Huawei franchit les 100 milliards de dollars de chiffre d’affaires, envers et contre (presque) tous

La firme de Shenzhen, qui a déjà délogé Apple de la 2e place mondiale des ventes de smartphones, a franchi en 2018 les 100 milliards de dollars de
chiffre d’affaires. Huawei veut maintenant être le n°1, malgré la campagne
de dénigrement orchestrée par les Etats-Unis à son encontre.

Huawei Technologies, fondé par le Chinois Ren Zhengfei (photo) il y a plus de 30 ans, est un géant des télécoms,
dont les smartphones génèrent plus d’un tiers de ses revenus. Conformément à ses prévisions exprimées fin 2018, alors que la campagne sécuritaire engagée à son encontre avait déjà bien débuté, son chiffre d’affaires sur l’année 2018 a dépassé la barre des 100 milliards de dollars, en hausse de 21 % sur un an. Ren Zhengfei a même indiqué le 18 mars (1) que la croissance pour 2019 serait de 15 %.

En France, une loi « anti-Huawei » en vue
Pourtant, jamais une multinationale n’avait eu à subir une telle campagne de suspicion et de dénigrement de la part de plusieurs pays à la fois, la plupart occidentaux – emmenés par un Donald Trump prétextant vouloir sauvegarder la « sécurité nationale » des Etats-Unis et de ses alliés partenaires (2). Le locataire de la Maison-Blanche tente de les dissuader d’acheter à la firme de Shenzhen ses équipements de réseau 5G, lesquels seraient des chevaux de Troie chinois destinés à faire du cyberespionnage à grande échelle via des « backdoor » et au profit du Parti communiste chinois. Le procès d’intention se le dispute au fantasme sécuritaire. Le 7 mars, Huawei a annoncé avoir déposé plainte (3) contre les Etats-Unis pour avoir interdit à ses administrations d’acheter ses équipements télécoms – ce qui serait inconstitutionnel. L’« America
First » est aussi en toile de fond – notamment pour préserver Apple que Huawei a délogé en 2018 de la seconde place mondiale des ventes de smartphones (4). Le 18 mars, le ministre chinois des Affaires étrangères, Wang Yi, a dénoncé « des pratiques anormales et immorales ».
L’Otan (5) a même prévenu le 13 mars qu’elle cessera toute communication avec l’Europe si l’Allemagne venait à acheter de la 5G chinoise. Le Wall Street Journal avait révélé le 11 mars que l’ambassadeur américain à Berlin, Richard Grenell, homme lige de Donald Trump, avait fait parvenir une lettre au ministre allemand de l’Economie, Peter Altmaier, proche d’Angela Merkel, pour demander à l’Allemagne de ne pas équiper ses réseaux 5G de matériels chinois (6) – sinon il n’y aurait plus d’échanges d’informations sensibles entre les deux pays ! Le Danemark vient d’exclure Huawei au profit d’Ericsson. Le Royaume-Uni et la Norvège sont aussi suspicieux. L’Australie a aussi interdit Huawei et son compatriote ZTE. Comme pour la taxe GAFA, la chancelière allemande craint des représailles sur l’industrie automobile allemande si elle ne donne pas satisfaction à Washington. Elle s’est donc empressée de promettre de « discute[r] avec [ses] partenaires, tant en Europe qu’aux Etats-Unis » de la sécurité avant la construction des réseaux 5G.
Tandis que les eurodéputés adoptaient le 12 mars un règlement sur la cybersécurité (7) participant de cette psychose « anti-Huawei ». En France, la commission des affaires économique de l’Assemblée nationale doit examiner le 3 avril prochain une proposition de loi visant à « préserver les intérêts de la défense et de la sécurité nationale de la France dans le cadre de l’exploitation des réseaux radioélectriques mobiles » (8). Concrètement, Orange, SFR, Bouygues Telecom et Free seront tenus d’« adresser une demande d’autorisation au Premier ministre », qui « se prononcera dans un délai de deux mois ». Le gouvernement avait déjà tenté d’introduire en février dernier cette mesure dans la loi Pacte, mais les sénateurs l’avaient rejetée en demandant un débat approfondi. Ce régime d’autorisation préalable, s’il devait être adopté, s’appliquerait aux appareils installés à partir du 1er janvier 2019. Sans bien sûr le nommer, le chinois Huawei se retrouverait aussi dans le collimateur de la France.
Pourtant, le groupe de Ren Zhengfei (74 ans) est considéré comme le plus performant en matière d’équipements 5G de qualité. Il avait profité du Mobile World Congress (MWC) de Barcelone en février pour commencer la contre-attaque et discréditer les accusations jugées sans fondement proférées par les Etats-Unis. L’actuel président tournant de Huawei, Guo Ping, et le président de Huawei pour l’Europe de l’Ouest, Vincent Ping, sont alors montés au créneau – non seulement pour défendre l’intégrité du groupe mais aussi l’innocence de sa directrice financière, Meng Wanzhou, fille du fondateur Ren Zhengfei.

