Contrefaçon : le cinéma veut se passer de l’Hadopi

En fait. Le 28 juin, la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet (Hadopi) a expliqué lors d’un « point d’étape » qu’elle sera opérationnelle « dans les prochains jours ». Les ayants droits de la musique peuvent la saisir de cas de piratage. Quant au cinéma…

En clair. Selon nos informations, l’Association de lutte contre la piraterie audiovisuelle (Alpa) – qui a eu fin juin l’aval de la CNIL (1) pour utiliser les radars de la société TMG
(2) – envisage directement des actions judiciaires au pénal ou au civil, sans forcément passer par l’Hadopi. Les ayants droits de l’audiovisuel et du cinéma veulent saisir eux-mêmes la justice sur le terrain de la contrefaçon, laquelle est passible de trois ans de prison et de 300.000 euros d’amendes pour violation de la propriété intellectuelle. Alors que l’Hadopi a une action limitée au manquement à l’obligation – stipulée dans la loi
« Création & Internet » – de surveillance de son accès à Internet. L’abonné incriminé risque, si la Commission de protection des droits (CPD) de l’Hadopi transmet son dossier au juge, une contravention de 1.000 euros ou 3.000 en cas de récidive (montants multipliés par cinq pour les personnes morales) et une coupure d’accès au réseau d’un mois maximum. L’Alpa entend pouvoir envoyer directement devant le juge d’importants contrefacteurs ou des organisations professionnelles. Contactée par Edition Multimédi@, l’Alpa n’a pas répondu. L’association présidée par Nicolas Seydoux (patron de Gaumont) a prévu de « flasher » quotidiennement 25.000 adresses IP sur les réseaux peer-to-peer au regard d’un catalogue de 100 films, séries et documentaires, renouvelé régulièrement. De leur côté, les quatre sociétés de droits d’auteur de la musique – SCPP, SPPF, Sacem et SDRM – vont aussi collecter jusqu’à 25.000 adresses IP mais par rapport à un catalogue de 10.000 titres. Même si les ayants droits de la musique peuvent aussi saisir directement la justice, et indépendamment du fait que la Sacem et sa SDRM sont aussi membres de l’Alpa (3), la filière musicale est plus disposée à passer par les fourches caudines de l’Hadopi.
« La voie de la procédure directe au pénal ou au civil peut être intéressante pour les gros contrefacteurs ou ceux qui diffusent la première fois des œuvres non encore publiées officiellement. Ou pour des entreprises ou autres personnes morales, pour lesquelles l’Hadopi n’est pas bien adaptée. Toutefois, un juge saisi d’une plainte directe des ayants droits, pourrait interroger l’Hadopi pour savoir si l’abonné concerné a déjà reçu une mise en garde », nous explique Marc Guez, directeur général de la SCPP. Les procédures judiciaires pour contrefaçon sont en tout cas plus longues (jusqu’à trois ans) et plus coûteuses. @

… mais la lutte contre le piratage refait polémique

En fait. Le 1er juin, à la suite de l’adoption par la Commission des Affaires juridiques du Parlement européen du rapport Gallo sur le Renforcement de l’application des droits de propriété intellectuelle sur le marché intérieur, l’eurodéputée Françoise Castex (PS) s’est insurgée contre la répression.

En clair. Françoise Castex n’y va pas par quatre chemins pour s’en prendre à « la droite [qui] refuse de faire évoluer le droit face au nouvel environnement numérique
et n’a d’autre solution que de préconiser la sanction généralisée des usagers ». Pire selon elle, « en assimilant le partage de fichier à des fins non commerciales à de la contrefaçon et à du vol, Marielle Gallo et la droite européenne poussent, à l’instar d’ACTA (1), à la criminalisation de millions d’internautes par ailleurs consommateurs
de musique et de films ». L’eurodéputée de l’Alliance progressiste des socialistes et démocrates au Parlement européen regrette que « la droite » – entendez le Groupe
du parti populaire européen (démocrates- Chrétiens) et les libéraux rejoints par les centristes européens (Alde) – « ait rejeté notre proposition de demander à la Commission européenne d’étudier la possibilité d’une régulation positive du partage
de fichier assortie d’un soutien aux nouveaux modèles économiques de financement
et de distribution pour les créateurs ».
Et de conclure : « La droite n’a rien trouvé de mieux à faire que de se concentrer sur
la question du peer-to-peer pour valider la riposte graduée à l’échelle européenne ».
En d’autres terme, Françoise Castex estime que le rapport Gallo est « soutenu par les autorités françaises » et « préconise une logique répressive contre le partage de fichier en ligne et ce faisant recentre l’Europe sur une ligne pro-Hadopi ». Dans une tribune parue le 25 mai dernier dans Libération, cette même eurodéputée avait cosigné avec
sa consœur Catherine Trautmann – ancienne ministre de la Culture en France – un plaidoyer pour « rompre avec une logique purement répressive » qui porte atteinte aux « droits les plus fondamentaux des utilisateurs », tout en appelant à « repenser la propriété intellectuelle » (2). En France, certains s’insurgent comme le porte-parole de la Quadrature du Net, Jérémie Zimmermann : « Le rapport Gallo montre à quel point
le lobbyisme de quelques industries anachroniques au Parlement européen peut être puissant. (…) Cette influence doit être contrebalancée pour les prochaines batailles :
la discussion à venir sur l’accord ACTA, les discussions sur les nouvelles sanctions pénales avec la résurrection future de la directive IPRED2 [Intellectual Property Rights Directive, ndlr], etc ». Le commissaire européen chargé du Marché intérieur, le Français Michel Barnier, prépare en effet une seconde édition de la directive communautaire sur les droits de propriété intellectuelle. @