Aides d’Etat au cinéma contre films en ligne ?

En fait. Le 19 mars, la Fédération des industries techniques du cinéma (Ficam) a organisé les 1ers Etats généraux du cinéma en France. « La bonne santé apparente du cinéma français (207 films produits en 2011 ; 1,2 milliard investis et 215 millions de spectateurs) cache de graves dysfonctionnements », s’inquiète-elle.

En clair. Derrière le Septième Art et les paillettes du Festival de Cannes se cache une industrie du cinéma (tournage, technique, postproduction, cinéma numérique, …) plutôt malade, malgré les subventions obtenues du CNC (1). C’est justement au sujet de ces aides que la Commission européenne a décidé, le 14 mars, de lancer – jusqu’au 14 juin – une consultation publique sur un projet de communication. Un rapport publié en début d’année par l’Observatoire européen de l’audiovisuel montre que la France est le pays d’Europe ayant les aides d’Etat au cinéma et à l’audiovisuel les plus élevées (2). D’après le CNC, pour 2012, ces soutiens s’élèvent à un total de 665 millions d’euros, soit un tiers des 2 milliards d’euros d’aides (3) qu’apporte l’ensemble des Vingt-sept au secteur. Si la Commission européenne n’aborde pas les délocalisations que dénonce la Ficam dans le cinéma français, malgré ses subventions publiques, le projet de recommandation s’interroge en revanche sur ces aides d’Etat à l’heure de la VOD. « Peu de films européens sont distribués en dehors du territoire sur lequel ils ont été produits. Il est recommandé aux États membres de promouvoir la disponibilité transfrontalière des films européens ; ils pourraient, par exemple, comme condition de l’aide, encourager les titulaires de droits à céder à des tiers les droits en ligne pour les modes d’exploitation (y compris les territoires) qu’ils sont eux-mêmes incapables d’assurer », prévoit le projet de communication.
La Commission européenne fait en outre référence à son Livre vert sur l’audiovisuel en ligne, publié l’été dernier (4), où elle envisage de lever les obstacles à la distribution en ligne des films et d’œuvres audiovisuelles en matière de gestion des droits d’auteur
(mise en cause du principe de territorialité, code européen du droit d’auteur, licence multiterritoriale, …). Quant à la chronologie des médias, qui conditionne le (pré)financement des films en fonction de fenêtres de diffusion, elle est mise sous surveillance : « Les fenêtres de mise à disposition imposées en tant que condition de
l’aide peuvent entraver la visibilité et la circulation des oeuvres audiovisuelles. Il est recommandé aux États membres de ne pas subordonner l’octroi d’une aide en faveur d’une oeuvre audiovisuelle à des restrictions inutiles à la distribution et à la commercialisation ». @

TNT, le second souffle

Rien ne sert de courir il faut partir à point. La fable du Lièvre et la Tortue de La Fontaine s’applique particulièrement bien
à la course que se livrent depuis plus de 20 ans les réseaux de télévision numérique terrestre (TNT) et les réseaux de fibre optique (FTTH). Face aux performances d’athlète de
la fibre, la TNT paraissait bien moins impressionnante.
Mais elle est partie à temps, pour une course de fond parsemée d’obstacles qu’elle franchit l’un après l’autre, consciencieusement. Autant la fibre est depuis longtemps donnée gagnante dans l’acheminement à très haut débit des programmes TV et de
la VOD, autant la TNT n’était que très peu attendue : les téléspectateurs d’alors n’exprimaient aucune attente claire et les chaînes de télévision en place traînaient plutôt des pieds face à cette concurrence annoncée. Ce fut surtout une question de volonté politique : moderniser un réseau très ancien, libérer du spectre et proposer au plus grand nombre une offre plus large de programmes assortie de catch up TV, de « push VOD » (sur disque dur numérique), de radio et de services interactifs. Mais avant d’en arriver là, le top départ fut donné en France dès mars 2005 dans quelques villes, après avoir été plusieurs fois retardé en raison de difficultés tant politiques que techniques. Ce fut dès
lors une lente montée en puissance, que les ricanements des premiers temps peinèrent
à perturber.

« La TNT 2.0 multiplie les chaînes assorties de catch up TV, de ‘’push VOD’’ (sur disque dur numérique), de radio et de services interactifs »

Sony généralise la convergence contenant-contenu

En fait. Le 9 février, à Tokyo, le futur DG de Sony, Kazuo Hirai – qui remplacera
le 1er avril Howard Stringer, après avoir redressé la division Sony Computer Entertainment – a dit qu’il allait réorganiser le groupe nippon autour des réseaux
et des contenus, comme il l’a fait pour la PlayStation.