Le fondateur Ren Zhengfei défend sa fille
Meng Wanzhou (47 ans) a été arrêtée en décembre au Canada à la demande du département de la justice américaine (DoJ) et inculpée depuis janvier de violation des sanctions contre l’Iran. Sa comparution pour une éventuelle extradition est prévue le 8 mai à Vancouver. Son père a qualifié de « politique » cette arrestation « sans preuve ». Le 8 mars, la Chine a apporté son soutien à la firme de Shenzhen. @

Charles de Laubier

Le marché mondial des smartphones baisse pour la première fois : mauvais présage pour la 5G

Entre – 3 % et – 5 %. C’est la baisse des ventes mondiales de smartphones en 2018 par rapport à l’année précédente. Du jamais vu sur ce marché high-tech habitué à des croissances annuelles depuis dix ans. Ce coup frein n’est pas de bon augure pour la future 5G, laquelle promet monts et merveilles à Barcelone.

« Nous pensons que plusieurs facteurs entrent en jeu ici, notamment l’allongement des cycles de renouvellement, l’augmentation des taux de pénétration sur de nombreux grands marchés, l’incertitude politique et économique, ainsi que la frustration croissante des consommateurs face à la hausse continue des prix », avance Ryan Reith (photo de gauche), analyste au sein du cabinet d’études IDC. La grandmesse internationale du mobile à Barcelone, du 25 au 28 février, ne sera pas vraiment à la fête.

La 5G va arriver au pire moment
Ce coup de froid sur les smartphones intervient alors que la 5G s’annonce déjà pour 2020 au plus tôt (1), sans que l’on sache encore vraiment si les consommateurs mobinautes seront demandeurs et surtout prêts à payer encore plus cher leur objet fétiche lesté d’un forfait très haut débit plus coûteux lui aussi. « Nous nous attendons
à ce que ces nouveaux appareils [5G] augmentent les prix de vente moyens, car de nouveaux écrans, des micro-processeurs et des systèmes radio feront monter le prix
de la nomenclature des équipements, ou BOM (2), ce qui se traduira par des prix plus élevés pour les consommateurs. Pour lutter contre cela, les opérateurs mobile et les distributeurs devront maximiser le plus possible les offres de reprise des anciens smartphones comme une forme de subvention, afin de favoriser les mises à niveau
tout au long de 2019 », prévient Ryan Reith.
Le coût de plus en plus élevé des smartphones pour les consommateurs explique donc en bonne partie l’amorce d’un déclin de ce marché mondial. Tout le monde ne peut pas s’offrir un modèle à 1.000 dollars ou 1.000 euros ! Selon les cabinets d’études, la baisse historique de 2018 par rapport à 2017 est de -3 % (GfK), -4 % (IDC) ou -5 % (Canalys). Pour autant, les smartphones constituent toujours aujourd’hui un marché
de masse qui atteint tout de même 1,4 milliard d’unités vendues sur l’année 2018. Mais le pic des ventes des téléphones intelligents a été atteint en 2017 (malgré une baisse de -0,5 %) et pourrait être le dernier record, tandis que le marché des tablettes – bien moins important en taille avec à peine plus de 150 millions d’unités vendues – avait affiché son plus haut niveau en 2013 (3). « Ce n’est pas un choc pour les fabricants
de smartphones de savoir que le marché a dépassé son plus haut niveau. Les consommateurs gardent en fait leur mobile aussi longtemps que l’innovation des appareils ralentit », assure Benjamin Stanton (photo de droite), analyste chez Canalys. L’effet des écrans agrandis sur les ventes est passé (4). La 5G est encore loin pour le grand public, même si Barcelone donne l’illusion qu’elle est déjà là. Et les écrans pliables – tels que celui du Galaxy F (Galaxy Fold), dont le prototype a été présenté par Samsung le 20 février en vue d’une commercialisation prévue avant la fin du premier semestre – suffiront-ils à re-séduire les mobinautes devenus plus économes ? Sans vraie innovation, sans faire flamber les prix, pas de second souffle. Les marchés dits “développés” (les plus riches) sont saturés, comme l’a démontré le Pew Research Center sur les usages.
Les seuls pays qui enregistrent encore une croissance de leur marché des smartphones – Inde, Indonésie, Corée, Vietnam ou encore Russie – n’ont pas compensé le déclin de la Chine, laquelle pèse à elle seule environ un tiers du marché mondial des smartphones. L’Empire du Milieu fait face à un ralentissement de son marché intérieur, ce qui tire vers le bas les ventes mondiales. De plus, la bataille géopolitique entre les Etats-Unis et la Chine contribue au ralentissement du marché mondial des smartphones. Huawei, justement, est le premier challenger d’Apple (5) :
il y a un an, la firme de de Shenzhen avait détrôné pour la première fois la marque américaine à la pomme de la seconde place mondiale des fabricants de smartphones (6). Bien qu’Apple ait repris, pour l’instant, cette deuxième marche du podium, Huawei (14,8% de parts de marché en 2018 selon Canalys, 14,7 % selon IDC) talonne le fabricant d’iPhone (15,3 % selon Canalys, 14,9% selon IDC). Toujours numéro un mondial des smartphones, le sud-coréen Samsung (21,2 % selon Canalys, 20,8 % selon IDC) vient de réorganiser sa division « smartphone » pour mieux conforter sa première place en 2019 face aux assauts des chinois Huawei, Oppo, Vivo et Xiaomi.

