Le filtrage DPI est pratique courante sur Internet

En fait. Le 9 mars, l’Organe des régulateurs européens des communications électroniques (Orece) – qui réunit les 27 Arcep – a publié les premiers résultats d’une étude sur les pratiques de gestion de trafic sur Internet par les opérateurs télécoms et fournisseurs d’accès à Internet (FAI).

En clair. On en saura plus mi-avril, lorsque l’Orece rendra son rapport définitif à la Commission européenne sur les pratiques de gestion de trafic sur Internet au regard de la neutralité des réseaux. Mais ce que montrent les premiers éléments de cette étude pilotée par l’Arcep, et que Jérôme Coutant a présentés fin février à Vienne, c’est que le blocage (blocking) et/ou l’étranglement (throlling) des réseaux peer-to-peer (P2P) sont « les pratiques les plus fréquentes, à la fois sur réseaux fixes et mobiles ». Vient ensuite le blocage de la voix sur IP (VoIP) comme Skype, mais encore plus sur les réseaux mobiles. C’est la première fois que les régulateurs européens identifient les pratiques de gestion de trafic (1). Ils affirment en outre avoir « la preuve d’expériences négatives d’utilisateurs et de fournisseurs de contenus résultant de telles pratiques » de filtrage. Et pour procéder au blocage et/ou à l’étranglement, les opérateurs télécoms ont recours à la technique de filtrage en profondeur des contenus de type Deep Packet Inspection (DPI). Ce procédé controversé consiste à examiner automatiquement les données des paquets IP à des fins de sécurité, de censure, de protection de droits d’auteurs, de garantie de qualité de service ou encore de gestion des congestions des flux de données. L’abus de DPI peut aboutir à une pratique anticoncurrentielle (par exemple, en toute hypothèse, Orange limitant l’accès à YouTube pour favoriser le concurrent Dailymotion dans lequel il a investi), ou une atteinte à l’ouverture du Web censé être accessible sans discrimination par les internautes et les mobinautes. « Par exemple, sur la gestion des congestions, certains opérateurs utilisent une approche ‘’application agnostique’’ (comme active buffering), tandis que d’autres ont une approche ‘’application spécifique’’ (comme limiter le trafic spécifique tel que le streaming vidéo) », explique l’Orece. Quoi qu’il en soit, un tiers des opérateurs fixes gèrent leurs réseaux pour offrir des services spécialisés (fournir des utilities ou des applications de base comme la téléphonie ou la télévision), parallèlement à l’accès à Internet selon la règle du best effort. C’est particulièrement le cas en France où le triple play sur ADSL représente encore 95 % des accès haut débit, et que 57 % d’entre eux bénéficient de la TV sur ADSL via un accès typiquement managé nommé IPTV (2). @

Game over… pour l’industrie « off line » du jeu vidéo

En fait. Le 8 décembre, le Game Connection Europe a fermé ses portes après trois jours, à La Défense. C’est la première fois que Paris accueillait cet événement-phare de l’industrie du jeu vidéo qui, selon l’Idate, réalise 52,1 milliards d’euros de chiffre d’affaires au niveau mondial cette année.

En clair. L’industrie du jeu vidéo entre dans le « cloud gaming ». Les consoles de jeux connectées, les boutiques d’applications, les réseaux sociaux, les téléviseurs connectés, ainsi que les jeux dits massivement multi-joueurs (MMO) et les jeux virtuels sur de la réalité augmentée, sont en train de faire disparaître les jeux numériques sur supports physiques, tels que les CD ou les DVD. Le « cloud computing », qui permet aux utilisateurs de jouer à partir de n’importe quel terminal – ordinateur, smartphone, tablette, téléviseur, etc. – sans que le jeu n’ait à être enregistré préalablement sur leur propre disque dur ou sur un support de stockage local, pourrait leur donner le coup de grâce. L’un des pionniers du « cloud gaming » s’appelle OnLive, société américaine qui a lancé en juin 2010 son service de jeux à la demande – ce que l’on pourrait désigner par le GOD, comme il y a la VOD pour la vidéo à la demande. Seul un petit boîtier est nécessaire pour jouer sur le poste de télévision. Pas de disque optique, pas de téléchargement : rien que du streaming audiovisuel. Par exemple, l’utilisateur achète
un jeu à partir de son smartphone et obtient un unique compte utilisateur, qui lui donne le droit de joueur à ce jeu sur plusieurs de ses terminaux. C’est ce que Laurent Michaud, chef de projet et responsable du pôle « Loisirs numériques et électronique grand public » de l’Idate, appelle – notamment dans son rapport « Digital Home & Connectable Devices » de l’Idate (1) que Edition Multimédi@ s’est procuré – les « jeux vidéo ubiquitaires » (ou Ubiquitous Games).
En France, par exemple, la console de jeux connectée pourrait disputer à la box IPTV
des fournisseurs d’accès à Internet (FAI) – détenant plus de 90 % de parts de marché
de l’accès au haut débit et du triple play – sa position de leader dans le salon connecté.
« Les consoles continuent par ailleurs d’abriter d’autres contenus (musique, vidéo, navigation Web, TV), plus enclins à intéresser le reste de la famille. (…) Celles de Sony
et de Microsoft assument leurs ambitions dans le foyer numérique et participent à sa conquête à côté des set-top-box, des boxes IPTV, des disques durs multimédias, des lecteurs-enregistreurs vidéo et des téléviseurs connectés », explique Laurent Michaud (2). Reste le risque de piratage que l’Hadopi considère comme moins élevé comparé à
la musique ou aux films. @

