Avec DVB-T2 et Mpeg4, la TNT pourrait résister au Net

En fait. Le 12 septembre, Michel Boyon, le président du CSA a rendu public
son rapport sur « l’avenir de la télévision numérique terrestre [TNT] », remis
le 9 septembre au Premier ministre – lequel l’avait missionné le 20 mai dernier.
Il plaide pour passer au DVB-T2, en même temps que Mpeg4.

En clair. Sans que cela soit dit explicitement dans le rapport du président du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), le passage rapide et simultané de la TNT vers deux nouvelles normes – Mpeg4 (compression) et le DVB-T2 (diffusion) – permettrait aux chaînes françaises – historiques en tête – de mieux résister à l’arrivée prochaine de grands acteurs de l’Internet. Le spectre de Google TV, Apple TV, de Hulu ou encore Netflix, plane sur le PAF(1), bien que Michel Boyon n’évoque que brièvement la TV connectée, la télévision de rattrapage(2) et la vidéo à la demande. Si la norme HbbTV
est par Michel Boyon comme « un premier garde-fou, voire une première réponse »
des chaînes françaises pour garder le contrôle de la TV connectée face aux acteurs de l’Internet ou aux fabricants de téléviseurs connectables, le DVB-T2 et le Mpeg4
pourraient leur donner de l’avance, notamment en haute définition (HD). Et ce, avant
que la concurrence de la « désintermédiation » ne soit frontale.
Le problème est que ni TF1 ni M6, qui souffrent déjà de la TNT gratuite en termes d’audience et de publicité (érosions), ne souhaitent l’arrivée de nouvelles chaînes. Ces chaînes privées historiques ont donc de quoi être satisfaites du rapport Boyon, lequel suggère au gouvernement de passer tout de suite au DVB-T2 pour les multiplex R7 et R8 (huit chaînes supplémentaires) qui vont faire l’objet d’appels à candidatures. Car entre la décision de passer à une la norme DVB-T2, combinée avec le Mpeg4 pour « optimiser les fréquences » (3), et la date de disponibilité des équipements (adaptateurs ou téléviseurs), il peut s’écouler 12 à 18 mois. Autrement dit, des groupes comme NextRadioTV ou NRJ
– désireux de lancer de nouvelles chaînes – ne pourront adresser pendant cette période que les téléspectateurs de l’ADSL, du satellite et des réseaux câblés, soit 45 % seulement de la population française. Ce serait cher payer pour ce double investissement. Le rapport Boyon préconise en effet de « coupler les deux normes » Mpeg4 et DVB-T2 en vue de basculer la TNT : « Il est proposé d’assurer la meilleure articulation entre, d’une part, la généralisation du Mpeg4 et l’arrêt du Mpeg2, envisageables à compter de 2015 ou 2016, et, d’autre part, la mise en service du DVB-T2 ». Le Mpeg4 permettra à un multiplex de transporter dix chaînes en définition standard au lieu de six en Mpeg2. Le DVB-T2, lui, diffusera quatre chaînes par multiplex en HD au lieu de trois. @

L’Hadopi survivra-t-elle à l’élection présidentielle ?

En fait. Le 6 septembre, Martine Aubry – candidate socialiste à l’élection présidentielle – a réaffirmé son opposition à la loi Hadopi que le PS entend abroger. Devant quelques journalistes, la candidate aux primaires propose à la place de « prélever de 1 à 2 euros euros sur l’abonnement mensuel à Internet pour financer les droits d’auteur ».

En clair. Les jours sont comptés pour la loi Hadopi qui a institué la Haute autorité pour
la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet. Du moins si l’on en croit Martine Aubry. « Cette mesure a amené à opposer les jeunes au monde de la culture.
Au lieu d’interdire, on travaille sur l’idée de prélever 1 à 2 euros sur l’abonnement mensuel à Internet pour financer les droits d’auteur, ainsi que l’aide à la création », a-t-elle déclaré. « Hadopi sera abrogée et les échanges sur Internet seront dépénalisés », a-t-elle ajouté. L’autorité administrative de la réponse graduée serait supprimée au profit d’une Commission nationale des libertés numérique issue d’un élargissement
des compétences de la Cnil (1). L’ex premier secrétaire du PS fait de l’abrogation de l’Hadopi est un de ses chevaux de bataille. Le 22 juin, elle déclarait sur « Rue89 » :
« L’abandon de la loi Hadopi, coûteuse et à contretemps, me paraît donc aller de soi. Voilà pourquoi nous sommes décidés à l’abroger ». Et le 17 juillet sur « Europe 1 » :
« J’ai toujours été contre l’Hadopi [mais] extrêmement attachée au droit d’auteur. (…) Nous proposons une contribution de l’ordre de 2 euros […] qui sera payée en même temps que l’abonnement à Internet ». Martine Aubry n’est cependant par la première
à tirer à boulets rouges sur l’Hadopi. Rappelons que Jacques Attali qualifiait l’Hadopi
de « loi scandaleuse et ridicule » (mars 2009) et déclarait « On a une guerre de retard » (août 2009). Même Nicolas Sarkozy, dont il est le conseiller, avait fait un aveu le 27 avril dernier devant le CNN (2) : « Je prends (…) ma part de l’erreur » ! Et récemment (le 30 août), le journaliste Christophe Hondelatte lançait : « La loi Hadopi est un leurre. » !
Dans le programme du PS pour 2012, l’Hadopi est bien dans le collimateur : « Il sera
de notre responsabilité d’inventer les nouveaux modèles démocratiques de l’économie de la culture et de l’information qui ne passent [pas] par Hadopi » (3). Quand à la contribution de 1 à 2 euros par mois sur les abonnements Internet, elle avait déjà été exposée (à 2 euros) le 17 juillet par Martine Aubry. Aujourd’hui, elle précise : « Ce prélèvement concernerait d’abord la musique. Les industries du cinéma et du livre
sont très différentes et, financièrement, souffrent moins du téléchargement illégal ».
A 2 euros, cette licence globale rapporterait 600 millions d’euros par an. @