Le plus dur reste à venir
Onze ans après le lancement du premier iPhone, la révolution du tout petit écran est terminée – du moins est-ce la fin d’un premier cycle d’innovations à portée de main.
Au niveau mondial, l’année 2018 a dépassé la barre des 3 milliards d’utilisateurs de smartphone. Selon Forrester Research, poursuivre au-delà sera désormais plus difficile. @

Charles de Laubier

Samsung contre Apple : la bataille des écrans

En fait. Le 12 septembre (date dont Europe 1 a eu la confirmation), Apple dévoilera ses nouveaux iPhone à Cupertino. Tandis que, depuis le 24 août, Samsung commercialise son nouveau Galaxy, le Note 9 présenté le 9 août à New York. Le sud-coréen se démarque de l’américain par ses plus grands écrans.

En clair. Samsung en a une plus grande qu’Apple… C’est de la dimension
de l’écran dont on parle ! Commercialisé depuis le 24 août, le « phablet » Galaxy Note 9 – au format plus proche d’un smartphone que d’une tablette – offre un écran de 6,4 pouces, contre 6,3 pouces pour son prédécesseur le Galaxy Note 8. L’iPhone X, dont la gamme a été lancée il y a un an, a opté, lui, pour un écran de 5,8 pouces qui dépasse largement les 4,7 pouces de l’iPhone 8 et même les 5,5 pouces de l’iPhone 8 Plus. Mais un prochain iPhone X, qui sera annoncé le 12 septembre prochain, pourrait être doté d’un écran de 6,1 pouces, voire d’un 6,5 pouces pour le iPhone X « Plus ». Cette tendance à une taille d’écran plus large répond à une demande de
la clientèle pour un plus grand confort de lecture et de visionnage – ère de la vidéo oblige (séries, films et publicités) et de l’ultra-HD (4K). C’est sur ce terrain-là de l’affichage plus large que le sud-coréen entend booster ses ventes au niveau mondial par rapport à la marque à la pomme et à ses nombreux autres concurrents (Huawei, Xiaomi, Oppo, …). Le Galaxy Note
9 propose d’ailleurs, et il s’agit d’une première pour un terminal Android,
le jeu vidéo phénomène du moment – « Fortnite » (120 millions de gamers dans le monde), développé par Epic Games. Cette augmentation des écrans est permise par la généralisation de technologie d’affichage Oled (1), qui signe l’arrêt des cristaux liquides rétroéclairés. Outre une épaisseur de l’écran plus fine, la diode électroluminescente organique – c’est-à-dire que chaque pixel s’illumine indépendamment des autres – offre des couleurs plus éclatantes, de meilleurs contrastes, des noirs plus profonds et un meilleur éclairage ambiant.
Cette bataille des écrans que se livrent Samsung et Apple – le premier pour préserver sa place de premier fabricant mondial de smartphones (2) avec 19,3 % de parts de marché au deuxième trimestre 2018 et le second pour tenter de regagner sa seconde place perdue à 11,9% (3) – intervient après que les deux géants aient enterré en juin dernier la hache de guerre sur
les brevets. Le chaebol de Séoul, qui a été condamné pour violation de propriété intellectuelle comme pour les bords arrondis et les icônes colorées rangées sur un écran noir, et la firme de Cupertino ont en effet signé un accord secret pour solder l’action en justice qui s’éternisait depuis sept ans. @

