Droits de diffusion, chronologie des médias, statut d’hébergeur, conventionnement : les SMAd en question

Malgré une législation aménagée par rapport à celle applicable aux services linéaires, les services de médias audiovisuels à la demande (SMAd) peinent
à trouver leur place. Le CSA et la Commission européenne veulent favoriser
leur développement, le rapport Lescure livrant quelques pistes.

Par Christophe Clarenc (photo), associé, et Renaud Christol, counsel, August & Debouzy

Depuis l’adoption de la directive européenne sur les services de médias audiovisuels (1) (SMA) en 2007, dont les dispositions ont été transposées en droit français par une loi de 2009 (2) et complétées par le décret de 2010
sur les services de médias audiovisuels à la demande (3) (SMAd), les éditeurs de ces services en ligne – principalement vidéo à la demande (VOD) et télévision
de rattrapage (catch up TV) – bénéficient d’une réglementation propre. Leur développement est d’ailleurs présenté comme la réponse la plus appropriée au problème du téléchargement illégal, depuis que « l’échec de l’Hadopi » est – à tort ou à raison – une opinion généralement répandue.

Des barrières dressées par les chaînes
Après quatre ans d’application, force est de reconnaître que ces dispositions n’ont pas pleinement atteint leur objectif. Dans ce contexte, les initiatives se multiplient pour que l’essor des SMAd soit enfin significatif et durable. Ainsi, le CSA et la Commission européenne viennent chacun de publier, à quelques jours d’intervalle, une consultation publique portant, respectivement, sur l’application du décret SMAd (4) et sur un livre vert consacré à la convergence des services de radiodiffusion traditionnels et d’Internet (5). Tandis que le rapport Lescure, qui a été remis le 13 mai dernier au gouvernement dans le cadre de la mission « Acte II de l’exception culturelle », identifie certains freins au développement des SMAd nationaux.
Ce rapport Lescure estime, tout d’abord, que les éditeurs de services linéaires, en l’occurrence les chaînes de télévision, contraignent les éditeurs de SMAd, que sont
les services de VOD notamment, par des pratiques contractuelles qu’ils imposent aux détenteurs de droits cinématographiques grâce à leur pouvoir de négociation. La pratique présentée comme la plus problématique est celle du « gel des droits », par laquelle les éditeurs de services linéaires s’assurent qu’ils bénéficient de l’exclusivité de diffusion d’un film, pendant toute la durée du contrat, et non pas seulement pendant la période de diffusion télévisuelle du film (cette dernière exclusivité résulte de la version actuelle de la chronologie des médias). Ce faisant, l’éditeur de service linéaire s’assure qu’aucun SMAd (sauf éventuellement celui qu’il édite par ailleurs) ne pourra diffuser le film. Cette pratique est en contradiction avec le principe d’absence d’exclusivité qui prévaut en matière de commercialisation de droits non linéaires pour les films, principe garanti par les injonctions prononcées, en juillet 2012, par l’Autorité de la concurrence dans l’affaire Canal+/TPS (6). Surtout, elle restreint considérablement l’offre de films (nouveautés ou films de catalogue) sur les SMAd et détourne par conséquent les consommateurs de ces services, au profit principalement de l’offre illégale. Le rapport Lescure propose par conséquent une interdiction du gel des droits ou, en seconde hypothèse, une limitation de son champ d’application à la seule fenêtre de diffusion télévisuelle, dans laquelle l’éditeur de services linéaires est actif.
Le rapport pointe ensuite les désavantages des SMAd nationaux par rapport aux trois sources de concurrence identifiées : l’offre illégale, les hébergeurs et les opérateurs étrangers.
• S’agissant de l’offre illégale, il ne peut que constater qu’elle présente de nombreux avantages pour le consommateur : elle est gratuite, quasiment exhaustive et immédiatement accessible. Afin de pouvoir lutter à armes égales, le rapport Lescure propose – s’appropriant ainsi les demandes récurrentes des éditeurs de SMAd – de modifier la chronologie des médias.

Promouvoir les SMAd nationaux
La VOD, qui n’est actuellement possible que 4 mois après la sortie en salles, pourrait être disponible 3 mois après (soit pour l’ensemble des offreurs, soit seulement pour ceux ayant pris des engagements volontaires dans le cadre d’un dispositif de conventionnement).
La fenêtre de SVOD (VOD par abonnement) serait, quant à elle, avancée de 36 à 18 mois pour l’ensemble des films, soit juste après la première fenêtre de télévision payante.
Selon le rapport, cela permettrait de maintenir, au profit des chaînes de télévision payante, une fenêtre d’exclusivité de huit mois suffisante pour amortir leurs investissements et préserver leur attractivité. En contrepartie, il propose que les services de SVOD qui souhaitent proposer des films dès 18 mois après leur sortie en salle, soient tenus de prendre des engagements en termes de contribution à la production du cinéma français, conformément au décret SMAd.

