Une loi « Neutralité du Net » : les contre, les pour

En fait. Le 16 avril, le président l’Association des services Internet communautaires (Asic), Giuseppe de Martino, qui est aussi secrétaire général de Dailymotion, a été auditionné par la commission des Affaires économiques du Sénat sur la neutralité du Net. Après quatre ans de débat, la loi ne va pas de soi.

En clair. « A-t-on vraiment besoin d’une loi ? Nous qui avons les mains dans le cambouis, on en doute ! », a expliqué le président de l’Asic devant les sénateurs. Pour l’Association des services Internet communautaires, qui compte Google, Dailymotion, Yahoo, Deezer ou encore Facebook, parmi ses vingt membres, estime suffisant les pouvoirs de règlement de différends conférés à l’Arcep par l’ordonnance du 24 août 2011. Parmi les sénateurs présents, seul Bruno Retailleau, secrétaire de la commission des Affaires économiques, a pris la parole pour abonder dans le sens de l’association : « Je partage l’approche qu’une loi [sur la neutralité du Net] peutêtre dangereuse. Le Paquet télécom [transposé par l’ordonnance, ndlr] a donné la capacité à l’Arcep d’intervenir et le texte prévoit le principe de non-discrimination ».
Par ailleurs, selon nos informations, le Syntec Informatique est lui aussi contre une loi mais hésite à s’exprimer en raison des positions contradictoires entre ses membres (Orange et Google par exemple). Fleur Pellerin, ministre de l’Economie numérique,
est plus que jamais prise entre deux feux : d’un côté, les opposants à une loi, de l’autre, les partisans d’une législation comme le Groupement des éditeurs de contenus et services en ligne (Geste). Or il ne lui reste que quelques mois pour décider si la neutralité des réseaux doit entrer ou non dans une loi sur « la protection des droits et libertés numériques » qui sera proposée au Parlement « début 2014 au plus tard », comme
s’y est engagé le gouvernement dans sa « feuille de route numérique » fixée le 28 février.
« Le gouvernement proposera des dispositions législatives si, après l’avis du Conseil national du numérique sur la neutralité de l’Internet, un manque juridique est constaté
pour la protection de la liberté d’expression et de communication sur Internet », avait en outre promis Matignon. Mais le 13 mars, le jour même où le CNNum rend son avis en affirmant que « la loi de 1986 sur la liberté de communication au public est le véhicule juridique le plus approprié pour accueillir efficacement le principe de neutralité », la ministre Fleur Pellerin émet des réserves : « Un changement de titre de la loi de 1986 n’aurait qu’une portée symbolique » ; « Il faut définir précisément ce qu’on entend par “neutralité du Net’’ ». Le CNNum, lui, prépare une « V2 » de son avis pour convaincre. @

Neutralité du Net : la transposition du Paquet télécom laisse un goût d’inachevé

Bien que la neutralité des réseaux ait été au cœur du Paquet télécom, son principe n’a finalement pas été gravé dans le marbre communautaire. Du coup,
si le processus législatif est terminé, le débat sur sa préservation est loin d’être clos.

Par Rémy Fekete (photo), avocat associé, Gide Loyrette Nouel.

La publication au Journal Officiel, le 26 août dernier, de l’ordonnance de transposition du Paquet télécom (1) met
un point final à un processus législatif débuté près de quatre ans plus tôt. C’est en effet le 13 novembre 2007
que fut engagée une vaste révision de ce Paquet télécom adopté une première fois en 2002. Fruit de deux ans de négociations, cette deuxième version fut finalement votée
fin 2009 à l’issue d’une procédure de conciliation entre le Conseil de l’Union et le Parlement européen.