Les trois « injustices fiscales » qui pénalisent les opérateurs télécoms, selon leur fédération

Créée il y a dix ans (septembre 2007), la Fédération française des télécoms (FFTélécoms) fait de la fiscalité qu’elle juge « discriminatoire » envers les opérateurs un combat. Au moment où le projet de loi de Finances 2018 est débattu, revenons sur ces taxes qui profitent à la culture et aux collectivités.

Par Katia Duhamel, experte en droit et régulation des TIC, K. Duhamel Consulting

La Fédération française des télécoms (FFTélécoms) a publié en mars 2017 un état des lieux du secteur et des propositions pour faciliter les déploiements, assurer une équité entre tous les acteurs du numérique et favoriser l’innovation et la confiance numérique. La nécessité de revoir une fiscalité que les opérateurs télécoms jugent
« rigide, complexe et inéquitable » est un des principaux messages délivrés par ce document (1).

Fiscaliste jugée « discriminatoire »
Selon la FFTélécoms , les opérateurs de télécommunications sont « discriminés »
si on les compare à d’autres acteurs économiques – au moins pour les trois raisons suivantes : primo, ils sont soumis à une fiscalité spécifique qui se caractérise par une instabilité chronique ; secundo, cette fiscalité spécifique est particulièrement lourde ; tertio, elle accroît les distorsions de concurrence face à d’autres acteurs qui – les GAFA ou GAFAM pour Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft – ne paient déjà en France qu’un impôt dérisoire au regard de leur chiffres d’affaires et de leur puissance financière.
Au titre de leur activité traditionnelle de télécommunications, les opérateurs français sont soumis à des taxes (instituées ou modifiées par la loi) ou à des redevances (créés ou modifiées par voie réglementaire) dites « spécifiques » que l’on retrouve cependant dans la plupart des pays du monde. Il s’agit essentiellement de la contribution au service universel, à la formation et à la R&D ainsi que de redevances instituées pour l’utilisation, la gestion et le contrôle des ressources rares (fréquences et numérotation) (2). Mais ce qui caractérise le système français, c’est la contribution élevée des opérateurs au financement de l’industrie culturelle (cinéma, télévision) et des collectivités territoriales résultant d’un empilement législatif qui a prospéré au cours
des dix dernières années pour instituer une série de taxes ne bénéficiant pas au secteur, à savoir :
La taxe pour le financement de l’audiovisuel public, la TOCE dite « taxe Copé ». Instituée par la loi du 5 mars 2009 pour financer la fin de la publicité sur les chaînes
de France Télévisions, elle a été augmentée de 44 % par la loi de Finances 2016.
La taxe sur les services de télévision (TST) étendue aux distributeurs (TST-D),
dont font partie les opérateurs télécoms et fournisseurs d’accès à Internet (FAI). Créée en 2008 pour le financement du cinéma et de la télévision via le CNC (3). La loi de Finances 2012 a élargi l’assiette de la TST-D à l’ensemble de l’abonnement pour contrer la stratégie de certains opérateurs télécoms, notamment de Free, qui réduisaient l’assiette de cette taxe en vendant la télévision séparément dans leurs offres triple play. Cette réforme vivement contestée a été finalement validée par Bruxelles à la fin de l’année 2013 (4).
La taxe pour la copie privée dont l’application a été étendue par la loi « Copé » aux téléphones, smartphones, tablettes, set-top-box et au cloud audiovisuel (5) pour compenser les ayants droits (6).
L’imposition forfaitaire pour les entreprises de réseaux (IFER) qui, au demeurant,
ne concerne pas que les opérateurs télécoms car elle s’applique à d’autres entreprises de réseaux (énergie, transport ferroviaire), bénéficie aux collectivités territoriales. En pratique, il s’agit d’une taxe annuelle forfaitaire par station radioélectrique, c’est-à-dire les antennes relais de téléphonie mobile (7), et par répartiteurs principaux de la boucle locale de cuivre (8). A noter que cette taxe a été allégée en 2016 dans certaines conditions pour les antennes mobiles.

