Musique : les producteurs décidés à aller jusqu’au bout en justice contre la licence légale des webradios

Les producteurs de musique – Universal, Sony et Warner en tête – estiment avoir « un dossier très très solide » pour annuler l’extension de la licence légale aux webradios. Leurs sociétés de gestion collective (SCPP et SPPF) sont prêtes à aller jusqu’à la question prioritaire de constitutionnalité (QPC).

La Société civile des producteurs phonographiques (SCPP) et
la Société civile des producteurs de phonogrammes en France (SPPF) sont prêtes à aller jusqu’au bout devant la justice contre l’extension de la licence légale aux webradios, quitte à poser – via le Conseil d’Etat ou le Conseil constitutionnel – une question prioritaire de constitutionnalité (QPC). C’est ce qu’a affirmé Marc Guez (photo), directeur général de la SCPP, en marge de son assemblée générale le 29 juin dernier au Pavillon Royal.

« Un dossier très très solide » (SCPP)
« On a un dossier très très solide. On pense pouvoir obtenir une QPC. Et si on l’obtient, elle sera positive. Nous sommes confiants. Mais comme toute action de justice, l’issue n’est jamais certaine », a-t-il ajouté. La SCPP représente près de 2.400 producteurs de musique, dont les « Big Three » : Universal Music (Vivendi), Sony Music et Warner Music (Access Industries). La SPPF, elle, compte plus de 1.540 producteurs indépendants membres. Les deux organisation existent depuis une trentaine d’année, nées avec la loi du 3 juillet 1985 sur les droits d’auteur, dite loi « Lang », qui a reconnu en France le droit exclusif – dit droit « voisin » du droit d’auteur – des producteurs de musique. Cette loi Lang a aussi instauré la licence légale que paient depuis les radios hertziennes – moyennant une redevance de 4% à 7% de leur chiffre d’affaires (1) – pour avoir le droit de diffuser, gratuitement pour les auditeurs, de la musique. C’est cette licence légale – considérée par Marc Guez comme « une anomalie » (2) – que la loi « Création », adoptée définitivement le 29 juin dernier, étend aux webradios qui le demandaient depuis longtemps (3) – notamment par l’intermédiaire du Syndicat des éditeurs de services de musique en ligne (ESML), partenaire du Geste (4) où Xavier Filliol – co-président de la commission Audio digital – milite de longue date pour les webradios « dans un paysage FM saturé par manque de fréquences disponibles ».
Les éditeurs de webradios s’estimaient discriminés et n’avait de cesse de demander
à bénéficier du même régime que les radios de la bande FM. Et à l’instar du rapport Zelnik de janvier 2010 (5), le rapport Lescure de mai 2013 avait recommandé l’extension du régime de la rémunération équitable aux webradios au nom du principe de neutralité technologique. Pour celui qui était président de la SCPP jusqu’en avril dernier, Pascal Nègre, ex-président d’Universal Music France, « l’argument de la neutralité technologique entre radios hertziennes et webradios ne tient pas car dans
le premier cas (FM) les programmes sont limités et dans le second (Internet) ils sont multiples ». Finalement, malgré le lobbying parlementaire intense de la SCPP et de la SPPF, l’amendement prévoyant l’extension de la licence légale au webcasting avait bien été adopté. Bien que la SCPP ait obtenu au Sénat en première lecture du projet de loi « Création » la suppression de l’amendement contesté, elle n’a toutefois pas réussi à éviter que l’Assemblée nationale ne réintroduise en deuxième lecture cet amendement « webcasting ». En septembre 2015, les deux sociétés de gestion collective, liées respectivement au Snep (syndicat des majors, entre autres producteurs de musique) et à l’UPFI (producteurs indépendants), avaient accusé le gouvernement d’être passé en force. Peine perdue : l’article 13 de la loi Création modifie le fameux article L. 214 du Code de la propriété intellectuelle (CPI) dans lequel il est désormais ajouté que
« lorsqu’un [morceau de musique] a été publié à des fins de commerce, l’artiste-interprète et le producteur ne peuvent s’opposer public… à sa communication au public par un service de radio » et non plus seulement en radiodiffusion (hertzien) et par câble.
C’est une victoire pour les milliers de webradios, pour lesquelles la licence légale leur reviendra moins chère que les 12,5 % qu’elles versent jusqu’à maintenant à la SCPP et à la SPPF (gestion collective volontaire). Les producteurs de musique, au premier rang desquels les majors Universal Music, Sony Music et Warner Music – le président de la filiale française de cette dernière étant Thierry Chassagne, le nouveau président de la SCPP –, dénoncent « une expropriation du droit exclusif de la propriété intellectuelle, contraire à la Constitution de la République française en violation avec les traités internationaux signés par la France ».