Priorité à la neutralité
Cet ensemble de textes communautaires est composé d’un règlement – instituant l’Organe des régulateurs européens des communications électroniques (ORECE) –
et de deux directives modificatives des textes de 2002. Les Etats membres étaient normalement tenus de transposer celles-ci avant le 25 mai dernier mais ils ne furent
que cinq à respecter le délai… Et la France ne figura pas au nombre restreint des bons élèves. Finalement, après avoir fait l’objet d’une mise en demeure par la Commission européenne, elle s’exécuta avec quelques mois de retard via l’ordonnance précitée.
Bien que le terme ne soit pas mentionné une seule fois par les 61 articles composant l’ordonnance de transposition en France, la neutralité du Net est bien au coeur du nouveau dispositif. C’est en tous cas ce que souligne explicitement le rapport correspondant remis au président de la République (2). La neutralité des réseaux fait
ainsi son entrée parmi les objectifs généraux que les pouvoirs publics sont tenus de poursuivre. La notion de neutralité renvoie à l’idée que toute discrimination à l’égard
de la source, de la destination ou du contenu transmis est prohibée. Le législateur européen et son alter ego national ont prévu un certain nombre de garanties qui ont pour conséquence de doter l’autorité de régulation nationale – en l’occurrence l’Arcep (3) en France – d’un rôle central dans la protection de la neutralité des réseaux.
Ce rôle prépondérant, l’Arcep le doit à un élargissement substantiel de ses pouvoirs.
En premier lieu, la réforme porte sur l’élargissement de ses pouvoirs en matière de règlements des différends. Jusqu’alors, la compétence de l’autorité de régulation était circonscrite aux litiges intervenant entre opérateurs télécoms (4). Désormais, ainsi
que le prévoit l’article 17 de l’ordonnance, l’Arcep pourra se prononcer sur tout litige opposant un opérateur de communications électroniques aux entreprises fournissant des services de communication au public en ligne. En d’autres termes, l’ordonnance confère à l’autorité de régulation la compétence de régler des différends opposant un prestataire de la société de l’information et un opérateur. Ainsi, un opérateur de voix sur Internet (VoIP) ou un fournisseur de contenu dont l’interconnexion serait dégradée pourra désormais saisir l’Arcep d’une demande de règlement de différend. L’autorité dispose d’un délai de quatre mois pour se prononcer. Charge pour le demandeur d’apporter la preuve du caractère non équitable des conditions d’accès qui lui sont proposées.

Exigences « minimales », « suffisantes » ?
L’article 18 de l’ordonnance élargit les pouvoirs de sanction de l’Arcep. L’ordonnance supprime ainsi la durée minimale d’un mois accordée à la personne mise en cause pour respecter la mise en demeure (5). On notera cependant que la directive « autorisation » du Paquet télécom prévoyait de doter les autorités de régulation nationale d’un pouvoir d’astreinte avec effet rétroactif à l’encontre des personnes sanctionnées. Cette disposition n’a pas été reprise dans l’ordonnance.
Enfin, le respect du principe de neutralité des réseaux suppose que le gouvernement et le régulateur fixent des obligations en matière d’accès et fassent respecter le principe de nondiscrimination. A cette fin, l’article 16 de l’ordonnance (6) dispose que l’Arcep pourra fixer des exigences minimales imposées aux opérateurs en matière de qualité de service. L’objectif est ici de lutter plus efficacement contre la dégradation du service et le ralentissement du trafic.
L’article L. 36-6 du code des Postes et des Communications électroniques (CPCE) précise que l’Arcep doit préalablement informer la Commission européenne et l’ORECE des motifs et du contenu de ses exigences. Elle devra en retour prendre en compte l’avis de ces deux institutions.

