Neutralité du Net : le gouvernement tarde à décider

En fait. Le 29 janvier, le Geste a « regretté » que la ministre Fleur Pellerin n’ait pas annoncé – lors de la table ronde du 15 janvier dernier sur la neutralité du Net –
un projet de loi consacrant ce principe et « s’est étonné que le gouvernement
ne prenne pas une position ferme en faveur des internautes ».

En clair. Le Groupement des éditeurs de services en ligne (Geste) « ne comprend pas le renvoi de l’examen de ce sujet auprès du Conseil national du numérique au sein duquel, par ailleurs, aucun représentant d’association professionnelle ne siège ». Après plus de trois ans de débats, de rapports et d’auditions sur le principe de neutralité de l’Internet, la France hésite en effet encore sur le sujet. En place depuis mai 2012, le gouvernement semble vouloir se donner encore du temps avant de décider. La définition et le principe de neutralité du Net ne sont toujours pas inscrits dans une loi, pas plus que la protection des libertés fondamentales des internautes et des mobinautes – et demain des télénautes. « C’est un enjeu de démocratie. Ce n’est pas négociable. (…) Le droit actuel est-il suffisant ? Pas certain », a pourtant lancé Fleur Pellerin, lors de la table ronde du 15 janvier. Le droit fondamental des utilisateurs « à accéder à l’information et à en diffuser ainsi qu’à accéder aux applications et services de leur choix » est bien prévu à l’article 3 de l’ordonnance de transposition du nouveau Paquet télécom (1) publiée au Journal Officiel du 26 août 2011. Mais il reste insuffisant.
Que s’est-il passé entre la première violation connue de ce principe en 2007, lorsque
Neuf Cegetel a bloqué Dailymotion faute d’accord d’interconnexion, et la dernière
violation en date, lorsque Free fait pression sur Google en dégradant l’accès à YouTube
et en bloquant les publicités en ligne ? Rien ! Ou presque. Il y a bien la décision du
20 septembre dernier de l’Autorité de la concurrence, laquelle donne raison à France Télécom voulant pratiquer du « peering payant » vis-à-vis de Cogent. Mais cet intermédiaire technique ou CDN (2) a, selon nos informations, déposé fin octobre 2012
un recours devant la Cour d’appel de Paris contre cette décision.
Il faudra attendre la « feuille de route numérique » que présentera fin février le Premier ministre Jean-Marc Ayrault pour savoir si la neutralité d’Internet aura sa loi. Pour faire patienter, la ministre de l’Economie numérique a saisi le nouveau Conseil national du numérique (CNN) – installé le 18 janvier – pour contribuer aux « travaux techniques » sur les conditions d’acheminement du trafic Internet (flux asymétriques) et le partage de la valeur entre opérateurs de réseau et fournisseurs de contenus (terminaison data ?). @

Comment le CSA, l’Arcep, la Cnil et le législateur mettent les médias sociaux sous surveillance

A peine ont-ils émergé dans le nouveau paysage médiatique que les médias
sociaux se retrouvent d’emblée l’objet de toutes les attentions des régulateurs et des parlementaires. La prochaine loi audiovisuelle pourrait constituer un premier pas vers la régulation d’Internet.

« Le régulateur ne doit ni stopper ni brider ces nouveaux médias, mais veiller à ce
qu’ils respectent la protection des données », a voulu temporiser Isabelle Falque-Pierrotin, présidente de la Cnil (1). « Il ne s’agit pas d’instaurer un carcan réglementaire mais plutôt un cadre s’appuyant sur la flexibilité du droit. Pas question non plus de contrôler les contenus », a tenu à rassurer Françoise Benhamou, membre du collège de l’Arcep.
« Je ne dis pas qu’il faille transposer stricto sensu dans le monde Internet la régulation des contenus audiovisuels », a tenté de rassurer à son tour Emmanuel Gabla, membre
du CSA.