Hébergeurs et éditeurs : discriminations ?
• S’agissant des hébergeurs de plateformes de vidéo communautaires généralistes (7), le rapport Lescure relève que ces opérateurs bénéficient en France d’un statut particulier, notamment en matière de responsabilité (8). Et grâce à leur puissance commerciale, ils disposent d’un véritable pouvoir de négociation vis-à-vis des détenteurs de droits. Au surplus, ils ne sont soumis à aucune obligation en matière de contribution au financement du cinéma français – situation d’ailleurs combattue par le CSA (9). Or, les services proposés sur leurs plateformes sont de plus en plus regardés comme substituables avec les SMAd par les consommateurs : il est possible de regarder certains films sur Dailymotion ou YouTube et cette dernière a même lancé récemment de véritables « chaînes thématiques » disponibles à la demande. Dans ce contexte, le rapport propose (10) une saisine de l’Autorité de la concurrence, vraisemblablement une saisine pour avis qui pourrait donner lieu à une enquête sectorielle. Un tel examen du secteur pourrait permettre de contrôler les éventuelles discriminations pratiquées par les titulaires de droits, dans l’application de leurs conditions commerciales aux éditeurs et aux hébergeurs.
• S’agissant des opérateurs étrangers, les fameux « géants de l’Internet » qui sont agités par de nombreux opérateurs du secteur télévisuel comme des épouvantails, ils sont soumis à la législation de leur pays d’établissement. La directive SMA prévoit, en effet, que la législation applicable aux éditeurs de SMAd soit celle de leur pays d’origine, dans lequel ils sont établis, et non celle du ou des pays dans le(s)quel(s) le service est proposé. Même si cette règle avait un objectif vertueux (permettre à des éditeurs de SMAd de diffuser dans de nombreux pays de l’Union sans avoir à adapter leur pratique et leurs outils à chaque pays de diffusion), elle s’avère avoir des effets négatifs certains pour les éditeurs de SMAd localisés en France. Les éditeurs de SMAd étrangers bénéficient,
la plupart du temps, d’une fiscalité avantageuse par rapport à celle applicable en France. Surtout, ils échappent aux obligations de financement du cinéma français qui pèsent sur les éditeurs de SMAd établis en France, en application du décret SMAd. Enfin, ces services étrangers ne sont pas soumis à la chronologie des médias.
Le délai entre la sortie en salle et le moment où ils pourront proposer les films sur
leur plateforme, dépend donc exclusivement de leur pouvoir de négociation avec les détenteurs de droits. En d’autres termes, les éditeurs de SMAd établis en France sont pénalisés. Jusqu’à présent, la menace représentée par ces opérateurs pouvait apparaître théorique. Or, comme le souligne le rapport Lescure, il est déjà possible d’accéder, depuis la France, à des SMAd en principe destinés à des publics étrangers (tel que Lovefilm d’Amazon, implanté au Royaume-Uni), en utilisant des dispositifs comme les réseaux privés virtuels (en attendant le lancement imminent en France des offres de Netflix et Lovefilm).
Le rapport propose de modifier la directive SMA, afin de mettre en place la règle du pays de destination du service et d’instaurer, par ailleurs, un mécanisme de conventionnement de l’ensemble des éditeurs de SMAd, quelle que soit leur localisation, dès lors qu’ils sont actifs en France. Ce conventionnement serait, dans son principe, analogue à celui qui existe pour les chaînes linéaires, mais contiendrait des obligations allégées. Il est fort probable que ce conventionnement soit utilisé pour traiter la délicate question de la participation des SMAd, français et étrangers, au financement du cinéma français et que la règle finalement retenue ne soit pas de nature à défavoriser les opérateurs localisés
en France.
Mais il y a loin de la coupe aux lèvres
La route risque d’être encore longue. On se souvient que la modification de la chronologie des médias, intervenue en 2009, avait fait l’objet de très nombreuses discussions et une nouvelle modification serait sans doute soumise à un processus analogue. Par ailleurs, les discriminations ne sont répréhensibles en droit de la concurrence, que si elles résultent d’une entente anticoncurrentielle ou d’un abus de position dominante. Enfin, la Commission européenne est réputée très attachée au maintien du principe du pays d’origine, et l’on peut s’interroger sur l’efficacité d’un conventionnement (couplant engagements et avantages) des opérateurs qui ne sont pas localisés en France et qui offrent leurs services par Internet. @