En clair. Sony veut généraliser à tout le groupe la convergence entre les terminaux et
les contenus via des services en lignes, sur le modèle de ce que Kazuo Hirai a réussi à faire dans sa division Sony Computer Entertainment avec la console PlayStation et son écosystème de jeux en ligne (1). Prêt à remplacer le 1er avril le patron actuel du géant
de l’électronique, Kazuo Hirai veut appliquer sa méthode « contenant-contenu » online
aux autres activités de Sony. Il y a urgence car le groupe prévoit une perte annuelle de
2,2 milliards d’euros (2). La branche télévision déficitaire de Sony sera la première à s’inspirer de la PlayStation. « Je souhaite que la TV revienne rentable d’ici à mars 2014 »,
a-t-il rappelé. Comme la console, le téléviseur est au centre des foyers. « La plupart des consommateurs ont un téléviseur à la maison, ce qui leur permet de profiter des contenus audiovisuels », a expliqué Kazuo Hirai, qui croit aussi dur comme fer à la TV 3D. Lors du dernier salon CES de Las Vegas en janvier, il avait déclaré : « La télévision est rapidement en train de devenir la voie d’accès aux contenus d’Internet ». La gamme Bravia du japonais va donc proposer plus de contenus en ligne, production maison ou partenaires (comme M6 en France). Sony, qui mise en outre sur la complémentarité TV-tablette, soutient par ailleurs la Google TV. Autrement dit, Sony se doit d’évoluer du métier de fabricant vers une entreprise de divertissement en ligne. D’autant que la firme de Tokyo en a les
moyens : contrairement à Samsung et Apple, ses premiers concurrents, Sony est aussi une des majors de la musique avec Sony Music Entertainment (intégrant CBS Records (3) depuis 1988 et BMG depuis 2008) et l’un des grands producteurs de films d’Hollywood avec les studios Sony Pictures Entertainment (Columbia Pictures compris depuis 1989). Sur ses 168.200 employés dans le monde, 7.000 travaillent dans le film et 6.800 dans la musique. Et il y a Sony Computer Entertainment pour les consoles et l’édition de jeux vidéo. Malgré les cyber attaques dont ont été victimes le service PlayStaytion Network,
le service de musique online Qriocity et la plate-forme de jeux online pour ordinateur Sony Online Entertainment (SOE), Kazuo Hirai veut mettre tout Sony en ligne. Mais la convergence en ligne risque de ne pas suffire, Kazuo Hirai prévoyant aussi des licenciements et des réductions drastiques de coûts. @

La fin des programmes ?

Enfin une pause télé en vue ! Un bon fauteuil et un écran connecté, avec en option un grignotage toujours un peu compulsif. Jusque-là, ça n’a pas vraiment changé. Mais pour regarder quoi ? En s’allumant, mon téléviseur m’a reconnu
et me fait trois propositions simultanées : la sélection du
« Top 5 » de mes programmes préférés, des propositions
de programmes « découverte » correspondants à mes goûts, ou un espace de recherche me permettant de rapidement trouver une vidéo sur Internet. En général, et en seulement deux clics, j’accède à un programme qui m’intéresse. La télé simple d’antan
est en fin de retour, après des années de calvaires et de systèmes complexes et peu intuitifs. Mais là où la simplicité des débuts était liée à la faiblesse de l’offre, la simplicité d’aujourd’hui repose sur des technologies logicielles sophistiquées pour guider nos choix dans le maquis des contenus et des programmes. Sur l’écran d’accueil, les logos des chaînes brillent de plus en plus par leur absence ! Rétrospectivement, la période de transition pour en arriver là a été longue, favorisant les aventures industrielles de startup, les développements des leaders d’Internet, des opérateurs télécoms et bien sûr des chaînes de télévision. Chacun développant une interface ou une plate-forme spécifique pour présenter, qui sa propre offre de programmes comme les chaînes, qui des offres
de VOD à l’acte (comme Vudu) ou par abonnement (comme Netflix). Au total, un maquis foisonnant de propositions toujours incomplètes.

« Après les blogs qui ont démocratisé l’accès à la publication de l’écrit, de nouveaux outils démocratisent
la production de la télévision ».

Le rapport « TV Connectée » de 2011 sera-t-il suivi d’une réforme du PAF en 2012 ?

Publié le 5 décembre, le rapport de la mission sur la télévision connectée (1) appelle
de ses voeux une réaction rapide des pouvoirs publics afin de préparer au mieux
la France aux conséquences de la révolution audiovisuelle annoncée.
La télécommande est dans les mains du gouvernement…

Par Rémy Fekete (photo), avocat associé, Gide Loyrette Nouel.

A l’horizon 2015, 100 % des foyers français seront équipés de téléviseurs connectés (2) permettant potentiellement de surfer, via le petit écran, sur l’ensemble du réseau Internet. Ce que le ministre de la Culture et de la Communication a annoncé comme un « tsunami » (3) promet de modifier nos habitudes de consommation. L’arrivée dans la chaîne des contenus des nouveaux acteurs – que sont les fournisseurs d’accès Internet (FAI), les agrégateurs de contenus et les fabricants de téléviseurs – devrait de plus engendrer des bouleversements profonds dans l’économie de l’audiovisuel.