TV connectée : préparatifs avant lancements fin 2011

En fait. Le 7 avril s’est achevé le 48e Marché international des programmes
de télévision (MipTV), après quatre jours à Cannes. Chaînes, producteurs, distributeurs, opérateurs télécoms, fabricants de téléviseurs et régulateurs y
ont notamment discuté des menaces et des opportunités de la TV connectée.

En clair. « C’est un tsunami qui se prépare », a lancé Frédéric Mitterrand, le ministre
de la Culture et de la Communication, lors de l’inauguration du MipTV à Cannes. Mais il faudra attendre le prochain Mipcom en octobre – l’autre foire mondiale des programmes télé, également organisée par le groupe Reed Elsevier – pour que les services interactifs de télévision à la norme HbbTV (1) deviennent une réalité commerciale. Selon l’Association pour le développement des services TV évolués et interactifs (Afdesi), qui travaille avec le HD Forum sur la norme européenne HbbTV, les premiers lancements commerciaux – notamment en France – interviendront à l’automne prochain. Le téléspectateur pourra alors accéder – via son téléviseur enrichi de
« widgets » – à des contenus Web (Facebook, Dailymotion, Google/YouTube, …),
VOD et catch up TV, ainsi qu’à des services interactifs ou de e-commerce. Ces expérimentations de la « TNT 2 .0 » vont bon train : alors que Normandie TV teste jusqu’à fin juin des services HbbTV, le CSA vient d’autoriser le HD Forum à coordonner la « diffusion de données interactives » avec cette même norme. Et ce, à Auxerre pour une période expérimentale de deux mois. Le CSA avait par ailleurs prolongé l’expérimentation de « push VOD » que menait TDF sur la TNT à Rouen
avec TF1, France Télévisions, Arte et NRJ12. « Ces services pourraient voir le jour fin 2011 », nous avait indiqué Olivier Huart, DG de TDF (2). Reste à fixer les règles du jeu de la TV connectée. Le régulateur de l’audiovisuel organise un colloque sur le sujet le 28 avril. Frédéric Mitterrand, lui, met en place une mission avec Eric Besson. Ensuite, pour le 6 juin, les 6e Assises de la TV interactive sont organisées par l’Afdesi.
Les chaînes historiques craignent que les « smart TV », qui ne sont pas soumis aux mêmes règles et obligations qu’elles, ne soient « dangereuses » (3) pour leur modèle économique. C’est du moins ce qu’a exprimé Valéry Gerfaud, DG de M6 Web, lors d’un débat organisé le 1er avril à Paris-Dauphine. TF1, France Télévisions et Canal+, qui sont avec certains fabricants de téléviseurs les promoteurs du HbbTV en France, discutent avec ces derniers au sein du HD Forum d’un projet de « label TNT 2.0 ». L’objectif est d’apposer ce label sur les postes de télévision des fabricants (Philips, Panasonic, Samsung, Sony, …) qui respecteraient la charte « TV connectée », telle qu’elle a été signée par les chaînes française le 19 octobre dernier. @

Frédéric Sitterlé, mySkreen : « Nous référencerons toute l’offre légale de la VOD et de la TV de rattrapage »

Le président-fondateur de la société mySkreen explique à Edition Multimédi@ comment il veut faire de son portail vidéo la plateforme de référencement de
l’offre VOD en France, avec l’aide du grand emprunt et de l’Institut national
de l’audiovisuel (INA). Son tour de table porte sur 11 millions d’euros.

Propos recueillis par Charles de Laubier

Edition Multimédi@ : Il était prévu que le financement
du grand emprunt permette à l’INA d’investir dans mySkreen, afin de lancer le portail national de référencement de l’offre vidéo à la demande (VOD) en France. Finalement, l’INA ne sera pas actionnaire.
Allez-vous vers un partenariat de type INADailymotion ?
Vos actionnaires Le Figaro (20 %) et Habert Dassault Finance (20 %) vont-ils participer à cette augmentation de capital ?
Frédéric Sitterlé :
mySkreen réalise un tour de table de 11 millions d’euros. Il sera souscrit par les actionnaires actuels et par de nouveaux entrants. Nous déposerons également une demande de financement auprès du grand emprunt [via le Commissariat général à l’investissement (CGI), ndlr]. Il avait dans un premier temps
été évoqué que le grand emprunt pourrait doter l’Institut national de l’audiovisuel (INA) et que ce dernier pourrait utiliser cette dotation pour participer pour une partie du tour de table. Et ainsi devenir actionnaire de mySkreen. Compte tenu des règles de gouvernance du Fonds pour la société numérique (FSN) mis en place en septembre dernier dans le cadre du grand emprunt, il paraît aujourd’hui plus simple que le FSN (1) entre directement au capital de mySkreen sans passer par l’INA. Et cela pourrait se faire à hauteur de 30 % du capital, mais cela dépendra du niveau d’investissement du FSN. Indépendamment des discussions sur le capital, nous avons des discussions avec l’INA pour renforcer notre collaboration opérationnelle. Les vidéos de l’INA sont d’ailleurs déjà référencées et diffusées sur mySkreen.

Philippe Citroën, Simavelec : « Les fabricants de téléviseurs connectés sont prêts à discuter du financement de la création »

Le président du Syndicat des industries de matériels audiovisuels électroniques (Simavelec), par ailleurs DG de Sony France, se dit prêt à « trouver un juste équilibre » avec les chaînes de télévision. Il explique aussi pourquoi son organisation est sur le point de saisir le Conseil d’Etat contre la dernière décision
« copie privée ».

