Ciné en Version OTT

Pour comprendre ce qu’est devenu le cinéma aujourd’hui,
on peut se rappeler deux anecdotes d’ il y a un peu plus de dix ans déjà. Mi-2013, Steven Spielberg et George Lucas prédirent « l’implosion » du cinéma devant un parterre d’étudiants inquiets de l’Université de Californie du Sud,
en partageant avec eux leur pessimisme face à l’augmentation des coûts de production, du prix des places et la multiplication des écrans. Cette tendance pousse, selon eux, les studios à se concentrer sur la production de films à 250 millions de dollars pour des salles à grand spectacle au détriment de très nombreux films différents en manque de grands écrans. Mi-2014, Potomac Video, le dernier magasin de location de vidéo physique encore en fonctionnement dans la capitale américaine Washington, fermait ses portes, victime des nouvelles habitudes de regarder les films en streaming et en VOD. Ce fut une fermeture symbolique, après 33 ans d’existence, qui fit suite à la faillite de la chaîne de magasins Blockbuster. On ne regarde pourtant pas moins de films aujourd’hui qu’hier, bien au contraire, mais force est de constater que le cinéma à la demande a tout changé. C’était la fin d’une époque, et le début d’une nouvelle ère : d’un côté, les films en salles de cinéma se focalisent sur les productions à grand spectacle ;
de l’autre, les chaînes de télévision se battent pour acquérir les droits des films récents ou exclusifs. Heureusement pour l’industrie du cinéma, au cœur de cette évolution touchant tous les contenus, les films occupent une place particulière. Plus que jamais, sur le segment de la fiction, seuls les nouveaux films de cinéma et les épisodes de séries inédits à la télévision sont considérés comme des contenus premium. Mais les films perdent rapidement de leur attractivité et de leur valeur unitaire commerciale, lorsqu’ils intègrent les riches catalogues des offres de VOD ou les grilles des chaînes thématiques.

« La montée en puissance de la distribution de nouveaux films directement sur Internet s’est faite progressivement »

La gestion des flux vidéo devient un enjeu mondial

En fait. Le 28 avril, la société française Anevia a déposé un document de base auprès de l’AMF en vue de son introduction à la Bourse de Paris. Après le succès
il y a dix ans de son lecteur multimédia VLC, elle y explique pourquoi elle s’est spécialisée dans les logiciels de diffusion de flux de vidéo.

En clair. Un peu plus de dix ans après sa création, la société française Anevia – fondée il y a onze ans par les fondateurs de VLC (1), dont les actuels dirigeants Tristan Leteurtre et Damien Lucas – veut se donner une visibilité boursière pour accélérer son développement international sur le marché mondial en pleine expansion de la diffusion de vidéo et de la télé en ligne, du Content Delivery Network (CDN) et de l’Over- The-Top (OTT). Fort du succès mondial du lecteur multimédia libre et gratuit VLC Media Player, lequel a dépassé 1 milliard de téléchargements depuis sa mise à disposition en 2001, Anevia explique dans son document de base que « son offre de logiciel serveur ViaMotion pour CDN rend les opérateurs télécoms, ainsi que les diffuseurs et fournisseurs de contenus média, capables de diffuser leurs flux vidéo vers tous les appareils connectés à Internet (téléviseurs, ordinateurs, smartphones, tablettes, …) ».

Réseaux de chaînes : le PAM de YouTube et Dailymotion

En fait. Le 25 mars, Disney annonce l’achat de Maker Studios, diffuseur de quatre réseaux de 55.000 chaînes de vidéos diffusées sur YouTube et Dailymotion, pour
un montant de 500 à 950 millions de dollars selon des objectifs de performances. Canal+ (Vivendi) et Webedia (Fimalac) s’intéressent aussi aux MCN.