Concurrence, première garantie
Certains ont pu regretter qu’il ne soit fait référence qu’à des exigences « minimales »
et non pas « suffisantes » ou encore que la fixation de telles exigences ne soit qu’une possibilité. Il reviendra à l’Arcep de trancher cette question en s’appropriant pleinement
les opportunités nouvelles que lui offre la transposition du Paquet télécom.
En complément de ces nouveaux pouvoirs conférés aux autorités nationales de régulation, la concurrence est considérée par le législateur européen comme le premier rempart de la neutralité des réseaux. En effet, l’intention des auteurs du Paquet télécom est de garantir une compétition effective en matière de transmission des contenus. Pour ce faire, deux leviers sont utilisés : la régulation symétrique et la séparation fonctionnelle. S’agissant de la régulation tout d’abord, l’objectif de la directive consiste à parvenir progressivement à traiter l’ensemble des opérateurs sans distinction. Ce qui revient à accroître la régulation symétrique (7).
Par ailleurs, s’agissant de la séparation fonctionnelle, l’Arcep dispose désormais de la possibilité de l’imposer lorsque d’importants problèmes de concurrence subsistent.-Il ressort ainsi de l’article 22 de l’ordonnance que le régulateur peut contraindre une entreprise verticalement intégrée à confier ses activités de fourniture de gros des produits concernés à une entité économique fonctionnellement indépendante. Cet outil de régulation ne peut être utilisé qu’en dernier recours, lorsque les autres remèdes n’ont pas permis d’assurer une concurrence effective et que des défaillances persistent sur le marché.
Enfin, l’ordonnance prévoit la création de nouvelles obligations en matière d’information des consommateurs. L’article 33 de l’ordonnance impose ainsi aux fournisseurs d’accès
à Internet (FAI) de mettre à la disposition des consommateurs un total de 13 informations sous une forme claire, détaillée et aisément accessible. On notera parmi celles-ci les trois obligations d’information qui sont en rapport avec la question de la neutralité : le niveau de qualité, les procédures pour mesurer et orienter le trafic et les restrictions de l’accès à des services et à leur utilisation. L’objectif est de permettre au consommateur de bénéficier de la concurrence en changeant d’opérateur ou de FAI, grâce aux informations pertinentes mises à sa disposition. Une information plus transparente devrait permettre d’intensifier une concurrence effective sur le marché et encourager une meilleure protection de la neutralité des réseaux.
Les travaux conduisant à l’adoption du Paquet télécom et à sa transposition ont été l’occasion d’un vaste débat sur la question de la neutralité des réseaux. Tant la Commission européenne que l’Arcep, le gouvernement ou encore le Parlement français se sont emparés du sujet à travers des colloques, rapports et autres missions d’information. Même si le débat est loin d’être clos, l’effervescence des réflexions sur le sujet donne un certain goût d’inachevé aux mesures retenues.
On peut ainsi regretter que le terme même de « neutralité du Net » ne soit pas défini par le législateur européen, lequel a également renoncé à graver dans le marbre la protection de la neutralité en rejetant l’amendement 138 (8). Assurant qu’aucune restriction d’accès à Internet ne pouvait être imposée sans décision judiciaire préalable, le fameux amendement, une fois adopté, aurait consacré le respect du principe de neutralité des réseaux. Le Parlement européen en a décidé autrement (9).

L’exemple des Pays-Bas
S’agissant de la transposition, l’exécutif français a choisi de ne pas aller plus loin que le Paquet télécom. L’exemple des Pays-Bas devenus le premier pays européen à inscrire dans son droit national une protection de la neutralité du Net, n’a pas été suivi. Si l’ordonnance du 24 août 2011 constitue le point final du Paquet télécom deuxième version, la réglementation relative à la neutralité du Net reste encore à écrire. @

La neutralité d’Internet entre les mains de l’Arcep

En fait. Le 26 août est parue au « Journal Officiel » l’ordonnance de transposition
du Paquet télécom qu’Eric Besson – ministre en charge notamment de l’Economie numérique – avait présentée en Conseil des ministres le 24 août, ainsi que le rapport correspondant au Président de la république.