La bataille entre “jardins clos” et “mondes ouverts”

En fait. Les 16 et 17 novembre, à Montpellier, a eu lieu le 33e DigiWorld Summit
de l’Idate sur le thème interrogatif : « Les terminaux seront-ils les rois ? »
(Will the device be king?). Les foyers multiplient les écrans connectés
(ordinateur, smartphone, console, téléviseur, …) et les usages multimédias.

En clair. C’est le consommateur qui est « roi » ! Mais en multipliant ses équipements connectés et en exigeant plus de contenus, il a déclenché sans le savoir – surtout
en France où le triple play ADSL est dominant – une guerre de tranchée entre deux écosystèmes. D’un côté, les fournisseurs d’accès à Internet (FAI) qui opèrent des réseaux dits « managés » comme l’IPTV (1) via une « box », et, de l’autre, les fournisseurs de services et de contenus qui proposent leurs offres vidéo dans un environnement ouvert sur Internet sans être opérateur télécoms. Ces derniers, appelés OTT, pour Over- The-Top, sont en général de nouveaux entrants venant du Web, des terminaux interactifs ou encore de la VOD. Mais, à Montpellier, les FAI de l’IPTV ou les câblo-opérateurs ont tenté de défendre leur position face à la pression qu’exerce un peu plus la TV connectée sur leur « walled garden ». « La moitié des foyers français ont déjà la TV connectée puisqu’ils sont 11 millions à être équipés d’une box qui leur offre une qualité de service », a expliqué Jérémie Manigne, vice-président chez SFR. Le marché français est donc à ses yeux « spécifique » avec ses boxes « subventionnées » par les FAI et ses offres audiovisuelles variées (TV, catch up TV, VOD, SVOD, …). Il ne veut
pas pour autant être fermé aux OTT. « Entre FAI locaux et acteurs plus globaux, nous sommes pour la “coopétition” comme nous le faisons avec Picasa [Google, ndlr], Dailymotion ou d’autres », a poursuivi Jérémie Manigne, tout en craignant une « distorsion de concurrence réglementaire et fiscal » avec les OTT implantés ailleurs. Intervenant à ses côtés, Terry Denson, vice-président chez Verizon, a lui aussi défendu le modèle de l’IPTV comme étant « le cœur de la consommation multi-service et multi-plateforme », ainsi que la coopétition. « C’est le combat de l’intelligence des réseaux qu’il nous faut mener pour ne pas être réduits à un dump pipe [réseau passif, ndlr]. Cela passe par
une stratégie offensive sur le marché de l’OTT, quitte à nouer des accords de partenariat avec d’anciens concurrents ! », a-t-il dit.
Quant à Alun Webber, directeur général chez BSkyB, il est allé plus loin en vantant les mérites de « la box hybride IP qui permet d’offrir au client davantage de choix OTT ».
Mais à trop vouloir ouvrir la box, n’est-ce pas pour les FAI prendre le risque d’ouvrir
« la boîte de Pandore » (2) ? @

Les FAI et le cinéma français en chiens de faïence

Le 25 octobre dernier, le président de la République a reçu des représentants du cinéma (Bloc, ARP, UPF, SACD, …) et le CNC à propos du budget de ce dernier adopté par les députés dans le projet de loi de finances 2012. Les opérateurs télécoms, eux, contestent la taxe télévision (TST).

