L’Hadopi compte pas moins de dix-neuf membres

En fait. Le 8 janvier 2010, l’Hadopi – Haute autorité pour la diffusion des œuvres et de la protection des droits sur Internet – a été officiellement installée. Et ce, après la publication les 26 et 31 décembre 2009 au JO des deux premiers décrets (nomination et organisation) la concernant.

En clair. L’Autorité de régulation des mesures techniques (ARMT) est morte. Vive l’Haute autorité pour la diffusion des œuvres et de la protection des droits sur Internet (Hadopi) ! Le premier décret daté du 23 décembre désigne 19 membres, dont 13 au sein d’un collège et 6 au sein d’une commission de protection des droits. La feue ARMT, qui fut instituée en août 2006 pour assurer une veille technologique sur l’interopérabilité et les systèmes d’identification des œuvres diffusées en ligne (1) de type DRM (2), apporte à la nouvelle Hadopi quelques membres, dont Jean Mustelli. En effet, l’actuel président de l’ARMT depuis 2007 représente désormais à l’Hadopi le Conseil d’Etat avec Marie Picard.
Le secrétaire général de l’ARMT, Jean Berbinau (industrie), y fait aussi son entrée comme l’un des trois représentants des « ministères chargés des communications électroniques, de la consommation et de la culture » avec Chantal Jannet (consommation) et l’ancien ministre Jacques Toubon (culture). Autre membre de l’ARMT, Marie-François Marais. Représentant la Cour de cassation avec Dominique Garban, elle a été élue présidente de l’Hadopi le 8 janvier. En outre, deux parlementaires sont désignés par le président de l’Assemblée nationale et par celui
du Sénat : le député UMP Franck Riester, rapporteur de la loi Hadopi, et le sénateur UMP Michel Thiollière, également rapporteur de la même loi promulguée le 13 juin 2009 (Hadopi 1) et le 29 octobre 2009 (Hadopi 2). La Cour des comptes est elle aussi représentée par Patrick Bouquet et Thierry Dahan, tandis que le Conseil supérieur de
la propriété littéraire et artistique (CSPLA) a désigné Christine Maugüe et Philippe Belaval. Au sein de l’Hadopi, la « commission de protection des droits » orchestrera et mettra en oeuvre la fameuse « riposte graduée ». Elle est composée de six membres: Mireille Imbert-Quaretta et Jean-François Mary désignés par le Conseil d’Etat, Jean-Yves Monfort et Paul Chaumont par la Cour de cassation, Jacques Bille et Sylvie Toraille par la Cour des comptes. Quant au second décret daté du 29 décembre 2009,
il précise le fonctionnement, l’organisation et les rémunérations de la nouvelle autorité administrative indépendante. Les décisions du collège sont notamment prises à
la majorité des voix, celle du président étant prépondérante en cas d’égalité des voix.
Ni les séances du collège, ni celles de la commission de protection des droits ne sont publiques. @

Exclusivités du Net : élargir les pouvoirs du CSA

En fait. Le 11 janvier, le Premier ministre a reçu le rapport de Marie-Dominique Hagelsteen sur « les exclusivités de distribution et de transport dans le secteur de la télévision payante ». François Fillon « décidera dans les prochaines semaines des suites à donner aux recommandations ».

En clair. Orange a du souci à se faire sur les exclusivités mises en place pour ses deux bouquets de télévision payants Orange Sport et Orange Cinéma Séries (1), dont la distribution est réservée à ses seuls abonnés « triple play » (Internet, téléphone et télévision). L’opérateur historique a ainsi choisi de ne pas commercialiser ses chaînes
via d’autres fournisseurs d’accès à Internet (FAI). En pratiquant une double exclusivité
(celle de la distribution et celle d’accès), voire une triple exclusivité (avec l’édition),
France Télécom a pris un double risque, voire un triple risque : être accusé de pratique (anti)concurrentielle, limiter son audience télévisée à quelques abonnés (pas plus de 350.000 à fin 2009), et se voir reprocher d’inciter les abonnés des FAI concurrents à visionner illégalement en streaming ses programmes. « La stratégie d’Orange comporte nombre d’inconvénients [appauvrir l’éventail de choix des consommateurs] qui ne rendent pas son maintien souhaitable. (…) Elle est aussi susceptible d’induire des distorsions de concurrence », estime le rapport Hagelsteen. En cela, il rejoint l’avis
de l’Autorité de la concurrence du 7 juillet 2009 (voir EM@ n° 2, pages 8 et 9) jugeant
« qu’une plus grande ouverture du marché de gros de la télévision payante était souhaitable, mais que l’exclusivité (…) que pratique Orange ne constituait pas la réponse adéquate à cette situation ». Mais, contrairement aux sages de la rue de l’Echelle qui souhaitaient voir le législateur fixer rapidement « des règles du jeu
claires » (2), la commission Hagelsteen est réticente à ce qu’une loi encadre l’exclusivité de transport. Motif : « très faible adhésion [des acteurs concernés] ».
Elle lui préfère « une législation de nature procédurale consistant à mettre sous surveillance ces pratiques d’exclusivités de transport là où elles se déploient ».
En revanche, est partagée la nécessité « de mettre en place une véritable régulation
ex ante du marché de gros de la télévision payante » (notamment dans le sport et le cinéma). Bien que Canal+ y soit farouchement opposé, le rapport Hagelsteen propose de doter le CSA d’un pouvoir d’injonction d’offrir (« must offer ») qui pourrait porter sur toute chaîne éditée par un acteur puissant sur le marché de gros (avec encadrement
du prix), ainsi que sur les services de médias audiovisuels à la demande correspondants. @

L’Etat français vole au secours de ses industries culturelles face à Internet

Musique, cinéma et audiovisuel, livre… Les industries de la culture n’ont pas su s’adapter à Internet, ou ne savent pas comment s’y prendre. En France, l’année 2010 marque la reprise en main de leur avenir par le gouvernement. Jusqu’à
130 millions d’euros pourraient être nécessaires sur trois ans pour les aider.

