Audiovisuel et télécoms se mettent en quatre

En fait. Le 14 juin, l’Autorité de la concurrence a rendu un avis, de sa propre initiative, indiquant que l’utilisation croisée de bases de clientèle (ou « cross
selling ») par Orange était désormais possible, comme le font déjà SFR et Bouygues Telecom. La bataille du quatruple-play peut s’engager.

En clair. Vous avez aimé le « triple play » (téléphone- Internet-télévision) à 29,90 euros par mois ? Vous adorerez le « quadruple play » de 45 à 110 euros par mois ! Avec ces nouvelles formules « tout-en-un », qui vont bien au-delà du mobile en plus, c’est à
l’« audio-visualisation » des accès fixes ou mobiles forfaitaires à l’Internet que l’on assiste : chaînes gratuites de télévision, vidéo à la demande (VOD), télévision de rattrapage (catch up TV), bouquets de chaînes payantes, sans oublier les services à valeur ajoutée (applications distantes, téléchargements audio, vidéo ou de jeux, espace de stockage distants, …). Pour Philippe Bailly, DG de NPA Conseil, c’est « un (grand) pas de plus vers l’univers multi-écrans ». Bouygues Telecom a été le premier à inaugurer, il y a un an, le « quadruple play » avec Ideo (lire EM@ 9, page 5) sur fond
de convergence accrue avec sa filiale-sœur TF1 (EM@ 11 p. 3). SFR et Canal+, au sein du même groupe Vivendi, pourraient bientôt en jouer. Et France Télécom ? Si l’Autorité de la concurrence estime que « l’utilisation croisée de bases de clientèle par Orange ne paraît pas pouvoir engendrer, à elle seule, d’effet d’éviction », elle met néanmoins en garde sur le fait que « ces offres [groupées de convergence] pourraient d’abord accroître les coûts de changement d’opérateur pour les consommateurs et l’intensité des effets “club” au sein des foyers, au détriment de la fluidité du marché, (…) même de conduire à l’éviction des opérateurs ». D’autant que cette nouvelle génération
d’« opérateurs universels » – à la fois fournisseurs d’accès et distributeurs de contenus audiovisuels – tend à offrir une palette de services et à instaurer une relation globale avec ses clients. Il devient même un « passage obligé » pour les abonnés multi-services. Mais les sages de la rue de L’Echelle préviennent : « Compte tenu des barrières à l’entrée sur le marché mobile, la généralisation des offres de convergence pourrait distordre la concurrence au bénéfice des trois opérateurs mobiles en place [Orange, SFR et Bouygues Telecom, ndlr] et au détriment des autres opérateurs ».
Et de clarifier : « Ce risque pourrait être atténué si le quatrième opérateur mobile, Free (1), bénéficiait rapidement d’une prestation d’itinérance sur l’un des réseaux en place, non seulement pour la 2G mais aussi pour la 3G, compte tenu du très fort succès des smartphones et des “clés 3G”». @

Apple est dans le collimateur « antitrust »

En fait. Le 14 juin, Mitchell Katz, porte-parole de la Federation Trade Commission indique à Edition Multimédi@ que l’autorité américaine chargée de la régulation
du commerce aux Etats-Unis « ne souhaite rien commenter » à propos d’une enquête antitrust qui serait engagée à l’encontre d’Apple.

En clair. Alors que la Commission européenne met l’interopérabilité au cœur de sa stratégie numérique, l’étau se resserre aux Etats-Unis sur la marque à la pomme suspectée de pratiques anticoncurrentielles sur plusieurs marchés américains. Cela pourrait concerner trois secteurs qui sont la publicité sur mobile, la musique en ligne
et le développement d’applications. Mais la Federation Trade Commission (FTC) ne
dit mot, sans démentir, et, serait en train de se concerter avec le Department of Justice (DoJ) pour répartir les rôles. Et c’est à la FTC que serait confiée l’enquête sur le marché de la publicité sur mobile. Le 9 juin dernier, Omar Hamoui, le fondateur de la régie AdMob – tout juste achetée par Google – a accusé, sur son blog, la firme Apple de l’empêcher de développer son service publicitaire sur les iPhone et iPad. La marque à la pomme, qui avait racheté en janvier dernier Quattro Wireless (autre régie pour mobile), prévoit justement de lancer sa plateforme publicitaire pour mobile, baptisée iAd, le 1er juillet prochain. De son côté, le DoJ s’intéresserait déjà, selon le New York Times, au marché de la musique où Apple pourrait abuser de sa position dominante par des pressions sur les maisons de disques pour passer par iTunes Music Store plutôt que par les concurrents comme Amazon (1). Le marché de la musique sur mobile est, quant à lui, à la peine (tout juste 2 % des mobinautes téléchargent de la musique, selon ComScore quui cite Comes With Music de Nokia comme tentative de concurrencer iTunes). En plus des iPod et des iPhone, le groupe de Steve Jobs renforce son emprise musicale avec l’iPad et pourrait renforcer iTunes Music Store avec de la musique en streaming comme le faisait le site Lala racheté par Apple en décembre 2009 et fermé fin mai.
Le marché du développement d’applications pourrait aussi faire l’objet d’une investigation antitrust de la part de la FTC et/ou du DoJ. Le groupe américain Adobe se serait déjà plaint auprès de la première qu’Apple rend plus difficile, voire impossible (2), l’utilisation sur l’iPhone ou l’iPad de son logiciel d’animations multimédias Flash très prisé sur le Web. A la Commission européenne, Neelie Kroes, chargée de l’Agenda numérique, a réaffirmé le 24 juin à « EurActive » qu’elle veillerait à ce que les l’écosystème de l’Internet soit interopérables. @

