Fusion CSA-Arcep : grande loi audiovisuelle en vue

En fait. Le 21 août, le Premier ministre Jean-Marc Ayrault a demandé à Arnaud Montebourg (Redressement productif), Aurélie Filippetti (Culture et Communication) et Fleur Pellerin (notamment Economie numérique) de « lui faire [d’ici fin novembre] des propositions de rapprochement entre le CSA et l’Arcep ».

En clair. Dix ans après la loi historique sur la communication audiovisuelle du 29 juillet 1982, élaborée par le premier gouvernement socialiste de François Mitterrand, le premier gouvernement socialiste de François Hollande prépare une nouvelle grande loi audiovisuelle qui pourrait, à son tour, marquer son époque. Autant l’ancienne loi portée
par Georges Fillioud (1) – décédé il y a un an – a libéralisé le marché de l’audiovisuel
en abolissant le monopole d’Etat de radiodiffusion, autant la future loi du « PAF » que défendra le gouvernement Ayrault devra, cette fois, s’adapter à la convergence numérique en réformant la réglementation et la régulation, tout en préparant le terrain au financement de la création culturelle par tous les acteurs du Web. C’est dire que les conclusions de trois missions seront très attendues : la première a été confiée avant l’été à Pierre Lescure pour remplacer l’Hadopi et préparer l’« acte II de l’exception culturelle » (lire EM@58) ; la seconde est menée par le duo Pierre Collin-Nicolas Colin pour « créer les conditions d’une contribution à l’effort fiscal du secteur [du numérique] mieux répartie entre ses différents acteurs » (2) ; la dernière en date relève du trio Arnaud Montebourg-Aurélie Filippetti-Fleur Pellerin pour faire des « propositions de rapprochement entre le CSA et l’Arcep ». Alors que les propositions « Lescure » sont initialement prévues pour mars 2013, celles de la mission « Montebourg-Filippetti-Pellerin » sont demandées par le Premier ministre d’ici fin novembre 2012. « Cette réflexion s’appuiera sur les positions de l’Arcep et du CSA et sera coordonnée avec celle conduite par Pierre Lescure sur l’acte II de l’exception culturelle », précise Matignon. Le calendrier s’accélère donc pour Pierre Lescure.
D’autant que l’Hadopi pourrait être absorbée dans une éventuelle fusion CSA-Arcep (3). Une chose est sûre : il y aura à l’automne un projet de loi audiovisuelle qui portera notamment sur une réforme du CSA et, partant, de l’Arcep. Rappelons que le 3 juillet dernier devant l’Assemblée nationale, Jean-Marc Ayrault avait promis – dans son discours de politique générale – une loi sur l’audiovisuel « avant la fin de l’année 2012 » (adoption prévue en janvier 2013). Quant à l’acte II de l’exception culturelle, il devrait
aussi faire l’objet d’une grande loi complémentaire au printemps 2013. @

… après le rapport bien perçu de Laure de La Raudière

En fait. Le 13 avril, la mission d’information de la commission des Affaires économiques de l’Assemblée nationale a remis son rapport sur « la neutralité d’Internet [avec un petit « i »] et des réseaux ». Ses auteurs, les députés Laure
de La Raudière et Corinne Erhel, y font neuf propositions.

En clair. « Courageux », « rigoureux », « pertinent », « audacieux », « engagé »,
« pédagogique », … Le rapport final tant attendu de la mission d’information créée
à l’Assemblée nationale fin septembre 2010 a, une fois n’est pas coutume dans ce
débat très sensible sur la neutralité du Net, été salué plutôt positivement du côté des internautes. La Quadratude du Net, l’association citoyenne soucieuse de défendre
les droits des internautes, a même qualifié ce rapport parlementaire de « courageux » et d’« encourageant », qui a « fait le choix pertinent de décorréler » la question de la neutralité du Net de celle des investissements des opérateurs télécoms.
« Les députées consacrent ainsi l’absolue nécessité de protéger la neutralité du Net, garantie des libertés, refusant de la sacrifier au nom de l’intérêt économique des opérateurs télécoms », déclare Jérémie Zimmerman, co-fondateur et porte-parole de
La Quadrature du Net. Les députés Corinne Erhel (SRC, Côtesd’Armor), présidente de la mission d’information, et Laure de La Raudière (UMP, Eure-et-Loir), rapporteur, ont en effet mis en garde : « L’accroissement du trafic et les pressions pour instaurer des mesures de blocage mettent clairement en danger cette neutralité. (…) Il existe aujourd’hui un risque que les opérateurs développent des pratiques non neutres. (…) La crainte est apparue que les opérateurs ne tirent prétexte de “l’illégalité“ des flux
pour bloquer de leur propre initiative des catégories de trafic sans doute en partie illicites mais aussi en partie licites, comme les flux de peer-to-peer ». Et les deux parlementaires d’insister : « La gestion de trafic telle que définie précédemment (…)
a des effets ambigus sur l’acheminement du trafic. (…) Le cadre juridique est dans son ensemble relativement peu contraignant pour les opérateurs ». Aussi, le rapport de
la mission propose de donner une portée juridique au principe de neutralité d’Internet. Ce qui n’est toujours pas le cas, le projet de transposition par ordonnance du Paquet télécom se contentant de charger le ministre et le régulateur des communications électroniques de « veiller à l’absence de discrimination » (1). Quatre axes sont donc proposés : consacrer la neutralité d’Internet comme objectif politique, encadrer strictement les obligations de blocage d’Internet, protéger l’universalité et garantir
la qualité d’Internet, assurer le financement pérenne de l’Internet (2). @

De la neutralité du Net et du consentement préalable

En fait. Le 25 mars, il ne restera plus que deux mois au gouvernement pour transposer rapidement par ordonnance – c’est-à-dire sans débat parlementaire – diverses dispositions européennes, dont les directives liées aux communications électroniques – ou « Paquet télécom ». Et ce, avant le 25 mai.