Cris de guerre au DigiWorld Summit : «ATAWADAC ! »

En fait. Les 14 et 15 novembre s’est déroulée la 34e édition du DigiWorld Summit 2012, organisé par l’Idate (1) à Montpellier, sur le thème cette année de « Game Changers: Mobile, Cloud, Big Data ». Pour les internautes et mobinautes, cela
se traduit par « Any Time, Any Where, Any Device, Any Content ».

En clair. L’époque des usagers des anciens monopoles publics de télécommunications et des téléspectateurs des grilles de programmes des chaînes historiques de télévision est bel et bien révolue : les utilisateurs – qu’ils soient internautes, mobinautes, téléspectateurs auditeurs, mélomanes et même producteurs de contenus, voire tout cela à la fois – dictent virtuellement leur loi aux industries des télécoms, des médias et de la culture. Leur cri de guerre « ATAWADAC ! » commence à terrifier les opérateurs télécoms confrontés à la baisse de leurs revenus traditionnels et les groupes de télévision remis en question par la délinéarisation, ainsi que les industries culturelles bousculées jusque dans leurs modèles économiques.
Côté télécoms : « Le modèle européen s’épuise et les années de récession se sont installées, tandis que les revenus fixes des opérateurs télécoms baissent et la croissance du mobile ralentit », observe Yves Gassot, le DG de l’Idate. Côté télévision : « Bien que la part de marché des chaînes et des distributeurs reste élevée (…), on observe pour la première fois en 2012 une baisse d’audience de 3 minutes de la TV linéaire et une baisse des abonnés au câble », constate Gilles Fontaine, DGA de l’Idate (2). Résultat : l’écart se creuse entre les Etats-Unis dynamisés par ses « GAFA » (3), d’une part, et l’Europe dépourvue de champions sur un marché unique incertain et vampirisé par les OTT (Over- The-Top), d’autre part. Intervenant à Montpellier, la viceprésident de Netflix, Kelly Merryman, en charge des contenus, ou Ryan Shuttleworth, évangéliste technologique d’Amazon Web Services, voire Barak Regev, responsable de la plateforme Cloud chez Google, faisaient figures de nouveaux entrants – voire d’« intrus » – à la fois dans le monde des télécoms et dans le paysage audiovisuel. Même Rémi Tereszkiewicz, directeur général adjoint de Videofutur intervenant lors du séminaire consacré aux contenus dans les nuages informatique, démontrait que les OTT ne sont pas seulement américain. «Le passage dans le cloud menace de faire voler en éclats l’organisation actuelle », prévient l’Idate. Les détenteurs de droits, eux, peuvent envisager l’auto-distribution et se passer de partenariats avec les opérateurs télécoms, les fabricants de terminaux et les acteurs OTT. A Montpellier, dé-linéarisation a rimé avec « désintermédiation ». @

TNT, le second souffle

Rien ne sert de courir il faut partir à point. La fable du Lièvre et la Tortue de La Fontaine s’applique particulièrement bien
à la course que se livrent depuis plus de 20 ans les réseaux de télévision numérique terrestre (TNT) et les réseaux de fibre optique (FTTH). Face aux performances d’athlète de
la fibre, la TNT paraissait bien moins impressionnante.
Mais elle est partie à temps, pour une course de fond parsemée d’obstacles qu’elle franchit l’un après l’autre, consciencieusement. Autant la fibre est depuis longtemps donnée gagnante dans l’acheminement à très haut débit des programmes TV et de
la VOD, autant la TNT n’était que très peu attendue : les téléspectateurs d’alors n’exprimaient aucune attente claire et les chaînes de télévision en place traînaient plutôt des pieds face à cette concurrence annoncée. Ce fut surtout une question de volonté politique : moderniser un réseau très ancien, libérer du spectre et proposer au plus grand nombre une offre plus large de programmes assortie de catch up TV, de « push VOD » (sur disque dur numérique), de radio et de services interactifs. Mais avant d’en arriver là, le top départ fut donné en France dès mars 2005 dans quelques villes, après avoir été plusieurs fois retardé en raison de difficultés tant politiques que techniques. Ce fut dès
lors une lente montée en puissance, que les ricanements des premiers temps peinèrent
à perturber.