Pourquoi Netflix pourrait être tenté par la France

En fait. Le 26 août est parue au « Journal Officiel » l’ordonnance de transposition du Paquet télécom qu’Eric Besson – ministre en charge notamment de l’Economie numérique – avait présentée en Conseil des ministres le 24 août,
ainsi que le rapport correspondant au Président de la république.

En clair. Ne cherchez pas « neutralité des réseaux » et encore moins « neutralité d’Internet » dans le texte de l’ordonnance de transposition du Paquet télécom : ce principe n’y apparaît pas explicitement. Certes, le texte soumis ce 24 août au président de la République Nicolas Sarkozy mentionne bien dans ses motifs deux objectifs :
« garantir la neutralité des réseaux » et « promouvoir la neutralité des réseaux », mais l’ordonnance elle-même ne repend pas ces termes. En fait, il faudra désormais s’en remettre aux opérateurs télécoms, dont les obligations sont accrues, et à l’Arcep, dont les pouvoirs sont renforcés. Pour les internautes et les mobinautes, l’article 3 complète le Code des postes et des communications électroniques pour que « [le ministre chargé des communications électroniques et l’Arcep] veillent (…) à favoriser la capacité des utilisateurs finals à accéder à l’information et à en diffuser ainsi qu’à accéder aux applications et services de leur choix ». S’il n’est pas satisfait, le consommateur pourra faire jouer la concurrence en changeant d’opérateur télécoms ou de fournisseur d’accès
à Internet (FAI). Encore faut-il que ces derniers informent correctement leurs abonnés. C’est ce que prévoit l’article 33 de l’ordonnance. Sur les treize informations que doivent donner les fournisseurs aux consommateurs « sous une forme claire, détaillée et aisément accessible », quatre touchent de près ou de loin la neutralité du Net : niveau de qualité, procédures pour mesurer et orienter le trafic, restrictions à l’accès à des services et à leur utilisation (ainsi qu’à celle des équipements terminaux fournis), mesure afin de réagir à un incident ayant trait à la sécurité ou à l’intégrité (1). Cela suppose qu’en amont le gouvernement et le régulateur « veillent à l’exercice de la concurrence relative à la transmission des contenus (…) », et « fixent des obligations en matière d’accès » et fassent respecter le « principe de non discrimination ». Pour y parvenir, l’Arcep « peut [c’est-à-dire qu’elle n’est pas obligée, ndlr] fixer des exigences minimales de qualité de service » (article 16) et « peut également être saisie des différends portant sur (…) les conditions réciproques techniques et tarifaires d’acheminement du trafic entre un opérateur et une entreprise fournissant des services de communication au public en ligne [tels que Google/YouTube, Facebook, Dailymotion, etc, ndlr] » (article 17). Les rapports de force peuvent commencer, comme dans la plainte récente de Cogent contre Orange. @

Pourquoi l’Arcep doit devenir un “super-régulateur”

En fait. Le 28 juin, l’Arcep a publié une étude – qu’elle avait confiée au cabinet d’avocats Hogan Lovells (associé au cabinet d’études Analysys Mason) – sur
« le périmètre de la notion d’opérateur de communications électroniques ». Télécoms et Internet : la mission du régulateur ne peut plus être « cantonnée ».

