Philippe Citroën, Simavelec : « Les fabricants de téléviseurs connectés sont prêts à discuter du financement de la création »

Le président du Syndicat des industries de matériels audiovisuels électroniques (Simavelec), par ailleurs DG de Sony France, se dit prêt à « trouver un juste équilibre » avec les chaînes de télévision. Il explique aussi pourquoi son organisation est sur le point de saisir le Conseil d’Etat contre la dernière décision
« copie privée ».

Propos recueillis par Charles de Laubier

Edition Multimédi@ : La charte « TV connectée »
signée par les seules chaînes de télévision (TF1,
France Télévisions, M6, Canal+, NextRadioTV, …) a maintenant cinq mois. Avez-vous répondu formellement – le Simavelec ou les fabricants – aux éditeurs de chaînes de télévision sur cette charte que vous
avez jugée « sans fondement juridique » ?
Philippe Citroën (photo) :
Le Simavelec n’a pas répondu formellement à cette charte (1). Mais, que ce soit en tant qu’association professionnelle ou en tant que fabricant, les contacts sont nombreux et permanents avec les éditeurs de chaînes de télévision qui en sont les signataires.
Les termes de cette charte ont pu en surprendre plus d’un, mais nous nous inscrivons résolument dans une optique de collaboration avec les chaînes (2), afin de trouver un juste équilibre pour chacun : celui qui résulte de la convergence de la télévision linéaire avec les services en ligne désormais accessibles avec les téléviseurs connectés.
Les questions qu’il nous faut résoudre ensemble sont notamment : comment assurer la protection des jeunes publics, la protection de la vie privée, le financement par tous les acteurs de la création, la neutralité des réseaux, etc.

EM@ : Le Simavelec table en France sur 2,6 millions de postes TV « connectables » en 2011 (+ 240 %) ; or seul « un quart » ont été « connectés » l’an dernier (moins de 200.000) : pourquoi un tel décalage, alors que 18 millions de foyers ont accès à Internet ? Les box ou les disques durs multimédias connectés ont-ils déjà gagné la bataille ?
P. C. :
Nous ne sommes qu’au début de l’introduction des téléviseurs connectés. Il faut que les usages s’installent et que l’offre de contenus croisse et se diversifie. Nous faisons le pari de la simplicité et de la richesse des catalogues adaptés à l’écran de télévision et nous ne doutons pas que la TV connectée monte rapidement en puissance face aux box et autres disques durs multimédias. La distribution l’a d’ailleurs bien compris, qui va de plus en plus mettre en oeuvre des démonstrations de téléviseurs connectés dans les points de vente afin que les consommateurs puissent pleinement mesurer les avantages de ces téléviseurs.

EM@ : Depuis plus d’un an, le Bureau de liaison des organisations du cinéma (Bloc) demande que les fabricants – ou leurs importateurs – de « terminaux de réception interactifs » tels les téléviseurs connectés – soient obligés d’investir
dans le cinéma. Est-vous prêts à financer la création audiovisuelle et cinématographique ?
P. C. :
La convergence du monde du « broadcast » avec celui du « broadband » va probablement entraîner des changements majeurs dans la chaîne de valeur et nous sommes prêts à discuter de la contribution de chacun au financement de la création. Une chose est sûre : nous ne voulons pas d’un système déséquilibré et inéquitable de taxation qui, à l’instar de celui de la rémunération pour copie privée, créerait des distorsions de concurrence. D’ailleurs, une réflexion législative pour une modification en profondeur
des mécanismes de financement de la copie privée serait la bienvenue.

EM@ : La décision « copie privée » n°13 du 12 janvier, parue au J.O. le 28 janvier, est entrée en vigueur au 1er février. Quand allez-vous saisir le Conseil d’Etat contre ces nouvelles taxes touchant notamment « certaines » tablettes ? Pourquoi la réforme de la commission Albis/Hadas-Lebel ordonnée par le Conseil d’Etat en 2008 ne donne pas satisfaction ?
P. C. :
Voilà des années que le Simavelec dénonce, non pas le principe de la rémunération pour copie privée et la juste rémunération des ayants droits, mais un système qui est à bout de souffle tant il est malmené par la technologie. Il en résulte, depuis longtemps d’ailleurs, des situations absurdes et créatrices de déséquilibre concurrentiel. De plus, des solutions techniques intelligentes comme celles d’intégrer
de la mémoire dans nos produits, par exemple sur les téléviseurs, notamment pour désengorger le Net, ne sont pas envisagées en raison de cette taxation lourde et sur
bien d’autres points. La dernière décision ne semble pas échapper à cette règle et le Simavelec entend effectivement la contester devant le Conseil d’Etat. Il y a actuellement des discussions entre industriels tant sur le fond que sur la forme de ce recours qui sera déposé dans les prochaines semaines. Le mode de fonctionnement et le rapport de force au sein de la commission de la rémunération pour copie privée n’ont, en définitive, pas changé malgré la décision du Conseil d’Etat de 2008.

EM@ : Etes-vous favorable au « rapprochement » évoqué par Eric Besson entre CSA, Arcep et ANFR pour la gestion des fréquences ? Celles du dividende numérique pour la 4G/LTE vont être attribuées d’ici l’été : en attendant un
2e dividende numérique avec norme DVB-T2, l’audiovisuel est-il perdant face
aux télécoms ?
P. C. :
Il ne nous appartient pas de nous prononcer sur un rapprochement entre les différentes autorités que vous mentionnez. Le Simavelec travaille de longue date avec chacune d’entre-elles, de manière constante et efficace. Si nos interlocuteurs évoluent, nous nous adapterons. Concernant le dividende numérique, il s’agit d’un sujet sur lequel nous sommes particulièrement vigilants. Le succès de la TNT tient non seulement à la qualité technique et la richesse de chaînes qu’elle apporte mais aussi
au fait qu’elle s’inscrit dans un historique français de télévision hertzienne gratuite, accessible à tous.
Il faut préserver cette capacité à toucher le plus grand nombre par voie hertzienne
avec une télévision numérique en haute définition aujourd’hui et encore plus demain,
et pourquoi pas en 3D aussi. Si de nouvelles technologies de compression apparaissaient, il serait crucial que les gains en fréquences obtenus restent dans le domaine de l’audiovisuel et permettent d’améliorer les contenus et services. Ainsi, il est indéniable qu’avec le DVB-T2 on pourrait tirer avantage pour offrir plus – et j’allais dire «mieux » – de programmes : généralisation de la HD et arrivée de la 3D en hertzien. Mais c’est avant tout une décision politique car, d’un point de vue technique, le DVB-T2 est déjà utilisé au sein de l’Union européenne – en Grande-Bretagne.

EM@ : Verra-t-on des téléviseurs 4G/LTE ? En outre, les fabricants sont-ils prêts pour la Télévision mobile personnelle (TMP) et la Radio numérique terrestre
(RNT) ?
P. C. :
Sur la question des téléviseurs 3G/LTE, je vous laisse le soin d’interroger directement les constructeurs car cela relève pour l’instant de leurs stratégies propres.
En ce qui concerne la RNT, les constructeurs l’appellent de leurs vœux depuis des années. Ce n’est pas une question de disponibilité de produits. Si la décision politique de lancer la RNT était prise, les produits arriveraient sur le marché dans un délai de neuf à douze mois. Quant à la TMP, ce n’est pas là également une question de disponibilité de produits, mais bien de modèle. @