Contraire au droit international ?
Il s’agit des traités de l’Ompi (6) et la Convention de Berne. « Si les pouvoirs publics ont bien renoncé à imposer une gestion collective obligatoire des exploitations en ligne ou une mesure équivalente, ils ont cru devoir proposer (…) d’étendre le champ de la licence légale (…) au webcasting, en contravention avec le droit constitutionnel, le droit européen et le droit international », s’insurge encore la SCPP. @

Charles de Laubier

La gestion collective des droits en faveur du webcasting pourrait s’étendre au streaming

Les webradios, qui s’écoutent en flux linéaire sans téléchargement, se multiplient. Dans le prolongement de la mission Hoog, un accord devrait intervenir d’ici fin juillet sur une gestion collective des droits en leur faveur.
En attendant sa généralisation à tous les sites de streaming ?

Plus que deux mois pour se mettre d’accord sur une gestion collective des droits en faveur des sites web de musique de type « webcasting » (écoute linéaire en ligne),
dont certains sont semi-interactifs ou « quasi à la demande » (1). Les discussions des acteurs du Net et des représentants des artistes-interprètes avec les producteurs de musique devraient aboutir à un accord d’ici fin juillet.

112 web-radios déclarées au CSA
A défaut de gestion collective obligatoire obtenue par la mission Hoog, le dernier des treize engagements signés le 17 janvier (2) a donné six mois aux professionnels pour mettre en place une gestion collective en matière d’écoute linéaire en ligne.
« Les producteurs s’engagent à apporter volontairement ces modes d’exploitation en gestion collective à leurs sociétés de perception et de répartition de droits », prévoient en effet les signataires. L’Adami (3), chargée de collecter les futures sommes perçues, avait préconisé que la contribution des webradios sur leur chiffre d’affaires soit de 12,5% pour les non interactives et de 20 % pour les semi-interactives (voir EM@22,p.7). Selon une liste communiquée par le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) à Edition Multimédi@, le nombre de webradios déclarées en France s’élève actuellement à 112 services en ligne. Le groupe NRJ arrive en tête avec pas moins de 45 webradios (émanant de NRJ, Chérie FM, Nostalgie ou Rire et Chansons), suivi de Hotmix Radio (4) et Virgin Radio avec une douzaine de webradios déclarées chacun. Si les grands réseaux ont multiplié les thématiques musicales, de nombreuses webradios indépendantes existent (Aquila FM, Kheops, Paradise Webradio, R D’ici, Radio Nuances, Widoobiz, etc). Toutes ne sont pas déclarées (Skyrock, EnjoyStation, Live365, Radionomy, Goom Radio, Liveradio, Nexus radio, Livestation, Awdio et Slacker, …). Les Rencontres Radio 2.0 reportées de juin à novembre 2011 leur permettra se faire entendre… Selon Médiamétrie, l’audience cumulée des web-radios
a dépassé les 15 millions de sessions par mois – 15,9 millions précisément – de janvier à mars dernier (voir page 10). Les web-radios présentes uniquement sur le Net en représentent 15,5 %, contre 84,5 % pour les webradios reprenant les radios hertziennes existantes. Cette « web-audience » correspond à près de 20 millions d’heures par mois d’écoute radio linéaire sur Internet ! Soumises à des quotas de musiques françaises, les éditeurs de web-radio veulent en outre bénéficier du régime de la rémunération équitable, cette licence légale de 4 % à 7 % des revenus (5) dont bénéficient les radios hertziennes. Le rapport Création & Internet de la mission Zelnik préconisait bien son extension au webcasting EM@ 5). Xavier Filliol, président de la commission « Musique en ligne » du Geste avait indiqué à EM@ que si cette discrimination envers les webradios devait perdurer, un recours auprès de la DGCCRF n’était pas à exclure (6).
Sans attendre la gestion collective pour les webradios, des voix se sont élevées – comme celle du Geste (7) – pour que ce régime puisse être appliqué aux autres sites de streaming – y compris interactifs – ou même aux plateformes de téléchargement. L’Adami, elle, n’a pas renoncé à l’étendre à d’autres usages comme le streaming à
la demande. D’autant que son usage progresse : d’après les chiffres du Snep (8), le streaming musical va dépasser allègrement cette année les 10 millions d’euros de chiffres d’affaires (contre 9,8 millions en 2010) et dépasse les 3 millions sur le premier trimestre 2011.
Et il a un avantage par rapport au téléchargement : il est encore épargné par le piratage, même si l’Hadopi travaille à « la mise en place d’un protocole d’observation des flux sur les réseaux » (9). Bref, les négociations en cours autour de la gestion collective et de la licence légale – sans parler du retour de l’idée de licence globale dans la campagne présidentielle (10) (*) (**) – préfigurent une réforme plus en profondeur des modèles économiques des industries culturelles sur Internet.