En clair. Ne cherchez pas « neutralité des réseaux » et encore moins « neutralité d’Internet » dans le texte de l’ordonnance de transposition du Paquet télécom : ce principe n’y apparaît pas explicitement. Certes, le texte soumis ce 24 août au président de la République Nicolas Sarkozy mentionne bien dans ses motifs deux objectifs :
« garantir la neutralité des réseaux » et « promouvoir la neutralité des réseaux », mais l’ordonnance ellemême ne repend pas ces termes. En fait, il faudra désormais s’en remettre aux opérateurs télécoms, dont les obligations sont accrues, et à l’Arcep, dont les pouvoirs sont renforcés. Pour les internautes et les mobinautes, l’article 3 complète le Code des postes et des communications électroniques pour que « [le ministre chargé des communications électroniques et l’Arcep] veillent (…) à favoriser la capacité des utilisateurs finals à accéder à l’information et à en diffuser ainsi qu’à accéder aux applications et services de leur choix ». S’il n’est pas satisfait, le consommateur pourra faire jouer la concurrence en changeant d’opérateur télécoms ou de fournisseur d’accès à Internet (FAI). Encore faut-il que ces derniers informent correctement leurs abonnés. C’est ce que prévoit l’article 33 de l’ordonnance. Sur les treize informations que doivent donner les fournisseurs aux consommateurs « sous une forme claire, détaillée et aisément accessible », quatre touchent de près ou de loin la neutralité du Net : niveau de qualité, procédures pour mesurer et orienter le trafic, restrictions à l’accès à des services et à leur utilisation (ainsi qu’à celle des équipements terminaux fournis), mesure afin de réagir à un incident ayant trait à la sécurité ou à l’intégrité (1). Cela suppose qu’en amont le gouvernement et le régulateur « veillent à l’exercice de la concurrence relative à la transmission des contenus (…) », et « fixent des obligations en matière d’accès » et fassent respecter le « principe de non discrimination ». Pour y parvenir, l’Arcep « peut [c’est-à-dire qu’elle n’est pas obligée, ndlr] fixer des exigences minimales de qualité de service » (article 16) et « peut également être saisie des différends portant sur (…) les conditions réciproques techniques et tarifaires d’acheminement du trafic entre un opérateur et une entreprise fournissant des services de communication au public en ligne [tels que Google/YouTube, Facebook, Dailymotion, etc, ndlr] » (article 17). Les rapports de force peuvent commencer, comme dans la plainte récente de Cogent contre Orange. @

Pourquoi Netflix pourrait être tenté par la France

En fait. Le 26 août est parue au « Journal Officiel » l’ordonnance de transposition du Paquet télécom qu’Eric Besson – ministre en charge notamment de l’Economie numérique – avait présentée en Conseil des ministres le 24 août,
ainsi que le rapport correspondant au Président de la république.

En clair. Ne cherchez pas « neutralité des réseaux » et encore moins « neutralité d’Internet » dans le texte de l’ordonnance de transposition du Paquet télécom : ce principe n’y apparaît pas explicitement. Certes, le texte soumis ce 24 août au président de la République Nicolas Sarkozy mentionne bien dans ses motifs deux objectifs :
« garantir la neutralité des réseaux » et « promouvoir la neutralité des réseaux », mais l’ordonnance elle-même ne repend pas ces termes. En fait, il faudra désormais s’en remettre aux opérateurs télécoms, dont les obligations sont accrues, et à l’Arcep, dont les pouvoirs sont renforcés. Pour les internautes et les mobinautes, l’article 3 complète le Code des postes et des communications électroniques pour que « [le ministre chargé des communications électroniques et l’Arcep] veillent (…) à favoriser la capacité des utilisateurs finals à accéder à l’information et à en diffuser ainsi qu’à accéder aux applications et services de leur choix ». S’il n’est pas satisfait, le consommateur pourra faire jouer la concurrence en changeant d’opérateur télécoms ou de fournisseur d’accès
à Internet (FAI). Encore faut-il que ces derniers informent correctement leurs abonnés. C’est ce que prévoit l’article 33 de l’ordonnance. Sur les treize informations que doivent donner les fournisseurs aux consommateurs « sous une forme claire, détaillée et aisément accessible », quatre touchent de près ou de loin la neutralité du Net : niveau de qualité, procédures pour mesurer et orienter le trafic, restrictions à l’accès à des services et à leur utilisation (ainsi qu’à celle des équipements terminaux fournis), mesure afin de réagir à un incident ayant trait à la sécurité ou à l’intégrité (1). Cela suppose qu’en amont le gouvernement et le régulateur « veillent à l’exercice de la concurrence relative à la transmission des contenus (…) », et « fixent des obligations en matière d’accès » et fassent respecter le « principe de non discrimination ». Pour y parvenir, l’Arcep « peut [c’est-à-dire qu’elle n’est pas obligée, ndlr] fixer des exigences minimales de qualité de service » (article 16) et « peut également être saisie des différends portant sur (…) les conditions réciproques techniques et tarifaires d’acheminement du trafic entre un opérateur et une entreprise fournissant des services de communication au public en ligne [tels que Google/YouTube, Facebook, Dailymotion, etc, ndlr] » (article 17). Les rapports de force peuvent commencer, comme dans la plainte récente de Cogent contre Orange. @