« La TNT 2.0 multiplie les chaînes assorties de catch up TV, de ‘’push VOD’’ (sur disque dur numérique), de radio et de services interactifs »

Il est vrai que les grilles de programmes des premières années n’étaient souvent que
des alibis permettant d’occuper la lucarne en attendant des jours meilleurs. Tout cela est bien loin : aujourd’hui près du tiers des ménages français reçoit encore la télévision via ce réseau. La TNT gratuite et universelle a ainsi enrayé le déclin de la télévision terrestre qui, avant 2005, connaissait une migration chronique de ses abonnés payants vers d’autres canaux de réception. Ainsi trois des principales offres payantes proposées au Royaume-Uni, en Italie et en Espagne avaient disparu entre 2002 et 2005. Dans le même temps,
les abonnés de Canal+ France, première chaîne analogique payante en Europe, avaient migré vers d’autres modes de réception. Depuis lors, avec la numérisation des réseaux et l’amélioration de l’offre, la télévision terrestre a reconquis des téléspectateurs (+ 1,2 million de foyers abonnés entre 2008 et 2011). Cette diversité nouvelle est d’autant plus frappante que les offres de télévision à péage se multiplient sur la TNT : Boxer dans les pays scandinaves, Top Up TV au Royaume-Uni, ou encore les offres à la demande ou prépayées en Italie pour des matches de football accessibles sur la TNT. La France, elle, devint dès 2011 le premier pays européen en nombre d’abonnés à une offre de télévision terrestre (1,8 million de foyers en France en 2011). Et ce, principalement grâce à l’offre
de Canal+ qui propose un abonnement à sa chaîne premium sous forme d’un bouquet
de cinq chaînes et distribue par ailleurs une offre de TNT payante.
L’extinction du signal analogique, qui eut lieu fin 2011 pour la France, a maintenu une croissance du nombre de foyers regardant la télévision via la TNT (plus de 9 millions de foyers). Un attrait régulièrement renouvelé par une offre sans cesse enrichie : en 2012, six nouvelles chaînes vinrent s’additionner aux 19 gratuites existantes, sans compter
une grosse vingtaine de chaînes locales. En 2015, ce fut le basculement de l’ensemble des chaînes de la TNT au format MPEG4, puis aujourd’hui à la norme DVB-T2. Ces chaînes se regardent en HD et, pour certaines, en 3D grâce aux nouveaux téléviseurs, mais ce sont surtout les services multi-écrans qui ont chamboulé le rapport des téléspectateurs aux chaînes. Des startup étonnantes ont su réinventer la TV connectée : la Boxee Box, par exemple, a eu un grand succès à New York en permettant de porter
les vidéos et programmes TV du Web sur le téléviseur aux côtés des chaînes gratuites
de la TNT.
La TNT, en se retournant sur le chemin parcouru depuis son lancement, pourrait bien s’écrier à l’adresse de ses rapides concurrents : « Eh bien ! N’avais-je pas raison ?
De quoi vous sert votre vitesse ? ». @

Jean-Dominique Séval*
Prochaine chronique « 2020 » : Satellite, les nouveaux FAI
* Directeur général adjoint du DigiWorld Institute by IDATE.
Sur le même thème, l’institut a publié son étude
« Le marché mondial de la télévision :
marchés et prévisions 2016 », par Florence Le Borgne

En 2011, seuls 600 téléviseurs étaient connectés…

En fait. Le 7 février, le CSA invite pouvoirs publics, professionnels et journalistes pour installer le 16 février prochain le « Commission de suivi des usages de la télévision connectée ». Mais selon le Simavelec, seul un tiers des téléviseurs connectables vendus en France l’an dernier l’ont été.