Les quotidiens papier doivent changer face au Web

En fait. Le 21 mai, le goupe Bolloré a annoncé le lancement « à la rentrée » de son quotidien généraliste « haut de gamme à valeur ajoutée », au tarif de 50 centimes d’euro et à 300.000 exemplaires. Malgré la crise publicitaire et capitalistique de la presse, les journaux papier ont encore de l’avenir.

En clair. La presse écrite craignait déjà en 2000 d’être cannibalisée par ses propres sites web (1). Dix ans plus tard, elle n’a pas encore vraiment pris conscience qu’elle l’est par la force de frappe du Web. « Les lecteurs continueront d’acheter des journaux s’ils trouvent des contenus qu’ils ne trouvent nulle part ailleurs », a dit déclaré très justement Jean-Christophe Thiery, président de Bolloré Média. Pour le groupe de Vincent Bolloré, qui édite une dizaine de quotidiens gratuits dans différentes agglomérations (dont Direct Matin et Direct Soir sur Paris) pour un tirage total de bientôt 850.000 exemplaires chaque jour, la presse payante n’est pas condamnée. Mais à condition de se différencier non seulement par rapport au Web qui est devenu imbattable dans la divulgation d’« informations factuelles » (sites, moteurs, blogs, twitts, réseaux sociaux, …), mais aussi par rapport à la presse payante en place. En effet, malgré la multitude de flux numériques permanents – déversant l’actualité immédiate sans attendre et sans contrainte de bouclage comme pour Google News (2) – sur les millions de terminaux des internautes et des mobinautes (3), les quotidiens papier (newspapers) continuent essentiellement encore de traiter l’actualité la veille pour une publication le lendemain.
Le Monde, Le Figaro, Libération, Le Parisien ou encore Les Echos et La Tribune vendent ainsi à « J+1 » les informations de la veille à un prix supérieur à 1 euros le plus souvent. Ce retard disqualifiant et ce prix prohibitif contribuent, malgré des efforts vers plus de valeur ajoutée, à l’érosion de leur diffusion payante et de leurs abonnements, tendance qui s’ajoute à celle de la chute des recettes publicitaires. Entre les sites web et les quotidiens historiques, sans parler des agences de presse (AFP, Reuters, AP, etc) qui diffusent de plus en plus leurs dépêches « gratuitement » directement auprès des internautes et mobinautes, la fenêtre de tir de Bolloré Média pour son « journal d’analyses plutôt que de nouvelles » (dixit Vincent Bolloré en mars dernier) est mince mais inédite dans la presse française. Selon Jean-Christophe Thiery, il s’agit d’un
« quotidien qui prend le temps d’expliquer l’actualité ». Pas de factuel et peu de photos. L’initiative ambitieuse de Bolloré met en exergue les difficultés qu’ont les journaux déjà en place à se remettre en question et à trouver un nouveau modèle économique face au numérique. @

Pourquoi Virgin Mobile est seul à croire à la TMP

En fait. Le 21 mai, le directeur général du groupe Omer Telecom, Pascal Rialland,
a expliqué à Edition Multimédi@ que la télévision mobile personnelle (TMP)
– dont le lancement est prévu en 2011 par Virgin Mobile – était « un produit
d’appel rentabilisable rapidement » grâce aux investissements de TDF.