Réinventer le partage de la valeur Dans la musique, la mission Chamfort-Colling-Thonon- Selles-Riester doit rendre mi-juin ses conclusions sur le financement de
la filière, tandis que le chercheur Patrick Waelbroeck rendra mi-juillet son rapport à l’Hadopi sur la répartition de la valeur entre les acteurs. Tandis que l’Hadopi, chargée du suivi des engagements « Hoog », auditionne les acteurs pour rendre compte mi-juillet également. Dans le cinéma et la télévision, suite aux propositions de Dominique Richard sur la convergence télécomaudiovisuel (11), le ministère de la Culture et de
la Communication (12) étudie les contributions à la création des fabricants de TV connectée et des acteurs du Web. Quant au ministère de l’Economie numérique, il organise une réunion en octobre sur le financement des réseaux. Un nouveau monde culturel en ligne est en marche. @

Charles de Laubier

Bernard Miyet, Sacem : « Les fournisseurs d’accès à Internet devraient verser une compensation »

Alors que, le 10 février, la commissaire européenne Neelie Kroes prendra en charge le Numérique, Bernard Miyet, président du directoire de la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (Sacem) explique à Edition Multimédi@ les nouveaux enjeux musicaux face à Internet.

Propos recueillis par Charles de Laubier

Edition Multimédi@ : La musique a été la première industrie culturelle a être confrontée au piratage sur Internet.
A combien évaluez- vous les pertes subies l’an dernier en France ? Les autres industries culturelles doivent-elles s’inquiéter ?
Bernard Miyet :
Pour 2009, les pertes pour les droits d’auteurs s’élèvent à près de 80 millions d’euros sur le secteur de la musique enregistrée (phonogrammes). Nous estimons à 325 millions d’euros environ les pertes cumulées depuis 2003.
Le plus inquiétant pour nous reste que le marché légal de la musique en ligne ne décolle pas, et ne rapporte pratiquement rien aux auteurs, compositeurs et éditeurs
de musique : 6,5 millions d’euros seulement de droits d’auteur perçus en 2009 pour
la musique sur Internet et pour la téléphonie mobile. Cela représente moins de 1 %
des perceptions totales de la Sacem. Il est donc très clair que les revenus générés ne reflètent pas les usages des internautes. Contrairement à la musique qui a « essuyé
les plâtres », je pense que les autres industries culturelles bénéficieront (et bénéficient déjà) de la prise de conscience des pouvoirs publics et notamment de soutiens financiers pour leur permettre de passer le cap difficile de la transition économique. L’édition du livre, dont Internet représente 0,1 % du chiffre d’affaires cette année en France, est pourtant largement mise en avant dans le rapport Zelnik. La presse et les médias ont également reçu des soutiens financiers des pouvoirs publics. Le cinéma adapte sa chronologie des médias – mais est-ce que cela sera suffisant ? – et bénéficie d’une taxe Cosip [Compte de soutien aux industries de programmes, ndlr] prélevée
sur les fournisseurs d’accès à Internet [FAI]… Or, à ce jour, seuls les auteurs et compositeurs de musique – pourtant les plus précaires d’entre les précaires – n’ont bénéficié d’aucune mesure de compensation ou de soutien de la part des pouvoirs publics. Est-ce juste et moral ?