Industrie culturelle et collectivités territoriales
Au total, selon une étude réalisée en 2013 pour le compte de la FFTélécoms par le cabinet Greenwich Consulting (9), seule la France en Europe – et dans une moindre mesure l’Espagne – impose au secteur des télécoms de contribuer si fortement au financement de l’industrie culturelle et des collectivités territoriales. Et ce, au prix d’une cadre législatif et réglementaire complexe qui ne cesse d’évoluer de façon imprévisible. Si on en croit les derniers chiffres publiés par la FFTélécoms concernant cette seule fiscalité spécifique, ses trois principaux opérateurs membres que sont Orange, Numericable à l’époque et Bouygues Telecom (Free n’étant plus membre depuis 2008 (10)) auraient payé 1,209 milliard d’euros en 2015. Cette somme ne bénéficie pas au secteur des télécoms, dans la mesure où 80 % financent d’autres industries ou les collectivités locales, et 20 % financent l’Etat. En 2013, selon l’étude Greenwich, la fiscalité spécifique applicable au secteur des télécoms représentait déjà 2,98 % des revenus totaux des opérateurs télécoms, soit plus d’un tiers de leur niveau global d’imposition et 20 % du montant de leurs investissements, ce dernier chiffre étant à comparer à 4,26 % aux Etats-Unis, 2 % au Royaume- Uni ou 1,33 % en Allemagne.

Distorsions de concurrence Telcos-GAFA
De surcroit, cette fiscalité spécifique s’ajoute au coût relativement élevé des dernières licences mobiles : 240 millions d’euros en 2009 pour le 4e réseau 3G (Free), 600 millions d’euros pour les fréquences 3G résiduelles en 2010, 3,6 milliards d’euros en 2012 pour les fréquences 4G dans les bandes 800 Mhz et 2600 Mhz, et 2,98 milliards en 2015 pour les fréquences de la bande 700 Mhz.
Si on compare enfin la pression fiscale globale pesant sur le secteur des télécoms à celle d’autres secteurs, il semble que la première soit significativement plus élevée. Ainsi, une autre étude commanditée elle aussi par la FFTélécoms, cette fois auprès
du cabinet Arthur D Little (11), indiquait que les opérateurs télécoms sont globalement taxés à hauteur de 27 % de leur Ebitda, à comparer au niveau moyen de 19 % pour
les entreprises du CAC 40. Toujours selon la FFTélécoms, l’impôt sur les sociétés des opérateurs télécoms est neuf fois supérieur à celui des géants de l’Internet. Ce ratio est du reste corroboré par un certain nombre d’études, dont le rapport de la Commission européenne publié le 28 mai 2014 par son groupe d’experts de haut niveau sur la taxation de l’économie numérique (12). Ce dernier montre que non seulement les Etats ne perçoivent que peu de revenus fiscaux de ces entreprises, mais qu’en plus celles-ci absorbent chaque jour davantage de valeur ajoutée, privant également les Etats de ces revenus. Grâce aux failles du cadre fiscal européen, et au-delà international, les pratiques d’optimisation fiscales des champions américains de l’économie numérique leur confèrent un avantage comparatif indéniable leur permettant de dégager des marges financières exceptionnelles qui confortent leur position dominante face aux entreprises nationales — notamment par le rachat d’entreprises innovantes qui pourraient à l’avenir les concurrencer (par exemple le rachat de WhatsApp par Facebook) – ou la diversification de leurs activités vers de nouveaux marchés. Le débat fait rage depuis plusieurs objectivement inéquitable qui vient d’être décrite, et la France en a fait un de ces chevaux de bataille auprès de la Commission européenne en fédérant un certain nombre de pays autour d’une initiative commune (13) pour taxer les GAFA sur la base de leur chiffre d’affaires et non de leur bénéfice. Mais cette initiative bouscule le travail de fond effectué par la Commission européenne et le Parlement européen pour harmoniser au niveau de l’UE la base de calcul de l’impôt sur toutes les sociétés incluant les entreprises numériques (projet de directive ACCIS (14)), alors que dans le même temps l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) travaille également sur ces sujets dans le cadre de son plan BEPS (15). De plus, des Etats membres de l’UE comme Chypre, Malte et l’Irlande – qui profitent de
la concurrence fiscale dans l’Union Européenne – y sont farouchement opposés. Bref, au niveau européen, le débat risque de durer, même si le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, a indiqué récemment qu’il souhaite faire passer
à la majorité qualifiée le domaine fiscal (alors que pour l’instant toute réforme fiscale nécessite l’unanimité dans l’UE). A terme, au-delà de l’Europe, des réformes de la fiscalité internationale devront être engagées au sein du G20 ou par l’OCDE, afin d’éviter que d’autres pays hors de l’UE bénéficient à ses dépens de la manne fiscale des GAFA.
Bien entendu, la FFTélécoms soutient l’initiative du gouvernement « Macron » pour localiser en France et soumettre à l’impôt le chiffre d’affaires réalisé en France par
des acteurs du numérique. Mais son autre cheval de bataille, en vue de limiter les contributions spécifiquement françaises du secteur au financement de l’industrie culturelle, n’en est pas moins important. En effet, même si quelqu’un d’un peu sensible et sensé (ayant passé du temps à l’étranger) ne peut que s’enorgueillir d’un système qui permet de maintenir la fameuse « exception culturelle française », il faut toutefois se demander s’il est juste de faire peser autant le poids de son financement sur une seule catégorie d’acteurs à savoir les opérateurs télécoms.

