Comment Facebook se lance sur le marché de la VOD

En fait. Le 27 mars, la filiale de distribution numérique de Time Warner, Warner Bros. Digital Distribution, a annoncé qu’elle portait à cinq le nombre des films disponible en VOD payante sur le réseau social Facebook. Et ce, après un test
qui a démarré le 8 mars avec « The Dark Knight ».

En clair. Facebook s’apprête à bousculer le monde de la vidéo à la demande (VOD)
en proposant depuis le mois de mars – aux Etats-Unis pour l’instant pour des questions de droits – des films issus du catalogue de Warner Bros. « A ce stade, il n’y a pas de projets internationaux », indique à EM@ une porte-parole américaine de Warner Bros., Deborah Lincoln. Après un premier test commencé le 8 mars avec une nouvelle aventure de Batman, « The Dark Knight » (1), cinq autres films sont à leur tour mis en ligne (2) depuis le 27 mars. Toujours en phase de test, ce service de VOD permet aux millions d’internautes américainss de visionner un film durant 48 heures après l’acquisition en ligne, moyennant 30 à 40 « Facebook Credits ». Il s’agit de la monnaie virtuelle utilisée par les « amis » du réseau social, notamment pour les jeux en ligne, sachant que l’on peut acheter 15 Credits pour 1,50 dollars. Il suffit ensuite de cliquer sur «Watch Now » pour voir le film choisi. « Rendre disponible nos films à travers Facebook offre aux consommateurs un moyen simple et pratique d’y accéder et de les appré-
cier », s’est félicité Thomas Gewecke, président de Warner Bros. Digital Distribution.
Le studio hollywoodien compte aussi sur les boutons de recommandation « J’aime » de Facebook pour faire jouer le bouche à oreille en ligne. De quoi inquiéter les spécialistes outre-Atlantique de la VOD tels que Netflix ou Hulu. Ce dernier, créé par News Corp, NBC Universal et Disney, était justement en négociation avec la maison mère Time Warner depuis l’été dernier. Facebook pourrait aussi faire de l’ombre à l’iTunes Store, bien qu’Apple soit dans ce domaine en avance avec un catalogue en ligne de 10.000 films, et devancer YouTube et Dailymotion tentés eux aussi par les longs métrages (EM@32, p. 4). Pour l’heure, le réseau social de Mark Zuckerberg est déjà crédité
par la société de mesure d’audience ComScore de plus de 46,6 millions de visiteurs uniques sur des contenus vidéos sur le mois de février 2011 aux Etats-Unis. Ce qui le place en cinquième position derrière Google, Vevo, Microsoft et Yahoo, mais devant Viacom Digital (MTV), AOL, Turner Digital, Hulu et NBC Universal. A noter qu’en France, Arte a annoncé le lancement – prévu pour le 18 avril prochain – d’une
« webfiction » destinée à être diffusée exclusivement sur Facebook et coproduite
avec la société française Zadig Production. @

Europe : YouTube prêt pour des films destinés au Net

En fait. Le 14 mars, la filiale française de YouTube indique à Edition Multimédi@ qu’elle est « tout à fait prête à accueillir » des films qui seraient produits spécifiquement pour le Web en Europe ou en France. Depuis le 11 mars,
YouTube diffuse aux Etats-Unis un premier long-métrage tourné pour le Net.