Emmanuel Gabla, CSA : « La régulation de l’Internet de demain doit s’effectuer progressivement »

Emmanuel Gabla, membre du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) et président du groupe de travail « Nouveaux services audiovisuels », explique
à Edition Multimédi@ les évolutions à attendre dans la régulation des contenus en ligne et « l’encadrement de la neutralité des réseaux ».

Propos recueillis par Charles de Laubier

Edition Multimédi@ : La neutralité des réseaux repose
la question de la régulation du Net. Lors du colloque
de l’Arcep en avril, vous vous êtes dit favorable à une
« plateforme neutre » entre régulateurs. Le futur Conseil national du numérique (CNN) pourrait-il jouer ce rôle ? Emmanuel Gabla (photo) :
Les questions de régulation
du secteur des communications mettent en évidence la nécessité d’une très bonne coopération entre les deux régulateurs sectoriels, que sont le CSA et l’Arcep (1). Cette collaboration existe déjà. Sur les questions de neutralité
des réseaux, d’autres régulateurs comme l’Autorité de la concurrence, la Cnil (2) ou l’Hadopi (3), ont vocation à intervenir. Il est encore un peu tôt pour préciser les modalités de la coopération entre toutes ces instances, mais l’idée d’une « plateforme d’échanges » nous paraît intéressante et pourrait être creusée. La régulation du « Net de demain » doit s’effectuer progressivement. La loi du 5 mars 2009 a confié au CSA des pouvoirs de régulation des services de média audiovisuels à la demande (SMAd), que sont la télévision de rattrapage ou la vidéo à la demande. Cela constitue une première étape. Elle pourrait être complétée, à l’occasion de la transposition du Paquet télécom, par l’extension du pouvoir de règlement de différends du CSA à ces SMAd. Dans le cas où un opérateur de réseaux serait impliqué, l’avis de l’Arcep serait sollicité. Au-delà de la régulation des SMAd, Internet ne doit pas être un « espace de non droit » pour la diffusion de contenus audiovisuels. Le CSA est aussi compétent, depuis la loi du 9 juillet 2004, pour les services de télévision et de radio sur Internet : webTV et radio IP domiciliées en France. La question se pose pour les contenus vidéo qui ne sont pas de la radio, de la télévision ou des services audiovisuels à la demande.

EM@ : Le Paquet télécom sera transposé en droit français cet automne. Quelle coopération européenne voyez-vous entre le CSA et l’Arcep auprès de Bruxelles ? E. G. : La transposition du Paquet télécom pourrait être l’occasion d’examiner si cette coopération doit être renforcée, notamment sur les questions de neutralité du réseau. Au niveau européen ou à l’international, chaque régulateur participe aux travaux des groupes qui le concernent : ORECE (4) pour l’Arcep, EPRA (5) pour le CSA.

EM@: Au colloque de l’Arcep, les grands absents étaient non seulement les industries culturelles mais aussi audiovisuelles (télévision, radio). Selon vous, comment ces dernières sont-elles concernées par la neutralité du Net ?
E. G. :
Effectivement, aucune société représentant les industries audiovisuelles n’était présente au colloque de l’Arcep. Mais certaines d’entre elles ont été interviewées dans le cadre de la préparation de ce colloque. Et puis j’ai représenté le CSA lors de ce colloque et exprimé les préoccupations du secteur audiovisuel ! Les industries audiovisuelles sont concernées à plusieurs titres. Tout d’abord, la neutralité des réseaux peut permettre aux industries audiovisuelles de se prémunir contre toutes les formes de discrimination susceptibles d’être mises en oeuvre par un opérateur de communications électroniques. Ensuite, du traitement de la neutralité des réseaux dépend également la question structurante de la répartition de la valeur entre les fournisseurs d’accès et ceux des contenus. Enfin, l’encadrement de la neutralité des réseaux pourrait apparaître encore plus nécessaire pour les industries audiovisuelles en cas d’adoption rapide des téléviseurs connectés.