En clair. Bien que le Paquet télécom concerne tous les internautes et soulève de nombreux enjeux de société (neutralité des réseaux, respect de la vie privée, protection des données, couverture du territoire, …), sa transposition accélérée par la France
le dispense malheureusement de débats parlementaires. Après les ajustements en commission mixte paritaire, l’Assemblée nationale et le Sénat ont adopté – respectivement le 8 et le 9 mars – le projet de loi qui autorise notamment le gouvernement à transposer par ordonnance les directives européennes du Paquet télécom. C’est ainsi que le principe de la neutralité du Net se retrouvera inscrite a minima dans le code des postes et des communications électroniques où est insérée une petite phrase : « [Le ministre chargé des communications électroniques et l’Arcep veillent] à l’absence de discrimination, dans des circonstances analogues, dans les relations entre opérateurs et fournisseurs de services de communications au public en ligne pour l’acheminement du trafic et l’accès à ces services » (lire p. 7). Le pouvoir du régulateur est ainsi renforcé (1). « Il s’agissait simplement d’encourager un Internet qui demeure un bien stratégique collectif, qui ne soit ni privatisé, ni balkanisé. (…) L’idée d’un Internet ouvert est fondamentale pour l’avenir du Web en France et dans le
monde », avait déclaré le 9 mars le sénateur Bruno Retailleau. Mais la notion de
qualité minimale prévue dans la directive « Accès » n’est pas prise en compte dans la loi. Tout au plus est-il prévu que l’Arcep « remette au gouvernement et au Parlement, au plus tard un an suivant la date de la promulgation de la présente loi, un rapport portant sur : les instruments et les procédures de suivi de la qualité de service de l’accès à l’Internet ; la situation des marchés de l’interconnexion de données et leurs perspectives d’évolution ; les pratiques de gestion de trafic mises en oeuvre par les opérateurs de communications électroniques ». Autrement dit, le niveau de qualité minimale (2) ne sera pas défini avant le printemps 2012. Autre disposition d’importance pour l’internaute prévue par ordonnance : une meilleure information et protection des consommateurs sur Internet, prévues par la directive « Service universel et droits
des utilisateurs ». Il est prévu que l’internaute ou le mobinaute puissent donner leur
« consentement préalable » avant toute exploitation – par des cookies à caractère publicitaire par exemple – de leurs données personnelles en ligne. Là aussi, un débat approfondi aurait été nécessaire. @

FDI, CNN, … A quand une inter-régulation numérique ?

En fait. Le 7 octobre, Isabelle Falque-Pierrotin, déléguée générale du Forum
des droits sur l’Internet (FDI), a précisé à Edition Multimédi@ les raisons de ses
« inquiétudes » sur l’avenir de son organisation créée en 2001. Sa transformation en Conseil national du numérique (CNN) semble contrariée.

En clair. Cela fait deux ans que les services du Premier ministre réfléchissent à la création d’un Conseil national du numérique (CNN). En octobre 2008, le rapport
France numérique 2012 d’Eric Besson (alors secrétaire d’Etat à l’Economie
numérique) préconisait pourtant la création d’une telle instance de « gouvernance de l’économie numérique ». Il s’agissait de regouper non seulement le Forum des droits
de l’Internet (FDI) mais aussi d’autres entités disparates (CSTI, CTA, CST, …), ainsi
qu’un « médiateur du numérique ». Le tout devait être en place au… 1er janvier 2009.
Contactée par Edition Multimédi@, la présidente du FDI, Isabelle Falque-Pierrotin,
rappelle qu’elle pousse depuis deux ans l’idée de transformer son association parapublique (loi 1901) en CNN. En vain. « En juin dernier, nous avons répondu à une feuille de route du cabinet du Premier ministre (1) pour expliquer comment nous voyons l’avenir du FDI, dont le rôle de concertation entre les multiples acteurs du numérique et d’élaboration de chartes et labels (déontologie, engagements professionnels, droit à l’oubli, etc) est plus que jamais indispensable. Nous proposons de faire évoluer le FDI en CNN et de renforcer le dispositif, explique-t-elle. Lors d’un colloque de l’Arcep en avril dernier, elle avait en outre proposé « plus de transversalité à travers une inter-régulation ».
Elle propose que cela se fasse autour d’une « plateforme neutre » commune aux différents régulateurs : CSA, Arcep, Cnil, Hadopi, Autorité de la concurrence, etc.
« Emmanuel Gabla, membre du CSA, s’y était dit favorable », rappelle-t-elle (2). Selon
nos informations, il n’y a en revanche pas de réflexion dans ce sens à l’Arcep. Avec aujourd’hui 37 millions d’internautes en France, la déléguée générale a proposé au gouvernement « une augmentation budgétaire de 700.000 euros ». Depuis sa création
il y a près de 10 ans (en 2001), le budget annuel n’a pas évolué : 1.143.000 euros.
« Mi-juillet, les services du Premier ministre nous ont répondu que notre proposition
ne leur convenait pas. Le contexte de déficit public a sans doute joué », indique-t-elle. D’où la sonnette d’alarme que la présidente du FDI a tirée le 6 octobre, soit à moins de trois moins de l’échéance – au 31 décembre – de la convention triennale avec l’Etat.
A la veille du débat parlementaire sur le Paquet télécom, la neutralité du Net ou encore
la loi de Finances 2011, des opportunités législatives sont encore possibles. @