En clair. Créée il y a exactement quinze ans maintenant par la loi du 26 juillet 1996 sous le nom de l’ART (Autorité de régulation des télécommunications), l’Arcep (Autorité de régulation des communications électroniques et des postes) s’interroge aujourd’hui sur les « opérateurs » qu’elle doit réguler. Car, avec la multiplication des fournisseurs de services sur Internet, des opérateurs de réseaux de distribution de contenus Internet ou CDN (1), des acteurs de cloud computing(lire p. 7), des opérateurs mobiles virtuels ou MVNO (2), des plates-formes d’échanges ou de partages sur le Web (3), ou encore les fabricants de terminaux interactifs (smartphones, tablettes, TV connectée), il y aurait pour l’Arcep de quoi en perdre son latin ! Dans cette étude, la seconde du genre en Europe (après la Suède), le cabinet Hogan Lovells estime que les CDN, comme Akamai, pourraient être qualifiés d’« opérateurs des communications électroniques et fournisseurs » (4) par l’Arcep. Il en va de même pour les prestataires de voix sur IP comme Skype.
En revanche, ne sont pas « opérateurs » les acteurs du cloud computing comme Amazon ou Microsoft, ainsi que les plates-formes vidéo, comme Dailymotion ou YouTube. Ne sont pas non plus « opérateurs » les éditeurs de presse en ligne commeLes Echos, pas plus que les éditeurs de livres numériques comme l’iPad d’Apple. Pour être fixée, l’Arcep doit procéder à des tests dits « de proportionnalité ». La disparition des frontières, sous l’effet de la convergence, entre les « opérateurs »
et les acteurs du Web lui complique la tâche : les deux peuvent offrir le même service.
« Si le périmètre de l’action de l’Arcep restait cantonné aux opérateurs de communications électroniques tels que définis traditionnellement, il pourrait s’avérer difficile pour [elle] d’atteindre l’ensemble des objectifs qui lui sont confiés par le législateur national et communautaire », prévient l’étude. Surtout que le tout-IP « aurait pour effet de restreindre le champ d’application de la réglementation ». L’avenir s’annonce donc complexe pour l’Arcep, tant la notion d’« opérateur » est devenue
à géométrie variable. Dès que le gouvernement aura transposé par ordonnance le Paquet télécom, soulignent les experts, « la compétence de l’Arcep se trouvera élargie et pourra s’étendre à des personnes qui ne sont ni fournisseur de services de communications électroniques, ni opérateur de réseaux ».
Le régulateur devra même faire respecter la neutralité du Net au profit des internautes
et des mobinautes (5). Un super-régulateur en somme. @

Comment l’Hadopi va devenir « multiculturelle »

En fait. Le 10 mai, à la suite d’une visite de 45 minutes dans ses locaux de l’Hadopi, le ministre de la Culture et de la Communication a réaffirmé sa « totale confiance » et son « total appui » à l’Hadopi. Mais il faudra attendre son rapport annuel mi-juillet pour avoir des résultats chiffrés.

En clair. A défaut de chiffres pour juger de l’efficacité de son action, il faudra attendre
le premier rapport annuel de l’Hadopi « mi-juillet » et se contenter pour l’heure des résultats de sa seconde enquête effectuée auprès de 1.500 internautes (1) : 50% de ceux qui ont reçu ses e-mails d’avertissement déclarent « arrêter » de pirater (2). A ce stade, aucun dossier litigieux n’a été transmis à la Justice. « L’idée est de pas envoyer des internautes au tribunal », a assuré Frédéric Mitterrand. L’absence de résultats ou de procès pourrait laisser perplexe les ayants droits non seulement de la musique et du cinéma, mais surtout des autres industries culturelles. La présidente de l’Hadopi, Marie-Françoise Marais, nous a répondu le 10 mai sur cette ouverture à d’autres secteurs :
« Nous avons des contacts avec aussi bien avec le [secteur du] jeu vidéo que pour le [secteur du] livre pour savoir s’ils vont rejoindre ou pas [l’Hadopi]. Certains nous ont fait savoir qu’il envisageaient de rejoindre assez rapidement le système mis en place ».
Les jeux vidéo et les livres numériques devraient ainsi faire l’objet d’une surveillance sur Internet. Reste à savoir si le Syndicat national de l’édition (SNE) et le Syndicat des éditeurs de logiciels de loisir (SELL), qui vont demander leur autorisation à la Cnil, retiendront ou pas le même prestataire très discret qu’est la société nantaise Trident Media Guard (TMG). En attendant d’élargir son champ d’action à d’autres contenus, l’Hadopi a commencé à labelliser des offres légales de téléchargement. « Je suis particulièrement satisfait de la diversité de cette première vague [de labellisation]: diversité de contenu d’abord, avec dix offres de musique, cinq de vidéo à la demande, trois de jeux vidéos et logiciels, et une de photos », s’est félicité Frédéric Mitterrand. Dix-neuf dossiers de demande du label « Hadopi offre légale » sont sur le point d’être acceptées sur un total d’une trentaine de déposés. Le Code de la propriété intellectuelle prévoie aussi que l’Hadopi « veille à la mise en place (…) d’un portail de référencement de ces mêmes offres ». « Nous ne pensons pas avoir une version bêta cohérente du meta-portail avant la fin de l’année, même s’il y aura des étapes intermédiaires. La campagne de communication mi-juin s’accompagnera en effet d’un site Internet [Offreslegales.fr ?, ndlr]. Ce meta-portail sera multiculturel, avec à la fois des offres de musiques, de films, de livre ou encore de jeux », a expliqué Eric Walter, le secrétaire général de l’Hadopi. @