EM@ : Regrettez-vous justement que la mission Zelnik ait évacué l’idée – défendue entre autres par la Sacem et l’Adami – d’instaurer une taxe sur le chiffre d’affaires des FAI ?
B. M. :
La mission Création et Internet a expliqué qu’elle n’a pas retenu notre proposition car elle tendrait à établir un surcoût pour le consommateur sans avantage nouveau.
Nous restons persuadés qu’une contribution de ce type serait seule à ce jour en mesure de soutenir rapidement la filière musicale dans son ensemble et notamment la production phonographique nationale. Les FAI ont donc bénéficié d’un enrichissement sans cause grâce au transport et à l’échange non autorisé d’œuvres protégées. Le résultat est que la valeur s’est fortement déplacée en aval de la chaîne économique, des contenus vers les contenants-réseaux. Pour le moment, nous estimons qu’aucune redistribution de cette valeur n’a eu lieu de manière équilibrée en direction des créateurs de contenus en général, et de musique en particulier… Contenus sans lesquels les FAI n’auraient pas connu un tel développement, car utilisés comme produit d’appel pour vendre leurs abonnements. Alors même que tout le monde savait que l’immense majorité des échanges étaient illicites.

« La Sacem s’est personnellement engagée à coopérer avec ses sociétés [d’auteurs] sœurs, afin de créer un portail [unique] qui permettrait, sur une base non exclusive, d’offrir aux exploi tants en ligne le plus grand nombre de répertoires possibles. »

EM@ : Et que pensez-vous de la proposition d’étendre pour le « webcasting »
le régime de licence légale, dont bénéficie la radio hertzienne et le
« simulcasting » ?
B. M. :
Par essence, la Sacem n’est naturellement pas opposée aux solutions promouvant la gestion collective et est en principe favorable à toute proposition permettant un partage juste et transparent des revenus pour ce type de marché émergent. Le régime de gestion collective des droits envisagé par la mission ne concerne que les seuls droits voisins (producteurs et artistes interprètes). Pour ce
qui est du droit d’auteur, la Sacem négocie déjà auprès de chaque exploitant les autorisations d’utilisation de l’ensemble de son répertoire. La mesure préconisée
est donc neutre pour la Sacem.

EM@ : Le rapport Zelnik affirme que la Sacem « jouit d’un monopole de fait » en France. La Commission européenne, elle, a dénoncé les « monopoles territor-iaux » des sociétés d’auteurs en Europe…
B. M. :
L’affirmation du rapport Création & Internet, purement descriptive, ne constitue en aucun cas une critique du comportement de la Sacem, le droit de la concurrence ne condamnant que les abus de position dominante et la Sacem n’étant pas accusée d’un tel abus. La vraie question posée par la Commission européenne est celle de la possibilité pour les utilisateurs d’avoir accès en un point unique au répertoire mondial ou, à tout le moins, au plus grand nombre de répertoires possible pour une exploitation paneuropéenne. Un tel accès est en effet synonyme de simplicité et garantie d’économies de coûts de transaction et de sécurité juridique. Les mérites du système du guichet unique, tant qu’il n’est pas accompagné de mesures d’exclusivité, sont unanimement reconnus. C’est cet accès, qui naturellement donne un avantage aux sociétés d’auteurs sur les territoires où elles peuvent l’offrir, qui est réclamé par les exploitants, que ce soit pour les activités dites du secteur traditionnel ou pour les nouvelles formes d’exploitation. Ceci est d’ailleurs pleinement reconnu par la cour
de justice de Luxembourg dans l’arrêt Lucazeau-Tournier de 1989.