En clair. Certains producteurs et réalisateurs de films sont tentés de tourner des films
de long-métrage pour les diffuser directement sur Internet, à l’instar de Sebastian Gutierrez qui propose sur YouTube Screening Room (1) son long-métrage hollywoodien
« Girl Walks Into Bar ». Son film a été créé spécifiquement pour Internet. « Hollywood vient à YouTube », s’est félicité le 11 mars la filiale de partage vidéo de Google sur son blog officiel. C’est la première fois qu’un film du Septième Art est conçu pour être diffusé directement sur le Web, sans passer par les salles de cinéma, ni par la sacro-sainte chronologie des médias. Pour l’Europe ou la France, YouTube nous indique ne pas avoir d’informations concernant des films qui seraient produits spécifiquement pour YouTube.
« Mais nous sommes tout à fait prêts à en accueillir », répond Anthony Zameczkowski, directeur des partenariats pour la France et l’Europe de l’Est. Le premier long-métrage européen mis en ligne par YouTube fut, à partir de juin 2007, « Le Monde du silence »
de Jacques-Yves Cousteau et de Louis Malle. Puis, ce fut deux ans plus tard au tour
de «Home» de Yann Arthus-Bertrand d’être diffusé sur YouTube et, cette fois, simultanément en ligne, à la télé et en salle. Ce film documentaire est produit par Luc Besson, dont le groupe EuropaCorp poursuit les discussions pour d’autres films. Et, depuis près d’un an, YouTube propose des films français sur la chaîne « Le Top Films » (2) grâce à un accord signé en avril 2010 avec Lagardère Active. Les internautes français peuvent y retrouver des films cultes (« Décroche les étoiles », « A ce soir »,
« La menace », etc). La chaîne compte pour l’instant 347 abonnés seulement. YouTube, qui met à disposition sa technologie anti-piratage par empreinte numérique Content ID (3), discute aussi avec d’autres producteurs, tel que Gaumont, Pathé ou encore Universal Pictures. Le 25 novembre dernier, YouTube avait annoncé avoir signé des accords en France avec trois sociétés de gestion collective de droits d’auteurs : SACD, Scam et ADAGP. Mais, pour l’Association des producteurs de cinéma (APC), aucune diffusion de film sur YouTube ne peut se faire sans la signature du producteur lui-même (4). Le concurrent français de YouTube, Dailymotion, a lui aussi l’intention de proposer gratuitement – cette année – des films de long-métrage français ou européen, comme il l’avait fait l’an dernier avec le film d’animation documentaire « Valse avec Bachir » @

Marc Tessier, Vidéo Futur : « Le délai de quatre mois après la salle est trop long pour certains films »

Le président du groupe Vidéo Futur Entertainment, Marc Tessier, président du Syndicat des éditeurs de vidéo à la demande (Sévàd), ancien PDG de France Télévisions et ancien DG de Canal+, explique à Edition Multimédi@ pourquoi
il croit au décollage de la VOD cette année.

Propos recueillis par Charles de Laubier

Edition Multimédi@ : La vidéo sur Internet explose. Pourtant, la VOD, elle, décolle très lentement pour atteindre en 2010 les 135 millions d’euros de ventes.
Et ils sont seulement 4,2 millions en France à avoir visionné de la VOD sur 38 millions d’internautes. Comment expliquez-vous ce lent décollage de la VOD ? Marc Tessier (photo) :
Les statistiques concernant la
VAD [vidéo à la demande, ndlr] donnent lieu à deux réactions diamétralement opposées : déception quant au niveau en valeur absolue, encore faible, ou, au contraire, satisfaction de voir les chiffres doubler d’une année à l’autre, sans pour autant que le marché du DVD n’en soit trop affecté…
Le verre à moitié vide ou à moitié plein, en quelque sorte. Dans les faits, l’essor de la
VAD s’inscrit dans le mouvement plus large, qualifié de « délinéarisation » de l’offre audiovisuelle. Les nouveaux usages VAD (catch up TV gratuite ou payante, web TV reprise sur YouTube ou Dailymotion, …) se concurrencent, notamment sur la gratuité
ou sur le principe d’un paiement, tout en s’épaulant mutuellement.
C’est pourquoi, je parierais plutôt sur un décollage de la VAD dès cette année. Mais à deux conditions : une efficacité accrue de la lutte contre le piratage, notamment celui
des plateformes illégales « off shore » faute d’un accord international sur le droit de suite, et une meilleure mise en place des offres disponibles via Internet.

Pas de film français sur YouTube et Dailymotion ?

En fait. Le 29 novembre, Edition Multimédi@ a voulu savoir auprès de la Société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD), l’une des quatre signataires
de l’accord annoncé le 25 novembre avec YouTube, et de l’Association des producteurs de cinéma (APC) si les films de cinéma français étaient concernés.