Trois jours. Le 6 janvier, la mission « Création & Internet » remettait son rapport au ministre de la Culture et de la Communication, Frédéric Mitterrand. Le 7 janvier,
le président de la République, Nicolas Sarkozy, présentait ses vœux aux professionnels du monde de la culture. Le 8 janvier, le ministre de la Culture installait
la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet (Hadopi).

Les Etats-Unis tentent de préserver la neutralité d’Internet

Après avoir reçu jusqu’au 14 janvier les contributions à sa consultation publique sur la neutralité des réseaux, la FCC va les étudier et demander d’éventuelles précisions jusqu’au 5 mars 2010. La décision qui en découlera aura des répercutions jusqu’en Europe.

Par Winston Maxwell, avocat associé, cabinet Hogan & Hartson.

Dans le cadre de sa « Notice of proposed rulemaking » du 22 octobre dernier (1), le régulateur fédéral américain, la FCC (2), soumet à consultation publique un projet de règlement sur la neutralité des réseaux. Ce projet prévoit six obligations qui pèseraient sur tout fournisseur d’accès à l’Internet haut débit (FAI). Selon les règles proposées, un FAI serait tenu de se conformer à
six principes.
A savoir : ne pas empêcher un utilisateur d’envoyer ou de recevoir via l’Internet les contenus licites de son choix ; ne pas empêcher un utilisateur d’utiliser les applications ou services licites de son choix ; ne pas empêcher un utilisateur de connecter et utiliser les équipements licites de son choix, à condition que ceux-ci n’endommagent pas le réseau ; ne pas priver l’utilisateur de la faculté de choisir entre plusieurs opérateurs de réseau, fournisseurs d’applications, de services ou de contenus ; traiter de manière non-discriminatoire les contenus, applications et services licites ; informer de manière transparente les utilisateurs et fournisseurs de contenus, d’applications ou de services des mesures de gestion de réseau appliquées par le FAI.

Un « fonds national pour la société numérique »

En fait. Le 14 décembre, le président de la République a rendu public ses arbitrages sur la répartition des 35 milliards d’euros du grand emprunt. Finalement, ce sont 4,5 milliards qui seront consacrés, d’une part, aux réseaux très haut débit  (44,4 %) et, d’autre part, aux usages et contenus (55,6 %).

En clair. Le numérique est l’une des cinq grandes priorités du grand emprunt qui sera lancé en 2010. On attendait 4 milliards d’euros pour le numérique (voir EM@ 2, p. 3).
C’est finalement 500.000 euros de mieux que prévu. Ces 4,5 milliards d’euros –
soit 12,8 % des 35 milliards du grand emprunt – seront investis dans un « Fonds national pour la société numérique » géré par un établissement public « relevant du Premier ministre via le secrétariat chargé de l’Economie numérique ». La ministre concernée, Nathalie Kosciusko-Morizet, s’est d’autant plus félicitée de la décision présidentielle que – lors du séminaire intergouvernemental qu’elle a organisé le 10 septembre dernier – l’idée d’un financement du numérique par le grand emprunt est fraîchement accueillie par les deux anciens Premiers ministre, Michel Rocard
(« perplexe ») et Alain Juppé.
Ce dernier avait même ironisé en disant que « si l’on consacrait 40 milliards d’euros à la couverture du pays en fibre optique, il ne resterait plus grand-chose »… Pour « NKM »,
les arbitrages de Nicolas Sarkozy « viennent conforter l’idée que les politiques publiques ne doivent pas se concentrer exclusivement sur les infrastructures mais aussi prendre en compte les usages et les services ». Les 2 milliards d’euros n’iront d’ailleurs pas seulement à la fibre optique, mais aussi au très haut débit mobile ou satellitaire, selon trois modalités : prêts ou garanties d’emprunt à des opérateurs privés ; subventions aux projets de couverture dans les zones peu denses, en partenariat avec les collectivités locales ; partenariat public-privé (ou concession de service public) pour déployer un satellite qui apportera le très haut débit d’ici cinq ans à 750.000 foyers en zone rurale. « Ces fonds se joindront aux 750 millions d’euros de co-investissements
en fonds propres avec les opérateurs qui déploieront les réseaux, à réunir à l’initiative de la Caisse des dépôts et consignations (1). L’objectif est d’atteindre en dix ans une couverture en très haut débit de 70 % de la population », explique l’Elysée. Côtés contenus, une partie des 2,5 milliards ira à un partenariat public-privé pour créer de
« grandes centrales numériques » (2). Tandis que 750 millions d’euros seront alloués
à la numérisation du « patrimoine culturel » (musées, bibliothèques, films, …). « Il n’est pas question de laisser ce patrimoine partir », a déclaré le président de la République. Google est prévenu… @