En clair. Michel Boyon, le président du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA),
entame-là l’un de ses plus importants chantiers avant la fin de son mandat qui se
termine dans moins d’un an, le 13 janvier 2013 (1). Il s’agit notamment d’« alléger certaines réglementations pesant sur les chaînes » (chronologie des médias, plafond
de concentration, circulation des oeuvres, …), « sans porter atteinte aux intérêts des créateurs », tout en obligation pour toute entreprise tirant un revenu de l’exploitation
d’une oeuvre de « participer au financement de la création » (2).
Pour Philippe Citroën, président du Syndicat des industries de matériels audiovisuels (Simavelec), lequel regoupe en France les fabricants de téléviseurs (Samsung, LG,
Sony, Philips, Panasonic, …), « il y a une multitude de questions mais peu de réponses aujourd’hui, face aux problèmes soulevés par le passage d’un monde très normé comme l’audiovisuel à un monde totalement dérégulé de l’Internet ». Il attend beaucoup du régulateur. « Le manque de visibilité sur la maturité des contenus, notamment HbbTV, les incertitudes sur la neutralité du Net – et sur les débits –, devront être levés pour assurer le développement de cet “espace” », a-t-il expliqué lors d’une conférence de presse, le 6 février. Pour l’heure, les usages ne décolleront pas vraiment. D’après le Simavelec, seulement « un tiers » des 1.740 téléviseurs connectables vendus l’an
dernier – sur un total des ventes record de 8.700 écrans de télévision – ont vraiment
été connectés à Internet. Autrement dit, à peine 580 téléviseurs ont été effectivement connectés… Soit à peine 7 % du parc vendu. Ce fossé, entre « connectables » et
« connectés » n’est pas sans rappeler le gap similaire entre les « raccordables » à
la fibre optique à domicile et les « raccordés » à ce même FTTH (3).
Selon les derniers chiffres en date de l’Arcep (4), si l’on compte 1.350.000 logements
« éligibles » (c’est-à-dire raccordables) au FTTH, l’on compte seulement 175.000 abonnés. Soit à peine 13 % du parc installé. Mais Philippe Citroën se veut optimiste :
« Pour 2012, 40 % des 7.000 téléviseurs qui seront vendus seront connectables [soit 2.800 d’entre eux, ndlr] et le taux de connexion sera en forte augmentation ». YouTube, Dailymotion, Facebook, Twitter ou toute application web devront encore attendre encore pour conquérir le salon. @

France Télévisions : 1,83 % du budget dans le digital…

En fait. Le 22 novembre, Frédéric Mitterrand a signé avec Rémy Pfilmlin
le « contrats d’objectifs et de moyens » COM) de France Télévisions pour cinq ans, 2011-2015, en augmentation budgétaire de 2,2 % par an en moyenne. Pour 2012 : plus de 2,1 milliards d’euros, soit environ 3 milliards avec publicités.

En clair. Avec un tel budget, la part consacrée au développements numériques de France Télévisions auraient pu être beaucoup plus significative qu’elle ne l’est : le COM 211-2015 de France Télévisions prévoit en effet un budget numérique de… 55 millions d’euros en 2011 seulement, puis une perspective de 125 millions en 2015. Lors de la cérémonie de signature au ministère de la Culture et de la Communication, rue de Valois, Edition Multimédi@ a demandé au PDG de France Télévisions si ce budget numérique n’était
pas « une goutte d’eau » dans le budget annuel de 3 milliards d’euros : 1,83 % ! Surtout comparé aux 300 millions d’euros par an que la BBC au Royaume-Uni consacre au digital. « Le budget numérique va monter progressivement ; il est d’une importance majeure, comme l’illustre le développement de la catch up TV avec Pluzz dans les environnements Apple et Android (1). C’est un budget équilibré où il a fallu faire des arbitrages, notamment en faveur de la création : 420 millions pour l’audiovisuel et 60 millions pour le cinéma », nous a répondu Rémy Pfilmlin. Est-ce à dire le digital du groupe de télévisions publiques
a été sacrifié sur l’autel de la création ?
Egalement sollicité sur ce point, Bruno Patino – directeur général délégué à la stratégie,
au numérique et au média global de France Télévisions – nous a fait savoir qu’il ne souhaitait pas s’exprimer sur le COM (2)… Est-il déçu de ne pas avoir les moyens de
ses ambitions numériques ? Lors de la présentation de sa stratégie numérique le 7 avril dernier, il avait dit « regrette[r] que [le budget numérique de 55 millions] soit peu sur l’ensemble du groupe » (3), en expliquant donc miser sur la publicité en ligne (8,7 millions d’euros cette année) et réfléchir à des services payants de VOD (à l’acte) et SVOD
(par abonnement). Mais les chaînes publiques – déjà financées par le contribuable et
la redevance – peuvent-elles déroger à la gratuité du service public ? « Pas question
de monétiser l’information », avait répondu Bruno Patino (4).
Quoi qu’il en soit, le groupe audiovisuel risque d’être démuni face aux défis numériques.
« La TV connectée pourrait être plus disruptive que la musique ou la presse en ligne »,
a prévenu pour sa part Eric Scherer, directeur des nouveaux médias chez France Télévisions, lors de l’AG du Geste (lire cidessus) se tenant justement dans les locaux
du groupe. @