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) publie
un arrêt dans laquelle elle répond que « le droit de l’Union s’oppose à une injonction faite à un [FAI] de mettre en place un système de filtrage de toutes les communications électroniques transitant par ses services ».

En clair. Il a suffit à la Cour de justice européenne de se référer à la fameuse directive « Commerce électronique » de juin 2000 pour interdire tout fournisseur d’accès à Internet (FAI) de généraliser le filtrage sur « son réseau » – via l’analyse systématique de tous les contenus et l’identification des adresses IP. Dans son article 15 intitulé « Absence d’obligation générale en matière de surveillance », cette directive promulguée il y a plus
de dix ans (1) stipule que « les États membres ne doivent pas imposer aux [FAI] une obligation générale de surveiller les informations qu’ils transmettent ou stockent, ou une obligation générale de rechercher activement des faits ou des circonstances révélant des activités illicites ». Chaque pays des Vingt-Sept peut tout juste obliger les FAI « à informer promptement les autorités publiques compétentes d’activités illicites alléguées (…) ou de communiquer aux autorités compétentes, à leur demande, les informations (…) ». C’est ce que pratique l’Hadopi en France, par exemple, avec les données collectées par la société TMG… De plus, la CJUE a estimé qu’ »une telle obligation de surveillance générale serait incompatible » avec une autre directive et non des moindres dans cette affaire Sabam contre Scarlet : à savoir la directive « Propriété intellectuelle » du 29 avril 2004 (2), selon laquelle « les mesures [pour assurer le respect des droits de propriété intellectuelle] ne doivent pas être inutilement complexes ou coûteuses et ne doivent pas comporter de délais déraisonnables ». Ce qui n’est pas le cas du filtrage généralisé. Et comme si cela ne suffisait pas, les juges européens en appellent à la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne signée le 7 décembre 2000 et devenue « force juridique obligatoire » depuis l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne en décembre 2009.
« La protection du droit de propriété intellectuelle est certes consacrée [par] la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (3). Cela étant, il ne ressort nullement (…) qu’un tel droit serait intangible et que sa protection devrait donc être assurée de manière absolue », estime la CJUE. Les Etats membre sont ainsi appeler à « assurer un juste équilibre entre la protection de ce droit [d’auteur] et celle des droits fondamentaux de personnes » et sans porter atteinte à la « liberté d’entreprendre » (prévue dans la Charte) des FAI. @