EM@ : Pourquoi reprochez-vous à la Commission européenne d’être à l’origine de la fragmentation du répertoire musical, qui mécontentent les services en lignes ?
B. M. :
Les accords de Santiago (2000) et de Barcelone (2001) – qui permettaient à
un exploitant de service en ligne d’obtenir auprès de la société d’auteurs de l’Etat,
où il avait sa résidence économique, une autorisation pour l’exploitation en ligne des répertoires des sociétés d’auteurs signataires pour le monde entier – ont pris fin au
31 décembre 2004.
Et ce, après que la direction générale Concurrence [alors dirigée par Neelie Kroes, ndlr]
a considéré que la clause de résidence économique était contraire au droit de la concurrence. De plus, le système des accords de représentation réciproque nécessaire pour assurer un guichet unique des droits a été déstabilisé par une recommandation européenne datée du 18 octobre 2005 et par une décision du 16 juillet 2008. La conséquence de ces interventions communautaires est que la fragmentation du répertoire musical qui en résulte rend impossible l’obtention, auprès d’une seule société, de l’ensemble des droits mondiaux. Cette situation est vivement critiquée par les services en ligne. Face à cette situation complètement préjudiciable aux exploitants comme aux ayants droit, les sociétés d’auteurs européennes, conformément au souhait de la Commission européenne, recherchent des solutions qui permettent de remettre en place un système cohérent et simple.

EM@ : C’est Neelie Kroes, alors à la Concurrence, qui a condamné en 2008 des sociétés d’auteurs, dont la Sacem, pour entente illicite. Quelle a été l’issue ?
B. M. :
La Commission européenne a en effet considéré, dans sa décision du 16 juillet 2008 – prise dans l’affaire dite Cisac (1) –, que 24 sociétés d’auteurs avaient violé le Traité européen, en coordonnant les limitations territoriales insérées dans les mandats qu’elles se confient par le biais des contrats de représentation réciproque dans trois secteurs d’activité, à savoir : la retransmission par câble, la radiodiffusion par satellite
et l’exploitation sur Internet. La Sacem a déposé, le 30 septembre 2008, un recours en annulation à l’encontre de cette décision devant le tribunal de première instance des communautés européennes, à l’instar de 21 autres sociétés d’auteurs et de la Cisac. Toutefois, ce recours n’étant pas suspensif et sa demande de sursis à exécution ayant été rejetée, la Sacem a parallèlement – en application de la décision de 2008 – négocié avec les 23 autres sociétés d’auteurs, afin de réexaminer avec chacune d’elles, sur une base strictement bilatérale, la portée territoriale des mandats qu’elles se sont confiés pour les secteurs de la retransmission par câble, la radiodiffusion par satellite et l’exploitation sur Internet. A ce jour, 22 nouveaux accords ont été conclus.

EM@ : Qu’a donné l’accord signé le 19 octobre dernier par des sociétés d’auteurs, dont la Sacem, et des industriels comme Amazon, Universal Music, Apple ou Nokia ?
B. M. :
Les participants ont signé – lors d’une table ronde du 19 octobre 2009 organisée à l’initiative de Neelie Kroes – une déclaration commune exposant les principes généraux, dont le respect devrait permettre d’améliorer la distribution de contenus musicaux en ligne. Nous nous sommes notamment engagés à explorer la possibilité de créer une plateforme d’octroi d’autorisations pan-européennes couvrant le plus grand nombre de répertoires possibles. Si aucun calendrier n’a été défini, un certain nombre de participants ont annoncé depuis des mesures concrètes. Ainsi, la Sacem – convaincue de la nécessité de regrouper les répertoires en un point unique – s’est personnellement engagée à coopérer avec ses sociétés sœurs, afin de créer un portail qui permettrait, sur une base non exclusive, d’offrir aux exploitants en ligne le plus grand nombre de répertoires possibles.