En clair. C’est le flou artistique ! « Accord avec Google pour diffuser du cinéma français sur YouTube », titrait Reuters le jour de l’annonce de l’accord entre le site avec trois sociétés de gestion collective de droits d’auteurs : SACD, Scam (1) et ADAGP (2),
soit moins de deux mois après avoir signé avec la Sacem (3). YouTube et Dailymotion peuvent-ils pour autant diffuser des films du cinéma français ? Doivent-ils se limiter
à la mise en ligne de vidéos musicales ou de productions audiovisuelles, voire des animations vidéo ? « Je ne vois pas en quoi les sociétés d’auteurs peuvent autoriser la diffusion des œuvres de cinéma sur des plateformes vidéo comme YouTube sans les producteurs, lesquels sont les seuls habilités à négocier les droits de diffusion de leurs films », nous explique Frédéric Goldsmith, délégué général de l’APC. Pour lui, ces accords ne permettent pas la mise à disposition de films français sur YouTube. Les accords passés par les sites web de partage vidéo avec les sociétés d’auteurs n’engagent donc pas les producteurs de cinéma français, d’autant qu’il n’y a pas de gestion collective des droits dans le Septième Art, contrairement à la filière musicale
où il y a gestion collective et minima garantis.
Pour le directeur général de la SACD, Pascal Rogard, « les œuvres cinématographiques font partie [de notre] répertoire ». Et de citer l’exemple de « Valse avec Bachir », un film d’animation documentaire, que YouTube et Dailymotion ont retransmis dans le cadre de leur accord avec la chaîne Arte et son service Arte+7
de catch up TV. « Bien entendu, l’accord ne couvre que les œuvres licitement mises
en ligne par les détenteurs de droit. Et c’est pour cela que les sites communautaires négocient avec des sociétés [de production de films] comme EuropaCorp », poursuit Pascal Rogard,. YouTube négocie toujours avec le groupe de Luc Besson, dont il a
déjà diffusé le film documentaire « Home » en 2009. Contacté par Edition Multimédi@, Anthony Zameczowski, directeur partenariats YouTube France et Europe de l’Est (4) explique être « en discussion avec tous les producteurs et diffuseurs de fiction française, dont certains ont déjà des chaînes sur YouTube, comme Lagardère Active, Arte, EuropaCorp, Universal Pictures ou encore Gaumont ». Comme pour Disney, il s’agit d’aller au-delà des bandes annonce. Reste que ni les plateformes Internet ni les sociétés d’auteurs n’ont pris la peine d’informer les organisations du cinéma français (Bloc, APC, UPFI, …) de leurs accords. @

Préachats de films : Canal+ baisse, Orange monte

En fait. Le 17 mai, au Festival de Cannes, le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) a dressé le bilan de l’année 2009. Si la fréquentation des salles est un record (201 millions d’entrées), les investissements dans 230 films français ont été en recul de 26,3 % à 1,1 milliard d’euros.

En clair. Bien que le cinéma français « demeure relativement dynamique tant en volume, au-dessus des 200 films, qu’en investissement, au-dessous du milliard
d’euros », comme l’a constaté Véronique Cayla, présidente du CNC, sur la Croisette,
« la diminution des investissements est bien réelle ». Et de mettre en garde : « Dans
ce contexte de tension économique, (…) nous devons donc être prudents, et accorder dans les mois à venir une attention redoublée à l’évolution de la production cinématographique française ». Si les sociétés de production et les chaînes de télévision demeurent les principaux financiers des films « d’initiative française », le premier pourvoyeur de fonds du cinéma en France – Canal+, filiale du groupe Vivendi – a diminué l’an dernier son enveloppe de 5,3 % à 164,79 millions d’euros répartis entre 134 films (dont 121 français). De son côté, le bouquet de chaînes thématiques CinéCinéma (1), qui appartient aussi au groupe Canal+, a vu sa participation augmenter de 18,8 % à près de 20 millions d’euros pour 112 films (dont 103 français). Quant aux préachats de films par TPS Cinéma, également contrôlé par le groupe Canal+, ils sont aussi en baisse, de 46,6 % à 11,90 millions d’euros répartis entre 34 films (dont 33 français). La chaîne cryptée, dont l’accord de décembre 2009 avec le Bureau de liaison des organisations du cinéma (Bloc) vient d’être signé par le Blic (2), contribue encore pour environ 20% de l’ensemble des investissements dans les films
« agrées » en 2009. Mais il faut désormais compter sur un nouvel entrant : Orange Cinéma Séries. La filiale de France Télécom tend à compenser la baisse en 2009 de l’investissement de la seule chaîne cryptée dans le cinéma. Orange Cinéma Séries a en effet augmenté ses préachats de 46,5 % sur un an à 7,22 millions d’euros pour 13 films, dont 6,49 millions dans 12 films français (dont 6 avec les droits de première fenêtre payante). Mais le Septième Art français peut aussi compter sur d’autres sources de financement : les aides publiques du CNC, dont le Compte de soutien à l’industrie des programmes (Cosip) de plus en plus alimenté par les fournisseurs d’accès à Internet (lire EM@ 8 p. 6), les conventions triennales avec les collectivités locales ou encore le crédit d’impôt. En attendant que la vidéo à la demande et la télévision de rattrapage soient mises à leur tour à contribution. @