Exception culturelle française et télécoms
De ce point de vue, les propositions de la FFTélécoms concernant la simplification
de la fiscalité sectorielle des opérateurs, la suppression de la TOCE au profit d’un financement plus équitablement réparti et le plafonnement de la TST-D méritent d’être examinées avec attention. Pour le reste et, en particulier s’agissant de l’obsession française de « faire cracher les GAFA au bassinet fiscal », il nous semble qu’elle devrait être en partie reconvertie dans le souci au moins aussi utile de mettre en oeuvre une politique industrielle qui lui fait cruellement défaut pour développer des géants du Net capables de rivaliser avec les GAFA américains. @

Smartphones : Samsung et Apple sous pression

En fait. Le 23 août, Samsung dévoilait son Galaxy Note 8 (disponible le 15 septembre). Le 12 septembre, Apple présentera son iPhone 8. Le 5 octobre, Google lancera le Pixel 2. Mais les challengers LG, Nokia ou Motorola font pression, ainsi que les chinois Huawei, Oppo ou Vivo. Concurrence menacée
de saturation.

En clair. Le marché mondial des smartphones est en pleine effervescence. Dix ans après le lancement de l’iPhone, la bataille technologique s’est transformée en guerre économique. Si le sud-coréen Samsung se maintient en première place mondiale des fabricants de smartphones, en gagnant même un petit 0,1 point de parts de marché sur un an (à 22,5 % au second trimestre 2017, selon le cabinet Gartner), l’américain Apple, lui, perd un peu plus de sa superbe en cédant 0,8 point de parts de marché sur la même période (à 12,1 %). A eux deux, Samsung et Apple s’arrogent encore 34,6 %
de parts de marché au niveau mondial. Les lancements des Galaxy S8 en mars et du Galaxy Note 8 disponible à partir du 15 septembre devraient permettre à Samsung de renouer avec la croissance de ses ventes mondiales au cours de ce second semestre 2017 et faire définitivement oublier le fiasco industriel du Galaxy Note 7. Quant à Apple, qui lance le 12 septembre prochain son iPhone 8 au moment des dix ans de son smartphone emblématique, ses ventes devraient repartir à la hausse. « L’ancienne génération d’iPhone dans les pays émergents devraient continuer d’attirer des clients, tandis que le nouvel iOS 11 – système d’exploitation présent sur l’iPhone 8 incluant la réalité augmentée, l’apprentissage automatique (machine learning), l’application de commande vocale Siri améliorée et un nouvel design d’écran – devrait permettre à Apple d’accroître ses ventes », prédit Anshul Gupta, directeur de recherche chez Gartner (1).
Mais la forte poussée concurrentielle vient de la Chine où les fabricants Huawei, Oppo, Vivo et Xiaomi font des percées remarquées sur la scène internationale, avec respectivement 9,8 %, 7,1 % et 6,6 % de parts de marché (toujours au second trimestre 2017, selon Gartner). La croissance mondiale sur le dernier trimestre (mars à juin), qui fut de 6,7 % sur un an grâce aux marchés émergents en quête de smartphones 4G, profite donc largement aux challengers chinois. Cependant, la pénurie de certains composants (2) pourrait freiner les ardeurs des asiatiques. Mais, d’après les prévisions du cabinet IDC cette fois, le second semestre devrait être « positif » en termes de croissance des ventes de smartphones dans le monde. Résultat : « 2017 devrait être une année de rebond », avance Ryan Reith, vice-président d’IDC (3). A moins que les nouveaux smartphones ne déçoivent. @