Propos recueillis par Charles de Laubier

Edition Multimédi@ : La charte « TV connectée »
signée par les seules chaînes de télévision (TF1,
France Télévisions, M6, Canal+, NextRadioTV, …) a maintenant cinq mois. Avez-vous répondu formellement – le Simavelec ou les fabricants – aux éditeurs de chaînes de télévision sur cette charte que vous
avez jugée « sans fondement juridique » ?
Philippe Citroën (photo) :
Le Simavelec n’a pas répondu formellement à cette charte (1). Mais, que ce soit en tant qu’association professionnelle ou en tant que fabricant, les contacts sont nombreux et permanents avec les éditeurs de chaînes de télévision qui en sont les signataires.
Les termes de cette charte ont pu en surprendre plus d’un, mais nous nous inscrivons résolument dans une optique de collaboration avec les chaînes (2), afin de trouver un juste équilibre pour chacun : celui qui résulte de la convergence de la télévision linéaire avec les services en ligne désormais accessibles avec les téléviseurs connectés.
Les questions qu’il nous faut résoudre ensemble sont notamment : comment assurer la protection des jeunes publics, la protection de la vie privée, le financement par tous les acteurs de la création, la neutralité des réseaux, etc.

Télévision et presse délinéarisées : même combat

En fait. Le 13 décembre, se sont tenues les quatrièmes Assises de la convergence des médias – télévision et presse en tête – organisées par l’agence Aromates à l’Assemblée nationale, sous le parrainage du député Patrice Martin-Lalande, co-président du groupe d’études sur l’Internet.

En clair. Google et Apple sont les deux géants mondiaux du Net les plus redoutés
de la télévision et la presse françaises. D’autant qu’ils ne sont pas soumis à la règlementation nationale devenue « désuète » ou « obsolètes », si l’on en croit Olivier Freget, avocat associé chez Allen & Overy. Voilà deux médias confrontés à la déliénarisation de leurs contenus : décomposition de la grille des programmes de télévision au profit de la VOD (1) et à la télévision de rattapage, d’une part, et démembrement de l’oeuvre collective pour les journaux au profit de la diffusion article par article sur tous les terminaux de lecture, d’autre part. Cette « défragmentation du marché », selon l’expression d’Eric Cremer, vice-président de Dailymotion, est une opportunité pour de nouveaux entrants mais une menace pour les positions jusqu’alors bien établies des chaînes de télévision et des groupes de presse. Google est un
« partenaire » de plus en plus encombrant : face à Google TV et Apple TV, les chaînes de télévision françaises se sont liguées contre le « parasitage » de services Web (2) venant en surimpression de leur programmes (3) ; face à Google News et iTunes d’Apple, les éditeurs de journaux veulent faire front et rependre la maîtrise de leurs tarifs (4) en créant un kiosque numérique commun. Côté télévision, Gérard Leclerc, PDG de LCP-Assemblée nationale, s’est rallié à la charte « TV connectée » pour
« éviter que les programmes de télévision ne soient pas pollués par des contenus
du Web ». Côté presse, Francis Morel, directeur général du groupe Le Figaro, s’est exprimé en tant que président du SPQN (5) : « Nous ne voulons pas nous faire dicter les conditions tarifaires par Google ou par Apple. De plus, [par ce biais] nous ne connaissons par nos internautes. C’est inacceptable », s’est-il insurgé. Dans les deux cas, comme le constate Yves Gassot, directeur général de l’Idate (6), « nous avions l’habitude du “content is king” ; il faudrait plutôt dire “device is king” ». Les télévisions
et les journaux voient en effet monter dans l’échelle des valeurs les fabricants de terminaux interactifs, les téléviseurs connectés pour les premières et les tablettes multimédias pour les seconds. Et ce avec des risques de « verrouillage » de la base de clients. La réglementation devra s’adapter elle aussi. « Doit-on aller vers une régulation des contenus sur Internet ? », s’interroge Emmanuel Gabla, membre du CSA, organisateur en avril 2011 d’un colloque sur la TV connectée tentera d’y répondre. @

La TV connectée menace les chaînes de télévision et les opérateurs Internet

Le salon est le théâtre d’une bataille inédite pour prendre le contrôle des abonnés équipés d’un téléviseur connecté à Internet. Cet écran interactif bouscule déjà la chaîne de valeur où s’étaient confortablement installés les éditeurs de télévision
et les fournisseurs d’accès à Internet.

Haro sur les téléviseurs connectés. Philips, Samsung, Sony, LG, Sharp, Toshiba, Panasonic ou encore Technicolor : depuis que les fabricants de postes de télévisions commercialisent des modèles connectables et nouent des partenariats éditoriaux
avec des fournisseurs de contenus interactifs (Yahoo, Google, Amazon, Dailymotion, Apple, …), rien ne va plus dans le nouveau paysage audiovisuel français. D’autant qu’il
se sera vendu en France – Noël aidant – quelque 2 millions de téléviseurs connectés cette année, selon les estimations du Syndicat des industries de matériels audiovisuels (Simavelec). Tandis que le cabinet d’études DisplaySearch table sur la vente de
40 millions d’unités dans le monde, toujours cette année.