Presse multi supports et droits des journalistes

En fait. Le 14 juin était l’échéance à laquelle les éditeurs de presse devaient avoir signé un accord sur les droits d’auteurs avec leurs journalistes. La loi Hadopi du
12 juin 2009 leur donnait trois ans, afin de pouvoir diffuser les articles sur tous
les supports sans rémunération supplémentaire des journalistes.

En clair. La loi Hadopi (dite « Création et Internet »), promulguée il y a trois ans,
a accordé aux éditeurs de journaux la possibilité de ne pas avoir à demander d’autorisation à leurs journalistes, ni à leur verser de rémunération supplémentaire lorsque les articles sont exploités sur de multiples supports – papier et numérique – dans le cadre du « titre de presse » (1) ou d’une « famille cohérente de presse ».
Et ce, pour une durée déterminée dite « période de référence » (le plus souvent 24
ou 48 heures, voire 7 jours). Les Echos, ouvrant le ban le 14 décembre 2009 (voir EM@20, p. 4), Le Figaro, La Dépêche du Midi et Paris Turf sont les premiers quotidiens à avoir signé des accords de droits d’auteurs « Hadopi compatibles ».
Ainsi, à condition d’avoir conclu un accord collectif dans l’entreprise de presse (avec les organisations syndicales) et de l’avoir fait signer à chaque journaliste (sous la forme d’un avenant au contrat de travail), l’éditeur peut exploiter les articles non seulement sur le journal imprimé mais aussi sur toutes les déclinaisons numériques et sur tous les terminaux (web, mobile, tablette, version numérique de type PDF ou appli mobile, etc),
y compris sur des sites tiers comme Google ou Yahoo (2), mais pas la diffusion audiovisuelle.
Au moment où les rédaction web-papier ou « bi médias » se mettent en place, ce régime dérogatoire donne l’avantage aux éditeurs. Au détriment des journalistes ?
A défaut de percevoir à chaque fois une rémunération supplémentaire avec leur autorisation express, comme c’est le cas sous le régime de droit commun de l’oeuvre collective, les journalistes ne perçoivent qu’une somme forfaitaire à l’année au-delà de la période de référence – sous forme de salaire ou en droit d’auteur (150 à 450 euros par an et par journaliste). Après le 14 juin, les entreprises de presse qui n’auront pas conclu d’accord collectif verront leurs accords antérieurs à la promulgation de la loi Hadopi devenir caducs. Et c’est le droit commun, plus avantageux pour les journalistes, qui s’appliquera. Pour les différends, une Commission (paritaire) des droits d’auteur des journalistes (CDAJ) a été installée en octobre 2011 au sein de la DGMIC (3). La Dépêche du Midi a été le premier journal à la saisir – sans résultat – sur la définition de « famille cohérente de presse ». @

Affaire « Louis Vuitton contre eBay » : la Cour de cassation redéfinit la notion d’hébergeur

Pour mettre fin aux hésitations de la jurisprudence sur la définition d’hébergeur,
à la responsabilité limitée, la Haute juridiction – dans son arrêt du 3 mai – en exclut les sociétés Internet ayant la connaissance ou le contrôle des contenus illicites qu’elles stockent.

Par Christiane Féral-Schuhl*, avocate associée, et Laurent Teyssandier avocat, cabinet Féral- Schuhl/Sainte-Marie.

Fair use et numérique : la Commission européenne prépare les esprits à plus de tolérance

La commissaire européenne en charge du numérique, Neelie Kroes, s’est
exprimée – le 2 mai sur son blog – en faveur de la consultation de la Hadopi sur
les « exceptions au droit d’auteur et aux droits voisins ». En toile de fond : l’idée
– encore taboue – d’un fair use en Europe.

« Une évolution vers une approche ouverte des exceptions (fair use), sur le modèle
des Etats-Unis, vous semble-t-elle souhaitable, ou pensez-vous que le maintien de l’approche française et communautaire (liste limitative d’exceptions) demeure préférable ? Pourquoi ? ».