En clair. Les Multi-Channel Networks (MCN) s’imposent dans le paysage audiovisuel mondial (PAM) en revendiquant des audiences à faire pâlir les chaînes traditionnelles et séduire les annonceurs en quête d’audiences massives. Ces réseaux multi-chaînes, diffusés sur les grandes plates-formes de partage vidéo que sont YouTube (Google) et Dailymotion (Orange), se nomment par exemple Fullscreen, Machinima, Alloy, BigFrame ou encore Maker Studios.
C’est sur ce dernier, start-up créée en 2006, que Disney vient de jeter son dévolu en prévoyant de débourser pas moins d’un demi milliard de dollars. Ce ticket d’entrée élevé pour le monde émergent des MCN, illustre l’intérêt grandissant que suscite l’audiovisuel en ligne. Maker Studios (1) revendique 55.000 chaînes de vidéos courtes diffusées sur YouTube et Dailymotion via quatre réseaux thématiques (homme, femme, famille et divertissement), lesquels totalisent 380 millions d’abonnés et 5,5 milliards de vues par mois. Avec cette audience, ce nouveau network américain rivalise avec des chaînes classiques aussi renommée que Nickelodeon (Viacom). «La vidéo en ligne au format court croît à une allure stupéfiante », s’est félicité Robert Iger, PDG du groupe Walt Disney. Le groupe Canal+, qui détient une participation minoritaire (5 %) dans Maker Studios, s’est lui aussi positionné sur le marché des MCN en rachetant début mars la start-up française Studio Bagel diffusant plus d’une vingtaine de chaînes sur YouTube pour plus de 6 millions d’abonnés pour plus de 40 millions de vidéos vues par mois. La chaîne payante du groupe Vivendi, qui a lancé en 2013 un réseau multi-chaînes baptisé CanalFactory revendiquant aujourd’hui plus de 4 millions de vidéos vues par mois avec une vingtaine de chaînes là aussi, s’est dotée en janvier dernier d’une division OTT (Over-The- Top) pour se développer sur Internet et monétiser par la publicité ces nouvelles audiences.
De son côté, le groupe Webedia – détenu par Fimalac (2) – s’est offert en février un autre français du MCN : Melberries, diffusant ses chaînes sur YouTube, Dailymotion ou encore Wat.tv (TF1) et Orange (propriétaire de Dailymotion). Selon Comscore, le nombre de visiteurs unique de Google (essentiellement YouTube) et de Dailymotion en France sur
le mois de février était de respectivement 33,962 millions et 17,714 millions. @

Livre numérique : la croissance va ralentir en France

En fait. Le 21 mars, le 34e Salon du livre de Paris a ouvert ses portes pour quatre jours. L’édition est encore la première des industries culturelles (3,9 Mds €), devant les loisirs interactifs (1,8 Md €), la vidéo (1,2 Md €) et la musique (0,7 Md €). Mais elle reste la lanterre rouge dans le numérique.

En clair. Le marché français du livre numérique reste encore embryonnaire, mais en forte croissance. C’est ce qui ressort des chiffres des ventes 2013 fournis par l’institut d’études GfK : 44 millions de chiffre d’affaires, en croissance de près de 110 % sur un an, avec plus de 5 millions de téléchargements payants.
Malgré cette envolée, cela représente seulement 1,1 % du total du marché français du livre qui pèse 3,9 milliards d’euros l’an dernier (1). Mais selon nos calculs, si le marché des ventes d’ebooks en France a plus que doublé en 2013 par rapport à 2012, la croissance des quatre prochaines années – 2014 comprise – va ralentir (voir graphique ci-dessous). Cette croissance restera cependant à deux chiffres pour franchir, selon GfK, la barre des 100 millions d’euros de chiffre d’affaires courant 2015 et atteindre les 180 millions en 2017. Autant dire que le seuil des 200 millions sera franchi l’année suivante. @

Musique et vidéo : la bataille mondiale des métadonnées et de la recommandation en ligne

La société Gracenote veut devenir le standard dans la gestion des métadonnées décrivant les musiques et les vidéos numériques. Mais, au-delà de la reconnaissance des œuvres, se joue une bataille cruciale pour les industries culturelles : la recommandation en ligne auprès des utilisateurs.

ITunes d’Apple, Google Play, le could d’Amazon, les smartphones de HTC, le nouveau Napster de Rhapsody ou encore les TV connectées de Sony et de Toshiba : ils ont tous en commun de faire appel à la méga-base de métadonnées de la société américaine Gracenote. Y sont décrits plus de 180 millions de titres de musiques de part le monde. Cette mine d’informations sur les œuvres musicales (titre, genre, artiste, droits d’auteur, référence, illustration, paroles, …), consultée en temps réel à raison de plusieurs centaines de millions de requêtes par jour (plusieurs milliards par mois), permet aux plates-formes de musique sur Internet, aux fabricants de terminaux ou aux éditeurs
de boutiques en ligne, de proposer aux internautes ou aux mobinautes des services
de reconnaissance de musique.