EM@ : Des industries culturelles demandent à ce que l’on taxe les acteurs du Net (taxe Google, taxe « cartes musique », taxes « Cosip », « obligations » SMAd…
E. G. :
La loi sur l’audiovisuel fixe comme objectif au CSA de veiller au développement
de la production et de la création audiovisuelles nationales. Il n’est toutefois pas dans
nos prérogatives d’imposer des taxes. Mais il est important que tout acteur bénéficiant économiquement de la diffusion d’œuvres participe au mécanisme de financement de
la création. C’est déjà le cas, comme vous le soulignez, avec le Cosip (6) et les futures obligations qu’imposera le décret relatif aux SMAd s’inscrivent dans la même logique. Faut-il aller plus loin ? La question mérite d’être posée, mais n’oublions pas que ces industries sont en partie délocalisables. Quant à de nouvelles obligations, elles ne pourraient avoir un sens que si elles s’accompagnent de nouveaux droits.

EM@ : Bruxelles conteste le fait que le taux réduit de la TVA à 5,5 % s’applique à la moitié de la facture d’un accès triple play ADSL, au titre du service de distribution de télévision…
E. G. :
La question de la TVA sur les offres multiservices est importante pour le financement du cinéma dans la mesure où elle peut avoir des répercussions sur la taxe Cosip versée par les distributeurs de services audiovisuels par ADSL. Car la contribution des fournisseurs d’accès à Internet au Cosip était une contrepartie de l’application de ce taux réduit. Le CSA suivra donc de près les conséquences de la procédure d’infraction ouverte par la Commission européenne contre la France.

EM@ : Le rapport Hagelsteen sur les exclusivités a proposé de doter le CSA d’un pouvoir d’injonction d’offrir (« must offer »). Quel est l’objectif ?
E. G. :
Le CSA a approuvé les conclusions du rapport de Marie-Dominique Hagelsteen
et rejoint son analyse sur le caractère nécessaire d’une régulation ex ante du marché de gros de la distribution de télévision payante. Et ce, afin que s’y développe une concurrence effective et que soit garanti un partage équitable de la valeur entre éditeurs et distributeurs, en particulier à l’échéance – fin 2012 – des engagements souscrits lors de l’opération de concentration entre les sociétés TPS et Groupe Canal+. L’analyse du marché préalable à l’imposition éventuelle d’obligations aurait bien entendu vocation à inclure les services non linéaires, comme la vidéo à la demande
ou la télévision de rattrapage.

EM@ : Pourquoi avez-vous associé lors du colloque « neutralité du Net » et
« neutralité audiovisuelle », tout en défendant les « offres premium » et au besoin
le « must carry » ?
E. G. :
Par principe, le CSA est favorable à la neutralité du Net. Toutefois, attaché à la diffusion de contenus audiovisuels légaux de qualité sur Internet, le CSA pourrait ne pas être opposé à la nécessité de prioriser ces flux. Le CSA n’est pas particulièrement favorable au développement d’offres premium entre les opérateurs de communications électroniques et les fournisseurs de contenus. Au contraire, nous souhaitons que tous
les utilisateurs puissent avoir accès à l’ensemble des contenus, et ce avec une qualité
de visionnage suffisante. Si ce concept d’offre premium était finalement autorisé, alors
il faudrait veiller au fait que les chaînes qui bénéficient aujourd’hui du « must carry », voient ce droit étendu à l’accès à ces offres premium. Les enjeux liés aux services premium seront d’autant plus importants que les téléviseurs connectés se développeront et qu’ils constitueront un mode plus courant de réception de contenus audiovisuels. @