En clair. En France, la télévision diffusée en mode broadcast sur les téléphones mobiles – sans passer par les réseaux 3G saturés – n’est peut-être pas renvoyée
aux calendes grecques. Le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) devrait, le 7 juin prochain, se prononcer favorablement sur la candidature de Virgin Mobile à la télévision mobile personnelle (TMP).
Les seize chaînes de télévision déjà retenues (EM@11 p. 5) ont, quant à elles, jusqu’au lendemain pour désigner leur opérateur dit « de multiplexe », celui en charge du déploiement du réseau de diffusion audiovisuel. TDF (Télédiffusion de France) pourra alors déployer le réseau broadcast qu’il prend à sa charge, à hauteur de plusieurs dizaines de millions d’euros. Virgin Mobile en aura alors l’exclusivité durant six mois à partir du second semestre 2011, conformément à l’accord signé le 22 avril entre cet opérateur mobile virtuel (MVNO) et TDF. « Nous faisons le pari de la TMP car nous n’avons pas à rentabiliser un réseau 3G. Nous allons acheter de la capacité à TDF.
Nous atteindrons l’équilibre [financier] assez rapidement. Reste à savoir si nous allons subventionner ou non le terminal. La TMP sera un produit d’appel intégré dans nos
forfaits [à partir de 20 euros par mois, ndlr], afin de nous différencier par rapport à la concurrence », indique Pascal Rialland, directeur général de Virgin Mobile. Sur le choix
de la technologie – entre la norme DVB-H (1) retenue par la France (arrêté paru au JO
le 30 septembre 2007), voire le DVB-SH (Satellite Services to Handhelds), et la solution moins coûteuse de l’américain Qualcomm baptisée MediaFlo (pour Forward Link Only) –, il indique « rester ouvert sans a priori ». Il confirme que TDF va faire une recommandation au CSA en faveur de ces deux dernières technologies, d’autant que le DVB-H n’est pas obligatoire aux yeux de la Commission européenne (2). La balle est dans le camp du régulateur et du gouvernement. Quoi qu’il en soit, le groupe britannique Omer Telecom (3) – qui se présente en France comme le premier MVNO avec un total de 1,7 million d’abonnés mobile (Virgin Mobile, Breizh Mobile, Tele2 Mobile et Casino Mobile) – trouve avec TDF un second opérateur mobile « hôte ». Orange, avec lequel il a signé un nouvel accord d’« opérateur mobile dégroupé plus indépendant » sur deux ans (2010-2011), continue d’être son fournisseur de minutes téléphoniques, de SMS et d’Internet mobile. @

Le marché de la VOD franchit les 100 millions d’euros

En fait. Le 17 mai, la publication du bilan 2009 du Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) est l’occasion de revenir sur le marché émergent de la vidéo à la demande (VOD) payante en France : 82,4 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2009, en croissance de 54,8 % sur un an, selon NPA-GfK.

En clair. Selon les estimations de Edition Multimédi@, le marché français de la vidéo
à la demande (VOD) payante – à l’acte ou à l’abonnement – vient de franchir pour la première fois les 100 millions d’euros de chiffre d’affaires. Si le rythme de croissance devrait se maintenir cette année au même niveau que l’an passé, à savoir environ
55 %, les 150 millions d’euros de revenus pourraient même être atteints fin 2010. D’autant que les plateformes de VOD recensées en France sont maintenant une cinquantaine, les services étant comptés qu’une fois lorsqu’il sont proposés en marque blanche.
Elles peuvent être accessibles par le Web, via un canal de « TVIP » (1) ou à partir
d’un baladeur multimédia, voire d’une console de jeux vidéo. Et 5.000 films de cinéma sont actuellement disponibles sur les huit principales plateformes que sont Arte VOD, Canaplay, Club Vidéo, France Télévisions, Orange, TF1 Vision, Universciné et Virginmega. La croissance de la VOD devrait se maintenir aussi grâce au raccourcissement de la « chronologie des médias », selon laquelle un nouveau film est disponible en VOD (et en DVD) quatre mois après sa sortie en salle (2). Est-ce suffisant pour éviter le piratage de films en ligne ? Selon l’institut Harris Interactive qui a mené une enquête sur Internet pour le CNC, ce sont les films et séries américains qui arrivent largement en tête de la consommation de VOD en France (47,9 %), suivis par les films et séries français récents (30,3 %). En valeur, d’après le baromètre de NPA-GfK déjà rendu public en avril, 98,3 % des transactions payantes de VOD se sont faites sous forme locative en streaming ou en téléchargement temporaire sur un total de 22,9 millions transactions payantes (en hausse de 64,1 % sur un an). Et 96,5 % du chiffre d’affaires est réalisé sous forme de paiement à l’acte, contre 3,5 % avec des formules mensuelles d’abonnement illimité. Ce dernier mode de consommation génère néanmoins 21,9 % des volumes de consommation. « Le prix moyen par transaction locative est en légère baisse sur la période (- 5,4 % à 3,55 euros) », indique le bilan
du CNC. Quoi qu’il en soit, l’essentiel du volume de transaction payantes de VOD s’effectue sur la TVIP. D’ailleurs, selon l’Arcep, près de la moitié des abonnés ADSL reçoivent la télévision par cet accès.
« Le nombre de transaction payante sur la TVIP augmente de 61 %, tandis que celle réalisées sur Internet ne progressent que de 13,3 % », précise-t-on. @