EM@ : La Sacem a-t-elle répondu à la consultation que la Commission européenne vient de boucler sur les contenus créatifs en ligne?
B. M. :
Non, dans la mesure où le Gesac (2) – dont la Sacem est membre – a soumis des observations qui reflètent nos positions. Si la Commission européenne affirme vouloir promouvoir et favoriser le développement de l’offre légale de services en ligne, elle ne dit pas un mot de la nécessité de renforcer la lutte contre la piraterie qui constitue pourtant un fléau majeur freinant le développement d’offres légales. Elle insiste en revanche sur le fait que la gestion des droits dans le domaine de l’exploitation en ligne est compliquée par la mise en oeuvre conjointe de deux droits différents : le droit de reproduction, géré par les éditeurs sur une base multi territoriale, et le droit d’exécution publique qui le serait sur une base mono territoriale par les sociétés d’auteurs. Elle réfléchit également à l’inclusion des droits d’auteurs et des droits voisins dans une même autorisation. Toutefois, l’association de ces droits ne peut intervenir que sur la base d’accords conclus volontairement par les parties concernées. Quant à la réflexion que propose la Commission européenne sur la mise en place de formes alternatives de rémunération – notamment une compensation, en raison des échanges illicites, versée aux ayants droit par les FAI en complément des rémunérations négociées par les ayants droit avec les exploitants de services en ligne –, la Sacem ne peut qu’y être favorable puisqu’elle a ellemême proposé une solution de cet ordre dans le cadre de la mission Zelnik-Toubon-Cerruti. @

FOCUS

Du rapport Zelnik au Midem : la musique en première ligne
Le 44eMarché international de la musique et de l’édition musicale (Midem), qui a fermé
ses portes fin janvier, marque l’appropriation du numérique par cette industrie qui a été la première à en essuyer les plâtres. Après avoir perçu Internet comme une menace et avoir rechigné à s’adapter à la demande des internautes, la filière musicale semble résolue à ne plus pleurer sur son sort mais à faire sienne les nouveaux médias – même si la chute des ventes de CD musicaux est encore loin d’être compensée par la hausse de la musique en ligne. Est-ce l’arme de dissuasion Hadopi (loi promulguée il y a moins de trois mois) ?
Est-ce le soutien promis par l’Etat français (carte «musique en ligne » et plateforme de référencement) ? Est-ce le ralentissement de la baisse du marché de la musique en 2009 ? Même si la fréquentation du Midem était en baisse cette année (7.200 professionnels à Cannes), l’optimisme de la filière était quand même à la hausse. Le Syndicat national de l’édition phonographique (Snep) a fait état d’une baisse annuelle de 3,2 % du marché de gros de la musique à 587,8 millions d’euros en 2009 (au lieu d’une chute de 15 % l’année précédente à 607,2 millions).

Premiers effets « Hadopi » ?
Alors que les premiers messages d’avertissement de l’Hadopi ne sont pas attendus avant avril prochain (voir EM@ n°5 p 1 et 2), le Snep y voit déjà les premiers bienfaits de la loi Hadopi. Même si les revenus de la musique numérique enregistrent une baisse de 1,9 %, à 75,8 millions d’euros : les sonneries pour mobile sont en recul, mais les téléchargements et le streaming sont en forte hausse. Reste que plus de 87 % de ce chiffre d’affaires global est encore généré par les ventes physiques – CD et DVD – même si elles perdent inexorablement du terrain. A l’inauguration du Midem, le ministre de la Culture et de la Communication Frédéric Mitterrand a indiqué qu’il espérait que la carte Musique en ligne à 50 euros – que les 15-24 ans paieront pour moitié, l’autre étant pris en charge par l’Etat et les industriels – sera disponible pour la Fête de la musique, le 21 juin prochain. Quant à la « gestion collective obligatoire des droits exclusifs » pour le téléchargement de musique sur Internet et le streaming à la demande, elle devra faire l’objet d’un accord professionnel d’ici le 31 décembre 2010. Sinon, la loi l’imposera.