Les fournisseurs d’accès à Internet (FAI) – au premier rang desquels Free qui a sorti
en décembre 2010 la distribution des chaînes de télévision de son offre triple play pour réduire sa taxe au Compte de soutien à l’industrie de programmes (Cosip) – se rebiffent une nouvelle fois (1). La FFT a en effet réagi vertement contre l’amendement TST (taxe sur les services de télévision) adopté le 21 octobre à l’Assemblée nationale. Non seulement il empêche les FAI d’échapper à la taxe Cosip mais il autorise en plus l’Etat à détourner une partie des recettes « plafonnées » perçues par le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC), lequel gardera 229 millions d’euros sur les 300 millions que pourrait rapporter – selon l’Arcep – la TST en 2012. En 2010, ce prélèvement avait été de 190 millions d’euros. Ainsi, les membres de la FTT – qui s’attendaient à payer la même somme l’an prochain – « contestent fortement l’idée d’une TST dont l’excédent, audelà de la part nécessaire pour le financement des actions du CNC, servirait à abonder le budget de l’Etat, ce qui reviendrait à ajouter un nouveau prélèvement sur l’accès à Internet fixe et mobile » (2). Près de 100 millions d’euros de surplus pourraient ainsi être réaffectés au futur Centre national de la musique (CNM), lequel sera à la filière musicale ce qu’est le CNC au cinéma français (3). Comme l’an dernier, une partie des recettes du CNC vont être détournés par l’Etat. Comme l’an dernier, une plainte pourrait être déposée auprès la Commission européenne par Free et/ou la Fédération française des télécoms. A moins que les opérateurs télécoms n’obtiennent gain de cause au Sénat… En réalité, les FAI se retrouvent entre le marteau, à savoir les sociétés de gestions des droits – via Sorecop et Copie France – qui veulent augmenter la rémunération de la copie privée (taxation des box, des smartphones, …), et l’enclume, que sont les producteurs audiovisuels et cinématographiques qui préfèrent les prélèvements à la source pour subventionner leurs investissements (via le CNC, bientôt le CNM, …). Le Conseil d’Etat, avec sa décision du 27 juin dernier, leur avait passé du baume au coeur en annulant la décision nº 11 de la Commission copie privée prévoyant de taxer les smartphones. Mais ce qu’ils récupèreraient d’un côté, ils le perdraient de l’autre. @

Comment la TV connectée s’ouvrira aux éditeurs

En fait. Le 19 octobre, le rapporteur de la mission sur la TV connectée, Mohammed Adnène Trojette, a indiqué à EM@ que le rapport demandé à Marc Tessier, Philippe Levrier, Takis Candilis, Martin Rogard et Jérémie Manigne « ne sera pas rendu avant mi-novembre ». Le grand défi est de lever les obstacles.

En clair. Lancée il y a maintenant six mois, la mission confiée par Frédéric Mitterrand
et Eric Besson devait rendre ses « recommandations » le 1er octobre. Or, selon nos informations, le rapport ne sera rendu que vers la mi-novembre. Des « auditions
électives » ont été nécessaires, suite à l’appel à contribution ouvert jusqu’au 15 septembre par les DGMIC (1) et DGCIS (2). Car la TV connectée fait entrer dans la chaîne de valeur du PAF (3) des acteurs aux intérêts parfois radicalement divergents (chaînes de télévision, fabricants de téléviseurs, sites web, plateformes de VOD,
éditeurs de services, FAI, opérateurs télécoms, fabricants de consoles de jeux, etc).
Les recommandations des « cinq » – Marc Tessier (Vidéo Futur), Philippe Levrier (CNC), Takis Candilis (Lagardère Active), Martin Rogard (Dailymotion) et Jérémie Manigne
(SFR) – vont tenter de ménager les chaînes et les nouveaux entrants. La contribution du Groupement des éditeurs de services en ligne (Geste) exprime bien les préoccupations.
Les éditeurs estiment en effet qu’ils « se heurte[nt] à la réalité d’un marché fragmenté
où chaque constructeur déploie une norme propriétaire propre, contraignant ainsi potentiellement les éditeurs à décliner leurs offres en développant autant de services connectés que de téléviseurs disponibles sur le marché ou que de set-top-boxes proposées par les opérateurs en IPTV ». La fragmentation technique des terminaux constitue « frein » et « barrière à l’entrée », en faisant « exploser les coûts de développement ». Il y a bien le HbbTV. « Mais, déplore le Geste, ce standard concerne essentiellement les perspectives d’enrichissement des flux vidéos des chaînes de télévision par des services connectés et ignore le cas des applications, tierces aux chaînes de télévision, référencées dans les portails constructeurs ou opérateurs ».
Serait donc salutaire une normalisation de la TV connectée au sein du W3C (4), lequel
y travaille. Et la neutralité du Net ? Le Geste craint « un risque majeur pour l’utilisateur
de voir sa liberté d’accès aux contenus et services de son choix fortement restreinte au profit des seuls services maîtrisés (portails) ou gérés (TV sur IP) par les opérateurs et constructeurs de terminaux ». Sans parler des risques de « cloisonnement vertical » (exclusivités) ou de « modèles fermés à l’instar d’Apple ». @